Eudes (roi des Francs)

Eudes[1],[Note 1] ou Odon, né après 852 et mort le [2] à La Fère, comte de Paris et marquis de Neustrie (866-868 puis 886-888), est un roi des Francs (888-898), premier roi de la dynastie des Robertiens.

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Eudes

Couronnement du roi Eudes.
Enluminure ornant les Grandes Chroniques de France, XIIIe siècle.
Titre
Roi des Francs
(Francie occidentale)

(9 ans, 10 mois et 5 jours)
Couronnement à Compiègne

à Reims
Prédécesseur Charles III le Gros
Successeur Charles III le Simple
Biographie
Titre complet Roi de Francie Occidentale
Comte de Paris
Comte de Troyes
Duc des Francs
Marquis de Neustrie
Dynastie Robertiens
Date de naissance après
Date de décès
Lieu de décès La Fère
Père Robert le Fort
Mère Adélaïde de Tours
Fratrie Robert Ier de France
Conjoint Théodérade
Héritier Charles III le Simple
Religion Catholique

Biographie

Marquis de Neustrie

Fils aîné de Robert le Fort, marquis de Neustrie, il appartient à la branche des Robertiens. À la mort de son père en 866, il hérite du titre de marquis de Neustrie, mais le roi Charles II le Chauve le dépossède en 868 de ce titre qu'il donne à Hugues l’Abbé[3]. Dès lors, Eudes ne dispose plus que d'un petit patrimoine personnel en Neustrie, territoire qui constitue le cœur de son pouvoir.

En 882 ou 883, il est fait comte de Paris sans doute avec l'accord d'Hugues l'Abbé et le soutien de l'évêque Gozlin, ce qui « rééquilibre ainsi vers le nord, vers la France mineure, l'assise des Robertiens[4] ». Paris, « capitale de la Francie [et] clé des royaumes de Neustrie et de Bourgogne[5] » si l'on en croit Foulques de Reims, devient un élément essentiel du dispositif robertien. C'est à ce titre qu'Eudes soutient, avec l'aide de l'évêque Gozlin, le siège de Paris par les Vikings au cours de l'hiver 885/886. Au cours de ce siège, la mort du comte Henri lui permet, en septembre 886, d'être investi marquis de Neustrie[6].

Il obtient en outre de Charles III le Gros, empereur d'Occident et roi des Francs occidentaux depuis juin 885 à la suite de la mort de Carloman en décembre 884[7], un certain nombre de comtés (Tours, Blois, Angers notamment) qui élargissent encore son assise territoriale importante en Neustrie, d'autant qu'il récupère par ailleurs, après la mort d'Hugues l'Abbé en 886, la fonction d'abbé laïc de Saint-Martin de Tours dont avait disposé son père[8].

Roi des Francs de l'Ouest

L'étape suivante est pour Eudes la royauté elle-même. En effet, l'empereur Charles III le Gros est déchu par les grands du royaume peu avant sa mort en 888. On lui reproche notamment d'avoir trop tardé à envoyer des troupes afin de lutter contre les Normands, et de s'être contenté en octobre 886, malgré la résistance acharnée de la ville, de leur proposer de les payer pour qu'ils cessent leurs agissements, sans succès d'ailleurs (ils partirent piller la Bourgogne).

Cette incapacité à rétablir l'ordre dans le royaume déconsidère Charles III et amène une partie des grands, au sein desquels les Robertiens tiennent une place éminente, à choisir Eudes, lequel avait soutenu le siège de Paris par les Vikings au cours de l'hiver 885/886, pour le remplacer[9]. Le , tandis que l'héritier légitime du trône, le futur Charles III le Simple, est écarté en raison de sa jeunesse, Eudes est élu roi des Francs et sacré en l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne, par son parent l'archevêque de Sens Gautier[10].

Denier de Toulouse sous le roi Eudes.

Le fait qu'Eudes, comme le chef de guerre Boson élu à la tête du royaume de Provence en 879, ne soit pas un descendant de Charlemagne montre à quel point la position de la haute aristocratie s'est affermie vis-à-vis de l'État carolingien. Sans contester une certaine légitimité royale aux membres de la famille carolingienne, les grands ne souhaitent pas rester prisonniers de celle-ci pour choisir l'homme qui, au sein du royaume, dispose des qualités les plus évidentes pour assumer la fonction royale : « l'élection et l'acclamation par les grands sont redevenus les éléments constitutifs de l'accession au trône, tandis que le sacre perd encore de son efficacité comme fondement du pouvoir royal »[11].

Denier de Blois sous le roi Eudes.

Un monarque contesté

Cependant, Eudes reste contesté, notamment du fait de l'opposition de l'archevêque de Reims, Foulques, et de celle de Ramnulf II comte de Poitiers, tuteur du jeune Charles le Simple. Il lui faut l'appui d'Arnulf de Carinthie, roi de Francie orientale, pour obtenir le soutien de l'ensemble des grands du royaume, officialisé par un second couronnement à Reims le [12], à l'aide du matériel (manteau, couronne, sceptre) envoyé par Arnulf, sans doute d'Aix-la-Chapelle[13].

Eudes, en tant que roi, remporte sur les Vikings une première victoire le , dans la forêt de Montfaucon d'Argonne, une seconde en 892, près de Montpensier en Limagne. Les Normands mettent néanmoins à sac les villes de Meaux, Troyes, Toul, Verdun, Évreux et Saint-Lô. Malgré tout, sa volonté de lutter contre les invasions normandes demeure intermittente, dans la mesure où il se contente souvent de leur verser tribut (Danegeld) pour détourner leur violence.

Eudes ne parvient pas en fait à rétablir l'autorité du pouvoir royal au niveau de ce qu'elle était à l'époque de Charles II le Chauve[14] : « il ne contrôle réellement que les régions situées entre Loire et Seine »[15]. Cela s'explique en partie par le fait que, pendant tout son règne, Charles va chercher à récupérer le trône de son père, en s'appuyant sur la persistance d'un légitimisme carolingien, notamment entre Seine et Meuse. Il dispose dans cette lutte d'alliés parmi les grands comtes, princes féodaux, notamment Baudouin II de Flandre. Ces derniers sont en effet inquiets de la volonté d'Eudes de réaffirmer la capacité royale à disposer à son gré d'honores que leurs titulaires considèrent s'être approprié définitivement[16]. Plus largement, les grands souhaitent contenir l'extension de la puissance robertienne et au contraire maintenir et développer l'étendue de leurs réseaux et de leurs possessions, éventuellement au détriment du fisc royal. Il s'agit avant tout de bien faire comprendre à la puissance royale, quelle qu'elle soit, que désormais les princes du royaume disposent seuls de la puissance d'action : le roi doit se contenter d'une allégeance formelle, sans prétendre intervenir directement dans chacun des regna qui composent l'ensemble franc[17].

Le couronnement à Reims, le 28 janvier 893, de Charles III le Simple fournit l'occasion aux princes de soutenir plus ou moins ouvertement un roi « alternatif » dont l'existence met à mal la légitimité et donc la puissance du Robertien. De ce point de vue, le fait que matériellement Eudes domine Charles, en le contraignant à la défensive et en prenant Reims, ne change rien au fait qu'idéologiquement, sa position n'est pas assurée. Les grands aristocrates du royaume le savent et s'en servent, jouant ainsi successivement un roi contre l'autre pour augmenter leur assise au sein du royaume, y compris en terme territorial[18].

Finalement, Eudes reconnaît, juste avant sa mort, Charles III le Simple comme son successeur[19], en échange d'un nouveau prélèvement de terres appartenant au fisc royal au bénéfice de son frère Robert[20].

Mort et tombeau

Il meurt en 898 à La Fère, et est inhumé à Saint-Denis[21]. En 996, son petit-neveu, Hugues Capet fut inhumé à ses côtés et en 1263, Louis IX décida d'un programme visant à réaliser des monuments funéraires pour marquer le rôle de nécropole royale dévolue à l'abbaye de Saint-Denis. Il commanda une série de quatorze mausolées ornés de gisants pour recouvrir les restes des derniers carolingiens ainsi que les premiers capétiens. Parmi les tombeaux commandés figuraient ceux de Eudes et Hugues Capet. Ceux-ci se trouvaient à la croisée du transept à côté de l'autel matutinal et derrière les tombeaux de Robert II le Pieux et de Constance d'Arles.

En août 1793, ils furent parmi les premiers tombeaux détruits par ordre de la Convention lors de l'épisode de la profanation des tombes de la basilique Saint-Denis. Les deux gisants d'Eudes et Hugues disparurent en même temps que celui du roi Dagobert Ier. De ces tombeaux, seul un dessin de l'historien et collectionneur François Roger de Gaignières est conservé à la Bibliothèque nationale de France.

Descendance

Il épouse Théodérade, qui est peut-être la petite-fille d'Aleran, comte de Troyes, dont il aurait eu un fils :

  • Gui : connu par une unique mention dans une Charte de Redon comme témoin le d'un acte du duc Alain de Bretagne, acte qui est peut-être un faux[22].

D'autres sources[Lesquelles ?] lui donnent deux autres fils :

  • Raoul (882- mort après 898) ;
  • Arnoul (885-898).

Notes et références

Notes

  1. Le prénom Eudes était celui de l'oncle maternel de Robert le Fort, Eudes d'Orléans.

Références

  1. Généalogie de Eudes sur le site FMG
  2. Henri Léonard Bordier, « Deux chartes inédites des années 769 et 789 », Bibliothèque de l'École des chartes, 1846, p. 75.
  3. Michel Parisse et Xavier Barral I Altet, Les Robertiens : ascension, couronnement et sacre dans Le roi de France et son royaume, autour de l'an Mil, actes du Colloque Hugues Capet 987-1987, La France de l'an Mil, Paris-Senlis, 22-25 juin 1987, Picard, 1992, p. 20.
  4. Theis 1990, p. 117.
  5. Extrait d'une lettre de Foulques de Reims à Charles II le gros, cité par Theis 1990, p. 117.
  6. Michel Parisse et Xavier Barral I Altet, op. cit., p. 21.
  7. Christian Bonnet, Christine Descatoire, Les Carolingiens, 741-987, Armand Colin, 2001, p. 91.
  8. Claude Gauvard, La France au Moyen Âge, PUF, 1996, p. 117.
  9. Claude Gauvard, La France au Moyen Âge, PUF, 1996, p. 112 et 113.
  10. Jean-Pierre Bayard, Sacres et couronnements royaux, Guy Trédaniel, 1984, p. 59.
  11. Régine Le Jan, Histoire de la France : origines et premier essor, 480-1180, Hachette, 1996, p. 104.
  12. Olivier Guillot, Albert Rigaudière, Yves Sassier, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, tome I : Des origines à l'époque féodale, Armand Colin, 2003, p. 161.
  13. Theis 1990, p. 129.
  14. Dominique Barthélemy, La chevalerie, Fayard, 2007, p. 113.
  15. Claude Gauvard, La France au Moyen Âge, PUF, 1996, p. 118
  16. Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge français : chronologie commentée, Éditions Complexe, 1995, p. 57.
  17. Theis 1990, p. 132.
  18. Theis 1990, p. 134.
  19. Olivier Guillot, Albert Rigaudière, Yves Sassier, op. cit., p. 162.
  20. Christian Bonnet, Christine Descatoire, op. cit., p. 91.
  21. Richer de Reims Histoire Images 53 : p. 31 et 55 : p. 33.
  22. Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1), éd. Patrick van Kerrebrouck, 1993 (ISBN 2-9501509-3-4), p. 405.

Bibliographie

  • Carlrichard Brühl (trad. de l'allemand par Gaston Duchet-Suchaux, édition française établie par Olivier Guyotjeannin), Naissance de deux peuples : Français et Allemands, IXe-XIe siècle Deutschland-Frankreich : die Geburt zweier Völker »], Paris, Fayard, , 387 p. (ISBN 2-213-59344-2, présentation en ligne).
  • Jean-Pierre Brunterc'h, « Naissance et affirmation des principautés au temps du roi Eudes : l'exemple de l'Aquitaine », dans Olivier Guillot et Robert Favreau (dir.), Pays de Loire et Aquitaine de Robert le Fort aux premiers Capétiens : actes du colloque scientifique international tenu à Angers en septembre 1997, Poitiers, Société des antiquaires de l'Ouest, coll. « Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest et des musées de Poitiers / 5e » (no 4), , 266 p. (présentation en ligne), p. 69-116, [présentation en ligne].
  • Édouard Favre, Annales de l'histoire de France à l'époque carolingienne : Eudes, comte de Paris et roi de France (882-898), Paris, Émile Bouillon éditeur, Bibliothèque de la section « Histoire et philologie » de l'École des hautes études, , XXV-284 p. (lire en ligne).
  • Hélène Noizet, « L'ascension du lignage robertien : du val de Loire à la Francie », Annuaire-Bulletin de la société de l’histoire de France, Paris, , p. 19-35 (ISBN 978-2-35407-101-1, lire en ligne).
  • Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (481-987). Première partie : Mérovingiens, Carolingiens et Robertiens, Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1, Patrick van Kerrebrouck (éd.), Villeneuve d'Ascq, 1993. (ISBN 2-9501509-3-4)
  • Michel Sot, « Hérédité royale et pouvoir sacré avant 987 », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Paris, Armand Colin, no 3, 43e année, , p. 705-733 (lire en ligne).
  • Laurent Theis, Nouvelle histoire de la France médiévale, vol. 2 : L'héritage des Charles : de la mort de Charlemagne aux environs de l'an mil, Paris, Seuil, coll. « Points. Histoire » (no 202), , 280 p. (ISBN 978-2-02-011553-7).
  • Karl Ferdinand Werner (sous la direction de Jean Favier), Histoire de France, t. 1 : Les origines : avant l'an mil, Paris, Librairie générale française, coll. « Références » (no 2936), (1re éd. 1984, Fayard), 635 p. (ISBN 2-253-06203-0).
  • Karl Ferdinand Werner, « Les premiers Robertiens et les premiers Anjou (IXe -début Xe siècle) », dans Olivier Guillot et Robert Favreau (éd.), Pays de Loire et Aquitaine de Robert le Fort aux premiers Capétiens. Actes du colloque scientifique international tenu à Angers en septembre 1987, Poitiers, 1997, « Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest et des musées de Poitiers », 5e série, IV, [présentation en ligne], p. 9-67.
  • Karl Ferdinand Werner (trad. de l'allemand par Bruno Saint-Sorny, préf. Olivier Guillot, postface Michel Parisse), Enquêtes sur les premiers temps du principat français (IXe – Xe siècles), Ostfildern, Jan Thorbecke Verlag, coll. « Instrumenta » (no 14), , 336 p. (ISBN 3-7995-7914-1, présentation en ligne, lire en ligne).

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