Grikos

Les Grikos sont une communauté culturelle minoritaire du sud de l'Italie, vivant principalement de part et d'autre du détroit de Messine en Sicile du nord-est et en Calabre du sud, ainsi que dans les Pouilles. Ils s'identifient par les deux parlers grecs appelés griko, formant une langue proche du grec moderne mais écrite avec l'alphabet latin, et par leur appartenance religieuse à l'église catholique, plus précisément à celle de rite byzantin, appartenance qu'ils partagent avec les communautés d'origine albanaise d'Italie[1]. Ils sont reconnus « minorité linguistique » par la loi italienne[2] et leur nombre est estimé à environ 40 000 personnes dont 20 000 locuteurs réguliers du griko[3],[1].

Grikos en costume traditionnel de la « Bovésie » (région d'Aspromonte, Calabre méridionale).

Histoire

Avant le XIVe siècle, par héritage de l'Italie byzantine, le quart méridional de la péninsule italienne était majoritairement de langue grecque et se trouvait dans l'obédience du patriarche grec de Constantinople. Progressivement, l'empreinte grecque a reculé face à l'empreinte latine, tant linguistique que littéraire et religieuse : ainsi, des villes comme Amalfi et de nombreuses paroisses rurales choisirent l'obédience de l'Église de Rome au fil des siècles et le pape Grégoire XIII les regroupa en 1579 sous le nom de « basiliens ». Les rares communautés orthodoxes subsistant encore au début du XXe siècle se sont à leur tour ralliées en 1919 mais en gardant leur rite byzantin[4]. L'endonyme griko provient d'ailleurs de l'exonyme greco qui, chez les catholiques, ne désignait pas seulement les locuteurs de la langue grecque, mais tous les orthodoxes, y compris albanophones[5].

Il existe plusieurs hypothèses, non exclusives les unes des autres, sur les origines de la communauté grecque en Italie méridionale[1] :

Les apports extérieurs ayant ensuite cessé, à part des groupes épars fuyant la répression ottomane, la communauté n'a cessé de régresser à partir du XVIe siècle, notamment par assimilation aux populations italiques. Sous la période fasciste, une politique d'italianisation forcée a aussi contribué à ce recul en pénalisant l'apprentissage du griko par les nouvelles générations. Depuis la fin du XXe siècle, on assiste à une certaine renaissance culturelle, visible dans la réappropriation de la langue et des traditions[1].

Carte diachronique de la diffusion du griko calabrais : bleu : jusqu’au XVe siècle, rose-violet : jusqu’au XVIe siècle, jaune : jusqu’au XIXe siècle, orange : jusqu’au XXe siècle, rouge: situation présente de la langue.

Notes et références

  1. Pipyrou 2016.
  2. « Décret no 345 du président de la République italienne du 2 mai 2001 d'application de la loi no 482 du 15 décembre 1999 portant sur les règles de protection des minorités linguistiques historiques », Journal officiel italien du 13 septembre 2001 - .
  3. « In Salento e Calabria le voci della minoranza linguistica greca », in Treccani, il portale del sapere - .
  4. (it) Alberto Elli, Breve storia delle Chiese cattoliche orientali, Terra Santa, , 2e éd., 400 p. (lire en ligne) .
  5. Voir les noms des Grecs, le vocabulaire des croisades et de la reconquista et (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re éd., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
  6. Gerhard Rohlfs, Vocabolario dei dialetti salentini, Congedo, 1956-57 (lire en ligne)
  7. Anastasios Karanastasis, Γραμματική των Ελληνικών ιδιωμάτων της Κάτω Ιταλίας Grammaire des dialectes grecs de l'Italie méridionale »], Athènes, Académie d'Athènes, (lire en ligne).
  8. Les deux parlers de la langue griko que les Grecs appellent katoitaliótika (Κατωιταλιώτικα) soit « italiotique méridional », ont été analysés comme résultant d'un mélange de parlers grecs d'âges et d'origines différentes, ayant subi une influence italique ancienne : voir F. Violi, (it) Lessico Grecanico-Italiano-Grecanico, Apodiafàzzi, Reggio Calabria, 1997 ; Paolo Martino, (it) L'isola grecanica dell'Aspromonte : aspetti sociolinguistici, 1980 ; G. Morosi, (it) « Studi sui dialetti greci della Terra d'Otranto », in Revue de linguistique romane 1980, vol. 44, p. 421 ; Filippo Condemi, (it) Grammatica Grecanica, Contezza, Reggio Calabria, 1987.
  9. Giosuè Musca, (it) L'emirato di Bari (847-871), ed. Dedalo, 1992.
  10. Steven Runciman, La chute de Constantinople, 1453, p. 265.

Annexes

Bibliographie

(en) Stavroula Pipyrou, The Grecanici of Southern Italy: Governance, Violence, and Minority Politics, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, (ISBN 978-0-8122-4830-2, OCLC 967874440)

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