Guerres d'Illyrie

Les guerres illyriennes sont une série de guerres qui opposent la République romaine à différentes tribus illyriennes entre 229 et 168 av. J.-C.. Le conflit est composé de trois campagnes militaires bien distinctes : la première contre la Reine Teuta[1], la deuxième contre Démétrios de Pharos[1] et la troisième contre le roi Gentius.

Guerres d'Illyrie
Tribus illyriennes avant la conquête romaine.
Informations générales
Date De 229 à 168 av. J.-C.
Lieu Illyrie
Casus belli Lutte pour l'hégémonie sur la Mer Adriatique.
Issue Victoire romaine
Belligérants
République romaineIllyrie

Première guerre d'Illyrie Deuxième guerre d'Illyrie Troisième Guerre d'Illyrie

Lors de la première guerre d'Illyrie, entre 229 et 228 av. J.-C.[2], après la première guerre punique, le commerce maritime se développe dans la Mer Adriatique au moment où la puissance des tribus illyriennes augmente sous l'influence de la reine Teuta[3]. Les attaques des pirates illyriens contre les navires commerciaux des alliés italiens de Rome et la mort d'un envoyé romain nommé Coruncanius[4] sur les ordres de Teuta[5] incitent le sénat romain à envoyer une armée romaine sous les ordres des consuls Lucius Postumius Albinus et Cneus Fulvius Centumalus. Rome expulse les garnisons illyriennes d'un certain nombre de villes grecques comprenant Épidamne, Appolonie, Corfou et l'île de Pharos et établit un protectorat sur ces villes grecques. Les Romains mettent également en place[6] Démétrios de Pharos comme souverain en Illyrie pour contrebalancer le pouvoir de Teuta[7].

À la fin de l'invasion romaine des territoires illyriens, la République réussit à mettre fin à la piraterie qui menaçait le commerce italique à travers la Mer Adriatique[8]. La campagne contre la reine Teuta, qui commence en 229 av. J.-C., marque la première fois où l'armée romaine traverse la Mer Adriatique pour faire face à un ennemi[9].

Contexte historique

Expansion sous Agron

Territoire hypothétique illyrien sous Agron en 230 av. J.-C..

Lors de la deuxième moitié du IIIe siècle, le royaume d'Illyrie se transforme sous la direction du roi Agron. Agron envahit successivement une partie de l’Épire, Corcyre, Épidamne et Pharos en y établissant des garnisons[10]. La nouvelle armée illyrienne dispose de navires plus puissants qui peuvent transporter 50 soldats selon Polybe[11]. Ce nouveau navire est le lembus, un navire de guerre petit et rapide avec une rangée de rames simple. Les raids par mer depuis les mers Adriatique et Ionienne sont probablement une menace familière des Grecs du Nord-Ouest. La nouveauté est l'utilisation d'une armée terrestre pour donner suite et profiter des victoires gagnées par la marine[12]. Les cités grecques des côtes d'Illyrie sont systématiquement attaquées et peut-être déjà conquises par les forces d'Agron[13]. Rome répond à l'appel de l'île d'Isa, menacé par Agron, en envoyant des représentants. Ils ne sont jamais arrivés car ils sont attaqués en route par des navires illyriens et l'un d'entre eux est tué, avec un ambassadeur d'Isa[14].

Dans le même temps, différents événements politiques frappent les états grecs adjacents. En 234 av. J.-C., la succession royale en Épire se termine et une république fédérale est instituée. Au sud, la partie occidentale de l'Acarnanie refuse de suivre ce changement. L'Étolie menace rapidement l'indépendance de ce nouvel état et elle commence à occuper le territoire autour du Golfe Ambracique, y compris la vieille capitale de Pyrrhus, Ambracie, ce qui force les Épirotes à établir un nouveau centre à Phoenice. Assiégés à Medion, les habitants de l'Acarnanie cherchent l'aide de Démétrios II, qui pendant la majeure partie de son règne a été en guerre avec la Ligue étolienne et la Ligue achéenne. En réponse, le roi demande de l'aide à Agron pour qu'il délivre la cité du siège qu'elle subit.

Première guerre d’Illyrie

Origines du conflit

La reine Teuta ordonne à ses gardes l'assassinat de l'ambassadeur romain. Gravure d'Augustyn Mirys.

Même avant la guerre contre Carthage (264-241 av. J.-C.), les Romains ont conscience du danger d'attaque maritime pour la côte Adriatique de l'Italie. En 246 av. J.-C., une colonie composée de citoyens romains est installée à Brundisium pour surveiller le golfe Ionien[15]. Pendant leur occupation de Phoenice, un certain nombre de bateaux illyriens tentent des actions contre des marchands italiens. Plusieurs sont volés, assassinés ou capturés ce qui force le Sénat romain à intervenir après avoir ignoré les précédentes plaintes. Polybe relate l'envoi d'une ambassade romaine à la reine Teuta, une version des événements qui est destinée de justifier l'invasion romaine de l'Illyrie[16],[3]. Cette ambassade est dirigée par les frères Lucius et Cnaeus Coruncanius. À leur arrivée, ils trouvent Teuta célébrant la fin d'une rébellion en Illyrie et se préparant à assiéger l'île grecque d'Issa. Quand les ambassadeurs se plaignent des blessures infligées aux Romains, Teuta leur promet qu'aucune force royale ne leur ferait de mal, mais qu'elle ne peut s'opposer à la mise en siège de la ville. Un des ambassadeurs se mit en colère. En réponse, la reine prit les dispositions pour qu'il soit assassiné lors de son voyage de retour. À l'annonce de cette nouvelle, les Romains se préparent pour la guerre : les légions sont enrôlées, la flotte se rassemble et une indignation générale se manifeste face à l'acte commis par la reine Teuta[17].

Corcyre et Paxos

L'invasion romaine en Illyrie en 229 av. J.-C.[2] semble avoir pris Teuta au dépourvu. Aussitôt que le temps le permit, Teuta a ordonné au sud une expédition navale encore plus importante que celles des années précédentes, la plupart des navires se rendant à Corcyre. Quelques soldats illyriens débarquent à Épidamne, entrent dans la ville, avec des armes cachées, pour se procurer de la nourriture et de l'eau ; mais ayant presque atteint leur objectif ils sont chassés de la ville après un combat[18]. Ces bateaux rejoignent alors la flotte principale illyrienne qui fait le siège de Corcyre. Les habitants de Corcyre, avec ceux d'Apollonia et d'Épidamne vont chercher l'assistance des différentes Ligues de Grèce. Dix bateaux achéens s'engagent aux côtés de la flotte illyrienne, renforcée par sept navires de guerre de l'Acarnarnie et de l'île de Paxos au sud de Corcyre. Grâce à leur supériorité de leur tactique, les Illyriens capturent quatre trirèmes et font couler un quinquereme, tandis que le reste de la flotte grecque réussit à s'échapper.

Guerre

La mort des ambassadeurs romains par ordre de Teuta envoyés pour négocier avec les Illyrens [4] et l'attaque par des pirates illyriens de navires marchands italiens qui étaient sous protection romaine[5], oblige le Sénat à recruter une armée et à envoyer les consuls Lucius Postumius Albinus et Cneus Fulvius Centumalus à faire la guerre aux Illyriens.. L'armée romaine chasse alors les Illyriens des villes grecques d'Épidamne, de Corfou et de l'île de Pharos et établit un protectorat romain.

En plus de la conquête de ces territoires, les Romains établissent Démétrios de Pharos sur le trône d'Illyrie[2] afin de contrecarrer le pouvoir de Teuta.

Avec cette victoire, Rome gagne ainsi beaucoup de sympathie de la part de la population grecque qui, consciente de son pouvoir grandissant, commence à considérer la cité de Rome comme son protecteur. Pour le manifester, les Romains sont invités aux Jeux Isthmiques de 228 av. J.-C.[19]. Corinthe défend ce choix, comme une expression de gratitude pour avoir débarrassé la Mer Adriatique des pirates. Enfin, les Romains à Athènes sont admis aux mystères d'Eleusis, ce qui signifie que Rome n'était plus une ville barbare, mais considérée comme une ville grecque[19].

Deuxième guerre d’Illyrie

La deuxième guerre d'Illyrie dure de 220 à 219 av. J.-C. La République romaine est en guerre avec les Celtes de la Gaule cisalpine et commence la deuxième guerre punique avec Carthage[20],[21]. Démétrios, qui a accédé au pouvoir après la première guerre d'Illyrie, profite de ces distractions pour construire une nouvelle flotte de guerre illyrienne. À la tête de sa flotte de 90 vaisseaux, Démétrios navigue au sud de Lissus, violant son traité antérieur et déclenchant ainsi la guerre[22].

La flotte de Démétrios attaque d'abord Pylos où il capture 50 vaisseaux après plusieurs tentatives. De Pylos, la flotte se dirige vers les Cyclades, réprimant toute résistance trouvée sur le chemin. Démétrios envoie ensuite une flotte à travers l'Adriatique[20]. Les forces illyriennes étant divisées, la ville de Dimale[20] en Illyrie est capturée par la flotte romaine sous les ordres de Lucius Aemilius Paulus[22], dit Paul Émile. De Dimale, la flotte romaine se dirige vers Pharos[23]. Les forces romaines contournent les Illyriens et Démétrios fuit en Macédoine où il devient un conseiller à la cour de Philippe V de Macédoine. À la cour de Philippe V, il devient l'un de ses conseillers les plus influents. La première guerre macédonienne est due en grande partie à l'influence de Démétrios sur le roi de Macédoine et il y reste jusqu'à sa mort en 214 av. J.-C.[24]

Troisième guerre d’Illyrie

En 168 av. J.-C., le roi d'Illyrie Gentius s'allie avec les Macédoniens[25]. Cependant, en 171 av. J.-C., il s'était allié aux Romains contre les Macédoniens[26], c'est en 169 av. J.-C. qu'il change de camp et qu'il s'allie avec Persée de Macédoine[25]. Lors de la Troisième guerre d'Illyrie, il combat deux légats romains et ravage deux cités: Apollonie et Dyrrachium (deux cités alliées à Rome). En 168 av. J.-C., Gentius est vaincu à Scodra par une armée romaine commandée par Lucius Anicius Gallus[27]. En 167 av. J.-C., Gentius est emmené à Rome comme captif afin de participer au triomphe de Lucius Anicius Gallus, et après il est emprisonné à Iguvium[28].

Après la conquête

L'Illyrie fut finalement conquise en 168 av. J.-C.. Après quarante ans de combats intermittents, l'Illyrie devint une province romaine. Il fallut une centaine d'années supplémentaires, cependant, pour que l'Illyrie côtière et les tribus dalmates soient finalement soumis après la grande révolte illyrienne.

Notes et références

  1. Romilly Boak Gurnee Sinnigen, p. 111.
  2. Wilkes 1992, p. 160.
  3. Wilkes 1992, p. 177.
  4. Appien.
  5. Zock 1998, p. 99.
  6. Wilkes 1992, p. 171.
  7. Eckstein 1994, p. 46-59.
  8. Wilkes 1992, p. 158.
  9. Gruen 1984, p. 359.
  10. Appien 7.
  11. Polybe 2.
  12. Hammond 1968.
  13. Wilkes 1992.
  14. Gruen 1984.
  15. Polybe 8,1.
  16. Polybe 8.
  17. Hammond 1968, p. 5-6.
  18. Polybe 2, 9, 6.
  19. Piganiol 1974, p. 227.
  20. Nicolet 1993, p. 734..
  21. Dodge 1995, p. 164.
  22. Polybe 16.
  23. Polybe 18.
  24. Polybe 19.
  25. Tite-Live, Histoire romaine: livre XLIV, paragraphe 23.
  26. Tite-Live, Histoire romaine: livre XLIII, paragraphe 20.
  27. Tite-Live, Histoire romaine: livre XLIV, paragraphe 31.
  28. Tite-Live, Histoire romaine: livre XLV, paragraphe 43.

Annexe

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Fond antique

  • Appien, Histoire romaine.
  • Appien, Les guerres de Macédoine et d'Illyrie.
  • Polybe, Histoires : livre II.
  • Polybe, Histoires : livre VI, Paris, les Belles lettres, coll. « Collection des universités de France », , 159 p..

Ouvrages

  • (en) Theodore Ayrault Dodge, Hannibal : A History of the Art of War Among the Carthagonians and Romans Down to the Battle of Pydna, 168 B.C., S.l., Da Capo press, , 682 p. (ISBN 0-306-80654-1).
  • (en) Erich S. Gruen, The Hellenistic World and the Coming of Rome : Volume II, Berkeley, University of California Press, , 862 p. (ISBN 0-520-04569-6, lire en ligne).
  • (en) Hammond, Kingdom of Agron, .
  • Claude Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen : 264-27 av. J.-C., Paris, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », , 470 p. (ISBN 2-13-043913-6).
  • André Piganiol, La conquête romaine, Paris, Presse Universitaire de France, coll. « Peuples et civilisations », , 669 p..
  • (en) Arthur Edward Romilly Boak et William Gurnee Sinnigen, A History of Rome to A.D. 565.
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique : 323-30 av. J.-C., Paris, Édition du Seuil, coll. « Points Histoire », , 650 p. (ISBN 2-02-060387-X).
  • (en) J. John Wilkes, The Illyrians, Oxford, B. Blackwell, , 351 p. (ISBN 0-631-14671-7).
  • (en) Paul A. Zock, Ancient Rome : An Introductory History, Oklahoma, University of Oklahoma Press, .

Article

  • (en) Arthur Eckstein, « Polybius, Demetrius of Pharus and the Origins of the Second Illyrian War », Classical Philology, no 1, , p. 46-59.
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