Droits LGBT en Ouganda
L'homosexualité est considérée comme un sujet tabou en Ouganda. La population LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) est estimée à 500 000 personnes dans le pays[1]. Le gouvernement ougandais considère l'homosexualité comme « la connaissance charnelle contre l'ordre de la nature » (indécence caractérisée)[2].
Code pénal
La situation en Ouganda découle historiquement de l'héritage colonial des lois promulguées sous l'Empire britannique.
L’homosexualité est illégale depuis la législation coloniale britannique, qui promulgue l’article 145 en 1950 pour interdire « toute relation charnelle contre nature » (indécence caractérisée)[3],[4].
Le code pénal de 1950 (révisé) déclare :
- paragraphe 145 (sexuellement neutre)
« Toute personne qui — (a) a connaissance charnelle d'une autre personne contre l'ordre de la nature ; (b) a connaissance charnelle d'un animal ; ou (c) permet à un homme d'avoir un contact charnel avec lui ou elle contre l'ordre de la nature, commet une infraction et est passible de prison à vie. »
- paragraphe 148 (sexuellement neutre)
« Toute personne qui, en public ou en privé, commet un acte d'outrage à la pudeur avec une autre personne ou obtient d'une autre personne qu'elle commette un outrage à la pudeur avec lui ou elle ou tente d'obtenir l'exécution d'un tel acte de toute personne avec lui ou elle ou avec une autre personne, en public ou en privé, commet une infraction et est passible de sept ans de prison. »
- paragraphe 146 interdit de « tenter » de commettre l'infraction spécifiée au paragraphe 145 [7 ans]
Projets de loi de 2009
En 2009, un projet de loi prévoit l'emprisonnement à vie des gays séronégatifs et la peine de mort pour les gays séropositifs. Une sanction de trois années d’emprisonnement est à l'étude pour toute personne qui ne rapporterait pas à la connaissance de la police des faits d'homosexualité dans les vingt-quatre heures. Toute personne impliquée dans la défense des droits des gays et des lesbiennes risque en outre une peine de 7 ans d'emprisonnement[5]. Le 4 février 2010, le président des États-Unis Barack Obama a qualifié ces projets de lois d'« odieux », précisant : « il est impensable de viser des homosexuels et des lesbiennes pour ce qu'ils sont »[6].
Loi de 2013
Le Parlement ougandais adopte le 20 décembre 2013 un projet de loi prévoyant la prison à perpétuité pour les personnes récidivant dans leurs actes homosexuels. La loi est promulguée en février 2014 par le président Yoweri Museveni[7]. Le président Museveni justifie son geste et son retournement sur la base d’un rapport scientifique disant que l’homosexualité n’est pas génétique, cédant aux importantes pressions de son parti, le Mouvement de résistance nationale (NRM), qui a porté et défendu le projet et le groupe de pression évangélique « Born again », inspirés du protestantisme américain[8],[9].
La loi est finalement invalidée en 2014, mais la visibilité donnée par les débats sur le projet de loi a augmenté les violences envers les personnes LGBT[10]. Ainsi, l'ONG Minorités sexuelles en Ouganda recense 264 attaques contre des personnes LGBT de 2014 à 2016 contre 27 de 2012 à 2013[11]. La même année, la Cour constitutionnelle annule pour vice de forme une loi adoptée en décembre 2013, réprimant notamment la « promotion de l’homosexualité » et rendant obligatoire la dénonciation des homosexuels[12].
Vie des personnes LGBT
D'après Jessica Stern (en) de Human Rights Watch : « Pendant des années, le gouvernement du président Yoweri Museveni a régulièrement menacé et vilipendé les lesbiennes et les gays, et a harcelé les militants des droits sexuels »[13]. Le rapport de 2006 du département d'État des États-Unis établit que les homosexuels « font face à une discrimination et à des restrictions légales généralisées ». Il est illégal pour des homosexuels d'avoir des relations sexuelles ; la sentence maximale pour avoir eu de telles relations est la prison à vie[14],[1].
Les gays et les lesbiennes sont discriminés et harcelés par les médias, la police, les enseignants. Un journal ougandais, The Red Pepper, a publié en septembre 2007 la liste d'hommes supposés être homosexuels, plusieurs d'entre eux ayant subi des harcèlements de ce fait[15]. Ce journal a publié une nouvelle liste en avril 2009.
Radio Simba a payé une amende de plus de mille dollars et a dû publier des excuses publiques après avoir accueilli des homosexuels lors d'une émission en direct ; le ministre de l'Information Nsaba Buturo a déclaré que ces mesures reflétaient le souhait des Ougandais de soutenir « les valeurs morales de Dieu ». « Nous n'allons pas leur donner la possibilité d'en recruter d'autres », a-t-il ajouté[16].
En 2010, le journal Rolling Stone publie les noms, photos et adresses de cent homosexuels, sous le titre « Pendez-les ». Poursuivis en justice, les journalistes sont condamnés, ce qui constitue importante jurisprudence pour l'affirmation du droit à la protection de la vie privée en Ouganda[9]. Nommé par le journal, un militant gay ougandais de premier plan, David Kato Kisule, est tué en .
En février 2014, le journal ougandais The Red Pepper publie à nouveau une liste de 200 personnalités supposées homosexuelles[17],[18].
Interdiction du mariage homosexuel
Le 29 septembre 2005, le président Museveni a fait passer dans la loi un amendement constitutionnel interdisant le mariage homosexuel, faisant de l'Ouganda le deuxième pays au monde à le faire, après le Honduras[19]. Selon cet amendement, « le mariage est légal seulement s'il se conclut entre un homme et une femme », et « il est illégal pour les couples homosexuels de se marier »[20].
Militantisme
L'organisation non gouvernementale Minorité sexuelles en Ouganda (Sexual Minorities Uganda), dirigée par Frank Mugisha, est une des principales associations de défense des droits LGBT du pays[11]. D'un principe faîtier[21], elle réunit plusieurs associations LGBT, notamment Freedom and Roam Uganda, qui réunit lesbiennes, personnes trans et personnes intersexes. En 2022, le gouvernement suspend l’association : il rejette une demande d’enregistrement de l’organisation en jugeant son nom « indésirable »[12].
Marché des fiertés
La première marche des fiertés se tient en 2012 à Entebbe[22]. En 2016, la police interdit la tenue de la marche[23], puis le gouvernement interdit la tenue d'événement similaire dans la capitale Kampala en 2017[24].
Répression
En , seize militants de l'organisation Marchons ensemble (Let's Walk Together) sont arrêtés et torturés en étant soumis à des examens anaux forcés[25],[26].
En août 2022, le Bureau national des organisations non gouvernementales, un organe du ministère de l’Intérieur, suspend l'association Sexual Minorities Uganda (SMUG)[27].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « LGBT rights in Uganda » (voir la liste des auteurs).
- "Ugandans hold anti-gay sex rally" BBC News, August 21, 2007. Accessed on August 21, 2007.
- "Homosexuality in Africa" BBC News, June 28, 2002. Accessed on August 21, 2007.
- (en-US) « Ouganda, deux ans après «Kill the Gays» », sur 360.ch (consulté le ).
- (en) « THE PENAL CODE ACT, Unatural offences, art 145 p 68 », sur WIPO, (consulté le ).
- http://www.seronet.info/breve/ouganda-les-etats-unis-et-la-france-denoncent-19659
- "Loi anti-gay en Ouganda, Obama dénonce en projet odieux", Le Parisien, 4 février 2010.
- « Ouganda : vote d'une loi anti-homosexuelle radicale », in Le Figaro, samedi 21 / dimanche 22 décembre 2013, page 10.
- http://www.france24.com/fr/20140224-president-ouganda-promulgue-controversee-loi-anti-gay-homosexualite/ Le Président ougandais promulgue la très controversée loi anti-gay, France 24, 24 février 2014
- Patrick Awondo, Peter Geschiere, Graeme Reid, Alexandre Jaunait, Amélie Le Renard et Élisabeth Marteu, « Une Afrique homophobe ? », Raisons politiques, 2013/1, n°49, p. 95-118.
- « Reportage - Être une personne LGBTQ en Ouganda en 2018 », National Geographic, (lire en ligne).
- Sophie Boutboul, « Frank Mugisha, figure lumineuse de la lutte pour les droits des homosexuels en Ouganda », sur Le Monde, (consulté le ).
- « Kampala suspend la principale organisation de défense des homosexuels ougandaise », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- "Ugandan 'gay' name list condemned" BBC News, September 8, 2006. Accessed on August 21, 2007.
- "Uganda" Country Reports on Human Rights Practices 2006. United States Department of State. Accessed on August 21, 2007.
- "Lesbian, gay, bisexual and transgender people" Amnesty International Report 2007 Uganda. Accessed on August 21, 2008.
- "Fine for Ugandan radio gay show" BBC News, October 3, 2004. Accessed on August 21, 2007.
- Un journal publie un Top 200 des homosexuels.
- (en) « Ugandan 'homosexuals' named in Red Pepper paper », sur bbc.com, .
- "Uganda's Targeting of Gays and Ban on Same-Sex Marriage Condemned" Behind the Mask (African LGBT rights group). October 12, 2005. Accessed on January 29, 2008.
- "Uganda: Press Homophobia Raises Fears of Crackdown" Government Campaign Against Gay and Lesbian Community Escalates Human Rights Watch. September 8, 2006. Accessed on August 21, 2007.
- (en) The 2011 Rafto Prize to Sexual Minorities Uganda (SMUG) and their leader Frank Mugisha, Bergen, Rafto Foundation for Human Rights (en), , 5 p., PDF (lire en ligne).
- (en) Alexis Okeowo, « Gay and Proud in Uganda », sur newyorker.com, (consulté le )
- (en) « Ugandan police block gay pride parade », sur bbc.com, (consulté le )
- (en) Samuel Okiror, « 'No gay promotion can be allowed': Uganda cancels pride events », sur theguardian.com, (consulté le )
- « Seize militants ougandais LGBT contraints à des tests anaux », sur RTBF Info, (consulté le ).
- Bahar Makooi, « En Ouganda, la répression d'État contre les personnes LGBT risque d'ouvrir la voie aux violences », sur France 24, (consulté le ).
- « L'Ouganda suspend la principale organisation de défense des homosexuels », sur KOMITID, (consulté le ).