Fatemeh
Fāṭemeh (persan : فاطمه), de son vrai nom Fāṭimih Baraghāní, née à Qazvin vers 1817-1818 et morte à Téhéran en 1852[1], est un des premiers personnages marquant de l'histoire des mouvements féministes en Iran. Elle fut aussi une grande poétesse, et une théologienne de renom[2]. Elle est aussi, et peut-être surtout, la première femme disciple du Bāb.

Naissance | |
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Décès | |
Nationalité | |
Activités |
Poétesse, écrivaine, militante pour les droits des femmes, théologienne, enseignante |
Père |
Mulla Muhammad Salih Baraghani (en) |
Mère |
Amina Qazvini (d) |
Fratrie | |
Enfants |
Religion | |
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Maître |
Ahmad ibn Zayn al-Din al-Ahsa'i (en) |
Outre Fatemeh, elle est également aussi connue sous le nom de Tâhereh (« La Pure » — Táhirih en translittération baha'ie), Qurratu’l-‘Ayn (arabe : قرّة العين « Consolation des Yeux »), Umm-i-Salmih ou Zakíyyih.
Elle est notamment célèbre pour avoir jeté son voile et brandi une épée durant la conférence de Badasht en 1848[3].
Jeunesse
Fatemeh est la fille de Ḥájí Mullá Ṣáliḥ, docteur en loi islamique (mujtahid) dans la ville de Qazvín, près de Téhéran. Son oncle paternel, Mullá Taqí, était le responsable (Imâm-Jum’ih) de la principale mosquée de cette ville. Avec sa sœur Marzieh, elle reçut une éducation religieuse, et toutes deux étaient particulièrement douées en littérature persane et arabe et en études islamiques.
On la marie à l'âge de 13 ans avec son cousin Mullá Muḥammad Taqí Baraghání, célèbre meneur religieux Usuli, une des écoles les plus orthodoxes et dogmatiques de l'islam, qui défiait l'autorité des mujtahid. De leur union naquirent deux fils et une fille.
Ayant reçu de son père une éducation religieuse, elle commença une correspondance épistolaire avec Shaykh Aḥmad-i-Ahsá’í (1753-1826), le chef et fondateur de l'école religieuse Shaykhí, qui se développait alors fortement dans les villes saintes chiites irakiennes de Najaf et de Kerbala, où le jeune couple finit par se rendre en 1828 pour parfaire ses études religieuses. C'est là que Fatemeh rencontre Siyyid Káẓim-i-Rashtí (1793-1843), le successeur deShaykh Aḥmad-i-Ahsá’í à la tête de l'écoleShaykhí, qui lui donna le titre de Qurratu'l-'Ayn (« consolation des yeux »). C'est là aussi qu'elle fut sensibilisée à la politique européenne.
Après la mort de Káẓim-i-Rashtí, elle continua sa correspondance et sa recherche, et découvrit Siyyid ‘Alí Muḥammad Shirází (1819-1850), surnommé le Bāb et fondateur d'un mouvement religieux réformateur et millénariste appelé babisme. Elle reconnut en lui le Qâ’im attendu par les musulmans et devint l'un de ses premiers disciples. Seule femme du groupe, elle fut aussi la dix-septième « Lettre du Vivant » (« Ḥurûf-i-Ḥayy »), un titre décerné par le Bab. Mais elle est aussi seule à ne pas avoir rencontré physiquement le Báb. Cet engagement mit sa famille en péril.
Rôle dans le babisme
Elle commença à enseigner sa nouvelle foi dans la ville iraquienne de Kerbala, chez la veuve de Siyyid Káẓim-i-Rashtí. Mais à la suite de plaintes de religieux chiites, le gouvernement la déplaça à Bagdad, où elle poursuivit son enseignement de la nouvelle foi, défiant le clergé chiite dans des débats publics. Les autorités de Bagdad et le gouverneur décidèrent alors que, puisqu'elle était persane, elle devait retourner en Perse, et ils la firent escorter de Bagdad jusqu'à la frontière avec d'autres babis.
Durant son voyage de ret,our vers Qazvín, elle enseigna la foi babie à l'occasion des étapes à Karand et à Kermanshah, où elle débattit avec le chef du clergé de la ville Áqá ‘Abdu'lláh-i-Bihbihaní. À la suite de quoi ce dernier écrivit au père de Fâtemeh pour se plaindre d'elle et demander que des parents l'emmènent loin de Kermanshah. Elle se rendit alors dans les villes de Sahnih et de Hamadan, où elle rencontra ses frères envoyés pour la prier de revenir à Qazvín. Elle consentit à revenir avec eux après une déclaration publique sur le Báb à Hamadan. Revenue à la maison, elle abandonna « officieusement » ses enfants et son époux, dont la famille s'opposait au Báb et à ses enseignements. En fait, elle le « répudia » quasiment (arabe : talaq). Cet acte, inconcevable pour une femme en ce temps et ce lieu, indique qu'elle se considérait à l'égale d'un homme. Cela ne saurait étonner, vu son engagement pour l'émancipation des femmes. D'ailleurs, sa présence très forte au sein du mouvement babi initiera la formation du premier mouvement féminin organisé en Iran.
Elle fut soutenue dans son action par Marzieh et Khorshid Beygum Khanum, la mère et la sœur de Mullá Ḥusayn-i-Bushru'í (1813-1849), première Lettre du Vivant, tué le 2 février 1849 au cours du siège du fort de Shaykh Ṭabarsí, ainsi que par la mère de Hadi Nahri, Roustameh (première femme meneuse du mouvement), qui voyageaient dans tout le pays, organisaient des réunions et aidaient les babis. De nombreuses femmes de la cour royale soutenaient aussi Fâtemeh.
Alors qu'elle séjournait à Qazvín, son oncle Mullá Muḥammad Taqí fut assassiné et on lui reprocha d'avoir chargé quelqu'un de commettre ce crime, car c'était un ennemi irréductible de Shaykh Aḥmad al-Ahsá'í et le premier savant musulman à l'avoir condamné pour « mécréance ». Bien qu'il n'y eut aucune preuve contre elle, cet événement entraîna sa mise en résidence surveillée dans la maison de son père, avec interdiction de sortir de sa chambre excepté pour les rites quotidiens de purification. Mais Bahá'u'lláh réussit à arranger sa fuite à Téhéran, puis au Khurásán[4].
Séparation d'avec l'islam
Après l'arrestation du Báb, elle participa à la conférence de Badasht organisée en juin-juillet 1848 par les chefs du mouvement babi afin de planifier la libération du Báb. Ils ne réussirent pas à mettre sur pied un plan pour libérer le Báb, mais réalisèrent en fait une séparation brutale, complète et dramatique d'avec la Charia islamique en suivant ce que le Báb avait récemment révélé dans son Bayān.
Chaque jour que dura cette réunion, une loi islamique fut remplacée par une nouvelle loi babie. Elle enlève son voile et le jette à terre en proclamant [5]: « Je suis la parole, que le Qa'im doit prononcer, la parole qui fera fuir les chefs et les nobles de la terre », puis elle ajouta que « ce jour est un jour de réjouissance universelle, le jour où se brisent les chaînes du passé ; que ceux qui participent à ce grand évènement se lèvent et s'embrasent ! ». Cet acte « intolérablement indécent » frappa de stupeur l'auditoire, à tel point que l'un des babis se trancha la gorge sur place et que d'autres s'enfuirent en abandonnant la Foi. Quddūs, furieux, était sur le point de l'attaquer, quand Bahá'u'lláh apaisa l'atmosphère en lisant la 56e sourate du Coran intitulée « l'évènement inéluctable » (al-Waqi'a) et faisant comprendre à tous par ses explications de ces versets, qu'ils étaient en train de vivre le « Jour de la Résurrection » !
À cette occasion Bahá'u'lláh lui décerna le titre de Ṭâhirih (« La Pure »), qui fut par la suite confirmé par le Báb lui-même[6].
Martyre
Après cette conférence, Ṭáhirih fut arrêtée, conduite à Téhéran et emprisonnée dans la maison du maire, Maḥmúd Khán, où les dames de la noblesse venaient pour la rencontrer et l'écouter.
Au premier regard que posa sur elle le roi de Perse Náṣiri’d-Dín Sháh Qájár (1831-1896), il tomba sous le charme de cette femme et désira immédiatement l'épouser, mais elle déclina son offre. En conséquence de quoi il ne lui vint pas en aide quand ses ennemis réclamèrent sa tête après la tentative d'assassinat du roi le . Quand on lui annonça la sentence de mort, elle se para comme la plus belle des mariées et déclara fièrement à ses bourreaux : « Vous pouvez me tuer quand vous voulez, mais jamais vous n'arriverez à empêcher l'émancipation des femmes ! »[7]
Elle fut finalement étranglée avec son foulard de soie, dans le jardin de Ílkhání, par un soudard ivre. Son corps fut jeté au fond d'un puits et recouvert de pierres[8].
Témoignages sur Fatemeh et postérité
L'influence de Fatemeh a dépassé les frontières de la Perse. De la Russie en Inde ou en Europe en passant par la Turquie, nombreux sont ceux que Fatemeh a fascinés. Parmi les témoignages retranscrits dans Tahirih in History (2004)[9], on retrouve ceux des Européens Edward Browne, Louis Alphonse Daniel Nicolas et Arthur de Gobineau. On trouve également dans À la hauteur[10] des témoignages de l'admiration envers la première femme disciple du Báb sous la plume des Français Catulle Mendès et André-Ursule de Bellecombe, des Autrichiens Marianne Hainisch, Edward Polak et Marie von Najmajer ou encore de l'Allemand Friedrich Carl Andreas (en).
Notes et références
- Certains témoignages affirment qu'elle est née la même année que Mírzá Ḥusayn-`Alí Núrí, surnommé Bahá'u'lláh et fondateur de la Foi baha'ie, à savoir 1231 ap.H. (1817-1818). D'autres qu'elle est née en 1814. On ne connait précisément ni la date de sa naissance ni celle de sa mort, car les registres la concernant ont disparu.
- (en) Phyllis G. Jestice, « Tahirih : A Cross-cultural Encyclopedia », dans Moojan Momen; B. Todd Lawson, Holy People of the World, Santa Barbara, CA, ABC-CLIO, , 999 p. (ISBN 978-1-57607-355-1).
- (en) Farzaneh Milani, Veils and Words: The Emerging Voices of Iranian Women Writers, I.B.Tauris, (ISBN 9781850435747, lire en ligne)
- Chronique de Nabil, chapitre 15
- (en) « Revue S!lence100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd'hui », sur www.revuesilence.net (consulté le )
- Chronique de Nabil, chapitre 16
- Women and the Baha'i Faith, dans Religion and Women, par Susan S. Maneck.
- Chronique de Nabil, chapitre 26
- Sabir Afaqi, Tahirih in History : Perspectives on Qurratu'l-'Ayn from East and West, Los Angeles, Kalimat press, , 292 p. (ISBN 978-1-890688-35-6, lire en ligne).
- Isma Forghani, À la hauteur, Paris, L'Harmattan, , 111 p. (ISBN 978-2-343-17990-2, lire en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
- Muḥammad-i-Zarandí Nabíl-i-A’ẓam, La Chronique de Nabíl, trad. du persan en anglais par Shoghi Effendi, et de l'anglais en français par M.E.B., Bruxelles, Éd. baha'ies, 1986 [lire en ligne (page consultée le 12 février 2022)]
- Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, Paris, ASN des baha’is de France, 1970 [lire en ligne (page consultée le 12 février 2022)]
- 'Abdu'l-Bahá, Mémorial des Fidèles, Niyamy (Niger), Éd. Fada'il, 2002, voir le chap. 69
- « Tahirih in History », Studies in the Bábí and Bahá'í Religions, Vol. 16: Perspectives on Qurratu'l-'Ayn From East and West, de Afaqi, EdSabir (Ed.), Los Angeles, Kalimat Press, Los Angeles, 2004, (ISBN 1-890688-35-5)
- Isma Forghani À la hauteur, Paris, L'Harmattan, 2019 (ISBN 978-2-343-17990-2)
- (en) Hasan M. Balyuz The Báb: The Herald of the Day of Days, de i (1973), George Ronald, Oxford, Royaume-Uni, (ISBN 0-85398-048-9)
- (en) Tahirih: A Portrait in Poetry, Selected Poems of Qurratu'l-'Ayn, de Banani, Amin (Tr.) (2004), Kalimat Press, Los Angeles, États-Unis, (ISBN 1-890688-36-3)
- (en) Martha L. Root, Tahirih, The Pure, Los Angeles, Kalimat Press, 2000, (ISBN 1-890688-04-5)
- Bahiyyih Nakhjavani, La femme qui lisait trop, Arles, Actes Sud, 2007 (ISBN 978-2-330-07037-3)
- Yves Bomati, Houchang Nahavandi, Iran, une histoire de 4000 ans, Paris, Éd. Perrin, 2019, p.290-298 (ISBN 978-2-262-07597-2)
Articles connexes
Liens externes
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- Compilation des écrits en arabe et en persan de Ṭáhirih sur h-net
- Traduction en anglais de la poésie de Ṭáhirih par de Martha Root
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