Catastrophe du Farfadet

La catastrophe du Farfadet est une catastrophe maritime survenue dans la lagune de Bizerte en Tunisie, le . Le naufrage du sous-marin français, après dix jours de vaines tentatives de sauvetage défrayant la chronique, coûta la vie à 14 membres de l'équipage. Seuls deux d'entre eux, dont le commandant Cyprien Ratier y survécurent. Le Farfadet sera ensuite réarmé en 1908 sous le nom de Follet et servira encore jusqu'à la fin de 1913[1].

Catastrophe du Farfadet

Type Catastrophe maritime
Coordonnées 37° 09′ 37″ nord, 9° 49′ 01″ est
Date
Bilan
Morts 14

Géolocalisation sur la carte : Tunisie

Farfadet

Le Farfadet
Autres noms Follet
Type Sous-marin de classe Farfadet (1901-1913)
Histoire
A servi dans  Marine nationale
Constructeur Selon plans de Gabriel Maugas
Chantier naval Rochefort-sur-Mer
Commandé
Lancement
Statut Retiré le (Le Follet)
Équipage
Commandant Cyprien Ratier
Équipage 14+2
Caractéristiques techniques
Longueur 41,35 m
Maître-bau 2,90 m
Tirant d'eau 2,68 m
Tonnage 184,97 tonnes en surface
202,47 tonnes en plongée
Propulsion
  • 2 moteurs électriques Sautter-Harlé de 300 ch
  • 1 hélices à pales orientables
Puissance 600 ch (électrique)
Vitesse 6,10 nœuds en surface
4,20 nœuds en plongée
Profondeur 35 m immersion de sécurité
Caractéristiques militaires
Blindage Sous-marin de défense à coque unique en acier
Armement 4 tubes à torpilles de 450 mm
Carrière
Port d'attache Rochefort-La Palice
Indicatif Q7

Déroulement

Le , le Farfadet appareille et quitte la darse de Sidi-Abdallah pour une sortie d'exercice. À peine sorti de la passe, le commandant Cyprien Ratier ordonne une immersion. Pour ce faire, il convient de remplir les ballasts tout en maintenant le capot ouvert pour permettre à l'air de s'échapper. Cette manœuvre est délicate et rend le submersible très vulnérable. Ne parvenant pas seul à fermer l'écoutille, le commandant est rejoint par le second-maître Antoine Troadec et par le quartier-maître Le Jean. Ils sont tous trois expulsés du kiosque par un puissant jet d'air. À 8 h 30, le sous-marin français coule et gît sur le fond de la rade par dix mètres de profondeur.

Les secours s'organisent, les conditions sont bonnes et le port est proche. Le sous-marin est cependant lourdement enfoncé dans la vase. Une première tentative de treuillage échoue et le sous-marin repart s'enfoncer dans la vase avec à son bord les sous-mariniers qui répondent aux appels de leurs secouristes en frappant sur la coque d'acier. Le , la gabare Kebir et un ponton-bigue de la compagnie du port parviennent à hisser le Farfadet jusqu'à la surface en le tirant par l'arrière qui émergera un temps avant que la grue ne cède précipitant à nouveau le sous-marin vers le fond. Ceci permit toutefois de renouveler l'air de certains compartiments. Le , les travaux de sauvetage se poursuivent, les hommes d'équipage ne répondent plus aux appels. Le , le ministre de la Marine, Gaston Thomson, débarque à l'arsenal de Bizerte. Il comprend que tout est mis en œuvre pour sauver l'équipage. Des navires sont réquisitionnés. On adapte un dock flottant de 400 tonnes pour lui permettre de soulever le sous-marin et de l'acheminer dans un bassin de radoub. Les travaux se poursuivent les 10, 11 et . Le navire allemand Berger Wilhem venu prêter main-forte parvient à l'aide de ses puissantes pompes à désenvaser le submersible. Le 12 au soir, le sous-marin est solidement arrimé sous le dock flottant par une chaîne et deux aussières. Le 15, le sous-marin et le dock flottant sont remorqués par le Cyclope dans un bassin de radoub. Le dock flottant dépose alors le vaisseau au fond du bassin avant d'évacuer les lieux pour permettre que l'eau en soit extraite. Les pompes d'épuisement tournant à pleine puissance, on découvre alors progressivement l'épave du sous-marin gisant sur son bâbord.

C'est aux hommes du Korrigan qu'incombe la lourde tâche d'extraire les corps de leurs camarades. Quatre corps sont découverts à l'avant, ils sont probablement morts dès le début du naufrage. Deux se trouvent au centre dont le second maître Julien Lessausse qui a probablement manqué de peu de pouvoir en réchapper. Enfin, huit corps sont retrouvés à l'arrière. Les fuites d'acide sulfurique rendent les recherches des corps très pénibles, il règne dans le sous-marin une odeur pestilentielle. L'amiral ordonne alors de pratiquer une ouverture d'un mètre sur 1,20 m à l'arrière du bâtiment. Les corps sont emmenés dans une chapelle ardente et déposés dans des cercueils[2].

Obsèques

Les obsèques officielles des treize marins ont lieu à Sidi-Abdallah, le puis le remorqueur Cyclope transporte les cercueils à Bizerte. Le Ville-de-Naples rapatrie les dépouilles en France, le . Enfin, le Cyclope remorque l'épave en rade de Toulon en . Cyprien Ratier en restera le commandant jusqu'en .

Le , le second maître Antoine Troadec succombe à ses blessures à l'hôpital maritime de Lorient.

Liste des victimes

14 des 16 membres de l'équipage du Farfadet photographiés le 14 juin 1905 devant l'arsenal maritime de Sidi-Abdallah à Ferryville.

Devenir du Farfadet

Inauguration du monument aux victimes du Farfadet et du Lutin par les équipages du Korrigan et du Gnôme (les deux seuls navires de la classe Farfadet n'ayant pas fait naufrage), à Ferryville, le .
Renflouage du Farfadet dans le port de Bizerte - revue "Je sais tout" août 1905

Le Farfadet, à la suite de son naufrage survenu le est remorqué à Toulon en . Il sera par la suite réarmé et reprendra du service sous le nom de Follet le jusqu'au . Il est ensuite vendu à Bizerte le .

Reconnaissances

  • Un monument aux morts, dédié également aux victimes du Lutin, sistership du Farfadet, est inauguré sur une place de Ferryville le . Il est en bronze et est du au sculpteur Émile Gaudissard. En 1961, il est déménagé puis est rapatrié à l'Arsenal de Toulon où il reste quelques années puis à celui de Lorient. Enfin, à la suite d'une demande expresse de la ville, il est adopté par la commune de Mourenx qui ne disposait pas jusqu'alors de monument aux morts. Il y est inauguré le .
  • Une cérémonie officielle s'est déroulée à Mourenx le pour marquer le centenaire du naufrage.
  • Depuis, tous les premiers dimanches d'octobre, une cérémonie d'hommage se déroule face au monument à Mourenx.

Presse d'époque


Article en l'état (avec les fautes de frappes.) du Petit Journal, Dimanche 23 Juillet 1905 – n°766

"LA CATASTROPHE DU « FARFADET »

Les scaphandriers travaillant au renflouement du sous-marin.

Jamais catastrophe n'apparut plus poignante que celle-ci. Le pays tout entier a suivi avec une émotion profonde toute les phases de l'événement tragique, et les angoisses des malheureux qui sont morts, enfermés dans leur prison d’acier, ont eu, par toute la France, un douloureux écho.

Certes, l'activité et le dévouement des sauveteurs ont été au-dessus de tout éloge. Mais on manquait, à Bizerte, de l'outillage nécessaire. Les chaînes passées sous le Farfadet – et au prix de quelles peines !- se brisèrent.

Pourtant, on crut un instant qu'on retirerait le navire assez tôt pour sauver les malheureux qui agonisaient dans ses flancs.

Lorsqu'on tenta de soulever le sous-marin, on put les entendre, et l'on sut qu'ils ne se laissant pas aller à l'affolement et qu'ils gardaient leur confiance dans le secours attendu.

Hélas ! Ce secours devait être en vain. Alors qu'on touchait au but, un bras de grue se rompit sous le poids et le Farfadet retomba, plus profondément enlizé.

Il faut rendre justice cependant à tous ceux qui coopérèrent aux tentatives de sauvetage. L'amiral Aubert, l'ingénieur Faure et leurs subordonnés ont fait tout ce permettaient les forces humaines. Les scaphandriers, une fois de plus, ont montré leur endurance et leur mépris du danger.

Ce métier qu'ils font est fatigant et périlleux entre tous. Le poids des appareils dont ils sont revêtus, les terribles pressions qu'il leur faut supporter au fond de l'eau, mettent leur forces et leur énergie à une rude épreuve. Pourtant, chaque fois qu'il s'agit de secourir des naufragés, on retrouve chez les scaphandriers le même dévouement.

Sans relâche ils ont travaillé dans la vase épaisse où s'enfonçait la quille du Farfadet et ce sont eux qui ont senti palpiter les derniers souffles de vie derrière les cloisons du bâtiment.

Depuis le ministre de la marine jusqu'au plus modeste des sauveteurs, le courage n'a manqué à personne en cette tragique occurrence.

Seuls, les moyens de sauvetage ont fait défaut. L'obligation où s'est trouvé l'amiral Aubert de se servir des appareils appartenant à des compagnies privées montre, de la façon la plus nette, et la plus triste aussi, combien est défectueux l'outillage de l'arsenal de Bizerte.

C'est la première fois, en France, que la navigation sous-marine subit un grave accident et cet accident devient une véritable catastrophe par suite d'une imprévoyance dont les résultats n'étaient que trop facile à prévoir.

On a rappelé à ce propos la visite faite à l'arsenal de Bizerte en 1902, par M. Pelletan, alors ministre de la marine, et l'arrêt survenu dans les travaux à la suite de cette visite. Le ministre avait trouvé, en effet, que tous les projets préparés par l'amiral Ponty, le créateur de Bizerte, étaient exagérés... Il en résulta que l'arsenal de Bizerte, qui aurait dû être armé et outillé comme celui de Toulon, demeura dépourvu du matériel même le plus rudimentaire.

La conséquence de cette pénurie dans les moyens de sauvetage apparaît, aujourd'hui, tragique, lamentable et singulièrement accusatrice pour l'administration de notre avant-dernier ministre de la marine.

Après la perte de la Vienne, qui coûta la vie à tant de braves marins ; après l'échouement du Sully, qui coûta tant de millions à l'État, voici le drame poignant du Farfadet.

Et, cependant, le cœur léger et la parole fleurie, M.Pelletan, rendu à ses chères études, préside des cours d'amour, dans le parc de Sceaux, au pied du baste de Florian !"

La classe Farfadet (1901-1913)

Le sous-marin Farfadet remorqué par le remorqueur Cyclope en

La classe Farfadet comptait 4 sous-marins.

Notes et références

  1. Henri Le Masson, Du Nautilus 1800 au redoutable: histoire critique du sous-marin dans la marine française, Presses de la Cité, 1969, p. 459
  2. La Lanterne du

Voir aussi

Articles connexes

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