Eduardo Moreno Bergaretxe
Eduardo Moreno Bergaretxe alias Pertur, né le à Saint-Sébastien et mort vraisemblablement en juillet 1976 à Hendaye, a été un dirigeant de l'organisation indépendantiste basque ETA politico-militaire[1] pendant les dernières années de la dictature franquiste et le début de la Transition. Il a disparu à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques - France) en 1976, sans que l'on n'ait jamais retrouvé son cadavre jusqu'à ce jour. Un temps on accuse 3 policiers de l'avoir enlevé mais la piste ne donne rien. En fait, il est quasi certain que ce sont ses propres compagnons qui l'ont assassiné sous prétexte de révisionnisme, on cite même Apala et Pakito[2].
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(à 25 ans) Hendaye |
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Pertur était l'idéologue de l'organisation et comme tel a mûri l'idée constitutive de cette branche d'ETA, selon laquelle devait se fonder un parti révolutionnaire de gauche qui travaillerait dans la « démocratie bourgeoise » (qui deviendra Euskal Iraultzarako Alderdia, EIA)[3], tandis qu'ETA resterait comme le bras armé. Sa disparition a eu lieu en et a été attribué aux commandos bereziak (commandos spéciaux responsables des actions armées) d'ETApm avec lesquels Pertur avait des divergences sur les stratégies à suivre par l'organisation. Un groupe autodénommé Triple A (Alliance Apostolique Anticomunista), ancêtre du GAL, organisation sous laquelle agissaient des membres des appareils de sécurité de l'État franquiste, a revendiqué l'enlèvement et le meurtre. Les deux hypothèses sur l'auteur du meurtre de Pertur, celle qui désignait les bereziak et celle relative à l'extrême droite, ont été en vigueur tout au long des années, puisque les restes de Moreno Bergaretxe n'ont jamais été retrouvés. En 2007 on a diffusé un documentaire sur ce cas, qui favorisait l'hypothèse du terrorisme d'État. En 2008 on a judiciairement rouvert le cas à la demande de la famille de Pertur. Dans ce jugement on a interrogé d'anciens dirigeants néofascistes italiens qui avaient collaboré avec les bas fonds des services de sécurité espagnols pendant la Transition.
Biographie
Pertur est né dans la ville de Saint-Sébastien, en Guipuscoa, le . Appartenant à une famille de la bourgeoisie donostienne, il a étudié la gestion dans le collège des frères maristes de Saint-Sébastien. Il a continué sa formation supérieure (sciences économiques et entrepreneuriales) à l'EUTG, école dépendant de l'université des jésuites de Deusto, à Bilbao. Il était en cours avec Jaime Mayor Oreja et Gorka Knörr, dirigeants, le premier du Parti populaire et le second d'Eusko Alkartasuna. Il a été toujours considéré comme un « homme d'action », ce qui contraste avec le rôle d'idéologue qu'il a eu au sein d'ETA.
Militantisme à ETA
En 1972 il a essayé d'intégrer l'ETA mais a été rejeté et est passé au « frente cultural » où il a dirigé la revue Hautsi, bulletin interne de l'organisation. En 1973 la VIe Assemblée a débuté à Hasparren (Pays basque français ou Iparralde en basque). Les désaccords dans l'assemblée ont abouti en à la scission qui donnera lieu à ETA politique (ETApm), le secteur majoritaire, et ETA militaire (ETAm). Pertur se révélera comme un des dirigeants et des idéologues d'ETApm, avec Francisco Javier Garayalde alias Erreka. Tous les deux seront les auteurs « du rapport Otsagabia », programme central de l'organisation, approuvé dans la VIIe assemblée générale, qui s'est tenue à Saint-Palais en .
L'enlèvement et le meurtre qui s'ensuit, le , après 21 jours d'enlèvement, de l'industriel Angel Berazadi marquera une rupture au sein des "polimilis" (polico-militaire). La direction a pris cette décision avec trois voix pour et deux contre et une abstention[4]. La section militaire de l'organisation prenant l'avantage, les bereziak (commandos spéciaux), sur les politiques. Il semble que la ligne politique dirigée par Pertur était celle d'accepter la partie de la rançon offerte par la famille du chef d'entreprise. Ce désaccord, parmi d'autres, provoquera la sortie de la majorité des bereziak d'ETApm dans la VIIe assemblée et son retour ultérieur à ETA militaire[5].
Disparition
Le , huit mois après la mort du dictateur Francisco Franco, il est allé à un rendez-vous à 10 heures du matin dans le bar La Consolation de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), avec, selon une note qu'il reçoit peu avant, "une personne qui t'a connue il y a un mois et qui veut te voir de nouveau". Cette personne n'est pas venue. En sortant du bar à 11 h, il rencontre ses compagnons de l'organisation Miguel Ángel Apalategui Ayerbe, alias Apala et Francisco Mujika Garmendia alias Pakito. Pertur leur demande de l'emmener à Urrugne, où il avait une autre réunion. Tous les deux ont déclaré ultérieurement que, après l'avoir conduit jusqu'à la place de Pausu, à Urrugne, proche de la frontière espagnole, ils l'ont laissé là. Ce sera la dernière fois qu'on le voit.
ETApm a directement accusé les groupes para-policiers et l'un d'eux, la Triple A, a revendiqué l'acte. Cependant, quelques secteurs d'opinion ont montré leurs soupçons que les vrais coupables étaient des militants d'ETApm et la famille, dans une conférence de presse accordée en 1978, a défendu cette position. Marta Bergareche, mère de Pertur, a postérieurement déclaré :
- ETA es hoy una banda nazi y mafiosa. En ETA, un pequeño grupo de fanáticos, mafiosos y nazis sigue creyendo que en este país no puede haber democracia.[6]
Depuis cette hypothèse on soupçonne généralement Miguel Angel Apalategui Ayerbe, Eugenio Etxebeste Arizkuren, alias Antxon et Francisco Mujika Garmendia alias Pakito, tous issus des commandos bereziak et futurs militants d'ETAm, comme étant les auteurs du présumé enlèvement et du meurtre de Pertur.
Tous les on se recueille en mémoire de Pertur, où on voit généralement les anciens drapeaux d'EIA.
Les scissions postérieures à ETA
Pertur a été considéré comme le précurseur du parti qui naîtra d'ETA politicco-militaire, Euskal Iraultzarako Alderdia[3], EIA (Parti pour la Révolution Basque), qui en s'alliant avec le Mouvement Communiste d'Euskadi formera la coalition Euskadiko Ezkerra (Gauche d'Euskadi). Euskadiko Ezkerra a fini par se dissoudre et un secteur du militantisme a été intégré dans le Parti Socialiste d'Euskadi, qui s'appellera PSE-EE (Parti Socialiste d'Euskadi - Euskadiko Ezkerra). Un autre secteur formera Euskal Ezkerra[7], pour disparaître peu après. Avec l'auto-dissolution d'ETApm beaucoup de leurs militants ont intégré les rangs d'ETAm, qui deviendra simplement "ETA".
Documentaire El año de todos los demonios
Le cinéaste et ex militant d'ETApm Angel Amigo a présenté en 2007 un documentaire que tend à l'hypothèse de l'implication d'organisations néofascistes. On fait valoir que Pertur a été enlevé par des activistes du néofascisme italien et que ceux-ci l'ont livré à la police espagnole. Dans le documentaire la disparition de Pertur est contextualisée dans l'étape qu'on a vécu entre la mort de Franco et l'arrivée d'Adolfo Suárez à la présidence. Ça a été l'année des événements de Montejurra[8] et de ceux de Vitoria.
Le film se base principalement sur un résumé élaboré par un groupe de juges d'instruction italiens entre 1984 et 1987. Dans celui-ci, ouvert pour faire des recherches sur le meurtre d'un juge italien, on fait des recherches sur les organisations d'extrême droite qui agissaient au Pays basque à l'époque de la mort de Pertur. Un des liens de la recherche est constitué par documents de la DINA Chilienne trouvés en Argentine avec des données sur ces groupes, qui ont aussi collaboré à l'Opération Condor.
Le résumé italien rassemble des déclarations prises à une douzaine de neofascistes "repentis" ou emprisonnés, dans lesquelles ceux-ci affirment leur relation étroite avec les appareils du régime franquiste et leur activité impunie au Pays basque français, sous des ordres d'agents espagnols et avec les moyens fournis par eux. Parmi les opérations menées à bien - comme le meurtre d'Argala - ils commentent l'enlèvement d'un militant d'ETA en 1976 qui a été livré à des agents espagnols pour un interrogatoire ultérieur. À aucun moment il n'est mentionné de Pertur, mais le documentaire fait valoir que, en en tenant compte du fait qu'il n'existe pas d'indices d'aucune autre disparition durant ces années, ils doivent se référer à Pertur. Angel Amigo a dit dans une entrevue publiée dans le journal en basque Berria :
- (el sumario) está archivado. Los jueces italianos intentaron ir mas lejos, pero la policía y la justicia en España les negaron toda colaboración, prueba y detalle. Les interpusieron una pared y no pudieron avanzar más en la inventigación[9]
Le film offre des entrevues avec certains des dirigeants d'ETA de cette époque. Eugenio Etxebeste Antxon - un des bereziak indiqués dans ce cas a eu pour la première fois l'occasion d'exposer son point de vue des faits devant une chambre. Le documentaire rassemble aussi, entre autres, les témoignages et les avis de l'un des juges d'instruction italiens, de deux journalistes qui ont couvert le cas, de l'agent de l'intelligence française Alain Etcheto et du responsable du SECED[10] au Pays basque à cette époque, Angel Ugarte.
Réouverture judiciaire du cas (2008)
En , les parents de Pertur ont présenté une plainte criminelle pour réclamer une recherche sur le cas. Ils ont fait valoir qu'il s'agissait d'une infraction de terrorisme et que c'était l'Audition Nationale qui devait faire des recherches. Le corps de Pertur ayant disparu, l'infraction n'a pas de prescription, puisque celui-ci est permanent jusqu'à l'apparition du cadavre ou on examine son endroit[11].
Selon Angelo Izzo, un néofasciste italien interrogé dans le procès, durant ces années a existé une ferme près de Barcelone où avait été séquestré un membre d'ETA. Ils apportent y compris le nom de la maison : «La Fábrica». Pierluigi Concutelli (terroriste néofasciste des années soixante-dix et condamné à la réclusion perpétuelle), qui à cette période se trouvait en Espagne, tout comme beaucoup de néofascistes italiens en contact avec les services secrets et l'extrême droite espagnols, rapporte à Izzo qu'une fois qu'il a enlevé un membre d'ETA et l'a livré à des groupes parapoliciiers espagnols. Izzo a aussi rapporté que Jean-Pierre Cherid, mercenaire ex membre du groupe français OAS et après diverses opérations para-policières espagnols, dont le GAL, qui était arrivé en Espagne avait été contacté par le SECED pour prendre part aux événements de Montejurra[12], comme un des chefs de ce groupe.
Sergio Calore, autre néofasciste que gravita autour du groupe italien, a confirmé l'existence de la ferme. Selon son témoignage, cité par EFE[13] :
- Servía para preparar acciones contra ETA y los asesinados eran enterrados en un bosque.
- Servait pour préparer des actions contre ETA et les assassins étaient enterrés dans un bois.
Le ministère public de l'Audition Nationale a aussi déclaré comme imputés à Pakito et Apala.
Notes et références
- ETA politico-militaire, ETA (pm) ou ETA pm a été une organisation indépendantiste du Pays basque (Espagne) qui utilisait le terrorisme comme forme d'activité politique. C'était une scission d'ETA (Euskadi Ta Askatasuna) qui pariait sur la complémentarité de la voie politique avec l'utilisation des actions armées.
- Jean Chalvidant, ETA: l'enquête, Éditions Cheminements, (ISBN 2-84478-229-9), page : 332, consulté le: 13/05/2010.
- Euskal Iraultzarako Alderdia (Parti pour la Révolution Basque ou Parti Basque pour la Révolution), EIA a été un parti politique d'idéologie marxiste et nationaliste basque qui a opéré au Pays basque (Espagne) entre 1977 et 1982.
- (es) Giovanni Giacopuzzi, ETApm. El otro camino, Éditions Txalaparta, 1997.
- (es) 'Pertur', caso abierto Tres hechos ahondaron las distancias entre los Bereziak y Pertur: el asesinato del industrial Ángel Berazadi pese a que la mayoría de la organización abogaba por dejarle libre tras el pago de parte del rescate; el arresto de Eduardo Moreno por parte de los comandos especiales en mayo para que diera cuenta de una posible infracción de los códigos internos por una carta que remitió a los presos de Burgos; y la sospecha de que, a través del abogado Juan Mari Bandrés, mantenía contactos con el Gobierno español. La delicada situación de ETA en aquellos años siempre ha abonado la tesis de la purga interna, consolidada por episodios posteriores como el asesinato de Yoyes (1986). Sin embargo, la guerra sucia contra la organización y el interés externo por azuzar la división en su seno abren la puerta al resto de hipótesis. (Diario de Noticias de Gipuzkoa, 2008)
- (es) La madre de «Pertur» llama nazi a ETA Primero pensó que el joven fue asesinado por la policía, pero autoridades de la policía francesa le confirmaron luego que lo mataron «sus propios camaradas, los que no querían dejar las armas». «ETA asesinó a muchos que quisieron salirse. Muchos creyeron en la amnistía del Gobierno y hoy luchan por su sociedad desde donde se debe. Si sus camaradas no lo hubieran matado para seguir en la locura, mi hijo estaría entre los que dejaron la violencia» (Entrevue publiée par le diario "La Nación", de Buenos Aires et reprise par El Mundo, 2000)
- Euskal Ezkerra (EuE) (Gauche Basque en basque) est un parti politique espagnol aujourd'hui disparu qui est né en 1993 d'une scission d'Euskadiko Ezkerra (EE).
- Les événements de Montejurra ont eu lieu le 9 mai 1976, au début de la transition, pendant le pèlerinage annuel qu'effectuent les carlistes partisans de François-Xavier de Bourbon-Parme depuis les années quarante dans la montagne navarraise de Montejurra. [...] Dans cette opération, ont aussi pris part des neofascistes italiens et mercenaires argentins, des groupes armés de partisans de Sixte Henri de Bourbon-Parme ont ouvert le feu sans qu'il y ait provocation, contre ces participants du pèlerinage. [...] deux personnes sont mortes (Ricardo García Pellejero et Aniano Jiménez Santos), et il y a eu plusieurs blessés.
- (es) Pertur italiar neofaxistek bahitu zutela pentsatzeko zantzuak badaude(il y a des indices pour penser que Pertur fut séquestré par les néofascistes italiens)
- Le Service Central de Documentation (SECED) a été le service d'intelligence espagnol pendant la fin du franquisme et le début de la transition (1972-1977). Le régime pose la possibilité de créer un Centre d'Information et Documentation (CIDOC), finalement le sous-secrétaire de la présidence du gouvernement Carrero Blanco crée le 22 janvier 1972 le Service Central de Documentation avec une dépendance totale du service selon le Décret 511/1972.
- (es) La Audiencia investigará si ETA está detrás de la desaparición de su ex jefe 'Pertur' El juez Fernando Andréu admitió ayer a trámite la querella presentada por los padres del etarra, Álvaro Moreno y Marta Bergaretxe. El delito no ha prescrito ya que nunca apareció su cuerpo. La denuncia presenta tres opciones: que fueron sus camaradas quienes le mataron, ya que apoyaba el abandono de las armas; que fueran grupos ultras españoles o que le ejecutaran neofascistas italianos por encargo de los servicios secretos de España
- (es) Diego Carcedo, Sáenz de Santa María : el general que cambió de bando, Madrid, Ediciones Temas de Hoy, , 463 p. (ISBN 84-8460-309-1), p. 148-155.
- (es) La masía del caso 'Pertur', consulté le : 26 mars 2009, auteur : Diario Vasco.
Voir aussi
Sources et bibliographie
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Pertur » (voir la liste des auteurs).
- (fr) Jean Chalvidant, ETA : L'enquête, éd. Cheminements, coll. « Part de Vérité », , 426 p. (ISBN 978-2-84478-229-8)
- (es) José María Benegas, Diccionario de Terrorismo, Madrid, Espasa Calpe, coll. « Diccionario Espasa », , 920 p. (ISBN 978-84-670-1609-3)
- (fr) Jacques Massey, ETA : Histoire secrète d'une guerre de cent ans, Paris, Flammarion, coll. « EnQuête », , 386 p. (ISBN 978-2-08-120845-2)
- (fr) Pertur : sur la piste des fascistes italiens Le Journal du Pays Basque du 23/03/2009.
- (fr) Disparition de Pertur : Le juge Andreu continue l'enquête et l'audition des témoins Le Journal du Pays Basque du 25/03/2009.
- (es) El Correo
- (es) La pista neofascista del asesinato de Pertur, information de El País, .
- (es) Entrevista del diario Gara al cineasta Angel Amigo (en español)
- (es) Site web officiel du film
- (es) El fiscal imputa por la desaparición de Pertur a dos etarras, El País, .
Liens externes
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