Guillaume Gratry
Guillaume Alexandre Auguste Gratry (Ath, - Saint-Gilles, ), est un homme politique et militaire belge, qui fut général-major de l'armée belge.
Pour les articles homonymes, voir Gratry.
Guillaume Gratry | |
Fonctions | |
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Ministre de la Guerre | |
– | |
Gouvernement | Gouvernement Frère-Orban II |
Prédécesseur | Général Liagre |
Successeur | Charles Pontus |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Ath |
Date de décès | |
Lieu de décès | Saint-Gilles |
Sépulture | Ath (ancien cimetière). La sépulture n'existe plus. |
Nationalité | Belgique |
Biographie
Guillaume Gratry est issu de la famille Gratry, fils d’Alexandre Nicolas Gratry, ancien soldat de la Grande Armée, médaillé de Sainte-Hélène[1], et de Charlotte Florent.
Carrière militaire
Nous ne commençons à trouver trace de son existence que lorsqu'il rejoignit l'armée belge comme engagé volontaire pour « 8 ans 1 mois 2 jours », en tant que mineur de 2e classe au bataillon de sapeurs mineurs, le . Dès ses débuts, il connut le baptême du feu, puisqu’il participa à la guerre de 1839 contre les Hollandais qui tentaient d’arracher à la Belgique son indépendance à peine conquise.
Il devint mineur de 1re classe, puis vice-caporal, enfin caporal le . À partir du , il fréquenta l'École militaire.
Entré à 17 ans dans le Génie, il y fit toute sa carrière d'officier et fut admis définitivement dans cette arme le .
Avec une belle régularité il conquiert ses grades : il est sous-lieutenant en 1843, lieutenant en 1850, promu capitaine en second à l’occasion de la Fête nationale belge de 1857, capitaine en premier en 1863, major au moment où la France entre en guerre contre la Prusse en 1870, lieutenant-colonel en 1873, colonel en 1877 et enfin général-major en 1880.
Auguste (c’est ainsi qu’il signait) Gratry fut successivement désigné pour commander, d’abord comme adjoint, puis en titre, dans toutes les grandes villes du pays. Il commença par Ostende en 1848, Mons en 1850, Tournai en 1851, Anvers en 1859, l’ensemble du Brabant enfin en 1880.
Gratry commença une carrière dans les bureaux du Ministère à Bruxelles en 1869, où il devint Directeur du Génie en 1874.
Sa correspondance avec son épouse contient quelques détails sur la guerre de 1870 ; il écrivit de Strasbourg, le (il a visité les tranchées prussiennes) : "L'attaque de Strasbourg du côté de la ville s'est faite sur un développement considérable, ce qui atteste les moyens puissants dont faisait usage l'armée prussienne. On n'a pas idée de cela chez nous… Je suis devenu ici extrêmement écœuré de la guerre, à cause des horreurs qu'elle traîne après elle… L'attaque a été terrible. La ville assiégée a reçu pendant de longs jours une pluie de projectiles de toute espèce et on doit se demander après cela comment il reste encore ici pierre sur pierre, comment le feu ne s'est pas propagé partout, à tous les quartiers de la ville. Il y a de grandes dévastations, mais il pourrait y en avoir plus."
Carrière politique
Le , des élections eurent lieu en Belgique. Le ministère catholique fut renversé, et Hubert Frère-Orban, homme politique anticlérical modéré, forma un nouveau cabinet libéral, et en devint le chef.
Le Premier ministre (qui a dans ses attributions de choisir les ministres, choix que le Roi est dans l'obligation de ratifier) dut s'y reprendre à trois fois dans le choix de son Ministre de la Guerre : le premier - le général Renard - mourut après un an ; le deuxième - le général Liagre - démissionna de ses fonctions au bout d'une année, désavoué par ses collègues ; enfin, en , Frère-Orban imposa au Roi le général Gratry, dont le souverain ne voulait pas.
Léopold II supportait mal d'être un "irresponsable", dont aucun acte ne pouvait avoir d'effet s'il n'était contresigné par un ministre, comme le prévoit la Constitution belge.
Cela fut vrai tout particulièrement dans le domaine militaire, où le Roi était persuadé qu'il possédait des responsabilités particulières, une compétence dans les décisions, le droit de diriger le Ministre de la Guerre, alors que c'était un domaine où le souverain avait particulièrement besoin de conseils ! C'est pourquoi il s'entendit mal avec des Ministres de la Guerre qui ne partageaient pas ses vues.
Gratry s'efforça tout au long de son mandat de satisfaire aux exigences royales et d'épouser les vues du souverain, tout en soutenant sans faillir la politique du gouvernement. II veillait à ne prendre aucune décision, si minime fût-elle sans en informer le Roi : "Sous ce rapport, je fais plus que ne le faisaient mes prédécesseurs."
Tout fut toutefois prétexte à divergences de vues entre Léopold II et Gratry : nominations et promotions au sein de l'armée, recrutement des soldats (au temps où le service militaire n'était pas encore obligatoire pour tous), organisation de manœuvres, répartition de troupes dans les différentes villes du pays...
L'éditeur de la correspondance entre le roi et ses ministres écrit: "Le général Gratry était un homme intelligent, non dépourvu d'humour, à la fois ferme et conciliant, doué d'une modération et d'une patience infinie.…Le troisième Ministre de la Guerre fut plus l'homme du cabinet (i.e. du Gouvernement) que celui du Roi, ce que Léopold II accepta malaisément et qui contribua à lui rendre la vie insupportable...."
Certaines des réalisations de Gratry ont résisté au temps ; toutes ont été marquées par un souci d'améliorer la condition de vie des troupes et l'organisation de l'armée.
Certains militaires de l'entourage royal n'hésitèrent pas à le présenter comme un suppôt du cabinet (nous dirions un "politicard"), alors qu'il ne fut jamais qu'honnête avec ses collègues du Gouvernement, impartial dans ses choix et probe dans ses décisions[réf. nécessaire].
La fièvre typhoïde faisait encore des ravages dans l'armée à la fin du XIXe siècle : Gratry chargea donc une commission de rechercher les causes de cette maladie, à la suite des cas qui s’étaient présentés dans différentes casernes. Comme l'insalubrité des casernes en était une des raisons majeures, Gratry encouragea la construction de nouveaux bâtiments à Charleroi et à Bruxelles, à Laeken et à Namur notamment ou l'amélioration des casernes existantes "pour le casernement des troupes dans de bonnes conditions... pour empêcher l'épidémie de s'étendre et de faire de plus grands ravages". Beaucoup de ces casernements sont encore occupés de nos jours, après modernisation, et font partie du paysage urbain. Il dirigea et surveilla les travaux de construction du nouvel Hôpital Militaire de Louvain.
Il institua aussi que la troupe serait nourrie de viande fraîche pendant les manœuvres, et non de conserve, et fit signer au roi un arrêté prévoyant une augmentation des rations lors des manœuvres. Lors de celles de 1881, il attira l’attention du souverain sur le bon état sanitaire des hommes.
Dans le domaine de la psychologie du soldat, Gratry innova aussi, et décréta: "il est établi que les punitions qui ont un caractère de peine corporelle, notamment les exercices de punition, ne produisent généralement pas des effets réparateurs. Loin d'amender les hommes, elles les irritent et avivent le plus souvent leurs mauvaises dispositions, tandis qu'on obtient fréquemment leur amendement par des moyens de persuasion, d'exhortation, etc. Les châtiments qui ne sont ni efficaces, ni nécessaires devant être proscrits, j'ai décidé qu'à titre d'essai, tous les exercices de punitions seront provisoirement supprimés."
Après des manœuvres dans le Luxembourg, le Ministre fit preuve d'une vue très moderne des nécessités militaires en constatant: « Il est certain... que les uniformes laissent beaucoup à désirer. Ils sont incommodes, gênent les mouvements des hommes, sont, en général, trop éclatants pour un service de guerre, entraînant des dépenses considérables d'entretien et de renouvellement pour les officiers comme pour les soldats. Les buffleteries blanches, les brandebourgs blancs et jaunes sont très salissants et ont le grave inconvénient de former d'excellentes lignes de mire pour les tireurs ennemis… Il faut mettre l'équipement de nos troupes en rapport avec les nécessités actuelles de la guerre et avec les progrès qui ont été réalisés ailleurs… ». Malgré la réaction négative du Roi, l'armée belge simplifia tout de même les uniformes, et on sait quel effet bénéfique cette modernisation eut lors de la Grande Guerre…
Enfin, Gratry veilla à la popularité de l'armée; il fit placer dans les petites villes du pays des écoles régimentaires (qui formaient les futurs soldats dès quatorze ans) "Dans les petites villes et dans leurs environs, les écoles régimentaires se font une réputation justement méritée, qui leur attire la sympathie des familles et répand dans les populations une confiance des plus salutaires pour le recrutement de nos cadres subalternes."
Nous ne pouvons que citer en vrac mille autres initiatives prises par le Ministre Gratry : renforcement des relations avec les spécialistes des armées étrangères, construction de forts, répartition plus judicieuse des corps d'armée dans les différentes villes de garnison, organisation de manœuvres…
La toute nouvelle revue « L'Illustration Belge » consacra son numéro inaugural (première année, numéro un) au tout nouveau Ministre de la Guerre, avec un portrait gravé. L’article se terminait par ces mots : « C’est sous son administration, comme directeur du génie au département de la guerre, qu'ont été apportées les améliorations importantes destinées à rendre plus confortables et plus hygiéniques les habitations militaires. Sous sa direction fut construite la nouvelle caserne d'Etterbeek et commencées celles de Charleroi, de Namur et d'Anvers. Il faut signaler encore la part prise par le général Gratry aux travaux des commissions chargées de l'appropriation des territoires domaniaux de Charleroi et de Tournai. »
Le général Gratry se délassait, dans le privé, des soucis de sa charge en dessinant et en brodant…
Les élections du furent écrasantes pour le Ministère Frère-Orban. Les catholiques conquéraient une majorité de 36 voix au Parlement. Jamais plus le parti libéral ne devait revenir au pouvoir, sans une alliance avec une autre formation politique.
Le général Gratry demanda donc à être démis de ses fonctions de ministre le .
Un buste, œuvre du sculpteur belge Charles-Auguste Fraikin, et plusieurs photos le montrent à l'époque ; le séduisant lieutenant est devenu un vieux général fatigué, à la poitrine couverte d'une dizaine de plaques ; ses yeux sont soucieux ; il a l'air perdu dans ses pensées ; ses cheveux sont totalement blancs ; il porte toujours la même grosse moustache, toute blanche, elle aussi.
Il fut alors désigné pour commander la province de Liège et prit effectivement son commandement le .
Mais c'était alors un homme malade et rhumatisant ; plusieurs fois, il avait séjourné sur la Côte et à Aix-la-Chapelle pour raison de santé ; c'est durant un long congé de maladie qu'il mourut à Saint Gilles lez Bruxelles dans sa maison de la Chaussée de Charleroi le . Il fut inhumé le 15 au cimetière d'Ath (la tombe n’existe plus) en présence des membres du gouvernement, des plus hautes autorités civiles et militaires. Tous, même ses ennemis, reconnurent sa bonté et son humanité.
Il avait épousé le à Irchonwelz Catherine Juliette Hannecart, fille de Jules Henri Joseph Hannecart et de Marie Anne Célestine Hermant.
Après un fils mort en bas âge, deux filles leur naquirent, en 1860 et 1863.
Distinctions
- Officier de l'ordre de Léopold (Belgique)
- Commandeur de l"ordre de la Couronne de Chêne (Pays-Bas)
- Chevalier de l'ordre de Léopold (Autriche)
- Chevalier de 2e classe de l'ordre du Mérite militaire (Espagne)
- Officier de la Légion d’honneur (France)
- Chevalier de l'ordre de la Rose (Brésil)
- Commandeur de l'ordre de la Couronne (Italie)
- Grand-croix de l'ordre du Sauveur (Grèce)
- Décoration de 1re classe de l'ordre du Médjidié (Turquie)
- Ordre du Soleil Levant de 1re classe (Japon)
- Croix militaire
Œuvres (sélection)
- Le camp de Beverloo
- Notes sur le mouvement d'un pendule libre
- Mémoire sur le moyen de communiquer le feu aux fourneaux de mines
- Description des appareils de maçonnerie les plus remarquables employés dans les constructions en briques
- Essai sur les ponts mobiles militaires
- Du pain : des différents modes et systèmes employés pour sa fabrication
- Discours prononcé sur la tombe de Félix Pauwels
- Le polygone de Brasschaet
- Extrait du sommaire des leçons données depuis 1825 à l'École d'application de l'art du Génie (manuscrit inédit)
Bibliographie
- Michel Vanwelkenhuyzen, « Un petit-fils de la Haute-Marne, ministre belge de la Guerre : Guillaume Alexandre Auguste Gratry », in Mémoire haut-marnaise, 1993, no 1
Notes et références
- Norma, « Alexandre Nicolas GRATRY - The medals of Saint Hélèna », sur www.stehelene.org (consulté le )
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