Expressions de marins

Ce glossaire répertorie les expressions de marins actuelles et passées.

Les marins ont développé un langage propre.
Le Bosco est le chef d'équipage, il commande les hommes avec un jargon très spécifique.

Pour les termes maritime, voir le glossaire maritime et les termes spécifique à la voile, voir le lexique de la navigation à voile.

A

  • À border l'artimon : équivalent français de Splice the mainbrace, un ordre donné à bord d'un navire par son commandant, pour autoriser l'équipage à consommer de l'alcool (voir aussi Splice the mainbrace).
  • Ahoy ou Ahoi (en allemand), Ahoj (en Europe de l'Est) : à l'origine, il s'agit d'une interjection anglaise pour signaler un bateau. Le mot est tombé en désuétude avant d'être réutilisé en nautisme comme salut.
  • Amener pavillon : voir baisser pavillon.
  • Arcasse, ou barre d'arcasse: en argot maritime, se disait aussi du coccyx, ou de la partie postérieure du corps humain[1].
  • Avaler sa gaffe : mourir[2].

B

  • Baisser pavillon : signifie abaisser le pavillon de son mât pour indiquer sa reddition[3],[4]. Pour un navire, la reddition est datée du moment où le pavillon est frappé. Au sens figuré, dans le langage commun cela signifie s'avouer vaincu ou abandonner[5],[4].
  • Balais (ramasser les) : être dépassé par un voilier plus rapide . L'expression, toujours en vigueur chez les régatiers [6], remonte à une ancienne tradition de la marine à voile (décrite notamment dans les souvenirs du Cdt Hayet) où, lors d'une lutte de vitesse, le navire le plus rapide humiliait le plus lent en jetant ostensiblement par dessus bord un vieux balai inutilisable. Certains rattachent cette tradition au souvenir de l'Amiral Néerlandais Tromp (1598-1653) connu pour arborer des balais en haut des mâts de son escadre afin de signifier qu'il avait balayé les anglais de la mer du nord.
  • Belle comme une frégate (parfois amplifié en Belle comme une frégate française et pavoisée) : compliment de matelot à destination des femmes rencontrées aux escales. Les frégates construites en France avaient une réputation d'élégance et de rapidité au point que les anglais en ont souvent copié les plans après capture.
  • Bitture : Au sens propre c'est une chaîne d'ancre préparée à plat pont en zig-zag sur la plage avant d'un petit navire pour permettre de mouiller rapidement une ancre dans un endroit où la place manque pour manœuvrer . Le sens figuré ("une dose de liqueur ou de boisson spiritueuse prise avec  abondance" suivant l'euphémisme du dictionnaire de marine Pâris et Bonnefoux) dérive des zigzags de la chaîne évoquant la démarche d'un marin après une bordée à terre abondamment arrosée.[7]
  • Boujaron : dose de rhum (précisément mesurée) pour récompenser et ragaillardir les matelots après une manœuvre particulièrement fatigante et humide.
  • Branle-bas ou branlebas de combat ou branlebas général : dégager les hamacs branle » en termes de marine) des ponts d’artillerie des vaisseaux et de les disposer roulés le long du pont supérieur pour servir de protection supplémentaire contre la mitraille ennemie. En anglais l'expression est Clear the ship for action.
  • Brasser :orienter les voiles
  • Brasser carré : orienter les vergues perpendiculairement à l'axe du navire (allure de vent arrière).
  • Brassés carrés : autrefois, gendarmes chargés de ramener à bord les matelots en goguette, dans le jargon des matelots. En effet, ils portaient leurs bicornes "brassés carrés" c'est-à-dire, orientés à 90° du sens de la marche, comme les vergues d'un navire à voiles carrées par vent arrière.
  • Brasser en fuite : orienter les voiles pour prendre la plus grande vitesse possible.

C

  • Cambusier : la cambuse est le local de stockage des vivres destinés à l'équipage. Le cambusier est le commis à la distribution des vivres souvent accusé de lésiner sur la ration des matelots, pour cette raison il est parfois traité de voleur de rations (comme dans la chansons de marins Le Corsaire le Grand Coureur)[8]. Le vin de basse qualité destiné à l'équipage était ironiquement dénommé Château cambusard ou Cambusium, les officiers eux bénéficiant de vin de précision.
  • Carguer les voiles : plier, retrousser les voiles contre leurs vergues et quelquefois contre le mât, par le moyen des cargues. Cette opération s'effectue lorsque le vent forcit, pour ralentir un bateau en arrivant à un mouillage ou avant un abordage.
  • Chant de gaillard d'avant : désigne des chant de marins, initialement chanté dans leur logement à l'avant d'un bateau : la gaillard d'avant.
  • Charnier : tonneau d'eau potable de forme tronconique, ouvert en haut, à la disposition des matelots pour se désaltérer, analogue au tonneau ouvert utilisé par les charcutiers pour saler la viande. Sous les tropiques, on y mêlait du thé et des extraits de citron ainsi que du sucre de canne à la fois comme antiscorbutique et pour masquer le goût d'eau croupie. En anglais il était nommé Scuttlebutt[9], un mot qui signifiait aussi "ragots" ou "dernier salon où l'on cause" car c'était autour de cette "fontaine publique" que les matelots échangeaient plus volontiers les ragots du bord.
  • Château cambusard ou Cambusium : vin de basse qualité destinée à l'équipage d'un navire (voir cambusier).
  • Chouff : dans la Marine Nationale : surnom du quartier maître de 1° classe (voir crabe).
  • Cingler : faire voile[10].
  • Clear the ship for action : terme anglais pour Branle Bas de combat (voir Branle Bas).
  • Coq : cuisinier de bord travaillant dans la mayance, parfois désigné gargouillou ou empoisonneur (les anglais utilisaient plaisamment le mot doctor). Il s'efforçait de préparer au mieux les repas de l'équipage malgré les aléas du mauvais temps et la monotonie des ingrédients (les vivres frais ne duraient que quelques jours au début de la traversée). On trouve parfois le mot coquerie (de l'anglais cookery) dans la littérature mais il s'agit d'une traduction calquée de l'anglais, pas d'un usage attesté sur les navires français.
  • Crabe : surnom traditionnel donné à un quartier-maître de 2° classe (deux galons rouges) dans la Marine Nationale. Le quartier maître de 1° classe (3 galons rouges) est, lui, surnommé chouff.
  • Crabes (écraseurs de) : surnom traditionnel des navires armés au cabotage côtier et par extension de leurs capitaines, qui ont tendance à emprunter des "raccourcis" proches des côtes pour gagner une marée[11]. Les régatiers modernes sur des parcours côtiers ont tendance à suivre les mêmes routes. Après l'échouage dans les années 1980 du fameux PenDuick VI en baie de Quiberon, qui ne put être sorti de sa situation que lors de la grande marée suivante, les humoristes locaux prétendaient que "Quand Tabarly navigue par ici, les crabes portent des casques de moto".
  • Curer les runs : faire des rangées dans le sel de la cale avant d'y mettre la morue.

D

  • Doctor : terme anglophone pour désigner un mauvais cuisinier de bord (voir coq).

E

  • Éléphant : désignation facétieuse visant les non-marins embarqués à bord (et par extension, les plaisanciers maladroits), sans doute par analogie avec la démarche pataude évoquant un éléphant pour désigner des personnes peu habituées aux mouvements du navire[12]. Dans le domaine anglophone, l'équivalent est le mot landlubber[13] (littéralement couillon terrestre).
  • Embraquer un cordage : tirer sur un cordage.
  • Empannage chinois : terme péjoratif désignant un empannage effectué sans retenue par fort vent, faisant basculer violemment la bôme d'un voiler à gréement bermudien sur le bord opposé. Il peut constituer une manœuvre ratée, le basculement de la bôme étant non contrôlé, voire faire chavirer le bateau.
  • Empoisonneur : mauvais cuisinier de bord (voir coq).
  • Encalminé : situation pour un voilier à l'arrêt faute de vent (ou dans un abri), utilisé dans le poteau noir.
  • Être plat-bord dans l'eau : avoir une forte gite[14] si bien que le plat bord du premier pont touche l'eau.

F

  • Ferler une voile : attacher une voile autour d'une vergue.
  • Faire aiguade : s'approvisionner en eau douce à terre.
  • Faubert : au sens propre, balai confectionné à bord à temps perdu, avec des débris de cordage et de toile à voile. Au sens figuré, le mot désignait les rouflaquettes très abondantes comme en portaient les officiers et les amiraux suivant la mode au temps de Louis Philippe).

G

  • Gargouillou ou gargouillot : mauvais cuisinier de bord (voir coq).
  • Godaille : part de pêche en nature (théoriquement constituée de poissons non commercialisables mais parfois aussi de poissons de choix) attribuée aux matelots d'un navire de pêche à titre de prime en sus du salaire. Usage ancestral profondément ancré dans la vie maritime, la godaille a parfois donné lieu à des abus[15] (commercialisation parallèle alors qu'il s'agit normalement d'une part destinée à la consommation personnelle)
  • Gourganes : haricots secs constituant l'ordinaire (fastidieux) des matelots au long-cours d'antan[16], une fois épuisées les deux semaines de vivres frais embarqués au départ (Cf paroles du chant de marin "Adieu Cher Camarade" [17]) . Par extension les matelots un tant soit peu âgés étaient parfois surnommés "vieux gourganiers". En botanique, toutefois, le mot désigne une autre légumineuse : la fève des marais, d'origine canadienne.
  • Grand Mât : désignation familière du capitaine au temps de la marine à voile de commerce, marquant son importance à bord. Dans la marine de guerre, on emploie plus volontiers le mot Pacha ou parfois Tonton[18]. Dans la Marine Anglaise, on utilise l'adjectif Old (Le vieux, parfois utilisé également en France) mais avec un sobriquet personnalisé. Par exemple l'Amiral Vernon qui portait une tenue de mer en Gros Grain (soie imperméabilisée) était surnommé Old Grog. Comme il faisait couper le rhum des matelots avec du thé citronné (préventif antiscorbutique) le nom de grog resta attaché à cette boisson. De même Raphaël Semmes, le capitaine du corsaire sudiste Alabama était surnommé Old Beeswax (Vieux cire d'abeille) à cause de sa moustache conquérante et effilée à la mode Napoléon III qu'il pommadait quotidiennement à la cire d'abeille[19].
  • Grée en trois-mâts de Bordeaux : appellation flatteuse pour désigner un navire bien dessiné, bien construit, bien voilé, mené par un capitaine et un équipage efficace. L'équivalent Britannique est Ship Shape and Bristol's Fahion[20] (dessiné et grée à la mode de Bristol). C'est le Commandant Armand Hayet, qui rapporte cette expression avec moquerie pour les équipages bretons et quelque partialité puisqu'il fit carrière chez des armateurs bordelais[21].

H

  • Hirondelles de la Manche : désigne les cotres pilotes à voile du port du Havre, en usage avant la guerre de 14-18. Ces voiliers étaient conçus et ont évolué vers toujours plus de vitesse tout en restant manœuvrables en équipage réduit afin de permettre aux patrons pilotes de rivaliser de vitesse pour servir en premier les navires les plus intéressants du point de vue des droits de pilotage. Ils sont les ancêtres directs des voiliers de plaisance destinés à la régate. Les hirondelles Marie-Fernand et Jolie Brise deviennent par la suite des bateaux de plaisance et gagne trois fois la Course du Fastnet dans l'entre-deux-guerres. Ces bateaux sont conservés en état de navigation[22].
  • Homme d'avant : désigne les membres d'équipage constituant la base de la hiérarchie d'un navire, qui loge dans le gaillard d'avant. Par opposition aux hommes de l'arrière : les officiers logeant dans le gaillard d'arrière.

L

  • Landlubber : nom péjoratif donné en anglais (littéralement couillon terrestre) à un non-marin sur un navire, synonyme en français d'éléphant (voir éléphant).
  • Lapin (Tabou du) : le fait de prononcer le mot "lapin" à bord ou en contexte maritime serait porteur de malheurs (allant d'une pêche infructueuse à un accident majeur, avarie, homme à la mer, démâtage ou naufrage). Cette superstition est exclusivement bretonne et il est d'usage en Bretagne maritime (Armor) de désigner l'animal avec une périphrase (le longues oreilles, le cousin du lièvre) ou un surnom parfois assez incongru (le ministre, le cycliste, le bélébélé...). En Grande-Bretagne, ce tabou n'existe pas : dans la description classique du tournage d'un nœud de chaise le marin anglais dit : "drag the rabbit out of the hole" (tirez le lapin du trou) là où son homologue français dit : "le serpent sort du puits". L'origine de ce tabou est assez obscure bien qu'une thèse de doctorat en ethnologie y ait été consacrée[23].
  • Lieutenant de cage à poules : appellation péjorative de l'officier le moins gradé de l'état major. Souvent stagiaire à faibles appointements en instance de promotion, il participait aux corvées du bord (piquage de la rouille, matelotage, peinture) et traditionnellement aux soins apportés au bétail et à la volaille sur pied destiné à la table du carré des officiers, car les navires d'autrefois étaient dépourvus d'installation frigorifique.
  • Louvoyer :
  1. Louvoyer désigne une manœuvre d'un voilier à voiles auriques ou gréement bermudien pour remonter le vent en traçant des zigzags, en changeant simultanément de bord. L'action opposée qui consiste à zigzaguer dos au vent s'appelle le virement lof pour lof ;
  2. En argot marin : Agir ou parler par détour, sans aller au but.

M

  • Médecin de papier : désignation péjorative de l'ouvrage médical accompagnant le coffret à pharmacie et permettant à un officier (usuellement le capitaine) de prodiguer des soins chirurgicaux et médicaux en l'absence de médecin embarqué (pour le long-cours la législation initiale prévoyait l'embarquement obligatoire d'un chirurgien pour un effectif supérieur à vingt hommes)[24]. L'histoire maritime a retenu les cas de capitaines pratiquant avec un certain brio diverses interventions difficiles de traumatologie (points de suture, traitement de fractures, voire trépanations) dans des conditions difficiles.
  • Mettre pavillon bas : voir baisser pavillon.
  • Moyens du bord : désigne la combinaison de créativité et de moyens limités permettant à des marins de parer à une situation critique sans assistance extérieure : Deux proverbes de l'époque de la marine à voile en témoignent : "Un marin sait tout faire, virgule, mal" ou "Un marin réparerait une montre avec un morceau de semelle de botte". On cite ainsi le capitaine Rabecq sur le trois mâts La Suzanne (le Havre), vers 1900, dont le navire en acier, lourdement chargé de Nickel se cassait progressivement en deux : L'équipage et le charpentier réussirent à improviser un batardeau (cloison étanche cimentée), à renforcer la structure métallique défaillante par des charpentes en bois, à boucher les trous de rivets avec des chevilles de bois et à accomplir lentement mais sûrement la dangereuse traversée Nouvelle Calédonie-Le Havre par le Cap Horn. Ceci reste d'actualité dans des courses au large modernes comme le Vendée Globe : En 2001, le navigateur Michel Desjoyaux fait face à une panne du générateur électrique (indispensable notamment pour le pilote automatique). Le démarreur de son moteur diésel est irrémédiablement hors d'usage. Michel Desjoyaux improvise alors un démarreur à voile avec un système d'écoutes et de poulies reliant la bôme au volant d'inertie du moteur. Le coup de fouet donné par la voile lors d'un empannage permet de démarrer le diesel à haute compression à la façon d'une tondeuse à gazon[25].

N

  • Navigation à l'estime : hors de vue d'une côte (éloignement, brouillard, nuit) et en l'absence d'amers, il est conseillé (même à l'ère du GPS) de tenir avec rigueur le livre de bord (log book en anglais) pour noter de façon précise le cap, la vitesse à intervalles réguliers pour pouvoir construire une route (même approximative) sur la carte (autrefois les timoniers utilisaient "Le renard et ses poules " une planchette comprenant une rose des vents, un tableau quadrillé dont chaque case représentait une demi-heure et un système de fiches et de fils permettant de conserver la trace des changements de cap au cours de leur quart.)
  • Navigation défensive : de l'anglais defensive navigation, désigne un changement de stratégie du navigateur en cas d'incertitude sur la position estimée et de dangers relativement proches. Au lieu de chercher à tout prix à atteindre une destination prévue à partir d'un point incertain, le navigateur donnera au timonier des instructions de cap destinés à ne pas aller vers les dangers en attendant que la situation s'améliore.
  • Naviguer par bâbord amure : naviguer avec le vent arrivant par bâbord.
  • Naviguer par tribord amure : naviguer avec le vent arrivant par tribord.

O

  • Old : terme anglophone désignant un capitaine d'un navire (voir Grand-mât).

P

  • Pacha : capitaine d'un navire de guerre (voir Grand-mât).
  • Pacotille : désigne à l'origine la marchandise non portée au connaissement (liste officielle des marchandises transportées) qui constitue la cargaison personnelle du capitaine et sur laquelle il peut faire des bénéfices non négligeable, surtout s'il la débarque en cachette de la douane. La pratique de la pacotille est de tous temps et de tous lieux, mais le montant des profits "accessoires" réalisés par le capitaine était (ou est encore) très variable. Par la suite le terme pacotille désigne les marchandises échangées contre des esclaves africains par les négriers européens dans le cadre du commerce triangulaire.
  • Pied de Pilote : marge de sécurité nécessaire pour qu'un navire passe au-dessus d'un haut-fond. Il est prudent de ne pas se contenter des indications théoriques des cartes et des tables de marée, divers phénomènes comme une sur-marée due au vent ou à la pression atmosphérique, ou encore l'action de la houle et le peu connu effet squat peuvent agir de façon défavorable. L'humour des marins prétend que le pied est le seul organe du pilote qui continue à croître après l'adolescence, exprimant ainsi que les vieux navigateurs sont moins téméraires que les jeunes.
  • Pot-au-noir : ceinture météorologique appelé "zone de convergence intertropicale" de quelques centaines de kilomètres autour de l'équateur, caractérisée par l'absence de vent ou de faible vent, rendant difficile la traversée de la zone par des voiliers.
  • Poulie coupée : appellation grivoise désignant une femme. Les traditionnelles poulies havraises à cage de bois de forme ovoïde ressemblaient (avec un peu d'imagination) à un abricot démesuré. Pour certaines manœuvres il était nécessaire de pouvoir insérer dans une poulie un cordage dont les extrémités n'étaient pas libres, on employait donc des poulies présentant une fente (verrouillable par un mécanisme à charnière), d'où l'expression se référant à l'anatomie féminine[26].
  • Prendre un ris : réduire la surface d'une voile à l'aide des ris.
  • Presse (la) : recrutement forcé légalisé par un décret royal en France du temps la marine à voile (voir schangaïer).
  • Press Gang : recrutement forcé dans la marine anglaise du temps de la marine à voile (voir schangaïer).
  • Proverbes marins : les marins ont créé toutes sortes de dictons et proverbes pour décrire les réalités de leur métier. La catégorie la plus connue est celle des dictons météorologiques (qui datent d'avant la météorologie scientifique actuelle) et qui tout en conservant une certaine part d'exactitude (pour des zones de navigation précises et des situations particulières) font aujourd'hui partie du folklore. Il existe, à côté des dictons météorologiques, d'autres proverbes qui décrivent avec une solide dose d'humour des situations et des expériences liées au métier de marin. Par exemple : "N'est pas à terre qui garde le canot". Lors d'une escale où le navire est mouillé sur une rade, le capitaine peut décider d'autoriser une partie de l'équipage à se rendre à terre avec la chaloupe ; mais celui qui est préposé à sa surveillance n'est pas vraiment à terre puisque exclu de la permission dont profite les autres matelots. Autre exemple : "Toujours le même, c'est bien connu, qui baise l'aviron tordu". Lorsqu'il faut armer une chaloupe à avirons, les matelots les plus malins et les plus "décoinceurs" s'emparent des "bons avirons", ceux qui sont rectilignes. Le matelot le moins futé du bord, l'"idiot du village" maritime, se retrouve invariablement avec un aviron gauchi qui est une calamité à utiliser, car le manche a tendance à tourner dans la main et à générer en très peu de temps des ampoules très douloureuses. Plus généralement, ce proverbe pointe le fait qu'il y a toujours des gens plus malins que les autres qui savent s'éviter les désagréments[27]. La création de proverbes marins ne s'est pas éteinte avec la disparition des grands voiliers de commerce dans les années 1920 ; en témoigne un adage crée par les moniteurs de la célèbre école des Glénans qui ont assisté à plus d'une fausse manœuvre de la part de leurs élèves débutants : "Si une connerie est possible, elle est déjà faite. Si une connerie est impossible il se trouvera forcément un con pour la faire un jour". Un autre adage des Glénans vise les plaisanciers un peu trop téméraires qui abusent de leur maestria : "La belle manœuvre est à la limite de la connerie".

R

  1. Coudre ou réparer la ralingue : un cordage qui est cousu sur les bords d'une voile ou d'un filet pour le renforcer ;
  2. Action de mettre une voile parallèle au vent, pour qu'elle ne se gonfle pas ;
  3. Par extension, se dit d'une voile qui claque au vent sans se remplir.
  • Range : ordre donné par le maître d'équipage : exemple : range à larguer, range à border les huniers[28].
  • Ranger à l'honneur : dans la marine à voile, ranger à l'honneur était une manœuvre pour passer très proche de la poupe du vaisseau amiral pour entendre directement les ordres vocaux du commandement. Par extension, ranger à l'honneur, est la manœuvre faisant passer près ou raser un rivage ou un autre navire[28] bordée contre bordée, lors par exemple, d'un abordage.
  • Ranger le vent : se rapprocher de la direction du vent.
  • Ris irlandais (ou ris à l'irlandaise) : manœuvre de tout dernier recours consistant à déchirer à coups de couteau une voile qui menace de faire chavirer un bateau[29]. Ce type de manœuvre est considéré comme une faute (une réduction de voilure n'a pas été menée suffisamment tôt). Elle est donc attribuée avec une touche de xénophobie à une culture étrangère, comme l'empannage chinois, autre manœuvre ratée.

S

  • Scier du fromage : expression imagée utilisée par les mécaniciens sur les navires à vapeur (on la trouve notamment dans le roman Remorques de Roger Vercel) pour désigner l'emballement potentiellement très dangereux de la machine, lorsque l'hélice sort de l'eau par gros temps sur un coup de tangage. Par gros temps l'officier mécanicien était en permanence auprès de la vanne principale d'arrivée de vapeur et devait la manœuvrer de façon synchronisée aux mouvements du navire pour minimiser les risques d'avarie grave[30].
  • Sécurité : c'est une préoccupation constante en mer, mais les moyens de l'assurer ont varié en fonction des époques et des progrès de la technique. De nos jours, par exemple, les plaisanciers et les cadets embarqués sur des grands voiliers-école disposent de harnais de sécurité, inspirés du matériel d'alpinisme, à la fois efficaces et ergonomiques, n'entravant pas trop les mouvements, qu'il est prudent de porter pour les manœuvres sur le pont par gros temps (risque d'homme à la mer), et que les cadets embarqués sur les voiliers école capèlent et crochent obligatoirement pour travailler sur les vergues (risque de chute mortelle sur le pont). Sur les voiliers d'autrefois de tels matériels n'existaient pas et un adage de marins résumait la situation : "Une main pour toi et une main pour le bateau...Et si le bateau souffre... ajoute lui trois doigts".
  • Shangaïer : pratique illégale mais courante consistant à saouler/droguer un matelot pour l'embarquer contre sa volonté sur un navire en partance (il ne se réveillait que lorsque le navire était en mer et sorti des eaux territoriales). Les marines royales française et anglaise pratiquaient également au XVIIe siècle un recrutement forcé (mais légalisé par un décret royal) appelé La Presse en français et, presque identiquement, Press Gang en anglais pour armer en guerre leurs vaisseaux de ligne (très gourmands en main d’œuvre, il fallait entre huit et quinze hommes pour servir un seul canon). Les résultats étaient rarement à la hauteur, avec l'enrôlement forcé de personnes parfois déjà en mauvaise santé, incompétents aux métiers de la mer, ce qui était également souvent le cas des shangaïés fournis par des "marchands d'hommes" (Crimps en anglais) dans des ports comme San Francisco au temps de la Ruée vers l'or où la pègre dominait les quais, bien secondée par une police très corrompue.
  • Splice the mainbrace : ordre donné à bord d'un navire par son commandant, pour autoriser l'équipage à consommer de l'alcool. L'expression signifie littéralement « épisser le cordage principal », destiné à l'origine, comme un ordre pour exiger une opération d'urgence à bord d'un voilier. À bord des navires français l'expression équivalente était À border l'artimon. Cette manœuvre, relativement facile puisqu'exercée depuis le pont, venait en dernier après les prises de ris lors des ajustements de réglages de voilure ; c'était donc aussi le signal pour la distribution d'un boujaron (une dose de rhum ou d'eau-de-vie après une manœuvre).
  • Ship Shape and Bristol's Fahion : littéralement dessiné et grée à la mode de Bristol, désigne un navire ayant un bel aspect équivalent anglais de Grée en trois-mâts de Bordeaux (voir Grée en trois-mâts de Bordeaux).
  • Striking the colors : Traduction anglaise de baisser pavillon.

T

  • Tacaud (poisson) : L'expression : "Baisé comme un tacaud dans la vase" est descriptive d'une maladresse commise (en général un échouage involontaire) mettant le navire dans une situation ridicule. Elle a du sens par rapport au poisson qui n'a pas regagné à temps la mer libre lors du jusant (marée descendante)[31]. Par extension , se faire escroquer ou "rouler" lors d'une partie de cartes.
  • Tar : terme anglais utilisé à l'origine pour désigner les marins de la marine marchande britannique ou de la marine royale.
  • Tête de Morue et queue de maquereau : Formule empirique et imagée d'hydrodynamique, utilisée par les charpentiers de marine jusqu'au XIXe siècle qui voulait que la coque d'un bon voilier (par exemple les bisquines) ait des volumes avant rebondis et un arrière effilé . Avec l'avènement des yachts et en particulier de la célèbre goëlette America qui ridiculisa les meilleurs voiliers anglais ainsi conçus[32], en présence de la Reine Victoria, cette théorie empirique (qui donnait cependant d'excellents voiliers de travail) fut peu à peu mise au rancart.
  • Tonnerre de Brest : ancien juron de marin qui a pour origine soit les intempéries de la rade de Brest[33], soit les usages matin et soir de tirs à blanc au canon par la marine basée à Brest[34]. Une dernière origine controversée serait l'avertissement au canon d'une évasion au bagne de Brest[35], annoncé par un code sonore au canon, l'usage étant de verser une récompense à qui capturerait le fugitif[36].
  • Tonton : capitaine d'un navire de guerre (voir Grand-mât).
  • Tournebroche : désignation ironique de la forme classique de la machine à vapeur à pistons (triple expansion, rotation lente, quelques dizaines de tours par minute, et surtout vilebrequin apparent) utilisée depuis le milieu du XIXe siècle jusqu'aux années 1950. Les marins de la voile et les matelots de pont avaient diverses expressions ironiques pour désigner le personnel machine : La chaffuste et les chaffustiers, pour le personnel des chaudières, les bouchons gras pour les mécaniciens et graisseurs (en anglais Grease Monkeys, littéralement les singes à graisse), qui en l'absence de graissage centralisé et automatique passaient leur temps à lubrifier la machine en pleine marche avec des burettes à long bec et des chiffons huileux.

V

  • Veiller au grain : passée dans le langage commun[37], cette expression vient de la marine et non de l'agriculture. Le grain en question est en fait un coup de vent localisé et dévastateur provoqué par un cumulonimbus actif. À l'approche d'un grain, des réductions de voilure s'imposaient sous peine d'avaries graves, voire de naufrage par chavirage. En témoigne le proverbe suivant : Si tu veux vivre vieux marin, arrondis les caps et salue les grains (traduire : passe à bonne distance des caps et réduis la voilure à l'approche d'un cumulonimbus)[38].
  • Vin de précision : vin destiné aux officiers à bord d'un navire (voir cambusier).
  • Virer au guideau / au cabestan : remonter un cordage ou une ancre sur un treuil (guideau, cabestan).
  • Virer de bord : Changer de direction / d'amure en passant face au vent, ou contourner un obstacle, ou remonter une ancre ou un casier.
  • Virement lof pour lof : pour un voilier, action de changer d'amure simultanément par vent arrière pour prendre le vent par travers arrière, permettant pour les voiliers bermudiens d'aller plus vite en zig-zag, que par vent arrière. L'action opposée, louvoyer, est l'action de remonter le vent au près en changeant simultanément d'amure face au vent pour les voiliers bermudiens et auriques.
  • Voleur de rations : synonyme péjoratif de cambusier (voir cambusier).

W

Notes et références

  1. Pierre-Marie-Joseph de Bonnefoux, Dictionnaire de marine à voile et à vapeur, Paris, Arthus Bertrand, (lire en ligne)
  2. « gaffe », CNRTL.
  3. « Cnrtl.fr - Pavillon », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  4. « www.defense.gouv.fr - L'expression "baisser pavillon" », sur www.defense.gouv.fr (consulté le )
  5. « www.expressio.fr : baisser-pavillon », sur www.expressio.fr (consulté le )
  6. « balai », sur Dictionnaires et Encyclopédies sur 'Academic' (consulté le )
  7. « Le beau langage : l’art de ramasser une bitture… », sur Escales Maritimes, (consulté le )
  8. « Le Grand Coureur. Paroles du recueil de chants de marins écrit par Bernard Loffet. Tablatures et partitions pour accordéons diatoniques. », sur diato.org (consulté le )
  9. « scuttlebutt - Traduction en français - exemples anglais | Reverso Context », sur context.reverso.net (consulté le )
  10. « CNRTL - Cingler »
  11. « Les écraseurs de crabes, le petit cabotage », sur Becedia, (consulté le )
  12. Alice Develey, « Journée de l'éléphant: Ce que vous ignorez sur le nom du pachyderme », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  13. « Land Lubber/lover? - phrase meaning and origin », sur www.phrases.org.uk (consulté le )
  14. Dictionnaire de la Mer (Jean Merrien, Edition Omnibus, 2001), Page 126
  15. Nicolas de La Casinière, « La «godaille», trafic de poisson ou 13e mois pour matelots? », sur Libération.fr, (consulté le )
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  36. Marie Verdier, « Tonnerre de Brest ! », La Croix, 19 août 2014.
  37. « Veiller au grain - dictionnaire des expressions françaises - définition, origine, étymologie - Expressio par Reverso », sur Expressio.fr (consulté le )
  38. « dictons de bon sens », sur www.indomptable.eu (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Arz Claude, Croyances et légendes de la mer, Editions Le Télégramme, , 160 p. (ISBN 978-2-84833-243-7).

Liens externes

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