Factions (Byzance)
Les factions (factiones) ou dèmes dans l'empire romain et surtout dans l'empire byzantin étaient essentiellement des supporteurs et organisateurs de courses de chars dans les cirques de l'Empire, et notamment dans le plus grand de tous[réf. nécessaire] , l'Hippodrome de Constantinople. Pendant la période proto-byzantine, elles avaient un rôle éminemment politique et sont à l'origine de plusieurs émeutes dont la sédition Nika.
Les couleurs
Dans l'empire romain, les quatre factions rivales sont identifiées aux quatre saisons : les Prasina (verts) associés au printemps, les Russea (rouges) à l'été, le parti des Veneta (bleus) à l'automne et celui des Albata (blancs) à l'hiver[3].
Il y avait deux factions principales et deux mineures dans l'empire byzantin : les Bleus (veneta) associés aux Blancs et les Verts (prasina) associés aux Rouges[4]. Ces factions étaient à l’origine des groupes de supporters (fautores) des différents équipages qui s’affrontaient dans les courses de chars. D'une séparation territoriale au début, la différence entre les factions change assez vite pour devenir des oppositions politiques et religieuses. Avant Héraclius, les empereurs dédiaient leur couronnement à l'une des factions, provoquant le mécontentement de l'autre, qui pouvait pousser jusqu'à provoquer des émeutes.
On a longtemps radicalement opposé les deux factions dans l'empire byzantin dans leurs sociologies respectives, choses que les études plus récentes ont largement porté à nuancer[5]. Néanmoins, on peut à gros traits brosser ces factions ainsi : les Verts étaient la faction des basses classes, la plus nombreuse, souvent originaire des provinces syriennes ou égyptiennes, principalement des artisans et des commerçants d’origine modeste qui soutenaient des concepts religieux issus de l’Orient et plutôt hétérodoxes comme le monophysisme ; les Bleus étaient la faction des classes possédantes, plutôt gréco-romains et issus de familles patriciennes, soutenant davantage l’orthodoxie religieuse chalcédonienne. On trouve cependant de nombreux exemples de monophysites dans le parti des Bleus ou, au contraire, de tenants de l'orthodoxie parmi les Verts[6].
Chacune des factions avait sa tribune dans l’Hippodrome : face à la piste, les Verts se trouvaient du côté de la sphendonè à gauche de la tribune impériale tandis que les Bleus se plaçaient à droite de celle-ci, du côté des carceres, situées à l'extrémité nord-est de l'hippodrome[7].
Séditions
Au fil du temps, les factions s’organisent et se dotent même d'une organisation militaire (le dème est dirigé par le dèmarque qui dirige les dèmotes, les miliciens du dème), elles deviennent ainsi des milices qui n'hésitent pas à s'opposer physiquement. Cette exacerbation des tensions entre factions est à l'origine de plusieurs révoltes :
- en 501, plus de 3 000 personnes sont tuées au mois de mai au cours des fêtes païennes des Brytae lors des affrontements entre les deux factions ;
- en 512, Anastase doit faire face au mois de novembre à la révolte des Bleus contre les Verts qu’il soutenait ;
- en a lieu le drame de la sédition Nika, qui voit les Bleus et les Verts s'allier contre l'empereur Justinien Ier, guerre civile dans les murs de Constantinople durant laquelle près de 80 000 personnes sont tuées.
Déclin
Les factions perdent progressivement de leur influence politique et, à partir du règne d'Héraclius, dans la première moitié du VIIe siècle, deviennent des troupes de parade qui se joignent à l'élite pour acclamer l'empereur et fournissent des chœurs à la cérémonie d'acclamation.
À partir du Xe siècle, elles sont intégrées à la hiérarchie palatine et participent aux réceptions du Palais Sacré en tant que membres des Scholes (pour les Bleus) et des Excubites (pour les Verts)
La prise de Constantinople par les Croisés en 1204 met un terme aux courses de chars par faute de moyens ; les factions, privées de leur raison d’être, finissent aussi par disparaître.
Notes et références
- Selon l'interprétation de Katherine M. D. Dunbabin (en), « The Victorious Charioteer on Mosaics and Related Monuments », American Journal of Archaeology, 86.1, 1982, p. 71.
- André Maricq, « Factions du cirque et partis populaires », Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Classe des Lettres, 5e série, 36, 1950, p. 416
- Jocelyne Nelis Clément, Jean-Michel Roddaz, Le cirque romain et son image, Ausonius Éditions, , p. 270-274
- Sur la valeur symbolique de ces couleurs, voir Gilbert Dagron, Naissance d'une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451 (Bibliothèque byzantine), Paris, Presses universitaires de France, 1974, pp. 336-337, qui accepte les analyses de Georges Dumézil (Rituels indo-européens à Rome, Paris, 1954, chap. 3 : « Albati, Russati, Virides », pp. 45-61) sur une origine de ces couleurs liée à la tripartition fonctionnelle commune aux peuples indo-européens : il y aurait eu à l'origine trois couleurs seulement (Blanc, Rouge, Vert) ; le Bleu serait apparu ensuite (cf. Lydus, De mensibus, IV, 30) comme un dédoublement du Vert correspondant à la troisième fonction, à la masse du peuple.
- cf ; Jocelyne Nelis-Clément, « Les métiers du cirque, de Rome à Byzance : entre texte et image », in Cahiers du Centre Gustave Glotz, no 13, 2002, pp. 265-309, article en ligne
- Jacques Jarry, « Hérésies et factions à Constantinople du Ve au VIIe siècles », in Syria, tome 37, fascicule 3-4, 1960, pp. 348-371, article en ligne
- C. A. Mango, « L'Euripe de l'Hippodrome de Constantinople. Essai d'identification », in Revue des études byzantines, tome 7, 1949, p. 185, article en ligne
Bibliographie
- Alan Cameron, Circus Factions. Blues and Greens at Rome and Byzantium, Oxford, 1976
- Henri Grégoire, « Le peuple de Constantinople ou les Bleus et les Verts », in Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 90e année, no 4, 1946, pp. 568-578, article en ligne
- A. Maricq, « Factions du cirque et partis populaires », Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Classe des Lettres, 5e série, 36, 1950, pp. 396-421.
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