Dominicaines du Saint-Esprit

L’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit est une société de vie apostolique de droit pontifical, qui regroupe une centaine de sœurs enseignantes. Les sœurs sont des vierges consacrées, vivant en communauté, au sein de l’Ordre de saint Dominique et sont proches des mouvements traditionalistes.

Ne doit pas être confondu avec Dominicaines du Saint Esprit de Florence.

Dominicaines du Saint-Esprit
Ordre de droit pontifical
Approbation pontificale 1964
par Paul VI
Institut Société de vie apostolique
Type Apostolique
Spiritualité Dominicaine
Règle Règle de saint Augustin
But Enseignement, retraite spirituelle, récitation de l'office
Structure et histoire
Fondation 1943
Pontcallec
Fondateur Victor-Alain Berto
Mère Marie Dominique Renault
Abréviation D.S.E
Patron Notre-Dame de Joie, Catherine de Sienne
Rattaché à Ordre des Prêcheurs
Site web dominicaines-du-saint-esprit.fr
Liste des ordres religieux

Charisme

L’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit a été fondé par Victor-Alain Berto à Pontcallec en reprenant le charisme virginal et dominicain vécu par sainte Catherine de Sienne. Selon les constitutions de cet Institut, « Les vierges consacrées rendent au Christ un amour sans partage ; elles honorent le mystère de l’Église, épouse du Christ ».

Elles partagent une vie communautaire, rythmée par l’office au chœur chanté en grégorien, et étudient la théologie de l’Eglise, en particulier des œuvres de saint Thomas d’Aquin. Leur vie commune s’inspire de la Règle de saint Augustin, adoptée par l’Ordre de saint Dominique : « Tout d’abord pourquoi êtes-vous réunis sinon pour habiter ensemble dans l’unanimité, ne faisant qu’un cœur et qu’une âme en Dieu ? » [1]

Le vocable du Saint-Esprit a été choisi pour honorer la Troisième Personne de la sainte Trinité, que Jésus appelle l’Esprit de Vérité. La devise de l’Institut est donc « Spiritus veritatis », Esprit de vérité.

La maison-mère des Dominicaines du Saint-Esprit est située au château de Pontcallec (Morbihan). Toute leur œuvre est confiée à la protection de Notre-Dame de Joie.

Les Constitutions des sœurs mentionnent également un grand attachement au Saint-Siège romain. Comme celui de sainte Catherine de Sienne, seconde patronne de Rome, elles revendiquent un sens aigu de la romanité, selon les principes transmis par leur fondateur, l’abbé Berto. La docile fidélité à l’Église, qu’elles cherchent à communiquer dans leurs maisons d’éducation, se veut la substance même de leur Institut. Auprès des enfants qui leur sont confiés, elles veulent représenter l’Église qui est Mère, d’où le vocable de « mères » par laquelle ces religieuses tiennent à être appelées.

Historique

L'institut est fondé par Victor-Alain Berto, prêtre français du diocèse de Vannes et tertiaire dominicain. Aumônier du collège des Ursulines de Vannes[2], Victor-Alain Berto rencontre parmi les jeunes élèves celles qui seront les premières Dominicaines du Saint-Esprit. C’est durant la Seconde Guerre Mondiale que ces jeunes filles viennent lui prêter main forte pour tenir un orphelinat de garçons situé à la Bousselaie puis à Fescal (Péaule, Morbihan). Les locaux s’avérant trop étroits, l’œuvre de Notre-Dame de Joie déménage au château de Pontcallec en 1955. Une chapelle y est adjointe en 1966 et le domaine est transformé en couvent. Les orphelins accueillis au Foyer Notre-Dame de Joie[3] sont constitués en manécanterie[4] et apprennent le chant grégorien quotidiennement.

Le Père Emmanuel Cathelineau, provincial des dominicains de Lyon érige la fraternité le 27 mars 1943.

En 1949, le maître de l'ordre, Manuel Suarez (es), accorde à la Fraternité la faculté de porter l'habit dominicain et, en 1964, avec l'accord du Saint-Siège, l'association est reconnue comme institut propre à l'ordre des Prêcheurs. En 1995, les constitutions de l'institut sont définitivement approuvées, ainsi la commission Ecclesia Dei, dicastère de la Curie romaine, aujourd’hui dissout, reconnaît comme société de vie apostolique la communauté[5].

En 2006, le Provincial de France de l'ordre des dominicains, Bruno Cadoré, agrège à l’Ordre le « Groupe fraternel Notre-Dame de Joie », groupement de fidèles unis à l’Ordre par l’intermédiaire des dominicaines du Saint-Esprit.

Jusqu'en 2020, les dominicaines du Saint-Esprit étaient rattachées à la commission pontificale Ecclesia Dei, compétente pour les communautés religieuses qui suivaient la forme extraordinaire du rite romain. En juin 2020, le Pape François a confié au cardinal Marc Ouellet, Préfet de la Congrégation des évêques et proche de Mère Marie de l'Assomption (Emilie de Vigouroux d’Arvieu)[6], le soin de diligenter une visite apostolique de l'institut.

La prieure générale actuelle est mère Marie de Saint-Charles, sœur de l'homme politique Nicolas Bay[7].

Enseignement

Maison-mère des sœurs, au château de Pontcallec.

Les Dominicaines du Saint-Esprit gèrent quatre écoles en France : Saint Thomas d’Aquin à Pontcalec sur la commune de Berné[8], l'institution Saint-Pie-X à Saint-Cloud[9], Sainte-Catherine de Sienne à Nantes[10] et Saint-Dominique à La Baffe proche d'Épinal [11].

En 2021, les Dominicaines du Saint-Esprit se retirent de la gestion de l'école Saint-Joseph à Draguignan fondée en 1985[12].

Les écoles des Dominicaines du Saint-Esprit, sont hors-contrat ou sous contrat simple et proposent les différents cycles d’enseignement : école maternelle, école élémentaire, collège, lycée. L'enseignement est d'ordre philosophique et littéraire sans préparation au baccalauréat scientifique, le latin est obligatoire dès la 6e. Enfin le catéchisme, « la lumière éclairant tout le reste », est dispensé aux élèves[7],[9].

Visite apostolique et ses conséquences (2020-2022)

En octobre 2020, après une visite apostolique demandée par le cardinal Marc Ouellet, et faite par Dom Jean-Charles Nault, abbé de Saint Wandrille et Mère Emmanuel Desjobert abbesse de Sainte-Marie de Boulaur (Gers)[7],[13], trois religieuses de l'institut font l'objet de mesures : à deux d'entre elles, il est demandé de se mettre à l'écart, pour des durées restreintes de trois mois (Mère Marie Pia, ancienne prieure générale de l'Institut) et huit mois (Mère Marie de Saint-Denis), dans le but exprimé qu'elles puissent prendre de la distance et se reposer. La troisième, Mère Marie Ferréol (née Sabine Baudin de la Valette), « en raison d'un motif lié aux exigences de sa vie consacrée quant à son attitude en Communauté et à ses propos qui pourraient être qualifiés comme étant "sources de divisions et de discorde" », est exclaustrée pour trois ans renouvelables, avec interdiction de communiquer avec sa communauté, « dans le but de mener une vie de pénitence ». Elle doit alors quitter son couvent sur le champ. La décision serait prise au nom du pape François par le cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, qui n'a pas autorité sur les ordres de vie consacrée[14].

Sa mise à l'écart soudaine, le 27 octobre 2020, déclenche l'inquiétude de certaines religieuses et de sa famille. La prieure générale de l'Institut ne communiquant pas dans un premier temps sa nouvelle adresse, une des sœurs, de la fratrie de la recluse porte plainte au commissariat du Puy-en-Velay et une autre au commissariat d'Issoire. La supérieure générale est convoquée à la gendarmerie du Faouët et une enquête est ouverte au parquet de Lorient[7]. La religieuse réside en fait en l'abbaye Sainte-Cécile de Solesmes jusqu'en janvier 2021, date à laquelle elle rejoint l'abbaye Notre-Dame de Randol pour se rapprocher de ses parents, nonagénaires.

Des conflits d'intérêts sont mis en avant par les journalistes de L'Homme nouveau, du Monde et du Journal de Montréal[15]. L'une des dominicaines du Saint Esprit, Mère Marie de l'Assomption (Emilie de Vigouroux d’Arvieu), est docteure en théologie[6] et proche de Marc Ouellet qui a préfacé sa thèse, à la soutenance de laquelle il a assisté[14],[7]. Dans cette thèse, elle prend nettement position contre le livre Surnaturel d'Henri de Lubac[16]. Beaucoup de dominicaines — dont Mère Marie Ferréol — ne partagent pas sa vision du thomisme. En outre, à plusieurs reprises, d'après le journal Le Monde[7], Mère Marie de l'Assomption a publiquement fait preuve d'« animosité » et tenu « des propos virulents » à l'égard de Mère Marie Ferréol. Or, outre d'être une amie du cardinal Ouellet, Mère Marie de l'Assomption est également très proche de Dom Jean-Charles Nault, abbé de Saint-Wandrille et visiteur apostolique nommé par le cardinal en personne.

À la suite de sa sanction, Mère Marie Ferréol a reçu le soutien d'anciens élèves et de plusieurs personnalités laïques et religieuses, tels que Dom Bertrand de Hédouville, abbé de Randol, le dominicain Jean-Christophe de Nadaï et l'historien de l'art Adrien Goetz, ami de longue date de Mère Marie Ferréol[7].

Le journal La Croix, quant à lui, cite le Visiteur apostolique Dom Nault : « Il n'y a pas de délit, donc une procédure pénale n'aurait pas de fondement. Mais il peut y avoir des comportements qui sont en incohérence avec la vie consacrée. On est vraiment dans une question interne à la vie religieuse. » [17].

Par ailleurs, le 27 octobre 2020, la prieure générale Mère Marie de Saint Charles et son Conseil publient sur le site de l'institut un texte rassurant[18] :

«  Ils [les visiteurs apostoliques] ont voulu souligner également la valeur de notre engagement dans l’éducation, l’enseignement et l’accompagnement mis en œuvre dans les écoles de l’Institut, ainsi que la joie contagieuse qui y règne. De manière générale, ils ont tenu à nous encourager afin de favoriser davantage la fécondité spirituelle de notre Institut. Le Saint-Siège confirme le gouvernement actuel et donne toute sa confiance aux sœurs légitimement élues lors du Chapitre Général de 2019. Des questions spécifiques concernant des personnes ou des situations difficiles ont été abordées, et des solutions appropriées ont été recherchées et mises en œuvre. Les Visiteurs nous ont redit l’estime de l’Église pour notre charisme et nous ont engagées à persévérer dans la recherche et la transmission de la vérité, dans une authentique charité.  »

Mais, le , Mère Marie Ferréol est convoquée par la nonciature, qui lui ordonne son renvoi définitif de l'ordre, avec obligation de quitter l'habit dominicain[14]. « La décision vient du pape »[19], à qui elle a néanmoins la possibilité d'adresser une « supplique » dans les dix jours. Pour le magazine L'Homme nouveau, « le motif reste vague, et paraît étrange au bout de trente ans de vie religieuse qui ont suscité de multiples amitiés et une grande reconnaissance de la part de nombreuses élèves qui expriment leur incompréhension sur les réseaux sociaux ». En effet, l'interdiction définitive de vie communautaire est une sanction souvent réservée à des cas d'abus sexuels ou de dérives sectaires. Conseillée par Maître Adeline le Gouvello, avocate au barreau de Versailles, Mère Marie Ferréol fait appel auprès du Saint-Siège[20]

Dans une lettre du pape François du 23 décembre 2021, rapportée par un communiqué de Mère de Saint Charles prieure de l'Institut et son Conseil en date du 29 janvier 2022[21],[22], on peut lire :

«  En des mots d’une gravité toute particulière, [le pape] constate que l’accompagnement dont l’Institut a été l’objet de la part du Siège apostolique depuis le début de son pontificat n’a pas toujours été « adéquat ». Il fait état de « défaillances » de la part de certaines instances de la Curie pontificale, et, soucieux d’en assumer la responsabilité, il présente des excuses à l’Institut. Il reconnaît que l’accompagnement des personnes adultes « victimes d’abus » en 2012-2013 a été déficient, précisant qu’elles n’ont pas été entendues à cette époque par les autorités romaines et que les démarches adaptées de soutien n’ont pas été réalisées. Depuis la Visite de 2020-2021, ces victimes sont accompagnées avec soin. Des procédures étatiques et canoniques sont en cours.

Le Saint-Père précise aussi que la « réhabilitation » du fondateur de l’Institut, le Père Victor-Alain Berto, demandée par la Commission Ecclesia Dei sur la base de son analyse imparfaite de la situation, « ne peut pas être maintenue sans nuances » en raison d’éléments mis en lumière au cours de la Visite apostolique.

L’Institut, conscient de sa responsabilité à l’égard des personnes concernées par ces différents manquements, souhaite leur exprimer ici une demande de pardon et poursuivre le travail de transparence, de vérité et de pacification commencé, selon la demande du Saint-Père lui-même : « Je souhaite que les moyens soient pris pour soulager et permettre la reconstruction des personnes qui en ont besoin ».  »

L'article d'Ariane Chemin dans Le Monde[7] éclaire les allusions du pape à propos des abus et du père Berto[22], fondateur de l'Institut :

«  Lorsque vient son tour de s’exprimer devant les deux « chargés d’audit », la religieuse [mère Marie Ferréol] rappelle sans détour et avec franchise la crise que l’institut a traversée sept ans plus tôt : débats autour de la figure et de la réputation du fondateur (en 1939), le père Berto, querelles autour d’exorcismes illicites et de pratiques d’« intrusion psychospirituelle exercées sur certaines novices » qu’elle avait, à l’époque, « choisi de dénoncer » elle-même auprès de sa supérieure puis de l’évêque de Vannes…  »

Notes et références

  1. Règle de saint Augustin, Prologue, I, 2
  2. Aujourd'hui collège Notre-Dame de Menimur.
  3. L’association Notre Dame de Joie à Pontcallec.
  4. Patoche (GLJD), « Mère Marie Ferreol, Pontcallec et les tradis », Le Libertaire -- Espace internet du groupe libertaire Jules Durand et du journal "Le Libertaire", (lire en ligne).
  5. Rescrit du cardinal Antoine Innocenti, Préfet de la Commission Pontifical Ecclesia Dei, 23 novembre 1995.
  6. Émilie De Vigouroux d’Arvieu, Nature et grâce chez Saint Thomas d'Aquin : l'homme capable de Dieu ; préface du Cardinal Marc Ouellet, Les Plans-sur-Bex (Suisse), coll. « Bibliothèque de la revue thomiste. Section Etudes », (lire en ligne).
  7. Ariane Chemin, « « Je tremble d’être définitivement chassée de ma vocation » : chez les dominicaines du Saint-Esprit, une religieuse dans la tempête », Le Monde, (lire en ligne)
  8. Sophie Prévost, « L’Institut de Pontcallec à la loupe », Le Télégramme, (lire en ligne)
  9. François Krug, « Saint-Pie-X, l’école où Marion Maréchal-Le Pen a trouvé la foi », Le Monde, (lire en ligne)
  10. « Rivalités de clocher », L'Express, 2/02/20oo6 (lire en ligne)
  11. « École secondaire privée Institution Saint Dominique », L'Étudiant, (lire en ligne)
  12. « L’Institution Saint-Joseph », Site de l'école Saint-Joseph, (lire en ligne)
  13. « Communiqué suite aux conclusions de la visite apostolique ».
  14. Ariane Chemin, « Le Vatican confirme l’expulsion sans explication de mère Marie Ferréol, religieuse de Pontcallec », Le Monde, (lire en ligne).
  15. Normand Lester, « Intrigue vaticane. Deux religieuses et Mgr Ouellet », sur Le Journal de Montréal (consulté le )
  16. Voici le résumé de la thèse d'Émilie De Vigouroux d’Arvieu: « "La publication par Henri de Lubac de Surnaturel en 1946, en accusant l’ensemble des thomistes d’infidélité à Thomas d’Aquin sur la question des rapports entre nature et grâce, déclencha une controverse célèbre. Sa démonstration donna ensuite l’impression de s’imposer. Depuis le début du XXIe siècle pourtant, plusieurs études tentent de réhabiliter l’interprétation prédominante depuis Cajetan. Pour reprendre le problème, la seule méthode était une lecture intégrale de l’œuvre thomasienne. Celle-ci permet d’établir que, pour Thomas, la capacité naturelle à la grâce de l’homme n’est pas une puissance obédientielle, et qu’il y a un appétit naturel et inné de l’intellect pour la vision de l’essence divine. Par conséquent, aucune autre fin ultime ou béatitude n’est envisageable en dehors de cette vision. Elle reste cependant gratuite du fait qu’elle est inaccessible aux facultés naturelles. Par-delà la polémique, il s’agit de voir comment s’articulent les relations entre la nature et la grâce chez l’homme concret : dans l’état d’innocence d’abord, puis après le péché originel, en examinant les conséquences de celui-ci, et la restauration apportée par le Christ. On peut ainsi mesurer l’originalité de l’anthropologie de l’Aquinate. Celui-ci donne à la nature une consistance qu’elle n’avait pas chez Augustin. Et s’il intègre Aristote, c’est en le réinterprétant de manière radicale, à la lumière de la révélation." (4e de couverture). ».
  17. Céline Hoyeau, « Questions autour du renvoi définitif d’une sœur de Pontcallec », La Croix, (lire en ligne)
  18. « Communiqué suite aux conclusions de la Visite Apostolique », .
  19. « Troisième communiqué suite aux conclusions de la visite apostolique ». N.B. La lettre du pape du 23 décembre 2021, montre que l'affirmation de l'origine papale de la décision est hasardeuse.
  20. Jeanne Smits, « Tempête chez les Dominicaines du Saint-Esprit. Notre enquête. », L'Homme nouveau, (lire en ligne)
  21. « Communiqué : lettre du pape François aux Dominicaines du Saint-Esprit ».
  22. Sylvaine Salliou, « Exorcisme. Les "excuses" du pape aux dominicaines du Saint-Esprit, de Pontcallec dans le Morbihan », France3 Bretagne, (lire en ligne) .

Voir aussi

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