Fin de siècle (journal)
Fin de siècle est un périodique français illustré, fondé en 1891 à Paris et disparu en 1910.
Pour les articles homonymes, voir Fin de siècle.
Fin de siècle journal littéraire illustré | |
En-tête du journal par Jack Abeillé (1894). | |
Pays | France |
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Langue | Français |
Périodicité | semi-hebdomadaire |
Genre | Actualités et culture |
Date de fondation | 17 janvier 1891 |
Date du dernier numéro | 25 décembre 1910 |
Ville d’édition | Paris |
Histoire du support
Fondé et dirigé par F. Mainguy, administrateur, et René Émery (1861-?)[1], rédacteur en chef[2], Fin de Siècle, d'abord sous-titré « journal littéraire illustré paraissant le samedi », sort dans les kiosques parisiens sa première livraison le 17 janvier 1891 au prix de 10 centimes. Le format est de 47 × 65 cm. La une et la dernière page sont en quadrichromie. Le directeur de publication mentionné est « A. de Rocard », mais il semble qu'il s'agisse là d'un pseudonyme ou d'un prête-nom (Jules Roques ?). Le premier éditorial programmatique présente le journal ainsi : « Fin de Siècle, ce nouveau-né, sera fin de siècle, c'est-à-dire qu'il aura toutes nos vertus et tous nos vices. Car, fi des moralistes revêches !, les vices, nos vices mignons sont des vices charmants bien modernes, bien attirants »[3]. Très vite le journal ajoute une édition supplémentaire le mercredi. L'adresse du siège est le 59 rue de Provence.
Littéraire, Fin de Siècle l'est sans aucun doute puisqu'il promet des « romans, contes, chansons et nouvelles », sous la plume de toute la fine fleur du roman réaliste, voire naturaliste : citons entre autres Alexandre Boutique, Paul Bourget, Aristide Bruant, Léon Cladel, Alphonse Daudet, Georges d'Esparbès, Georges de Lys, Guy de Maupassant, Oscar Méténier, Jean Richepin, Aurélien Scholl, ou Émile Zola. La direction artistique, le choix des dessins, a été confié à Paul Balluriau.
L'expression « fin de siècle » commençait depuis quelques années à circuler en langue française : en 1890, paraît une célèbre affiche signée Jules Chéret, annonce la « Revue fin de siècle » à l'Alcazar d'Été de Paris.
La censure
Lancé sous le 2e ministère à l'Intérieur d'Ernest Constans, surnommé entre autres par L'Intransigeant, le « Père la Pudeur », les ennuis pour le journal commencent avec l'édition d'une affiche promotionnelle en 1891, signée Alfred Choubrac, dont voici les trois états[4] lithographiés successifs :
- Affiche originelle, frappée d'interdiction...
- ... la même, réimprimée avec « Cette partie du dessin a été interdite » en cache...
- ... suivie d'une nouvelle version, plus chaste.
Le « bal Fin de Siècle »
Le 1er mars 1893, dans la foulée du bal des Quat'z'Arts, la direction du journal organise à l'Élysée-Montmartre un bal costumé. Plus de 3 000 invitations sont lancées. François Mainguy[5], le financier responsable du journal, invite, pour l'ambiance, entre autres La Goulue et quelques-unes de ses camarades (dont les demoiselles Alice Lavalle et Antoinette Rouvière dite d'Artefeuille), qui, habituées des cavalcades, arrivent au bal en « petites tenues ». Des plaintes pour tapage et outrage à la pudeur (i.e. : exhibition) sont déposées dès le lendemain. L'affaire fit grand bruit car, déjà, les Quat'z'Arts subissait les mêmes plaintes et ses responsables inculpés en même temps ; l'ambiance était, sur le plan de la police, aux lois scélérates : durant de longs débats houleux à la Chambre des députés, ces lois permirent entre autres de sanctionner tout ce qui pouvait être regardé comme une forme de provocation publique. Certaines séances furent troublées par l'intervention du prude sénateur René Bérenger, conspuant la « folie érotique » ; des témoins en faveur du journal furent entendus dont Jules Roques, patron du Courrier français. Le rendu du jugement contre Fin de Siècle, délivré par le vieux substitut Auguste Trouard-Riolle se produisit le 1er juillet, et les sanctions, comme le rapporte par exemple, La Lanterne, furent sévères, au prétexte que le carton d'invitation, tel qu'il était rédigé, encourageait les convives à venir en petite tenue : un mois de prison ferme pour Mainguy et quinze jours pour les dites demoiselles[6]. Pourvu en appel, le jugement fut confirmé en août suivant.
Un nouveau bal Fin de Siècle sera donné le 7 février 1895 au Casino de Paris, sans incident[7].
L'évolution du journal
Le 8 juin 1892, les exploitants du journal, la société Mainguy et Émery, est dissoute. Mainguy reprend seul l'activité. René Émery vient en effet d'être condamné à treize mois de prison pour une chronique jugée injurieuse publiée dans leur journal. Il fonde un an plus tard Le Don Juan — dans lequel écrivit Alfred Jarry —, mais doit plusieurs fois s'exiler hors de France, menacé pour ses audaces « pornographiques. »
Paraissant à partir de 1893 désormais les jeudis et dimanche, Fin de Siècle publie de 1894 à 1899 des suppléments[3], sous la forme d'almanachs coquins, d'albums comme La Vie. À partir de mars 1894, le rédacteur en chef est Victorien Du Saussay, qui produira par la suite de nombreux romans à caractère scandaleux[8], associé à P. Falstaff, développent des suppléments qui reprennent les dessins publiés dans le périodique. Les principaux dessinateurs de cette époque sont Jack Abeillé (nommé directeur artistique), José Belon, Georges Grellet, Carl-Hap, Charles Lapierre, Lubin de Beauvais, Marcel Capy, Maurice Neumont, Maurice Radiguet. Le journal lance également la « Bibliothèque du Fin de Siècle », une centaine d'ouvrages à caractère érotique et parfois présentés comme artistique et scientifique : vendus dans les locaux du journal, interdits de publicité, les ouvrages de cette collection ont connu et connaîtront plusieurs rééditions[9] jusqu'en 1914.
En janvier 1898, il est signalé que Jules Lévy, autrefois fondateur des Arts incohérents, est propriétaire du titre, et qu'il revend ses parts à un certain Élie Brachet[10], par ailleurs déjà directeur du journal à partir de 1894. Brachet est le parolier de nombreuses valses légères. Le siège passe au 34 rue de Lille.
En 1903, le journal annonce à travers des publicités qu'il tire à 70 000 exemplaires[11].
En 1906, le titre est désormais dirigé par Max Viterbo, un habitué du Cornet[12], qui le transforme en journal des spectacles[3], mais où l'on note de nombreuses reprises de dessins publiés les années précédentes.
Le 28 février 1909, le titre devient Le Fin de Siècle, « journal littéraire, théâtrale et mondain », dominical, et poursuit la numérotation précédente. Le ton devient un peu grivois. Le 17 octobre, le titre est changé en Le Nouveau Fin de Siècle, puis le 21 novembre, Le Nouveau Siècle, toujours dirigé par Viterbo[3].
L'ultime édition paraît le 25 décembre 1910.
Notes et références
- Né à Nantes où il fonde une première revue, L'Avant-garde, René Émery, qui écrit ici sous le pseudonyme de Sapho, est l'auteur d'une vingtaine de livres jugés grivois, boulevardiers, mais très bien écrits, publiés jusqu'en 1908 ; on perd sa trace après 1922 — cf. Catalogue général de la BnF.
- Voir l'annonce publicitaire dans La Revue diplomatique et le Moniteur des consulats du 29 août 1891 — sur Gallica.
- Gérard Solo et Catherine Saint-Martin (sous la direction), Dico Solo. Dessinateurs de presse et supports en France de Daumier à l'an 2000, Vichy, AEDIS, 2004, p. 294-295.
- Il existe une quatrième affiche, dite « d'intérieur » (interdite d'exposition sur la voie publique), qui reprend en partie le motif de la première : archives du musée Carnavalet, en ligne.
- C'est Eugen Weber qui prénomme ainsi un homme qu'il qualifie de financier, désireux de lancer un périodique qui, au départ, offrirait aux lecteurs des indiscrétions relatives aux marchés boursiers — cf. France, Fin de Siècle, Cambridge, Harvard University Press, 1986, p. 10-12, ouvrage traduit en français chez Fayard.
- La Lanterne, 2 juillet 1893.
- Le Monde artiste, 3 février 1895, p. 69 — sur Gallica.
- Le Fin de siècle, Paris, 1er mars 1894 sur Retronews.
- Bibliothèque du Fin de Siècle, Biblio Curiosa, en ligne.
- Le Bulletin de la presse française et étrangère, 27 janvier 1898.
- Cf. par exemple dans La Gaîté gauloise du 19 avril 1903, p. 18 — sur Gallica.
- Max Viterbo (? - après 1945) fils d'un industriel d'origine niçoise, fut secrétaire et directeur de nombreux théâtres et music-hall, dont La Cigale au milieu des années 1920. Auteur de spectacles, parolier, il s'exile à Nice en 1941 où il tente de fonder de nombreux journaux de résistance. Arrêté et déporté à Auschwitz, il fait partie des quelques rescapés.
Articles connexes
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