Gertrude Ederle
Gertrude Caroline Ederle, née le à New York et morte le à Wyckoff, est une nageuse de compétition américaine.
Naissance | |
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Décès |
(à 98 ans) Wyckoff |
Sépulture | |
Nom de naissance |
Gertrude Caroline Ederle |
Surnoms |
Trudy, Gertie |
Nationalité | |
Activité |
Taille |
1,53 m |
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Sport | |
Distinctions |
Triple médaillée aux Jeux olympiques d'été de 1924, elle est la première femme à traverser la Manche à la nage, le , en l'espace de 14 h 39 min, et bat le record détenu par Sebastian Tiraboschi (en). Elle accède alors à une notoriété internationale. Sa traversée au crawl marque aussi un tournant pour cette nage, jusqu'alors privilégiée pour les distances courtes.
Biographie
Enfance
Gertrude Ederle est née le à Manhattan (New York). Elle est la seconde des 6 enfants d'un couple d'immigrants allemands, Gertrude Anna Haberstroh et Henry Ederle, ce dernier étant propriétaire d'une boucherie qui fait également de la vente à emporter (delicatessen) dans le quartier de l'Upper West Side, à Manhattan[1],[2],[3],[4],[5],[6].
Elle commence la natation à l'instigation de sa sœur Margaret, nageuse entraînée qui joue un rôle déterminant tout au long de sa carrière[1],[7],[8],[2]. Avant ses 13 ans, âge à laquelle elle gagne sa première course de natation, elle apprend à nager en imitant les mouvements des garçons qu’elle observe, sur une plage du New Jersey où sa famille passe les étés[6],[8],[9]. Elle est l’une des premières femmes à assimiler le crawl à huit temps[6],[5],[10].
Débuts
À l'âge de 13 ans, elle intègre la prestigieuse association américaine de natation féminine[2],[12],[6],[13],[14],[15]. Elle poursuit la natation malgré des tympans abîmés par une rubéole contractée à cinq ans, alors que la natation est susceptible d'aggraver son déficit d'audition[6]. Entre ses 16 et 20 ans, elle gagne plusieurs championnats américains, et décroche 29 records du monde dans la catégorie amateur[10],[6],[16]. En 1923, elle bat 7 records mondiaux en un après-midi à Long Beach[8].
Jeux olympiques de 1924
Aux Jeux olympiques d'été de 1924, Gertrude Ederle gagne une médaille d'or en tant que membre de l'équipe américaine pour le relais 400 mètres nage libre et des médailles de bronze pour être arrivée troisième aux épreuves de 100 et 400 mètres nage libre[6],[15],[1],[2]. Elle repart déçue de ne pas avoir pu décrocher l'or en individuel comme elle l'espérait[6],[5].
La traversée de la Manche
Alors qu'elle s'est affirmée sur des courtes distances, Libération indique que « son physique (près de 68 kilos pour 1,53 m), sa force, sa résistance et sa volonté l’ont taillée pour la natation de longue distance en eau libre »[17].
Quelques semaines avant les JO de 1924, elle nage 21 milles (33,8 km) en parcourant la baie de New York, depuis Battery Park sur la pointe sud de Manhattan jusqu'à Sandy Hook dans le New Jersey, en 7 heures, 11 minutes et 30 secondes : elle bat ainsi le record masculin et le conservera pendant 81 ans[6],[17],[1],[2].
En 1925, elle effectue sa première tentative de la traversée de la Manche, avec le soutien financier de l’association américaine de natation féminine ; elle renonce après 8h45 de nage face à une mer agitée[6],[15],[1]. Elle se sépare ensuite de son entraîneur, Jabez Wolffe, qu'elle accuse de l'avoir « fatiguée au cours de la préparation et puis lors de [sa] tentative », et de l'avoir « sortie de l’eau alors [qu'elle pouvait] encore continuer et réussir »[6],[2].
L’association américaine de natation féminine n'ayant pas renouvelé son soutien financier, elle devient professionnelle pour trouver d'autres partenaires commerciaux, ce qui l'empêchera de participer de nouveau aux Jeux olympiques[6]. Le Chicago Tribune et le New York Daily News financent son entraînement et le voyage en Europe en échange d’un accès exclusif à sa préparation[17]. Son entraîneur est alors Bill Burgess[1], deuxième homme à avoir réussi la traversée de la Manche en 1911, après 18 tentatives infructueuses[6],[8]. Elle est également assistée de Joe Costa, qualifié par la presse de magnat de la nage, qui a organisé matériellement les traversées de Wolf en 1912 et celle réussie de Toth en 1923[8]. Les paris la donnent perdante à 6 contre 1[6].
Elle commence sa célèbre traversée de la Manche à la nage à 7 h 5 le matin du en partant du cap Gris-Nez en France[18],[15], alors que la mer est tellement agitée que les voyages en ferry sont annulés[6]. Fait complètement inhabituel, elle porte un bikini, alors que les femmes nagent normalement en maillot une pièce et que la tradition de la traversée de la Manche pour les hommes est d’évoluer nu (ce qui permet d'éviter les frottements) ; elle porte également des lunettes de bain de motard, spécialement créées pour l’occasion[6],[8]. Elle est accompagnée de trois bateaux dont le remorqueur L'Alsace sur lequel ont embarqué des journalistes, photographes, radioreporters qui permettent aux Américains de suivre la performance en quasi direct[17]. Elle est l’une des premières sportives à bénéficier d’une telle présence à ses côtés[8]. La société Gaumont a par ailleurs affrété un navire pour filmer la course[8]. Elle nage sous la pluie après des conditions clémentes au départ, suivie par ses proches qui l'exhortent à abandonner[6]. 14 heures et 39 minutes plus tard, elle arrive à Kingsdown (en) en Angleterre[6]. Les courants l’ont forcée à nager 40 km en tout, 6 de plus que les 34 km prévus[6]. Outre le fait de devenir la première femme à traverser la Manche, elle bat de près d'une heure le record masculin de la traversée, détenu par l'Italien Sebastian Tiraboschi (en) — premier homme à avoir traversé la Manche de France en Angleterre, en 1923, et ayant battu le précédent record de Bill Burgess de 7 heures et 40 minutes, ce qui a constitué un tournant dans l'histoire de la traversée —, et de deux heures celui de la distance[6],[17],[8],[1],[2].
Dès le mois d’août 1926, des journaux anglais puis français mettent en cause la validité du record ; les bateaux d’escorte sont suspectés de lui avoir apporté assistance[8]. La capacité de résistance d’une femme est tout particulièrement mise en cause ; sa nationalité et son origine allemande suscitent également l'hostilité en France[8]. Dans la polémique, elle reçoit le soutien de concurrents, en particulier de Lilian Cannon et Jane Sion, qui ont échoué plusieurs fois et convoitaient le titre de première femme à traverser la Manche[8]. Dès le 28 août 1926, la traversée de Mille Carde Corson, en 15 heures et 30 minutes environ, amoindrit les soupçons pesant sur Gertrude Ederle[8].
Dès le 31 août 1926, l’Allemand Ernst Vierkötter (de) bat le record de Gertrude Ederle en 12 heures et 35 minutes ; le Français Georges Michel — lui aussi entraîné par Bill Burgess — lui succède le 10 septembre, cette fois en 10 heures 50 minutes, record qui tient jusqu’en 1950[8]. Tous deux évoluent dans des conditions idéales[8]. Gertrude Ederle conserve son record chez les femmes pendant 25 ans, jusqu'à ce que Florence Chadwick traverse la Manche en 1950 en 13 heures et 23 minutes[8],[1].
Avec la traversée de la Manche de Gertrude Ederle, le crawl, considéré jusqu'alors comme une nage sportive uniquement pour les compétitions en bassin et sur des distances courtes, s’impose comme une nage de fond, étant la plus économique du point de vue physique tout en étant la plus rapide[8]. Les traversées suivantes d'Ernst Vierkötter et Georges Michel se font grâce à d’autres nages sportives, dans « un combat d’arrière-garde du point de vue de la performance sportive » selon Claude Fouret[8].
Après le record
Le retentissement de l'exploit est au moins aussi important que celui de Matthew Webb, premier homme à traverser la Manche en 1875[8]. À son retour aux États-Unis, Gertrude Ederle est accueillie avec une Ticker-tape parade, à New York. Son exploit est célébré par deux millions de personnes et entraîne une envolée des inscriptions féminines pour passer des brevets de natation[6]. Le président Calvin Coolidge la présente comme « la meilleure fille de l’Amérique »[6]. Elle devient la première femme à entrer dans l'International Swimming Hall of Fame[8],[5],[2].
Elle joue en 1927 dans un film, Swim Girl, Swim (en), et participe à des exhibitions aquatiques, y compris après sa blessure à la colonne vertébrale en 1933[6]. La même année, alors que des nageuses demandent le droit de nager nues comme les hommes, elle se prononce contre la nudité et pour le port du maillot[8].
Alors que son nom tombe dans l’oubli, elle donne des cours de natation, notamment à de jeunes sourds (elle-même perd complètement l’ouïe à 40 ans)[6],[2].
Elle décède le dans une maison de retraite médicalisée à Wyckoff, dans le New Jersey, à l'âge de 98 ans[19],[20],[11].
Gertrude Ederle est inhumée au Cimetière de Woodlawn de New York[21].
Prix et distinctions
Articles connexes
Notes et références
- (en-US) Karen Christensen, International Encyclopedia of Women and Sports, volume 1, New York, MacMillan Reference Library, , 495 p. (ISBN 9780028649542, lire en ligne), p. 358-360
- (en-US) Anne Commire & Deborah Klezmer (dir.), Women in World History, Volume 5: Ead-Fur, Waterford (Connecticut), Yorkin Publications, 1999, rééd. 3 février 2000, 837 p. (ISBN 9780787640644, lire en ligne), p. 43-45
- (en-US) « Gertrude Ederle », sur Biography (consulté le )
- (en-US) « Ederle, Gertrude (1906—) | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
- (en) « Gertrude Ederle | Biography & Facts », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
- Elodie Font, « Gertrude Ederle : la championne de natation qui aimait la nage libre », sur France Inter.fr, (consulté le ).
- (en-US) Ken Rappoport, Ladies First: Women Athletes Who Made a Difference, Atlanta (Géorgie), Peachtree Publishers, 17 mars 2005, rééd. 1 mars 2010, 153 p. (ISBN 9781561455348, lire en ligne), p. 3-11
- Claude Fouret, « 1926 : la bataille de la Manche à la nage », Staps, vol. 4, no 66, , p. 43-61 (lire en ligne, consulté le ). Via Cairn.info.
- (en-US) Kathleen Krull, Lives of the Athletes: Thrills, Spills, San Diego, Harcourt Brace, , 99 p. (ISBN 9780152008062, lire en ligne), p. 32-35
- (fr) Encyclopædia Universalis, « GERTRUDE EDERLE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- (en-GB) « Obituary: Gertrude Ederle », sur the Guardian, (consulté le )
- « Gertrude Ederle Biography - family, children, parents, school, born, siblings, house, marriage, time - Newsmakers Cumulation », sur www.notablebiographies.com (consulté le )
- (en-US) Joe Layden, Women In Sports: The Complete Book On The World's Greatest Female Athletes, Los Angeles, Stoddart, , 275 p. (ISBN 9781575440644, lire en ligne), p. 81-82
- (en-US) Phyllis Hollander, 100 Greatest Women In Sports, New York, Grosset & Dunlap, , 147 p. (ISBN 9780448133676, lire en ligne), p. 90-91
- (en-US) Paula Edelson, A to Z of American Women in Sports, New York, Facts on File, , 281 p. (ISBN 9780816045655, lire en ligne), p. 69-70
- (en-US) « Gertrude Ederle », sur Encyclopedia
- Gilles Dhers, « Gertrude Ederle, la femme de la Manche », sur liberation.fr, (consulté le ).
- (en-US) History com Editors, « Gertrude Ederle becomes first woman to swim English Channel », sur HISTORY (consulté le )
- (en-US) Richard Severo, « Gertrude Ederle, the First Woman to Swim Across the English Channel, Dies at 98 », New York Times, (lire en ligne)
- « Gertrude Ederle, première femme à traverser la Manche à la nage », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Gertrude Ederle (1905-2003) - Mémorial Find a... », sur fr.findagrave.com (consulté le )
- (en-US) « ISHOF.org | GERTRUDE EDERLE (USA) », sur https://www.facebook.com/ISHOF (consulté le )
- (en-US) « ISHOF.org | Honorees By Last Name », sur https://www.facebook.com/ISHOF (consulté le )
- (en-US) « Ederle, Gertrude "Trudy" », sur National Women’s Hall of Fame (consulté le )
Liens externes
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