Guerre préventive

Une guerre préventive est une guerre initiée avec la croyance qu'un conflit futur est inévitable, bien que non imminent. Une guerre préventive a pour but d'éviter un basculement de l'équilibre des puissances entre deux adversaires[1] en attaquant stratégiquement avant que l'autre ait une chance de dominer. La guerre préventive est distincte de la guerre préemptive, qui est le fait d'attaquer le premier quand une attaque est imminente[1].

À cause du caractère spéculatif de la guerre préventive et la menace qu'incarne l'adversaire pouvant ou non être avérée, ce type de guerre est considéré comme illégal par le droit international[2]. Le débat sur le fait qu'une guerre soit préventive, préemptive ou d'agression peut être très controversé.

Caractéristiques

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Au lieu d’attendre qu’elle soit imminente, la guerre préventive vise à éliminer la menace avant qu’elle soit formée. La motivation préventive résulterait donc d’une peur provenant d’un déclin relatif de puissance militaire vis-à-vis de celle d'un adversaire perçu comme ascendant. Elle n’engloberait pas toutes les réactions anticipées, mais celles découlant d’une modification défavorable de l'équilibre des puissances. Ce déclin supposerait une transformation profonde du statut politique, militaire, économique et parfois même culturel, si bien qu’il est, dans l'avenir, hypothétiquement jumelé à une guerre. Par conséquent, l’attaquant serait davantage concerné par la minimisation des pertes dues à son déclin que par la maximisation des gains dus à sa position dominante.

Théoriquement, la guerre préventive aurait, d'un point de vue tactique, pour objectif soit de tirer avantage d’une opportunité de supériorité offensive face à son adversaire ou de prévenir un risque de vulnérabilité causée par le déclin de sa propre capacité défensive. La probabilité d’une guerre préventive dépendrait non seulement de l’amplitude du déclin de puissance, mais également d’autres variables indépendantes comme la probabilité d’une guerre dans l'avenir, l’inévitabilité du changement hiérarchique, et des capacités militaires des opposants. En frappant préventivement, l’État en déclin pourrait ainsi maintenir à court terme sa position dans le système international malgré la croissance inégale de la puissance. Finalement, la prévention a pour objectif soit de détruire les capacités militaires de l’adversaire afin de les garder clairement inférieures, soit de transformer l’État menaçant afin qu’il ne représente plus une menace.

Sur un strict aspect géopolitique, la notion de guerre préventive se justifie dans le cadre de la théorie des dominos.

La dernière guerre préventive serait l'attaque de l'Irak par les États-Unis, c'est du moins la justification qui en a été donnée et c'est un pilier de la doctrine Bush, et cela a popularisé l'expression.

Légalité et moralité de la guerre préventive

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L'expression Guerre préventive (preventive war en anglais) contient dans ses mots mêmes l'idée qu'une guerre d'agression est justifiable. Le pays qui en est la victime la qualifiera donc plutôt de « guerre d'agression. »

Il y a un consensus qu'une guerre préventive « va au-delà de ce qui est acceptable au regard du droit international »[3] et n'a aucune base légale[4]. Alors que les Nations-Unies étaient prêtes à rejeter totalement le concept, elles ont affirmé que s'il n'y avait aucun droit pour un État de mener une guerre préventive mais que s'il y avait de bonne raisons d'en mener une, c'était au Conseil de sécurité des Nations-Unies d'en décider[5].

La guerre préventive ne répond pas à une agression ou à une menace d'agression, car par définition l'agression ou la menace n'existe pas (« pas encore » aux yeux de l'État lançant la guerre préventive). La plupart du temps, elle n'est pas autorisée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Pour ces raisons une guerre préventive est illégale au regard du droit international depuis 1945. L'État qui engage une guerre préventive est signataire de la Charte des Nations-Unies et s'est donc engagé à ne pas mener de guerre, sauf défensive ou après y avoir été autorisé par le Conseil de sécurité. En menant sa guerre préventive, il enfreint le traité qu'il a ratifié et se met lui-même hors la loi. La possibilité que les dirigeants responsables de la guerre préventive puissent être poursuivis devant la Cour pénale internationale pour crime d'agression reste pour l'heure théorique, étant donné la difficulté pratique d'une telle évolution.

Selon les mécanismes de la Charte des Nations-Unies, le Conseil de sécurité devrait qualifier cette action de guerre préventive comme une atteinte à la sécurité internationale et, le cas échéant, autoriser les autres membres des Nations-Unies, y compris l'État agressé par la guerre préventive, à utiliser la force militaire pour mettre fin à l'action de l'État agresseur. Ce schéma ne peut, par la force des choses, entrer dans les faits lorsque l'État en guerre préventive est un membre permanent du Conseil de sécurité détenant un droit de veto sur les décisions du Conseil.

Ce concept est décrié par certains pour des raisons morales ou religieuses : en décembre 2002, le pape Jean-Paul II condamne l'idée d'une guerre préventive et se prononce pour une « organisation constitutionnelle de la famille mondiale ». Mgr Renato Martino, président du Conseil pontifical Justice et Paix affirme que « la guerre préventive est une guerre d'agression et n'entre pas dans la définition de la guerre juste » sans démontrer par ailleurs les liens qui pourraient exister entre les deux notions.

Exemples de guerres qualifiées de préventives

  • Dans l'Antiquité, après la défaite de Carthage dans la deuxième guerre punique, certains hommes politiques romains sont favorables à une politique conciliante envers Carthage tandis que d'autres, en particulier Caton l'Ancien, s'inquiètent de son rapide relèvement économique et démographique et présentent comme une nécessité préventive la destruction de la ville (Delenda Carthago, « Il faut détruire Carthage ! ») : en 149 av. J.-C., le Sénat adresse aux Carthaginois une série d'ultimatums pour qu'ils remettent 300 otages, puis livrent leurs éléphants de guerre, armures et artillerie, et enfin qu'ils abandonnent leur ville pour aller s'établir à l'intérieur des terres ; les Carthaginois se décident alors à une guerre inévitable ; leur ville est finalement détruite après un siège de trois ans (149 - 146 av. J.-C.)[6].
  • La guerre du Pacifique, qui oppose les États-Unis à l'Empire du Japon et commence par l'attaque de Pearl Harbor, est envisagée par les dirigeants japonais comme une guerre préventive car l'embargo américain sur le pétrole aurait rapidement affaibli les capacités militaires du Japon et l'aurait obligé à abandonner ses conquêtes en Asie[7].
  • La guerre des Six Jours est présentée comme une guerre préventive par l'État israélien après le déploiement des forces égyptiennes dans le Sinaï et la fermeture du golfe d'Aqaba, et une guerre d'agression par les États arabes.
  • La guerre d'Irak a été qualifiée de guerre préemptive par l'administration de George W. Bush mais a été critiquée comme une guerre préventive ou d'agression, notamment par Noam Chomsky[8].

Références

  1. Stephen Walt, « LA GUERRE PRÉVENTIVE :UNE STRATÉGIE ILLOGIQUE », AFRI, Volume VI, 2005, (lire en ligne)
  2. (en) The False Promise of Preventive War, Neta C. Crawford, 2007[réf. incomplète]
  3. (en) Malcolm Shaw, International Law, Camrbidge, Cambridge University Press, , 6e éd., 1708 p. (ISBN 978-0-521-72814-0), p. 1140
  4. (en) Ian Brownlie et Q-Club, Principles of Public International Law, New York, Oxford University Press, , 784 p. (ISBN 978-0-19-921770-0 et 019921770X, LCCN 2008-019073), p. 734
  5. Transmittal letter dated 1 December 2004 from the Chair of the High level Panel on Threats, Challenges and Change addressed to the Secretary General, p. 55.
  6. Claude Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen (264-27 av. J.-C.), t. 2, Nouvelle Clio, 1997,
  7. J. Barnes, R. Stoll, "PREEMPTIVE AND PREVENTIVE WAR: A PRELIMINARY TAXONOMY", p. 15, THE JAMES A. BAKER III INSTITUTE FOR PUBLIC POLICY RICE UNIVERSITY, URL
  8. (en) Noam Chomsky, Perilous Power, Penguin Books, page 83, (ISBN 978-0-14-102972-6) ; traduction française La Poudrière du Moyen-Orient, Fayard 2007, (ISBN 978-2-213-63168-4)

Articles connexes

Lien externe

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