Georges Métochite

Georges Métochite est un ecclésiastique, diplomate et écrivain religieux byzantin, apparaissant dans les sources en 1275 et mort en 1328. Archidiacre de la cathédrale Sainte-Sophie sous le pontificat du patriarche Jean XI Vekkos, qui défendit l'union de l'Église grecque à la papauté romaine (1275-1282), il partagea ensuite le sort de celui-ci, étant comme lui détenu jusqu'à sa mort. Il est le père du grand logothète et humaniste Théodore Métochite.

Biographie

La politique d'union de l'Église grecque à la papauté fut menée par l'empereur Michel VIII Paléologue, et elle aboutit à une proclamation solennelle au deuxième concile de Lyon (mai-juillet 1274), auquel assistait une délégation byzantine conduite par le grand logothète Georges Acropolite et l'ancien patriarche Germain III. Mais elle faisait l'objet d'une très forte hostilité de la part de larges secteurs de l'Église et de la société byzantines (notamment dans les milieux monastiques) et fut imposée par la répression. Les opposants appartenaient d'ailleurs à deux groupes distincts, se combattant l'un l'autre violemment : les « joséphites » (partisans du patriarche Joseph de Constantinople) et les « arsénites » (partisans de l'ancien patriarche déposé et exilé Arsène Autorianos). La fin du XIIIe siècle fut donc marquée à Byzance par des affrontements religieux opposant trois camps irréconciliables.

Au retour de la délégation byzantine au concile de Lyon, le patriarche Joseph, qui avait juré publiquement de ne jamais accepter l'union des Églises, fut déposé et enfermé dans un monastère en dehors de la capitale (janvier 1275). La première messe reconnaissant la primauté du pape fut célébrée dans la chapelle palatine le . Le était élu un nouveau patriarche : Jean Vekkos, ancien chartophylax et skeuophylax du patriarcat, rallié d'ailleurs de très fraîche date à l'unionisme[1].

C'est alors que Georges Métochite apparaît dans la documentation : archidiacre du patriarcat, il est envoyé auprès du pape Grégoire X, juste après l'intronisation de Jean Vekkos, pour l'assurer que tout ce qui a été convenu au concile du côté byzantin a été accompli. Il est accompagné du haut fonctionnaire civil Théodore, « grand dispensateur de la cour impériale »[2]. L'ambassade fut reçue par Grégoire X à Beaucaire (donc avant le )[3], ce pape invitant ensuite les Byzantins à se rendre à Rome pour attendre son retour ; mais Grégoire X mourut à Arezzo, avant d'avoir atteint Rome, le , et les discussions se firent ensuite avec Innocent V, élu le . Les ambassadeurs byzantins prirent le chemin du retour peu après le , accompagnés d'une délégation de quatre franciscains (dirigée par Jérôme d'Ascola) que le pape envoyait à Constantinople ; mais la nouvelle leur parvint peu après qu'Innocent V était mort le à Ancône, et les légats pontificaux, considérant que leurs instructions étaient caduques, rebroussèrent chemin[4]. Le pape Jean XXI missionna une autre ambassade en novembre 1276, et Georges Métochite lui-même fut renvoyé à Rome avec une réponse en avril 1277.

L'empereur Michel VIII mourut le , et la politique religieuse fut aussitôt entièrement renversée par son fils et successeur Andronic II, assisté de son grand logothète Théodore Mouzalon. Jean Vekkos dut se retirer dès le dans le monastère urbain de la Panachrantos, et l'ex-patriarche Joseph, d'ailleurs mourant et transporté sur une civière, fut rétabli le . Le nouveau pouvoir laissa alors libre cours à la vengeance des opposants « joséphites » persécutés pendant le règne précédent : les dignitaires unionistes furent molestés et humiliés par des groupes violents composés notamment de moines ; en janvier 1283, Jean Vekkos lui-même fut conduit devant le quasi-cadavre de Joseph, contraint de lui demander pardon, puis de signer une déclaration par laquelle il renonçait à la fois à ses positions et au sacerdoce, et il fut ensuite arrêté par les autorités et maintenu en détention à Pruse[5]. Il semble que ses deux principaux collaborateurs, les archidiacres Constantin Méliténiote (chartophylax du patriarcat) et Georges Métochite, dépouillés de leurs dignités, aient été enfermés dans le monastère urbain du Pantocrator[6].

Le patriarche Joseph mourut le suivant, et un membre du clergé palatin (prôtapostolarios), d'ailleurs ancien unioniste ayant tourné casaque, Grégoire de Chypre, fut désigné le pour lui succéder. Lors d'un synode tenu le (jour de Pâques), tous les évêques et dignitaires ecclésiastiques compromis dans l'unionisme furent destitués. Mais le conflit avec les « arsénites » se poursuivait aussi, et le synode-procès des unionistes n'eut lieu qu'en 1285. Il se tint dans le palais impérial des Blachernes en quatre sessions dispersées entre février et août, l'ancien patriarche Jean Vekkos se défendant avec une grande éloquence, qui inquiéta ses juges. Les trois accusés principaux (Jean Vekkos, Constantin Méliténiote et Georges Métochite) étaient alors logés dans le monastère voisin du Cosmidion. L'issue du synode fut, comme attendu, la condamnation de la théologie latine du Filioque et le rejet de tout rapprochement avec Rome, et les anciens dignitaires unionistes, refusant de se repentir, furent envoyés en détention en Bithynie dans la forteresse de Saint-Grégoire située sur le rivage du golfe de Nicomédie[7].

Les conditions de la détention furent d'abord très dures, mais elles furent adoucies ensuite, après la démission de Grégoire de Chypre (juin 1289) et l'avènement d'Athanase Ier () : Vekkos et Méliténiote reçurent alors d'abord la visite du grand logothète Théodore Mouzalon, venu leur apporter un secours de l'empereur, puis furent invités par Andronic II lui-même, en voyage en Bithynie et séjournant dans un village tout proche de la forteresse, à venir parler avec lui[8]. On convint d'une nouvelle conférence dogmatique qui devait se tenir à Lopadion[9]. Quant à Georges Métochite, à cette date, il ne se trouvait plus dans la forteresse : tombé malade, il avait été ramené chez lui dans la capitale. Les trois détenus, du lieu où ils étaient, furent bien conduits à l'endroit indiqué, où ils se retrouvèrent, mais la conférence fut finalement annulée[10].

Jean Vekkos mourut en mars 1297, toujours enfermé dans la forteresse de Saint-Grégoire, où il fut enterré. Constantin Méliténiote, resté avec lui jusqu'à la fin, fut alors transféré à Constantinople, dans le même lieu de détention que Georges Métochite. On cherchait toujours à cette époque à les convaincre de renoncer à leurs positions, sans résultat. Ils furent désormais détenus dans l'enceinte du Grand Palais[11], avec Jean Tarchaniote (un aristocrate du parti des « arsénites », donc d'une dissidence religieuse contraire à la leur)[12].

Constantin Méliténiote mourut en avril 1307. Quant à Georges Métochite, nous savons qu'il vécut jusqu'en 1328, détenu jusqu'à la fin, grâce à une note marginale de copiste sur le plus ancien manuscrit de l'Historia dogmatica (le Vatic. gr. 1583, à peu près contemporain) : l'auteur précisant à un endroit qu'il rédige son texte la dix-huitième année de sa captivité (soit en 1301), le copiste ajoute en marge qu'il devait être encore détenu de longues années jusqu'à sa mort, quarante-cinq ans en tout.

Œuvre littéraire

Un certain nombre d'écrits de Georges Métochite nous sont parvenus, soit entièrement, soit fragmentairement, consacrés à la querelle du Filioque et à la défense de l'union des Églises grecque et latine. Les plus souvent cités sont ceux qui forment ce qu'il est convenu d'appeler l'Historia dogmatica (titre moderne), en fait une suite de trois discours historico-théologiques dirigés principalement contre Grégoire de Chypre (le second discours s'intitule Réfutation du Tome de Grégoire de Chypre) ; ils contiennent quelques informations historiques qu'on ne trouve nulle part ailleurs.

L'Historia dogmatica a été éditée par Joseph Cozza-Luzi dans la Patrum Nova Bibliotheca (texte grec; avec traduction latine pour le livre I) : tome VIII, partie 2, p. 1-227 (livres I et II), Rome, 1871 ; et tome X, partie 1, p. 319-370 (livre III), Rome, 1905. Le volume 141 de la Patrologia Græca est entièrement consacré aux écrits des trois latinophrones Jean Vekkos, Constantin Méliténiote et Georges Métochite ; ceux du troisième y occupent les colonnes 1275 à 1424. On y lit notamment une réfutation des Trois chapitres sur la procession du Saint-Esprit de Maxime Planude.

Bibliographie

  • Marie-Hyacinthe Laurent, O. P., « Georges le Métochite, ambassadeur de Michel VIII Paléologue auprès d'Innocent V », Miscellanea Giovanni Mercati, t. III, Bibliothèque du Vatican, Studi e Testi 123, Cité du Vatican, 1946, p. 136-156.
  • Marie-Hyacinthe Laurent, O. P., Le bienheureux Innocent V (Pierre de Tarentaise) et son temps, Bibliothèque du Vatican, Studi e Testi 129, Cité du Vatican, 1947 (p. 180 sqq.).
  • Raymond-Joseph Loenertz, « Théodore Métochite et son père », Archivum Fratrum Prædicatorum XXIII, 1953, p. 184-194.

Notes et références

  1. En 1273 encore, lors d'une réunion au patriarcat en présence de l'empereur pour mandater la délégation au concile d'union, Jean Vekkos s'était fait le porte-parole des opposants catégoriques, à tel point que l'empereur avait quitté brusquement la salle et avait fait ensuite arrêter et incarcérer son insolent contradicteur (Georges Pachymère, De Michaele Palæologo, V, 12-13).
  2. Cette ambassade est relatée par Georges Pachymère (Ibid., V, 26), mais les noms et qualités des deux envoyés sont donnés dans une lettre conservée du pape Innocent V à l'empereur Michel datée du 23 mai 1276.
  3. Raymond-Joseph Loenertz, « Notes d'histoire et de chronologie byzantine. Georges Métochite à Beaucaire (automne 1275) », Revue des études byzantines, vol. 20, 1962, p. 177-178.
  4. Georges Métochite lui-même a relaté son ambassade de 1275/76 dans le livre V d'un traité sur la procession du Saint-Esprit (un texte conservé fragmentairement, ici dans le ms. Vatic. gr. 1716, fol. 72-74v). Édition par Vitalien Laurent, « Le rapport de Georges le Métochite, apocrisiaire de Michel VIII Paléologue auprès de Grégoire X (1275-76) », Revue du Sud-Est Européen, t. 23, 1946, p. 233-247.
  5. Georges Pachymère, De Andronico Palæologo, I, 6-11.
  6. Voir Aristeides Papadakis, Crisis in Byzantium : The Filioque Controversy in the Patriarchate of Gregory II of Cyprus (1283-1289), St. Vladimir's Seminary Press, 1997.
  7. Sur ce lieu, voir Albert Failler, « Chronologie et composition dans l'Histoire de Georges Pachymère (livres VII-XIII) », Revue des études byzantines, vol. 48, 1990, p. 5-87. Le site de la forteresse se trouverait entre les localités actuelles de Karamürsel (Prainetos en grec) et d'Hersek Burnu, sur la rive sud du golfe (un nid d'aigle, selon Métochite). On a souvent confondu cette forteresse avec une autre qui s'appelait Saint-Georges, et qui se situait au bord du lac de Nicée (actuellement Iznik).
  8. Pachymère, Ibid., I, 36 (p. 103, éd. de Bonn). D'après l'ordre du récit, ces rencontres intervinrent après la mort de Grégoire de Chypre (second semestre 1290). Également G. Métochite, Historia dogmatica, III, 15.
  9. L'actuel Uluabat, près de Karacabey.
  10. Sur le déroulement et la chronologie de ces événements, voir A. Failler, art. cit.
  11. La cour impériale, à cette époque, était installée au palais des Blachernes.
  12. Pachymère, Ibid., III, 29.
  • Portail du monde byzantin
  • Portail du christianisme
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.