Germanías
La rébellion des Germanías (en espagnol) ou Germanies (en valencien) est un conflit armé né dans le Royaume de Valence ainsi que dans les Îles Baléares au début du règne de Charles Quint (Charles Ier d’Espagne) entre 1519 et 1523. Cette révolte est un des éléments déclencheurs de l'accélération du processus centralisateur, de la perte de pouvoir de l'oligarchie nobiliaire valencienne et d'une forte réduction des droits du peuple valencien. Ce mouvement s'insère dans les convulsions européennes qui marquent la première crise du système féodal : les jacqueries françaises, la révolte des ciompi en Italie en 1378, l'insurrection anglaise de 1381, la Gran Guerra Irmandiña en Galice en 1467, la Révolte des Rustauds en Allemagne en 1524, la rébellion des Communautés de Castille en 1520.
Causes initiales du conflit
Les artisans du royaume de Valence ont obtenu, pendant le règne de Ferdinand le Catholique, le privilège de former des milices pour lutter contre les flottes barbaresques. En 1519, Charles Ier permet la formation de ces milices, dirigées alors par Joan Llorenç. Cette organisation de type militaire rend plus dure la révolte des Germanías.
La période correspond à un épisode de difficultés économiques. La noblesse valencienne a fui Valence lors d’une épidémie de peste en 1519. Le soulèvement prend initialement le caractère d’une révolte sociale, la société valencienne étant alors essentiellement bourgeoise. Après la fuite de la noblesse, les classes moyennes et les Corporations de la cité s’emparent progressivement du gouvernement jusqu’à l'établissement de la Junte des 13; cette Junte est constituée par un représentant de chaque corporation et est chargée de diriger la capitale valencienne. Le roi Charles Ier, en cette année 1519, est à Aix-la-Chapelle, pour les préparatifs de son couronnement comme empereur. L'unique mesure prise par son régent Adrien d'Utrecht (futur pape Adrien VI), est d'ordonner le dépôt des armes, interdiction dont personne ne tient compte.
La Junte des 13
La Junte des 13 essaie d’instaurer un système interdisant le travail libre non contrôlé par les corporations. La germanía (de germà, frère en valencien) est le système de recrutement des milices devant empêcher les incursions pirates. Au début, le commandant en est Joan Llorenç, un homme modéré, qui meurt en 1520, ce qui permet l’entrée dans le jeu de groupes plus radicaux, commandés par le fabricant de velours Vicente Peris.
En conséquence, le mouvement subit une radicalisation progressive, se convertissant en une guerre ouverte, avec des épisodes terribles comme l’assaut et l’incendie du quartier maure de Valence, dont les habitants sont accusés de collaborer avec les nobles. La rébellion antinobiliaire s’étend dans les campagnes avec le saccage des terres et des haciendas des nobles; il touche d’autres villages et centres urbains du royaume où se constituent des juntes révolutionnaires. Le vice-roi de Valence, Diego Hurtado de Mendoza, doit fuir à Denia, puis à Peñiscola, où il prend la tête des troupes royales. Deux foyers de résistance se constituent: un, au Nord, commandé par Alphonse d'Aragon, duc de Segorbe; l’autre, au Sud dirigé par le vice-roi en personne. Les agermanats, dirigés par Jaime Ros, sont vaincus le par le duc de Segorbe à Almenara et le à Orihuela. En revanche, le , Vicente Peris met en déroute le vice-roi et ses chevaliers à Biar.
Par la suite, le mouvement perd son unité et des discordes étaient apparues entre ses meneurs. Les campagnes militaires suivantes se concluent par des déroutes pour les agermanats. La nuit du , dans une tentative désespérée, Vicente Peris s’introduit dans Valence, s’installant dans sa propre maison et rassemblant ses partisans; un dur combat dure durant toute la nuit dans les rues de Valence et un groupe de soldats finit par incendier sa maison. Vicente Peris se rend au capitaine Diego Ladrón de Guevara. Le , les troupes royales entrent définitivement dans Valence; Vicente Peris et quelques-uns de ses plus proches compagnons sont exécutés. Seules les villes de Xàtiva et Alzira restent sous la domination des agermanats. La rébellion connaît un regain d'activité sous les ordres d'un mystérieux personnage connu comme El Encubierto, qui se fait passer pour l’infant Juan, fils des rois Catholiques.
Déroute des agermanats
Après l’assassinat à Burjasot d'El Encubierto, le , par deux de ses seconds pour toucher la récompense offerte par le vice-roi, et la chute de Xàtiva et Alzira, la déroute est définitive pour les agermanats ; Germaine de Foix est nommée vice-reine de Valence qu'elle gouverne d'une main de fer jusqu’à sa mort en 1538 ; elle y organise avec son époux, le duc de Calabre, une petite mais brillante cour. Certaines sources mentionnent 800 sentences de mort, exécutées de manière sporadique sur plusieurs années. Selon d’autres sources, les représailles consistent bien plus en confiscations et amendes, frappant surtout les corporations, et se traduisent dans de rares cas par une peine de mort. Le , la régente de Valence accorde une grâce aux « perayres » dans un document officiel qui est considéré comme un des premiers actes rédigés en castillan dans le Royaume de Valence, ce qui a conduit quelques personnes à voir dans la déroute des agermanats une des causes de l’imposition de cette langue, comme représailles supplémentaires contre les perdants. La pacification effective du territoire est effective en 1528, lorsque le roi accorde un pardon général.
Germanías dans le royaume de Majorque
Le mouvement des germanías trouve un écho dans le Royaume de Majorque, en y éclatant en 1521 à la suite de l’emprisonnement de six artisans. De même qu’à Valence, s’est constituée une junte formée de treize personnes (la Tretzena), qui prend le contrôle de la capitale et destitue son gouverneur général, Miguel de Gurrea, qui doit fuir à Ibiza. Les nobles qui survivent à la tuerie du Château de Bellver, se réfugient à Alcúdia, unique village resté fidèle au roi durant l’année et demie de domination de l'île par les agermanats. En août 1522, Charles Quint envoie 800 hommes pour aider Gurrea, qui débarque à Alcudía pour soumettre l’île, aidé par les nobles qui l’y ont rejoint. En décembre, ils assiègent la capitale, et le , les agermanats se rendent à Palma de Majorque après médiation de l’évêque. Malgré cette médiation, plus de 200 agermanats sont exécutés; beaucoup d’autres ont par ailleurs fui en Catalogne.
Bibliographie
- Bartolomé Bennassar, Jean Jacquart, Le XVIe siècle, Armand Colin, 1990, p. 158
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