Gilles Kepel
Gilles Kepel, né le à Paris, est un politologue français.
Pour les articles homonymes, voir Keppel.
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Spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain, il est professeur des universités à l'université Paris Sciences et Lettres (PSL) et dirige la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l'École normale supérieure.
Biographie
Origines
Gilles Kepel, fils d'un intellectuel d'origine tchèque, traducteur de Václav Havel, et d'une professeure d'anglais niçoise, étudie au lycée Louis-le-Grand, et il milite brièvement à la Ligue communiste.
Études
Il suit une classe préparatoire littéraire et découvre le Moyen-Orient durant l'été 1974 en se rendant en Syrie. À son retour, il s'inscrit aux cours d'arabe[1] de la faculté de Censier.
Diplômé de philosophie et d’anglais, il termine sa formation d’arabisant à l’Institut français de Damas en 1978, et est diplômé de Sciences Po (section Relations internationales, promotion 1980)[2], où il suit l'enseignement du professeur Rémy Leveau.
Il obtient une bourse pour réaliser au Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) du Caire, sa thèse de doctorat sur les mouvements islamistes contemporains, et plus spécifiquement les Frères musulmans, qui assassinent le Président Anouar el-Sadate un an après son arrivée[3].
Soutenue en 1983, sa thèse mène à la publication de son premier livre Le Prophète et Pharaon en 1984. Il s’agit du premier ouvrage analysant l’islamisme militant contemporain, et constitue encore aujourd’hui une référence[1].
Parcours
Il devient chercheur au CNRS, et effectue des enquêtes sur le développement de l’Islam en France, en tant que phénomène social et politique. À la suite de cette étude de terrain, il publie en 1987 le livre Banlieues de l’Islam, un ouvrage pionnier dans l’étude de l’Islam en Occident, qui lui vaut des critiques de milieux de gauche pour qui il « fait le jeu de Le Pen »[3].
Il y analyse l'influence grandissante des Frères musulmans et de l'Arabie saoudite dans les banlieues ainsi que le lien entre demande identitaire et enracinement[1].
En 1991, il publie La Revanche de Dieu (vendu à 60 000 exemplaires, traduit en 20 langues[3]), qui constitue une étude comparée des mouvements politico-religieux émanant du judaïsme, de l’islam et du christianisme.
En 1993, il reçoit son habilitation à diriger des recherches. Le jury est composé de René Rémond (président de Sciences Po) ainsi que de professeurs tels que Rémy Leveau, Ernest Gellner, Alain Touraine, et André Miquel.
Il effectue des enquêtes de terrain sur les populations afro-américaines musulmanes aux États-Unis, avant de publier, à partir des affaires Rushdie et du voile de Creil, À l'ouest d'Allah (1994)[3] traduit en anglais en 1996 (Allah in the West).
En 1995, Gilles Kepel est nommé directeur de recherches au CNRS, puis professeur associé à Columbia et l'université de New York, où il prépare son livre Jihad, une étude globale du monde musulman, de l’Indonésie à l’Afrique (traduit en 12 langues). Il y étudie le développement de l'islam politique, et considère que sa radicalisation est un signe de déclin plutôt que de montée en puissance. Il se montre optimiste et considère que « l'islamisme n'a plus la force mobilisatrice de l'utopie »[4].
Malgré le succès commercial de Jihad au moment de sa publication, il est critiqué après les attentats du 11 septembre 2001 à la suite du parti pris de l’auteur concernant l’échec de l’islam politique en tant que facteur de mobilisation à la fin des années 1990.
Gilles Kepel analyse rétrospectivement cet échec à la fin de la première phase du jihad comme étant la « dialectique du jihadisme ». Il décrit la lutte contre « l’ennemi proche », suivie par une deuxième phase (Al-Qaïda) qui tire les conclusions de l’échec de la première phase et cible désormais « l’ennemi lointain », qui à son tour échoue à mobiliser les masses musulmanes sous la bannière des jihadistes. Cette période fut suivie d’une troisième phase, caractérisée par la prédominance de réseaux djihadistes sur le sol européen, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Daech). Gilles Kepel étudie plus en détail ce phénomène dans son ouvrage Fitna : Guerre au cœur de l’Islam (dans lequel il présente l'islamisme comme une forme de guerre civile au cœur de l'islam) ainsi que dans Terreur et Martyre : relever le défi de civilisation. Avec ses étudiants, Gilles Kepel co-édite en 2006 l’ouvrage Al-Qaïda dans le texte[5], qui analyse des textes d’idéologues jihadistes tels que Abdallah Azzam, Oussama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri ou Abou Moussab Al-Zarkaoui.
En , le mois de l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi à Sidi Bouzid (Tunisie), qui est le point de départ du « Printemps Arabe », Sciences Po décide de fermer la Chaire Moyen-Orient Méditerranée. Gilles Kepel est nommé Membre Senior de l’Institut universitaire de France pendant cinq ans (2010-2015), ce qui lui permet de revenir à ses travaux de terrain. Il est également nommé professeur invité à la London School of Economics en 2009-2010.
Collaborateur régulier au Monde, au New York Times, à La Repubblica, El País et à plusieurs médias arabes[réf. nécessaire], il tient, en 2012, une chronique le jeudi matin sur France Culture intitulée « Le monde selon Gilles Kepel »[6], et consacrée au monde arabe contemporain après les révolutions et bouleversements de l'année 2011, et, de nouveau, dans Les Matins entre les étés 2015 et 2016[7].
En 2012, il publie Banlieue de la République, une enquête sur les émeutes des banlieues françaises de 2005 à Clichy-Montfermeil, où les évènements ont démarré. Cette enquête fut réalisée à travers une observation participante d’un an sur le terrain, avec une équipe d’étudiants, en coopération avec l’Institut Montaigne. L’ouvrage Quatre-Vingt Treize, suite de l’enquête, analyse plus généralement l’évolution de l’Islam de France, 25 ans après la publication des Banlieues de l’Islam.
En 2013, il décrit les révolutions arabes à travers l’ouvrage Passion Arabe (Prix Pétrarque de France Culture, « Meilleur livre de l’année » selon Le Monde).
En 2014, il publie Passion française, une enquête analysant la première génération de candidats issus de l’immigration musulmane aux élections législatives, principalement à Roubaix et à Marseille. Il s’agit du troisième livre de la tétralogie de Gilles Kepel, qui se termine avec Terreur dans l’Hexagone en 2015, mettant en perspective les attentats jihadistes en France. La publication de ce best-seller fait de Gilles Kepel une figure intellectuelle majeure, mais aussi une cible des djihadistes[8].
Il participe à la réunion du groupe Bilderberg de 2015[9],[10].
En 2016, il publie La Fracture, basé sur des chroniques radios effectuées sur France Culture entre 2015 et 2016, analysant l’impact du djihadisme au moment de la multiplication des attentats sur le sol français et européen. Il met ces évènements en perspective avec la montée des partis d’extrême droite en Europe.
En 2018, il publie Sortir du Chaos. Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, une analyse des différents événements majeurs au Moyen-Orient, depuis la guerre d'octobre 1973, suivie de l'explosion des prix du pétrole et de la prolifération du jihad, à travers ses trois grandes phases depuis l'Afghanistan et Al-Qaïda. Dans cet ouvrage, Gilles Kepel propose également le premier récit complet rétrospectif des six principaux soulèvements arabes, de la Tunisie à la Syrie. Traduit dans cinq langues (allemand, anglais, espagnol, grec, italien) et nourri de cartes inédites de Fabrice Balanche, cet ouvrage est sorti en format Poche en février 2021.
En 2021, il publie Le Prophète et la Pandémie. L'année 2020, du Moyen-Orient aux banlieues de l'Europe, une mise en perspective de cette année marquée par la Covid-19, l'effondrement du marché pétrolier et de profonds bouleversements d'alliances en cours au Moyen-Orient jusqu'aux banlieues de l'Europe.
Fonctions
En 2001, Gilles Kepel est nommé professeur de sciences politiques à Sciences Po, où il fonde le Campus Moyen-Orient Méditerranée, ainsi que le Forum EuroGolfe[1].
Kepel a fondé la collection « Proche-Orient », aux Presses Universitaires de France. La série comprend 23 volumes, publiés entre 2004 et 2017. Il a enseigné comme titulaire de la chaire Philippe Roman (History and International Relations) à la London School of Economics en 2009-2010.
En , Kepel est nommé directeur de la chaire d'excellence Moyen-Orient Méditerranée à l'Université Paris sciences et lettres (PSL), basée à l'École normale supérieure. Il dirige le séminaire mensuel « Violence et Dogme : Usage du passé dans l’islamisme contemporain ».
En , il est nommé pour deux ans au Conseil économique, social et environnemental dans la section du travail et de l'emploi en qualité de personnalité associée[11]. En , Gilles Kepel est nommé membre du conseil scientifique de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA), présidé par Dominique Schnapper[12].
Gilles Kepel est membre du haut conseil de l'Institut du monde arabe et directeur des études au programme sur le Koweït à l'Institut d'études politiques de Paris.
Il s'entretient régulièrement avec Emmanuel Macron sous sa présidence[13].
Autre
Polémiques et désaccords
En 2008, il est accusé d'avoir agressé son doctorant Pascal Ménoret lors d'une soirée à Middle East Association (en) de Washington, Gilles Kepel est exclu de l'association[14],[15]. Invité dans l'émission Répliques par Alain Finkielkraut (France Culture), Kepel présente une version différente des faits face à François Burgat[16].
Depuis plusieurs années, Gilles Kepel est en profond désaccord avec le politologue Olivier Roy sur l'analyse des causes du terrorisme islamiste en France[17],[18]. Le sociologue Vincent Geisser l'accuse quant à lui de contre-vérités, de raccourcis simplistes, et d'une tendance à « islamiser » à outrance les problèmes des banlieues[19].
Publications
- Le Prophète et Pharaon. Les mouvements islamistes dans l'Égypte contemporaine, La Découverte, Paris, 1984 ; rééd. coll. « Folio histoire », Gallimard, Paris, 2012
- Les Banlieues de l'islam. Naissance d'une religion en France, Seuil, Paris, 1987
- La Revanche de Dieu. Chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde, Seuil, Paris, 1991 ; réed. augmentée coll. « Points », Seuil, 2003
- À l'ouest d'Allah, Seuil, Paris, 1994 ; rééd. coll. « Points », Seuil, 1995
- Jihad. Expansion et déclin de l'islamisme, Gallimard, Paris, 2000 ; 2e édition refondue et mise à jour, coll. « Folio actuel », Gallimard, 2003
- Chronique d'une guerre d'Orient, Gallimard, Paris, 2002
- Fitna. Guerre au cœur de l'islam, Gallimard, Paris, 2004 ; rééd. coll. « Folio actuel », Gallimard, 2007
- Terreur et martyre. Relever le défi de civilisation, Flammarion, Paris, 2008 ; rééd. coll. « Champs actuel », Flammarion, 2009
- Banlieue de la République. Société, politique et religion à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, Gallimard, Paris, 2012
- Quatre-vingt-treize, Gallimard, Paris, 2012
- Passion arabe, Gallimard, Paris, 2013
- Passion française. La voix des cités, Gallimard, Paris, 2014
- Passion en Kabylie, Gallimard, collection Témoins, 2014 Le livret accompagne la publication sous coffret de Passion arabe et de Passion française.
- Qui est Daech ?, avec Edgar Morin, Régis Debray, Michel Onfray, Olivier Weber, Jean-Christophe Rufin et Tahar Ben Jelloun, éd. Philippe Rey, 2015
- Terreur dans l'Hexagone, Genèse du djihad français, avec Antoine Jardin, Gallimard, Paris, 2015
- La Fracture[7], co-édition Gallimard / France Culture, Paris 2016
- Sortir du chaos, Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, Gallimard, Paris, 2018, [présentation éditeur], (ISBN 978-2-07-277047-0)
- Le prophète et la pandémie, Du Moyen-Orient au jihadisme d’atmosphère, Gallimard, Paris, 2021[22],[23],[24]
- Enfant de Bohême, récit autobiographique et familial; Paris (NRF/Gallimard), 2022. ISBN 978-2-07-279591-0
Direction d'ouvrages collectifs
- Les Musulmans dans la société française (avec Rémy Leveau), Presses de Sciences-Po, Paris, 1988
- Intellectuels et militants de l'islam contemporain (avec Yann Richard), Seuil, Paris, 1990
- Les Politiques de Dieu, Seuil, Paris, 1993
- Exils et royaumes. Les appartenances au monde arabo-musulman aujourd'hui, Presses de Sciences-Po, Paris, 1994
- Al-Qaida dans le texte (avec Jean-Pierre Milelli), Presses universitaires de France, Paris, 2005 ; nouvelle édition revue et augmentée, coll. « Quadrige », PUF, 2008
Prix
- 2013 : prix Pétrarque de l'essai France Culture/Le Monde[25]
Décorations
- Officier de l'ordre national du Mérite (Il est promu d'office au grade d'officier par le décret du pour ses 34 ans de services)[27].
- Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres
- Officier de l'ordre du Mérite culturel de Monaco (Il est nommé par l'ordonnance souveraine du )[28].
Notes et références
- Christophe Boltanski, « Djihad contre djihad », Vanity Fair n°65, février 2019, p. 94-101.
- http://www.sciences-po.asso.fr/profil/gilles.kepel80_1.
- François Dufay, « Gilles Kepel, le Prophète et le Pharaon », L'Histoire, avril 2000.
- Rencontre avec Gilles Kepel: La fin du Jihad ?, L'Humanité, 31 mai 2000.
- Gilles Kepel et Jean-Pierre Milelli (trad. de l'arabe), Al-Qaida dans le texte : Écrits d’Oussama ben Laden, Abdallah Azzam, Ayman al-Zawahiri et Abou Moussab al-Zarqawi, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Quadrige », , 496 p. (ISBN 978-2-13-056151-4, présentation en ligne).
- Le monde selon Gilles Kepel sur franceculture.fr.
- Présentation de La Fracture, recueil de chroniques, dans Les Matins du 4 novembre 2016.
- Robert F. Worth, « The Professor and the Jihadi », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
- « Bilderberg, la mystérieuse réunion "des maîtres du monde" », Europe1, (lire en ligne, consulté le ).
- Le Point, magazine, « La Grèce, la Russie et l'Iran au menu du très discret groupe Bilderberg », Le Point, (lire en ligne, consulté le ).
- « Désignation de personnalités associées au CESE », sur CESE.fr, .
- Communiqué de presse: « Installation d'un Conseil scientifique auprès de la DILCRA », gouvernement.fr, 9 février 2016.
- Lucie Delaporte, Pauline Graulle et Ellen Salvi, « Le Printemps républicain, une «petite boutique» qui veut peser sur le jeu politique », sur Mediapart, (consulté le ).
- François Burgat, Comprendre l'islam politique, éditions La Découverte, 2016.
- Coup de poing, dorures et “‘islamo-gauchistes”: enquête sur Gilles Kepel, Les Inrocks, 7 décembre 2016.
- « Le terrorisme en face », France Culture, (lire en ligne, consulté le ).
- Olivier Roy et Gilles Kepel : le Prophète et le Mandarin, Pierre de Gasquet, Les Échos, 31 mars 2017
- Frédéric Boily, « Le débat entre Gilles Kepel et Olivier Roy. Anatomie d’un désaccord », Frontières, vol. 31, no 1, (ISSN 1180-3479 et 1916-0976, DOI 10.7202/1066194ar, lire en ligne, consulté le )
- « Gilles Kepel hanté par l’islamisation de la France », sur OrientXXI, (consulté le ).
- (en) Robert F. Worth, « The Professor and the Jihadi », sur New York Times, .
- Sara Daniel, « Gilles Kepel : "Les islamo-gauchistes, ces charlatans », sur Nouvel Obs, .
- « lien vers l'éditeur », sur Gallimard
- « couverture Le Point », sur lepoint
- IMA, « Conférence de présentation de l'ouvrage à l'Institut du Monde Arabe »
- « Gilles Kepel, lauréat du Prix de l'essai France Culture/Le Monde », sur Le Point.fr, (consulté le ).
- Décret du 13 juillet 2022 portant promotion et nomination dans l'ordre national de la Légion d'honneur.
- Décret du 15 mai 2015 portant promotion et nomination
- « Ordonnance Souveraine n° 4.043 du 18 novembre 2012 portant promotions ou nominations dans l’Ordre du Mérite Culturel / Journal 8096 / Année 2012 / Journaux / Accueil - Journal de Monaco », sur journaldemonaco.gouv.mc (consulté le )
Voir aussi
Article connexe
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- Collection « Proche-Orient » aux PUF
- [PDF] Curriculum vitæ de Gilles Kepel
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