Eurythmie

L'eurythmie a plusieurs définitions. Elle désigne depuis l’Antiquité le « mouvement juste et harmonieux » ou encore « l'agencement heureux et équilibré », principalement dans le domaine des beaux-arts et de l'architecture[1].

Eurythmiste lors d'une représentation

Par la suite ce terme servira à exprimer la dextérité avec laquelle un chirurgien manie les instruments de son art[2].

Enfin l'eurythmie curative est une forme de rite ésotérique dansé issu de l'anthroposophie, créé par Rudolf Steiner et Marie Steiner et qu'ils appellent « art du mouvement ». L'eurythmie curative est apparue dans le cadre de la médecine anthroposophique comme une art-thérapie, bien qu'elle soit dépourvue de toute efficacité prouvée.

Eurythmie antique

Eurythmie : (altgr. εὖ eu : bon, juste et ῥυθμὀς rhythmόs : Rythme, εὐρυθμία situation juste, bonne mesure, harmonie)[3], peut être traduit par « mouvement juste et harmonieux » ou « beau mouvement ». L’eurythmie est un concept utilisé déjà dans la Grèce antique[4], et sera notamment repris par Vitruve dans son traité De Architectura[5].

Eurythmie anthroposophique

Définition

Selon Rudolf Steiner, l'eurythmie est la sœur de l'anthroposophie (et non sa fille) et lui est intimement liée. Il s'agit d'un langage codifié qui se danse et qui permet d'aborder l'anthroposophie par des mouvements corporels typiques : « En faisant reproduire ces gestes codifiés aux enfants, on induit dans leur esprit l’idée qu’il existerait un « langage universel ». L’eurythmie serait en effet, selon les anthroposophes, « le langage de l’invisible rendu visible ». »[6]

Développement de l'eurythmie à ses débuts

C'est au début du siècle dernier (à partir de 1911), que l'eurythmie a été développée par Rudolf Steiner (1861–1925), fondateur de l'anthroposophie. Elle remonte à des impulsions données par John Ruskin, au milieu du XIXe siècle[7]. Avec l'eurythmie, Steiner a créé entre 1911 et 1925 une langue gestuelle dansée occulte [8].

Les premières traces de réflexions de Steiner pour un art du mouvement, remontent à 1908. Il donne cette année-là des conférences sur l’Évangile de Jean. Lors d'une conférence, Rudolf Steiner demande à Margarita Woloschin, peintre et écrivain, s'il était possible de traduire par la danse un passage du texte. La réponse de Woloschin fut « Je crois que tout ce que l'on ressent, on peut le danser » mais elle ne donna pas suite à cette initiative. Trois années s'écoulent encore avant que Steiner ne donne lui-même la baptême à l'eurythmie par de premiers cours spécifiques[9].

En tant qu'art du mouvement, l'eurythmie est née progressivement dans le cadre des mises en scène par Rudolf Steiner de ses quatre Drames mystères entre 1910 et 1913 avec la collaboration étroite de Marie Steiner. Le 24 septembre 1912, c'est Marie Steiner qui proposa le nom d' eurythmie, que l'on utilise encore aujourd'hui. Lorsque le Goetheanum est construit à Dornach, ce lieu devient la scène principale pour les représentations d'eurythmie, avec notamment Tatjana Kisseleff[10].

Du point de vue de l'histoire de la danse, l'apparition de l'eurythmie peut être mise en relation avec la révolution de la danse scénique et de la conscience corporelle à l'aube du XXe siècle, qui en Amérique, se développa avec entre autres Isadora Duncan, Loïe Fuller et Ruth St. Denis[11]. L'eurythmie apparut à peu près au même moment que la Gymnastique rythmique créée par Émile Jaques-Dalcroze (1865–1950), les formes d'expression dansées de Rudolf Laban (1879–1958), ainsi que d'autres recherches artistiques expressionnistes.

Lors de l'instauration des Jeux olympiques, Pierre de Coubertin voulut faire appel à l'eurythmie car il voyait en cet art une nouvelle forme des chœurs du théâtre grec. Il regretta que Ruskin, auquel il avait fait appel pour la mise en valeur des Jeux, ait davantage publié sur l'eurythmie que sur le sport[12].

Exemple de forme de Rudolf Steiner donnée à Lory Maier-Smits. Bar-: élan vers le haut; -bara saß: sons tendus ; stracks: élan vers le bas ; am Abhang: mouvements de vagues (d'après Steiner/Smits/Beltle/Vierl[13])

Les premières écoles d'eurythmie sont fondées en 1924 à Dornach[14] et à Stuttgart[9].

Eurythmie curative

Pour l'eurythmie curative, une maladie est à considérer comme une perturbation d'ordre karmique. Les exercices, sous forme de mouvements appropriés, s'efforcent de rétablir une harmonie et un équilibre.

Dans le cadre de la médecine anthroposophique, l'eurythmie est utilisée pour des pathologies aiguës, chroniques ou dégénératives du système nerveux, du système circulatoire, du métabolisme ou du système moteur. On l'utilise aussi chez l'enfant pour les problèmes de développement et de handicaps, de même que pour les problèmes psychosomatiques, psychiatriques et pour les troubles de la vue et de la dentition.

L'eurythmie curative n'est pas reconnue par la science. Il n'existe pas de preuves de son efficacité[15].

L'eurythmie curative est dans certains pays une forme de thérapie spécifique de la médecine anthroposophique qui a été développée en 1921 par Rudolf Steiner en collaboration avec Ita Wegman à partir des gestes et des mouvements de l'eurythmie. Il s'agit d'une art-thérapie originale pratiquée par des thérapeutes anthroposophes[16]. En vertu d'une réglementation fédérale allemande[17], les frais engagés pour les soins d'eurythmie curative peuvent être remboursés par les caisses d'assurance-maladie.

Notes et références

  1. « EURYTHMIE : Définition de EURYTHMIE », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  2. « EURYTHMIE : Etymologie de EURYTHMIE », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  3. εὐρυθμία: εὐ-ρυθμία, ἡ, das richtige Verhältnis, Ebenmaß, bes. im Takte, Wohlklang; übh. schickliche Haltung, Anstand.
  4. La Revue hebdomadaire, volume 22, partie 11, Librairie Plon, (lire en ligne)
  5. Vitruve, De architectura, Livre I, chapitre 2
  6. « L’Eurythmie dans les écoles Steiner-Waldorf : de l’Anthroposophie à visage presque découvert ! », sur La Vérité sur les écoles Steiner-Waldorf (consulté le )
  7. Renate Foitzik Kirchgraber, Lebensreform und Kunstlergruppierungen um 1900
  8. Rudolf Steiner, Eurythmie
  9. Rudolf Steiner, Die Entstehung und Entwickelung der Eurythmie (= GA 277a)
  10. Voir: Bodo von Plato, Anthroposophie im Dornach 2003, (ISBN 3-723-51199-6).
  11. Gabi Vettermann, Rudolf Steiner
  12. Arnd Krüger, The masses are much more sensitive to the perfection of the whole than to any separate details: The Influence ofJohn Ruskin’s Political Economy on Pierre de Coubertin
  13. Ce dessin correspond à une production de Rudolf Steiner (1861-1925) rapportée par Eleonore Maier-Smits, Erika Beltle und Kurt Vierl in: Lory Maier-Smits: Erste Lebenskeime der Eurythmie.
  14. Tatjana Kisseleff, Ein Leben für die Eurythmie
  15. On ne dispose pour l'instant que d'une méta-étude sur l'eurythmie curative. Elle a été publiée en 2008 dans la revue sur les médecines alternatives Complementary and Alternative Medicine (Impact Factor 2.20). Elle s'appuie sur huit études de cas pour lesquelles les standards médicaux doivent être considérés comme insuffisamment respectés (contrôles, randomisation, groupes témoins). Les études provenaient à chaque fois de publications concernant les médecines alternatives. Les auteurs disent en conclusion que l'on n'a pas pu prouver une efficacité spécifique réelle de l'eurythmie curative. Ils considèrent cependant l'eurythmie curative comme un complément potentiellement utile dans le cadre d'interventions thérapeutiques complexes, et ils invitent à poursuivre la recherche : « EYT could be regarded as a potentially relevant add-on in a complex therapeutic concept which intends to support health and well-being (salutogenesis), although its specific relevance remains to be clarified. Well performed controlled studies with defined indications and treatment regimes are highly recommended ». Arndt Büssing, Thomas Ostermann, Magdalena Majorek, Peter F Matthiessen, Eurythmy Therapy in clinical studies: a systematic literature review, BMC Complementary and Alternative Medicine 2008, 8:8 doi:10.1186/1472-6882-8-8 .
  16. Bernadette Savournin-Cotting, « Effet de l'eurythmie thérapeutique »,
  17. Bundessozialgericht der Bundesrepublik Deutschland, Urteil vom 22. März 2005 (Aktenzeichen B 1 A 1/03 R)

Voir aussi


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