Frédérique Émilie Auguste O'Connell

Frédérique Émilie Auguste O'Connell née Miethe[2] à Potsdam le [1] et morte à Paris le , est une peintre et aquafortiste prussienne[3] en vogue dans la société parisienne du Second Empire : elle voit son œuvre gravé, rare en nombre de pièces, salué par la critique de l'époque. Elle meurt pourtant oubliée.

Frédérique O'Connell
Frédérique O'Connell photographiée par Gaspard-Félix Tournachon vers 1855.
Naissance
Décès
(à 63 ans)
Paris
Nom de naissance
Emilie Friederike Auguste Miethe[1]
Nationalité
prussienne
Activité
Maître
Mouvement
Influencée par

Biographie

Formation et débuts

Ayant reçu une éducation très complète et avancée[4], Frédérique Miethe manifeste dès son plus jeune âge un intérêt pour le dessin, la prédisposant pour une carrière artistique. À l'âge de 18 ans, elle va à Berlin étudier sous la direction de Carl Joseph Begas[5]. Elle poursuit sa formation à Bruxelles[6], notamment auprès de Louis Gallait[7]. Toujours à Bruxelles, elle se marie en 1844 avec Adolphe O'Connell, un militaire[8] qui l'encourage dans sa vocation artistique. Ses œuvres reçoivent en Belgique un accueil de plus en plus favorable et moult récompenses[9].

Installée à Paris à partir de 1853, elle ouvre un atelier au pied de Montmartre, rue de Vintimille[10], s'investissant dans la vie artistique et mondaine parisienne. Le salon de Frédérique Émilie O'Connell est fréquenté, comme ceux d'autres femmes de son époque, épouses ou artistes, autant par les écrivains que les peintres, sculpteurs ou dessinateurs. On y voit Alexandre Dumas fils ou Théophile Gautier dont elle fait le portrait en 1857[11]. Son cours de dessin que la Gazette des beaux-arts vante dans son édition du 15 novembre 1859, est très couru notamment par les jeunes filles de bonne famille.

Succès des portraits et originalité des eaux-fortes

Portrait d'un homme à mi-corps (pastel)

Elle expose au Salon de Paris de 1846 à 1868 et connaît un vif succès comme portraitiste. Une certaine forme d'audace se remarque dans le choix de ses sujets, notamment dans le portrait de la comédienne Rachel, qu'elle a peinte en Phèdre, en 1853 remportant tous les éloges, et qu'après sa mort en 1858, elle imagine sur son lit de mort, s'attirant les foudres de ses héritiers et une condamnation judiciaire pour atteinte à la vie privée[12] Frédérique Émilie O'Connell montre son originalité artistique pourtant moins dans ses portraits et peintures d'histoire qu'en raison de son talent d'aquafortiste.

Tête de sainte Madeleine, Eau-forte gravée par
Frédérique O'Connell,
publiée dans la Gazette des beaux-arts en 1860.

Même si elle réalise seulement dix gravures en tout, elles forment une œuvre remarquable. Elle a fait ses premières eaux-fortes à Bruxelles en 1849, et la dernière, un autoportrait, a été publiée par L'Artiste, en 1879, bien que probablement exécuté auparavant. Une des gravures de Frédérique O'Connell qui montre le mieux son art est la Tête de sainte Madeleine publiée par la Gazette des beaux-arts en 1860. Le critique d'art Philippe Burty qui y tient la chronique, écrit de ce travail, qui est aussi connu simplement comme Tête de femme, qu'il « est la plus belle pièce qu'ait gravée madame O'Connell. La crânerie de l'effet, la sûreté de la pointe font de ce croquis magistral une eau-forte digne des plus illustres Flamands »[13].

Oubli et folie

Autoportrait, eau-forte gravée par Frédérique O'Connell, publiée par L'Artiste en 1879.
La comédienne Rachel imaginée sur son lit de mort, peinture de Frédérique O'Connell (1858).

Au début des années 1860, le succès s'estompe après la condamnation de sa toile imaginant Rachel gisante. Le Salon refuse sa composition « Cléopâtre nue se donnant la mort »[14]. Il ne lui reste désormais comme activité que le portrait de salon de riches épouses comme par exemple, la Baronne Véra de Talleyrand-Périgord.

L'effondrement du Second Empire en 1870 marque la fin de sa carrière artistique, les commandes de particuliers s'étiolant. Abandonnée par son mari et ses amis de la société parisienne, Frédérique O'Connell voit sa santé mentale se détériorer et passe les dernières années de sa vie dans un hôpital psychiatrique, oubliée et seule. Elle y meurt en 1885.

L'Œuvre gravé

Philippe Burty en dresse le catalogue complet — à l'exception de L'Autoportrait — dans la Gazette des beaux-arts Tome V. p. 353–355 (en note, sont reproduites les descriptions qu'il donne de chacune des eaux-fortes) :

  • I. Sainte Madeleine au désert.
    Premier état, avant toute lettre. — Deuxième état, avec les noms de l'auteur.
    Hauteur, 250 millim. ; largeur, 160 millim.; de forme carrée[15].
  • II. Tête de sainte Madeleine.
    Premier état, avec les noms de l'artiste, Fr. O'Connell, aq. for. — Deuxième état, avec l'adresse de Delâtre, imprimeur.
    Hauteur, 80 millim. ; largeur, 30 millim[16].
  • III. Charité entourée d'enfants.
    Premier état, avec ces mots : F. O'Connell, aq. for. et pin. 1850. — Deuxième état, avec l'adresse de Delâtre, imprimeur.
    Hauteur, 320 millim. ; largeur, 380 millim. ; de forme carrée. Cette planche est aujourd'hui tout à fait oxydée, et il n'en a été tiré que peu d'épreuves[17].
  • IV. Le Chevalier.
    Premier état, avant toute lettre. — Deuxième état, avec les noms dans la marge du bas : Madame Fr. O'Connell, aq. for. et pinx. — Troisième état, avec l'adresse de Delâtre, imprimeur, et quelques travaux ajoutés dans le front.
    Hauteur, 360 millim.; largeur, 260 millim[18].
  • V. Buste de jeune fille.
    Premier état, avec les noms, Madame F. O'Connell aq. for. et pin. 1849. — Deuxième état, la date 1849 est effacée.
    Hauteur, 125 millim.; largeur, 90 millim[19].
  • VI. Buste de jeune fille[20].
  • VII. Buste d'Italienne.
    Signée dans le champ de l'estampe, Madame F. O'Connell aq. for. et pin. 1849.
    Nous ne connaissons qu'une épreuve de cette planche qui avait été gravée, à Bruxelles, à l'occasion d'une fête artistique, et dont le cuivre n'est plus en France. Hauteur, 190 millim. ; largeur, 430 millim., avec les témoins du cuivre[21].
  • VIII. Portrait de Hoené Wronskï.
    Premier état, avant toute lettre; deuxième état, avec ces mots dans la marge, À Hoené Wronsky, Madame Frédérique O'Connell aq. for., et quelques travaux ajoutés dans la joue droite.
    Hauteur, 220 millim.; largeur, 160 millim[22].
  • IX. Portrait de Bourré, sculpteur belge[23].

Notes et références

  1. Taufbuch der evangelischen Kirchengemeinde St. Nikolai Potsdam, Jahrgang 1822, Nr. 65, Seite 477/478; archiviert im Domstiftsarchiv des Domstifts Brandenburg Mikrofiche-Signatur: MF 24648 (6-)
  2. Frédérique Miethe étant connue, comme artiste, uniquement sous son nom d'épouse O'Connell, le titre retenu pour cet article est donc « Frédérique Émilie Auguste O'Connell ».
  3. « À l'Exposition universelle de 1855, pour faire partie de l'école française, madame O'Connell se fit inscrire comme née à Wasselonne (Bas-Rhin). Mais, au Salon suivant (1855), elle reprit sa nationalité. » Philippe Burty « L'atelier de Madame O'Connell » dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, p.350, note 1
  4. « Elle y reçut une solide et brillante éducation. Rien ne lui demeura étranger, depuis la musique jusqu'aux mathématiques, qu'elle poussa à un degré que l'on n'atteint en France que dans les écoles spéciales. Mais de bonne heure elle se sentit un goût des plus vifs pour le dessin. » Philippe Burty « L'atelier de Madame O'Connell » dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, p.350
  5. « Vers l'âge de dix-huit ans, Emilie-Auguste Miethe entra dans l'atelier du peintre le plus en renom dans Berlin, Charles-Joseph Bégas. Ce professeur la fit dessiner pendant quelque temps sous ses yeux, et lui permit bientôt de prendre la palette. Elle commença chez lui son premier tableau. » Philippe Burty « L'atelier de Madame O'Connell » dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, pp.350-351
  6. « C'est là que les préceptes de ses premiers professeurs furent profondément ébranlés par la fréquentation des maîtres flamands. « Elle se sentit vaciller, » dit-elle elle-même,(...) » Philippe Burty « L'atelier de Madame O'Connell » dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, p.351
  7. Le peintre-graveur hollandais et belge du XIXe siècle par Theodor Hippert et Joseph Linnig, Fr J. Olivier, Bruxelles 1879, p.767
  8. Dictionnaire des femmes belges: XIXe et XXe siècles sous la direction d'Éliane Gubin et alii, Bruxelles, Édition Racine, 2006, p.402.
  9. « Pendant ce séjour en Belgique, madame O'Connell exécuta des aquarelles, des portraits, une Vénus servie par les Amours, et la plupart de ses eaux-fortes. Elle obtint, aux expositions belges, toutes les médailles, jusqu'à celle de première classe. » Philippe Burty « L'atelier de Madame O'Connell » dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, p.351
  10. « L'atelier de Madame O'Connell » par Philippe Burty dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, p.349
  11. Correspondance générale de Théophile Gautier, Volume 1 p. 124, édité par Claudine Lacoste-Veysseyre, Paris Droz, 1985
  12. Tribunal civil de la Seine (1re chambre), 16 juin 1858, Félix c. O'Connell, Dalloz, 1858. III. 62.
  13. Philippe Burty « L'atelier de Madame O'Connell » dans la Gazette des beaux-arts Tome V, Paris 1860, p.354
  14. Dictionnaire des femmes belges: XIXe et XXe siècles sous la direction d'Éliane Gubin et alii, Bruxelles, Edition Racine, 2006, p.402.
  15. « Assise dans une grotte vaguement indiquée, elle laisse aller sur sa main sa tète, dont les longs cheveux se déroulent en anneaux pressés. Sa main gauche retient nonchalamment sur son sein ses vêtements, qui, en glissant, ont laissé ses épaules en pleine lumière. Elle contemple, avec une expression de désespoir, une croix en roseau fixée sur le tertre qui la retient. »
  16. « La bouche tremble d'un sanglot inapaisé, le cou se gonfle, les narines frémissent, le cou se contracte par l'effet des larmes qui ne peuvent point couler. C'est presque la répétition de la précédente, mais la main ne soutient plus la tête dolente, l'expression est plus passionnée, le cou s'attache avec plus de décision, et les chairs sont traitées avec bien autrement de franchise; c'est la plus belle pièce qu'ait gravée madame O'Connell. La crânerie de l'effet, la sûreté de la pointe font de ce croquis magistral une eau-forte digne des plus illustres Flamands. »
  17. « Cette pièce a été gravée d'après une peinture que madame O'Connell possède encore. Sous un berceau de vignes, cinq enfants, blonds comme des épis ou bruns comme l'écorce d'une grenade, tiennent des fruits, jettent des poignées de fleurs, tendent leur bouche avide, ou caressent de leurs mains innocentes une belle femme brune à demi renversée, et dont les genoux sont couverts d'une draperie. On entrevoit dans le fond, à droite, une ville sur le bord d'un rivage montagneux. »
  18. « D'après une aquarelle qui appartient aujourd'hui à l'impératrice de Russie. Un homme, jeune encore, vu debout, de trois quarts, à mi-corps, avec une large collerette blanche bordée de dentelles. Il porte des moustaches retroussées, une royale, et le flot de ses cheveux bruns s'échappe de dessous un feutre où voltigent de longues plumes blanches. Sa main droite en pleine lumière, ainsi que sa manchette, est posée sur son bras drapé dans un vêtement de couleur sombre (rouge dans l'aquarelle originale). Il rappelle beaucoup le portrait de M. O'Connell. »
  19. « Elle incline la tète sur l'épaule gauche, et de la main droite semble retenir ses cheveux qui s'échappent. Cette main modelée avec une finesse exquise a des vigueurs égratignées dans le cuivre avec la franchise des touches de sanguine dont Watteau relevait ses croquis. »
  20. « Première idée de la planche précédente. Dans cet essai, dont il n'a été tiré que quelques épreuves, le travail est plus indécis, la bouche plus arquée, et les yeux, au lieu de regarder le spectateur, se baissaient vers la droite; mais les doigts de la main étaient d'un dessin moins allongé. Cet allongement exagéré des phalanges et la minceur du bout des doigts, qui leur donne l'apparence de fuseaux, est le défaut le plus caractérisé des portraits de madame O'Connell. »
  21. « Assise et la poitrine à demi découverte, elle appuie sur sa joue les doigts de sa main droite. »
  22. « Ce buste, d'un philosophe et mathématicien polonais, fut dessiné par madame O'Connell en grandeur naturelle, sur des indications données par la famille. Vu de trois quarts, il regarde vers sa gauche, chauve, le cou nu sortant d'un col rabattu, et enveloppé dans un large manteau. »
  23. « Tète nue, drapé dans un manteau. Nous n'avons jamais vu cette planche qui porte les mêmes dimensions que Le Chevalier. »

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