Ernest Pignon-Ernest

Ernest Pignon, dit Ernest Pignon-Ernest[1], est un artiste plasticien français, né le à Nice. Il est considéré comme l'un des précurseurs de l'art urbain en France.

Ernest Pignon-Ernest
Biographie
Naissance
Nom de naissance
Ernest Pignon
Nationalité
française
Activités
Autres informations
Distinction

Biographie

Fils d'un employé des abattoirs et d'une coiffeuse, et avec deux frères et deux sœurs, Ernest Pignon doit gagner sa vie dès l'âge de 15 ans et travaille pour des architectes[2]. Parallèlement, il pratique le dessin puis la peinture, pendant un an[3]. En 1954, il découvre Picasso, une révélation pour lui[4].

En 1959, dans un club très fréquenté par les créateurs et artistes d'horizons différents, il rencontre Yvette Ollier, Marie-Claude et Denise Grail et Daniel Biga. Ceux-ci lui font découvrir Le Greco[4].

En 1961-1962, il rejoint l'armée en Algérie  ces expériences ont été formatrices pour ses opinions politiques et pour ses œuvres d'art, et il a continué à peindre en même temps[4].

Après son retour d'Algérie, il reprend son travail d'architecture à temps partiel[4].

À partir de 1966, il quitte Nice, s'installe dans un café abandonné dans le Vaucluse qu'il transforme en atelier[3]. Il appose par collage des affiches exécutées au pochoir sur le plateau d'Albion (Vaucluse) en réaction à la force de frappe nucléaire française[5],[6].

Début des années 1970, il commence à créer des images éphémères sur les murs des grandes villes, qui se font l'écho des événements qui s'y sont déroulés[7]. Il est un des initiateurs, avec Daniel Buren et Gérard Zlotykamien, de l'art urbain en France[8]. En plus de coller des impressions sur les murs, il ciblait souvent les cabines téléphoniques de Paris[9].

Certains de ses travaux montrent sa sensibilité historique, comme Les Arbrorigènes de 1984, un de ses rares travaux en volume. Il est également connu pour créer des portraits sur papier de personnages célèbres, comme musiciens, écrivains, et poètes[9]. Le plus souvent, il prépare ses affiches au fusain avant de les affiner avec de la pierre noire, et de les nuancer avec une gomme crantée, pour finalement les sérigraphier sur des chutes de rouleau de papier-journal[10].

Sensible aux injustices, il traite des thèmes comme l’avortement (Tours, Nice, Paris, 1975), les expulsés[11] (Paris, 1979), le sida (Soweto, 2002). Une grande partie de son travail est assez politique : par exemple, dans ses premières œuvres, il rejette des guerres, le racisme dans certaines régions d'Afrique et la xénophobie en Europe[12].

Il vit et travaille à Paris et à Ivry-sur-Seine, où il a son atelier[2].

Il adopte son nom d'artiste « Ernest Pignon-Ernest » pour éviter d'être confondu avec le peintre Édouard Pignon[4].

Au total, il produit plus de 300 affiches pour diverses fonctions, tels que le théâtre, la politique et la musique[4].

En 1987, un article de Henri-François Debailleux dans le journal Libération du 29 septembre, lui apprend que Francis Bacon s’intéresse à son travail. L’année suivante, Bacon lui écrit : «  Mon cher Ernest, J’ai toujours admiré ce que vous faites, en particulier les images de « Grenoble », les photos de Naples que vous m’avez envoyées si gentiment m’ont beaucoup intéressé. »

Depuis 1993, il dessine des timbres-poste. Il a contribué ainsi à 14 vignettes pour La Poste française, dont la plus récente, en 2016, fut une illustration pour la célébration du 80e anniversaire du Front populaire : « 1936-2016, les premières femmes au gouvernement »[13].

Le , Ernest Pignon-Ernest est élu membre de l'Académie des beaux-arts, dans la section Peinture, au fauteuil de Vladimir Velickovic[14].

Engagements

Ernest Pignon-Ernest a été membre du Parti communiste français[15] et parmi les fondateurs, en 1977, du Syndicat national des artistes plasticiens CGT.

Depuis 2011, il préside l'association des Amis de L'Humanité[16].

En 2019 il co-signe dans Mediapart un appel au boycott[17] de l'Eurovision à Tel Aviv.

En octobre 2019, il signe avec quarante personnalités une tribune contre l’interdiction de la corrida aux mineurs que la députée Aurore Bergé voulait introduire dans une proposition de loi sur le bien-être animal[18].

En 2021, il réalise l’affiche de la première édition du prix Samuel Paty créé par l'Association des professeurs d'histoire-géographie.

Décoration

Parcours artistique

Avant son intervention contre le jumelage de Nice avec Le Cap en 1974, Ernest Pignon-Ernest a voulu jouer un rôle important dans la campagne « Artistes du monde » contre l'apartheid ; il a fondé l'organisation avec Antonio Saura et Jacques Derrida[20]. Il a ainsi, depuis plus de vingt ans, gardé des liens avec l'Afrique du Sud. Parti en 2001 pour Johannesbourg, avec l'intention d'y mener un projet sur le caractère multiculturel du pays, il a été amené à changer de thème en découvrant sur place la gravité de la pandémie de sida et en écoutant les sollicitations des organisations qui luttent contre l'hécatombe annoncée. Le dessin reproduit à Nice en de multiples exemplaires en réaction au jumelage, qui lui a valu une brouille avec la ville jusqu'à ce qu'un maire accepte l'affiche en cadeau, représente un couple (noir) avec un enfant semblant assister à la vie dans les rues de derrière un grillage[21].

Après de nombreuses rencontres dans les hôpitaux, les dispensaires, les crèches et en liaison avec les associations, Pignon-Ernest a élaboré une image faisant un parallèle entre la lutte contre le sida et celle contre l'apartheid, en se référant à la photographie de Sam Nzima représentant un homme portant le corps d'Hector Pieterson, un écolier tué pendant les émeutes de Soweto. Toutefois, dans sa représentation, c'est une femme mure qui porte l'enfant. Sérigraphiée sur place à plusieurs centaines d'exemplaires, il l'a collée, accompagné des habitants, sur les murs des quartiers particulièrement touchés de Warwick à Durban et de Kliptown à Soweto[22],[23],[24],[25].

Analyse

Hanté par les ombres laissées sur les murs, à Nagasaki et à Hiroshima[26], par les corps volatilisés, il a apposé des images peintes, dessinées, sérigraphiées sur du papier fragile, sur les murs des cités, dans des cabines téléphoniques, images qui se fondent dans l'architecture urbaine, sont acceptées par les populations qui les défendent même de leur dégradation lente (comme à Naples)[27]. Les témoignages photographiques de ces collages en situation accentuent cette fusion et en gardent les traces.

Ernest Pignon-Ernest considère que son œuvre se visite dans la rue, et non pas au musée[28]. Certaines institutions ont toutefois restitué dans des scénographies le contexte urbain et sociopolitique des interventions graphiques de l’artiste[29].

Installations et expositions

Installations

Au début des années 1970, le dispositif des premières installations d'Ernest Pignon-Ernest se fait sous la forme de collage de motifs traduits sur papier, apposés sur des surfaces murales. Au début des années 1980, l'artiste expérimente la sculpture temporaire.

Expositions personnelles

Ernest Pignon-Ernest à la Maison des arts de Malakoff en 2014.

Expositions collectives

  • 2013 :
  • 2016 :
    • « Résonance. De l'original au multiple », Centre Cristel Éditeur d'Art, Saint-Malo, du 30 janvier au 19 mars 2016[42]

Publications

Livres illustrés

  • L'Arbre perché[43] de Jean-Luc Moreau, couverture et dessins d'Ernest Pignon-Ernest, Paris, éd. P. J. Oswald, coll. « Enfantines » 1974
  • Ça cavale[44], textes de l'oratorio rock d'André Velter, dessins d'Ernest Pignon-Ernest, Vénissieux, Paroles d'aube, coll. « Trace », 1992 (ISBN 2-909096-05-X)
  • Autres jeunes filles[45] de Richard Millet, dessins d'Ernest Pignon-Ernest, Brive, éd. F. Janaud, 2000 (ISBN 2-9513095-4-6)
  • Cité perdue[46] de Marie-Bénédicte Loze et Lyonel Trouillot, dessins d'Ernest Pignon-Ernest, Paris, éditions Bruno Doucey, coll. « Soleil noir », 2019 (ISBN 978-2-36229-230-9)
  • Tu aurais pu vivre encore un peu, texte de Lyonel Trouillot en hommage à Jean Ferrat, dessins d'Ernest Pignon-Ernest,éditions Bruno Doucey, 2020

Bibliophilie

Autres

  • 2006 : estampe du portfolio créé par Cristel Éditeur d'Art pour le 3e Prix Jacques-Goddet (Trophée LCL), prix qui récompense chaque année le meilleur article de la presse francophone publié durant le Tour de France[49]

Notes et références

  1. Pour se différencier d'Édouard Pignon (leurs initiales portèrent à confusion lors d'une exposition conjointe), il redoubla son prénom derrière son nom.
  2. Luc Le Vaillant, « Ernest Pignon-Ernest, humain, vos papiers ! », sur Libération, .
  3. Propos recueillis par Denis Cosnard, « Ernest Pignon-Ernest : « Le dessin est le seul truc qui me valorisait » », sur Le Monde, .
  4. Anysia L’Hôtellier, « PIGNON Ernest, dit Ernest PIGNON-ERNEST », sur maitron.fr, (consulté le )
  5. Ernest Pignon-Ernest : « Je cherche à activer les lieux, à exacerber leur potentiel » sur article11.info, no 5, 14 novembre 2011.
  6. Date erronée [1966] au lieu de 1963 — cf. « Exposition In/Out », MAC Créteil, octobre-décembre 2014.
  7. Violaine Pondard, « Biographie d’Ernest Pignon-Ernest », sur street-art-avenue.com.
  8. Stéphanie Lemoine et Julien Terral, In situ : un panorama de l'art urbain de 1975 à nos jours, Éditions Alternatives, 2005, p. 10.
  9. Galerie MC, « Ernest Pignon-Ernest », sur mchampetier.com (consulté le )
  10. Eolas, « Ernest Pignon-Ernest, Rimbaud », sur www.ville-montrouge.fr (consulté le )
  11. Sylvia Ladic, « Analyse d’œuvre : Les expulsés d’Ernest Pignon Ernest », sur e-cours-arts-plastiques.com, .
  12. Violaine Pondard, « Biographie d’Ernest Pignon-Ernest », sur street-art-avenue.com (consulté le )
  13. Phil-Ouest, « 14 timbres, blocs-feuillets, carnets français d'Ernest Pignon-Ernest ».
  14. Jonathan Trullard, « L'artiste niçois Ernest Pignon-Ernest entre à l'Académie des Beaux-Arts », sur france3-regions.francetvinfo.fr, .
  15. Ernest Pignon Ernest 6/6 : « Le parti communiste reste mon camp », vidéo Dailymotion.
  16. « Edmonde Charles-Roux transmet le témoin à Ernest Pignon-Ernest », sur l'Humanité, (consulté le ).
  17. « 40 personnalités lancent un appel pour ne pas interdire la corrida aux mineurs », sur France 3 Occitanie (consulté le )
  18. Le  ; voir : Archives des nominations et promotions dans l'ordre des Arts et des Lettres.
  19. france inter, « Ernest Pignon-Ernest », sur franceinter.fr (consulté le )
  20. La rédaction, « Quelle est cette oeuvre polémique et emblématique qu'Ernest Pignon-Ernest a donné à sa ville? », sur Nice-Matin, (consulté le )
  21. Ernest Pignon-Ernest : « Je cherche à activer les lieux, à exacerber leur potentiel », Article11 no 5, juillet 2011. Consulté le 29 mars 2014.
  22. Pierre Barbancey, Pignon-Ernest. Soweto - Warwick 2002, galerie Lelong, 2003 (ISBN 9782868820631)
  23. Didier Fassin (dir.), Afflictions: l'Afrique du sud, de l'apartheid au sida, Karthala Éditions, , 299 p. (ISBN 9782845865693, présentation en ligne), p. 18, 273, 283.
  24. Anne Volvey, Myriam Houssay-Holzschuch, « La rue comme palette - Une Pietà sud-africaine, Soweto/Warwick, mai 2002, Ernest Pignon-Ernest », Travaux de l'Institut de Géographie de Reims, 129-130 (2007) p. 145-174.
  25. « Dialogue avec André Velter et Ernest Pignon-Ernest à Saint-Nazaire. »,
  26. « Ernest Pignon-Ernest : "La disparition des images fait partie de mon travail" », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  27. « Ernest Pignon Ernest au musée : « Je colle mes images dans des lieux qui leur donnent du sens » », sur actu.fr (consulté le )
  28. « Pignon-Ernest, des murs de la ville aux cimaises d’un musée », Le Journal des Arts n° 515, (consulté le )
  29. 156 : le nombre d'hommes qui allaient mourir d'un accident du travail pendant les 12 jours de l'exposition…
  30. L'artiste s'inspire des maîtres italiens (Fra Angelico, Michel-Ange, Le Caravage…), qu'il recopie. Il tire des sérigraphies de ses dessins et les affiche en ville. Il étudie la religion à cette occasion.
  31. Voir sur espacejacquesvillegle.com.
  32. Jean Genet, ni père ni mère
  33. « Des anges d’Ernest Pignon-Ernest censurés à Montauban », brève de Connaissance des arts (30 juillet 2009) reprise sur le site Prochoix.
  34. Intervention sur les murs de la prison avant que celle-ci ne soit détruite ; voir sur lyoncapitale.fr.
  35. « L'auteur des portraits du Panthéon » sur Francetvinfo.
  36. Article « Exposition - Le Creusot (71) d'Ernest Pignon-Ernest, L'Arc Scène Nationale » par Siloé Petillat sur dijonart.com.
  37. Pierre Barbancey, L'Humanité, 10 août 2016 « Ernest-Pignon-Ernest, dessins philosophico-poétiques ».
  38. Exposition « Ecce homo » au Palais des Papes.
  39. Exposition « Papier de murs » à l'Atelier Grognard.
  40. https://www.galerie-lelong.com/en/exposition/124/ernest-pignon-ernest-haiti-le-secret-cheminement-du-sang Exposition « Haïti, le secret cheminement du sang »] galerie Lelong.
  41. Christophe Penot, « Exposition Résonance », Centre Cristel Editeur d'Art, Saint-Malo, du 30 janvier au 19 mars 2016 (lire en ligne, consulté le )
  42. Notice bibliographique du catalogue général de la BnF.
  43. Notice bibliographique du catalogue général de la BnF.
  44. Notice bibliographique du catalogue général de la BnF.
  45. Notice bibliographique du catalogue général de la BnF.
  46. Présentation sur le site des éditions Collodion.
  47. Notice bibliographique du catalogue général de la BnF.
  48. « Prix Jacques Godet », sur www.centre-cristel-editeur-art.com (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Ernest Pignon-Ernest en dédicace à Malakoff en 2014.
  • Le Mensonge - Chronique des années de crise, éd. Encres, 1978 (ISBN 2-86222-005-1)
  • Ernest Pignon Ernest, préface de Paul Veyne, propos recueillis et postface par Elisabeth Couturier, Herscher, Paris, 1996
  • Pierre Barbancey, Soweto- Warwick, galerie Lelong, Paris, 2003 (ISBN 2-86882-063-8)
  • Michel Onfray, Les Icônes païennes. Variations sur Ernest Pignon-Ernest, Galilée, 2003
  • Marie-José Mondzain, Jean Rouaud et André Velter, Ernest Pignon-Ernest, Bärtschi-Salomon Éditions, 2007 (ISBN 978-2-9402-9206-6)
  • « À la rencontre de fantômes » par Pierre-Marc de Biasi, in Ernest Pignon-Ernest Situation ingresque, Actes Sud/Musée Ingres, 2007 (ISBN 978-2-7427-6850-9)
  • Florence Viguier-Dutheil, Ernest Pignon-Ernest, Situation ingresque, galerie Lelong, Paris, 2007 (ISBN 978-2742768509)
  • André Velter, Ernest Pignon-Ernest, la monographie, galerie Lelong, Paris, 2007 (ISBN 9782940292066)
  • André Velter, Ernest Pignon Ernest, Extases, galerie Lelong, Paris, 2008 (ISBN 978-2070121427) - rééd. sous le titre Pour l’amour de l'amour. Figures de l’extase, Gallimard, 2015 (ISBN 9782070107056)
  • Faire œuvre des situations, Éditions Universitaires d'Avignon, collection Entre-Vues, 2009
  • Ernest Pignon-Ernest, Face aux murs, galerie Lelong, Paris, 2010 (ISBN 2851072536)
  • Jérôme Gulon, Ernest Pignon-Ernest : le lieu et la formule, éditions Critères, coll. « Opus délits » #30, Grenoble, 2012 (ISBN 978-2-917829-71-4)
  • André Velter, Ernest Pignon-Ernest, Paris, Gallimard, 2014 (ISBN 2070138313)
  • Gérard Mordillat, Pignon-Ernest, Prisons, galerie Lelong, Paris, 2014 (ISBN 286882109X)
  • André Velter, Le Tao du torero, Éditions Actes Sud, Paris, 2014 (ISBN 978-2-330-03482-5)
  • Marie-José Mondzain et Samantha Longh, Ernest Pignon-Ernest. De traits en empreintes, Paris, Gallimard, 2016 (ISBN 978-2-07-268948-2)
  • Christian Gerini, Interview d'Ernest Pignon-Ernest, in Street Art Magazine #4, novembre 2016.
  • Le Delarge (lire en ligne)

Presse, radio

Articles connexes

Liens externes

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