Guillaume d'Ockham

Guillaume d'Ockham ou Guillaume d'Occam[1] (en anglais : William of Ockham ; en latin : Gulielmus Occamus ; v. 1285 - ), dit le « Docteur invincible » et le « Vénérable initiateur » (Venerabilis inceptor), est un philosophe, logicien et théologien anglais, membre de l'ordre franciscain, considéré comme le représentant le plus éminent de l'école scolastique nominaliste (ou « terministe », selon la terminologie ockhamienne), principale concurrente des écoles thomiste et scotiste.

« Ockham » redirige ici. Pour l’article homophone, voir OCAM.

Guillaume d'Ockham
Guillaume d'Ockham
d'après le manuscrit de Summa Logicae, 1341
Naissance
Décès
Formation
École/tradition
Principaux intérêts
Idées remarquables
Connaissance intuitive/abstractive, théorie du signe (signum) et de la supposition (suppositio), omnipotence divine (potentia Dei absoluta)
Œuvres principales
Commentaire des Sentences ;
Somme de logique
Influencé par
A influencé

Sa doctrine fut soupçonnée d'hérésie par les autorités ecclésiastiques parce qu'elle remettait en cause bon nombre de postulats de la théologie traditionnelle, notamment ses prémisses « scientifiques » (subordination thomiste ou déduction scotiste) et parce qu'elle critiquait la possibilité d'une démonstration de l'existence divine. Ockham s'en est également pris aux fondements de l'autorité temporelle du pape dans ses écrits politiques, rejoignant de facto l'empereur Louis IV de Bavière en lutte contre le Saint-Siège.

On voit parfois dans la philosophie d'Ockham la préfiguration de la science moderne, de l'empirisme anglais ainsi que de la philosophie analytique contemporaine, car elle insiste surtout sur les faits et sur le type de raisonnement utilisé dans le discours rationnel, au détriment d'une spéculation métaphysique sur les essences.

Biographie

Jusqu'en 1324

Guillaume d'Ockham est né en 1285 dans le petit village d'Ockham à quarante kilomètres de Londres. Il reçut son enseignement élémentaire au couvent franciscain des Greyfriars de Londres[2]. Il suivit ensuite de brillantes études au couvent universitaire d'Oxford. Contrairement à ce qu’affirmait Trithème, il ne semble pas qu’il ait été élève de Duns Scot[3]. Il enseigna quelques années à Oxford et aurait dû devenir docteur (études couronnées par l’inceptio), mais comme il avait commencé ses études vers 1315, la convocation pontificale l’en a probablement empêché. Ceci explique probablement son surnom de venerabilis inceptor. En 1324, à la suite de la dénonciation de John Lutterell (en)[4], chancelier thomiste de l'Université, il fut accusé d'hérésie du fait de ses positions métaphysiques radicales. Guillaume d'Ockham se rendit en Avignon, où siégeait le pape Jean XXII, et y croisa Maître Eckhart, lui aussi convoqué pour un procès en hérésie. Malgré l'enquête d'une commission pontificale en 1328, Guillaume d'Ockham ne fut néanmoins jamais condamné[4], pour des raisons encore inconnues, contrairement à Maître Eckhart, condamné en 1329, après sa mort. 1324 fut également l'année de révolte de Michele da Cesena contre la papauté.

1324-1328 à Avignon

L'archevêque Simone Saltarelli, sur la fresque de la Chapelle des Espagnols, est représenté aux pieds d'Innocent VI, en train d'admonester Guillaume d'Ockham et Michele da Cesena, général des Franciscains. À gauche et à droite du pape se trouvent le cardinal Albornoz et Charles IV de Luxembourg

Ockham vécut en semi-liberté dans un couvent rattaché à son ordre. « On comprend les impatiences, les rancœurs du jeune moine, conscient de sa valeur et arrêté dans sa carrière[5]. » Cette période fut marquée par l’opposition du pape aux Franciscains. Jean XXII souhaita que les frères reconnussent être dépositaires d'un droit d'usage sur les biens dont ils disposaient (notamment de leurs églises), mais ces derniers refusèrent, revendiquant un « usage sans droit »[6]. Les frères les plus radicaux s’unirent au sein du courant des Spirituels. La querelle de la pauvreté débuta. Ockham ne s’intéressa vraiment à cette querelle (qu’il croyait réglée) qu’avec la venue de Michele da Cesena en son couvent d’Avignon à l'automne 1327. Il part tout d'abord pour Pise où, en 1328, il rencontre Marsile de Padoue[7]. On perd totalement sa trace alors jusqu'en 1330. Cette rencontre, où les deux Franciscains restent en fort désaccord, aura une influence notable sur sa philosophie politique. Il est admissible que Guillaume d'Ockham ait profité de la protection des Franciscains Spirituels Radicaux, soupçonnés ou jugés "pro movente" (procédure canonique médiévale où l'accusé en raison de ses actes ou écrits publics devait prouver son innocence au lieu que les juges aient à prouver sa culpabilité) pour hérésie, et qui devaient donc se cacher.

Ces thèses des Franciscains Spirituels sont délicates : les plus radicaux refusaient l'autorité des prélats ne respectant pas la complète pauvreté selon eux évangélique. Certains historiens pensent ainsi qu’ils prêchaient la pauvreté intégrale pour l'Église telle que la souhaitait saint François d’Assise, d’autres qu’ils ne défendaient que le droit des frères franciscains à vivre hors du régime de la propriété. Ce rapport à la propriété est un des points qui distinguent les religieux conventuels et les moines (bénédictins, chartreux, camaldules) : le moine ne possède rien, mais jouit de tout ce que le monastère peut posséder, car le monastère n'est pas soumis à la pauvreté. Les ordres mendiants fondés par les Franciscains — qu'à tort on confond systématiquement de nos jours avec les moines — appliquent la pauvreté évangélique à la personne et à la communauté. Ceci laisse place à de nombreux débats sur les limites de cette pauvreté collective et individuelle. Parce qu'opposés au pape, les Spirituels prirent parti en tout cas pour Louis IV de Bavière. Ockham s’enfuit donc à Munich dans la nuit du . Il aurait alors prononcé à l’empereur ces mots célèbres : O Imperator, defende me gladio et ego defendam te verbo Défends-moi par l’épée, et je te défendrai par le verbe »).

Après 1328

Louis de Bavière proclama la primauté du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. Il trouva donc de formidables alliés dans le courant des Spirituels. Le pape Jean XXII excommunia Michele da Cesena le . Il excommunia également Ockham (mais la date n’est pas certaine). Ce dernier consacra alors le reste de sa vie à son œuvre théologique, philosophique, ainsi qu'à des pamphlets politico-religieux contre l'autorité pontificale. Guillaume d'Ockham mourut en 1347[8].

Contexte historique et dates marquantes

Date Événement
1182-1226 Francesco Bernardone (Saint François).
1219 Saint François part en Égypte convertir les musulmans.

Les Franciscains s’approprient des églises et obtiennent des privilèges du Saint-Siège.

1226 Frère Élie fait ériger un luxueux centre de pèlerinage à Assise.
Les différentes bulles attribuent la propriété d’abord à des bienfaiteurs laïcs (« amis spirituels »), puis à la papauté elle-même.
1230 Bulle Quo elongati de Grégoire IX : les Franciscains ont l’usage, non la propriété des biens dont ils jouissent.
1245 Bulle Ordinem Vestrum d’Innocent IV

Les Franciscains ont l’usage (usus) de biens qui, théoriquement, sont « in jus et proprietatem Baeti Petri » (proprietas, dominium).

1258 Bulle Virtute conspicuos d’Alexandre IV (surnommée par les frères Mare magnum tant elle contient de privilèges).
1279 Bulle Exiit qui seminat de Nicolas III : les Franciscains n’ont que le simplex usus facti, l’Église romaine la proprietas ; à noter que le sens des termes n’est pas alors fixé.
1290 Le Roman de la Rose raille l'Ordre franciscain et son vœu de pauvreté : « Si que l’on croie par le monde / Que vertu toute en nous abonde / Et toujours pôvres nous feignons / Nous sommes, ce vous fait sçavoir, Cil qui tout ont sans rien avoir. »
1312 Clement V, Exivi de paradiso.
1316 Jean XXII devient pape.
années 1320 Développement du courant franciscain rigoriste des « spirituels » :
  • culte intransigeant de la pauvreté
  • pauvreté du Christ (n’a jamais rien possédé, il ne vivait pas dans le droit)
  • la propriété est une vie moralement inférieure

Ils se révoltent contre le pape et jettent la dissension dans l’Ordre.

1322 Bulles de Jean XXII (pape de 1316-1334)
  • décrétale Quia nonnunquam, 26/03/1322 remet en cause le dogme de la propriété de Nicolas III.
  • Ad conditorem canonum (2.12.1322 : démonstration que le pape peut établir du droit positif ; exposition de ses thèses relatives à la propriété des choses consumptibles).

Le Saint-Siège dénonce la fiction juridique protégeant les Franciscains de la propriété.

1323 Bulle Cum inter nonnullos (12.11.1323) ; les religieux sont acculés et doivent réagir.
1324
  • Ockham à Avignon pour 51 des thèses de ses Sentences.
  • Le pape poursuit cette « doctrine pestilentielle » franciscaine de la propriété (lettre au roi d’Angleterre, 26/08/1324).
  • bulle Quia quorundam(10.11.1324) : les papes précédents n’ont pas séparé propriété et usage de fait, leur intention était d’attribuer à l’Ordre sa part juste de biens. Ici se joue une des distinctions entre moine et religieux. Le moine (camaldule, bénédiction, cistercien, chartreux) vit en monastère et y demeure sa vie durant. Les biens sont ceux du monastère en vue d’une autarcie. Les « religieux » vivent en couvents, et sont nommés tantôt en l’un, tantôt en l’autre. En théorie, les biens sont ceux de l’Ordre (au XIVe siècle, franciscain, ordre dominicain, chanoines réguliers tels que les Prémontrés, etc). Seuls les Franciscains et les Dominicains sont dit mendiants, suivis par les Minimes, aujourd’hui disparus. Ils sont censés vivre de dons, mais les Dominicains y ajoutent vite les offrandes en numéraire pour divers services liturgiques. Les Franciscains se divisent en radicaux, refusant toute propriété personnelle et collective, et en conventuels, acceptant des biens destinés à un usage personnel pour un temps, collectif de tout temps. Plus la forme de vie franciscaine, éclatée en reformes multiples voulant toutes sortir d’une déviance, est radicale, plus l’argent y est interdit. Les affirmations telles que « Jésus n’avait pas d’endroit où reposer sa tête » (cf. Lc 9, 58; Mt 8, 20), où « Jésus ne possédait pas même sa tunique » rythment leur thèse de la pauvreté volontaire radicale, nommée chez eux « Dame Pauvreté ». La décision pontificale affirme que « Le Christ n’avait aucun bien propre » est une proposition hérétique. Mais ce n’est pas, autant que son inverse, inscrit en tant que dogme. Cette décision disciplinaire marque les limites de l’interprétation de la pauvreté volontaire du Christ, et empêche de développer une théologie où les biens thésaurisés seraient interdits à l’Église, et évités dans la vie laïque.
1329 Bulle Quia vir reprobus ("Cet homme que nous réprouvons", directement adressée contre Michel de Césène (16.11.1329).
1330 Réponse de Césène à la papauté Ad perpetuam rei memoriam innotescat quod ego, Fr. Michael (25/11/1330) et dans Christianæ fidei fundamentum.
vers 1332 Opus nonaginta dierum.
1334 4 déc. 1334 : mort de Jean XXII ; Benoît XII tente de sauvegarder sa mémoire. La lutte continue pour les Spirituels (Bonagratia, Henri de Talheim, François d’Ascoli, Ockham).
1338  : Union électorale de Rense, par les princes allemands : « Celui qui est élu par la majorité des électeurs est roi par le fait, sans qu’il soit besoin de la confirmation du pape » (élément de laïcité).
1339 25 sept. : les livres nominalistes sont rendus inaccessibles, leur enseignement condamné. Les bacheliers doivent jurer qu’ils ignorent la doctrine d’Ockham.
1340 Décret de l’Université contre le nominalisme : tentative d’organiser les règles d’argumentation logique. « Que nul ne prétende enfermer la science dans les propositions et les termes [ce que font les logiciens nominalistes]; la science atteint la réalité ».
1342 Clément VI remplace Benoît XII ; mort de Michel de Césène.
1346
  • 13/04/1346 : Louis de Bavière voit son excommunication confirmée.
  • Lettre pontificale du 20-05-1346 : condamnation de Nicolas d’Autrecourt. Clément VI, qui avait étudié à l’université de Paris, veut la préserver des doctrines étrangères (dont le nominalisme fait partie).
1347 Mort de Guillaume d'Ockham, peut-être de la peste noire.

La philosophie de Guillaume d'Ockham

Ockham vit à une époque d'effervescence philosophique annonçant la Renaissance. Rompant avec le dogmatisme théologique et s'inscrivant dans l'héritage de la pensée de la Grèce antique, le nominalisme qu'il professe sème les germes de la modernité[9].

Métaphysique

Guillaume d'Ockham est célèbre pour avoir soutenu dans la querelle des universaux que les universaux (concepts universels et abstraits comme humanité, animal, beauté), ne sont que des termes conventionnels et non des choses réelles, contre Thomas d'Aquin qui soutenait qu'ils sont des « substances secondes » (thèse du réalisme des universaux). Pour Ockham, il n'y a d'être qu'individuel. Il nomme sa position « terminisme », en ce qu'elle repose sur l'analyse des termes, mais l'usage s'est répandu en histoire de la philosophie de considérer le Franciscain comme un penseur du nominalisme, dénomination qui est apparu à la fin du XVe siècle.

Ockham est aussi célèbre pour le principe dit du rasoir d'Ockham. Étroitement associé à son nominalisme, ce principe de parcimonie stipule qu'« il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité » (« entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem »). Il reprend ainsi un adage scolastique dérivé d'Aristote : « C'est en vain que l'on fait avec plusieurs ce que l'on peut faire avec un petit nombre » (« Frustra fit per plura quod potest fieri per pauciora », Summa totius logicae, 1323, I, 12).. C'est un principe à la logique mais aussi ontologique. Il fait de Guillaume d'Ockham un précurseur de l'empirisme anglais. Il sera également repris par Quine au XXe siècle[10].

Pour Ockham, « une hypothèse simple, fût-elle matérialiste, avait plus d'intérêt qu'une hypothèse complexe, fût-elle, spiritualiste. C'était à son époque une véritable révolution philosophique. »[9]. L'épistémologie lui doit beaucoup.

Physique

Conséquence de son rasoir, Ockham rejette en physique les entités non nécessaires (la quantité, le lieu, le temps, etc.) comme réalités distinctes de la substance corporelle. En outre, il a introduit, en 1323, la différence entre ce qu'on appelle le mouvement dynamique (que nous engendrons) et le mouvement cinétique (engendré par des interactions, dont des collisions) [réf. nécessaire].

Philosophie de la connaissance

Conséquence de la négation de l'existence des universaux, Ockham considère que la connaissance provient des sens et porte seulement sur des choses singulières. Les universaux sont nécessaires pour constituer la pensée, mais les classes auxquelles ils réfèrent ne sont que des outils pour élaborer la connaissance des choses singulières et non l'objet même de la connaissance.

Philosophie du langage

Ockham est l'un des premiers à avoir fondé une philosophie du langage à partir de l'hypothèse d'un discours mental ou lingua mentalis, reprise au XXe siècle par Jerry Fodor[11]. S'appuyant sur Boèce et son commentaire de De l'interprétation d'Aristote, ainsi que sur Augustin d'Hippone et le livre XV De la Trinité, il affirme ainsi qu'il y a trois sortes de phrases et de termes, écrites, parlées et conçues[12]. Il considère les mots comme des signes conventionnels, dont la signification est arbitraire, et qui se rapportent aux idées ou concepts mentaux. Ceux-là, par contre, sont des signes naturels, qui se rapportent aux choses et objets extérieurs. Ainsi, les mots se rapportent de façon secondaire aux choses, par l'intermédiaire des concepts mentaux[12]. Ce rapport du mot au concept mental est dupliqué par le rapport du mot écrit à la parole[12].

Théologie

Guillaume d'Ockham va plus loin que Thomas d'Aquin dans l'affirmation de la séparation de la raison et de la foi, en posant qu'il n'y a pas de hiérarchie entre la philosophie et la théologie, que la première ne peut devenir la servante de la seconde, car il n'y a aucun rapport entre elles.

Question théologico-politique : pour une séparation des autorités spirituelles et des autorités temporelles

De même que la science et Dieu ne se rencontrent pas, Guillaume d'Ockham considère que le pouvoir temporel est d'un autre ordre que le pouvoir spirituel. Il accuse à son tour le pape d'Avignon Jean XXII d'hérésie et de se mêler de ce qui ne le regarde pas pour l'élection de l'empereur du Saint Empire. Six siècles avant que ne commence à prendre une certaine ampleur le principe de la séparation de l'Église et de l'État, Guillaume d'Ockham aura été un précurseur de la sécularisation. En cela, il se place en continuateur et en modérateur de l'œuvre de Marsile de Padoue.

Influence sur la Réforme ?

Luther, au couvent et lors de ses études, a suivi les cours de Gabriel Biel, tributaire de la pensée d'Ockham. Il s'éleva contre elle, car elle était pour lui un retour au pélagianisme, qui justifiait les hommes par leurs œuvres.

Selon Joseph Lortz (en), le futur réformateur serait tombé sur des maîtres marqués par le nominalisme : au lieu de rencontrer la scolastique classique représentée par Thomas d'Aquin, il aurait été marqué par l'occamisme et conduit ainsi à s'éloigner de l'Église catholique. En effet, dans son Introduction à la philosophie médiévale, Kurt Flasch signale l'influence de Guillaume d'Ockham sur Luther via Grégoire de Rimini. Cette influence concerne principalement la séparation entre la foi et la raison, donc entre la théologie et la philosophie, ainsi qu'un augustinisme moral austère.

Œuvres

Textes originaux

  • Quaestiones et decisiones in quatuor libros Sententiarum cum centilogio theologico  Commentaire des Sentences », 1317-1319). Les Sentences sont un livre de Pierre Lombard. Le livre I est une ordinatio. Les livres II, III et IV sont des reportationes. Le Prologue est pour Ockham l’occasion d’exposer sa théorie de la démonstration. Son enjeu est théologique et scientifique. En repensant la théorie de la démonstration sur la base de sa métaphysique du singulier, Ockham s’efforce de déterminer dans quelle mesure il est possible d’appliquer la démonstration logique en théologie.
    Quaestiones in quattuor libros sententiarum
  • Summula philosophiae naturalis Petite somme de philosophie naturelle »,1319-1321).
  • Expositio aurea Exposition sur les livres de l'art logique », 1321-1323). Commentaires sur des Catégories et du De l’interprétation d’Aristote, mais également de l’Isagogè de Porphyre.
  • Centiloquium theologicum (1321-1323), collection de cent propositions scholastiques.
  • Tractatus de praedestinatione et de prescientia dei respectu futurorum contingentium Traité sur la prédestination et la prescience divine concernant les futurs contingents », 1321-1323). Ockham développe des problèmes logiques à partir des problèmes théologiques.
  • Expositio super libros elenchorum (« Exposition sur les réfutations sophistiques », 1321-1323).
  • Brevis summa libri physicorum (« Courte somme des livres de physique », 1322-1323).
  • Summa totius logicae Somme de toute logique », 1323). Cette œuvre majeure de Guillaume d’Ockham influence fortement la constitution de la logique moderne. Sa théorie de la suppositio[13], notamment, est d'une importance capitale dans son combat contre le réalisme.
  • Quaestiones in libros physicorum Aristotelis Questions sur les livres de la physique d'Aristote », 1322-1324)[14].
  • Quodlibeta septem Quodlibets », 1324-1325). Ces « questions sur n’importe quoi, n’importe quel sujet » se nourrissent des disputes en Avignon.
  • Opus nonaginta dierum (1332-1333). Autre ouvrage clef de Guillaume au sein duquel il développe sa conception du droit. En affirmant la séparation de l’usage de fait et de la propriété dans les choses fongibles, Ockham défend son ordre religieux en conflit avec le pape (querelle de la pauvreté). Ockham discute et réfute les grands textes juridiques du pape Jean XXII (Ad conditorem canonum, Cum inter, Qui quorumdam). Michel Villey y voit la naissance théorique, bien avant l'âge classique du concept de droit subjectif, et donc des droits de l'homme.
  • Tractatus de dogmatibus papae Johannis XXII (1333-1334). Texte rédigé après qu’Ockham a appris () les positions pontificales quant au délai de la vision béatifique. Il est divisé en deux traités : 1. Exposition des erreurs du pape. 2. Réfutations des preuves allégués par les Johannites. Cet ouvrage, assez court, est ultérieurement devenu la 2e partie du Dialogue.
  • Epistola ad fratres minores apud Assisium congregatos (1334). Ockham y explique sa rupture avec le pape à la suite de ses propos sur la pauvreté du Christ. Texte d’une rare violence contre les hérétiques dont Ockham considère que le « pseudo-pape » fait partie.
  • Contra Johannem XXII (1334-1335). À la suite du décès de Jean XXII, Ockham affirme que sa rétractation, sur son lit de mort, relative à ses erreurs quant au délai de la vision béatifique a été insuffisante et est par conséquent inopérante.
  • Breviloquium de principatu tyrannico Bréviloque sur la puissance du pape », 1334-1343). Divisé en neuf chapitres, l'ouvrage veut montrer qu’il est possible de critiquer la papauté (1), de critiquer et circonscrire ce pouvoir pontifical (2), d’exposer les conditions d’une existence légitime du pouvoir temporel (3), de questionner le fondement du pouvoir via un débat sur l’Empire romain (4), de questionner le fondement du pouvoir via les textes religieux (5), de questionner le fondement du pouvoir par les textes politiques (6), de montrer que les Écritures sont en accord avec sa position (8), et enfin de démontrer que tout pouvoir soumis à la loi (9).
  • Compendium errorum Johannis XXII (1335-1337 ou 1334-1338). Les deux erreurs majeures du pape sont d’avoir voulu soumettre l’Empire romain et avoir déclaré la profession de pauvreté des frères mineurs contraire au droit.
  • Defensorium contra errores Johannis XXII, papae (1335-1339).
  • Tractatus ostendens quod Benedictus XII nonnullas Johannis XXII hereses amplexus est (1337).
  • Allegationes de potestate imperiali (1338), écrit en collaboration avec plusieurs maîtres en théologie.
  • An rex Angliae pro succursu guerrae possit recipere bona Ecclesiarum (1338-1340).
  • Dialogus inter magistrum et discipulum de imperatorum et pontificum potestate Dialogue entre un maître et son disciple », 1338-1343 au plus tard). Ce texte affirme le caractère libérateur de la foi chrétienne selon une méthode d’exposition des différentes thèses sans prendre ostensiblement parti (ce qui est étonnant de la part du virulent contradicteur qu’était Ockham). Partie I : 7 livres relatifs au pouvoir pontifical (infaillibilité du pape, du concile, de l’Église). Partie II : c’est en fait le De dogmatibus de ≈1333. La partie III aurait dû comprendre 9 traités. La thèse principale du livre est que tout en reconnaissant l’origine du pouvoir divin, Ockham refuse d’y voir une justification à un pouvoir pontifical absolu.
  • Breviloquium de principatu tyrannico Court traité du pouvoir tyrannique », 1339-40). Ockham s'y oppose à la plenitudo potestatis, issue de la bulle Dictatus papae de Grégoire VII et selon laquelle le pape « était au-dessus des princes et des seigneurs, que son pouvoir était absolu, que toutes les autorités, tant ecclésiastiques que civiles, dépendaient de lui, que le pape était maître et seigneur de l'univers en tant que représentant de Dieu sur terre et vicaire du Christ »[15].
  • Octo quaestiones super potestate ac dignitate papali (1339-1342).
  • Tractatus de jurisdictione imperatoris in causis matrimonialibus (1342). Le premier mariage de Marguerite Maultasche étant nul, le pape n’a aucune autorité pour apprécier la qualité de cette union. Ockham déploie à l’occasion de ce texte des idées extrêmement tranchées sur l’origine et les limites du pouvoir pontifical. Ce texte défend que seule l’autorité civile peut statuer sur les mariages consanguins. L’Église n’est donc pas omnipotente quant à cette institution clef qu’est le mariage.
  • Tractatus de electione Caroli IV (1348) : Ockham s’oppose au nouvel empereur qu’il considère inféodé au pape. Il défend à cette occasion une séparation certaine des pouvoirs spirituel et temporel.
  • Tractatus de imperatorum et pontificum potestate (1348-1349) : défense d’une coordination des deux pouvoirs. Texte d’une violence rare contre les prétentions hégémoniques de la papauté.

Éditions ultérieures

  • Opus nonaginta dierum et Dialogi, Lyon, Jean Trechsel, 1495.
  • Dans le cadre des Opera Philosophica et Theologica de l’Institut franciscain Saint Bonaventure de New York (Cf. Pierre Alféri, op. cit., p. 475 sq.) :
  1. Commentaire des Sentences de Pierre Lombard (I) : Ordinatio sive Scriptum in librum primum Sententiarum, (G. Gál, S. Brown, G.I. Etzkorn, F.E. Kelley, quatre vol., 1967, 1970, 1977 et 1979).
  2. Commentaire des Sentences de Pierre Lombard (II, III et IV) : Reportatio sive Quaestiones in secundum tertium et quartum librum Sententiarum, (G. Gál, G.I. Etzkorn, F.E. Kelley, R. Wood, trois vol., 1981, 1982 et 1983).
  • Commentaire sur le livre des Prédicables de Porphyre, Sherbrooke Centre d'études de la Renaissance, Université de Sherbrooke, 1978.
  • Quodlibeta Septem, (J.C. Wey, 1980).
  • Somme de logique, Mauvezin, Éditions T.E.R, 1988 (traduction Joël Biard: Tome I, 1993, Tome II 2000, Tome III, Première partie, 2003, Tome III, Deuxième partie, 2008).
  • Prologue du commentaire des Sentences, traduit par André de Muralt : L'enjeu de la philosophie médiévale : études thomistes, scotistes, occamiennes et grégoriennes, Leiden, E.J. Brill, 1991, p. 353-373.
  • Breviloquium de potestate papae, Paris, Vrin, 1937 (traduction française par Jean-Fabien Spitz, sous le titre : Court traité du pouvoir tyrannique, Paris, PUF, 1999).
  • Intuition et abstraction, trad. David Piché, Vrin, Translatio, 2006.
  • Traité sur la prédestination, trad. Cyrille Michon, Vrin, Translatio, 2007.

Présence dans la culture

Dans la littérature

  • L'un des personnages du Nom de la rose d'Umberto Eco, le moine franciscain Guillaume de Baskerville est, de l'aveu même d'Eco[16], un clin d'œil à Guillaume d'Ockham dont il partage le prénom. Premier jour, vêpres : « il ne faut pas multiplier les explications et les causes sans qu'on en ait une stricte nécessité. » (Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem). Le nom du moine est quant à lui un clin d’œil au personnage de Sherlock Holmes et à la célèbre histoire Le Chien des Baskerville d'Arthur Conan Doyle. Comme Guillaume d'Ockham, Guillaume de Baskerville serait décédé au cours de l'épidémie de Peste Noire.

Au cinéma

  • Dans le film de Jean Jacques Annaud, Le Nom de la rose, adapté du roman, c'est l'acteur écossais Sean Connery (plus connu pour ses rôles antérieurs de James Bond) qui en interprète le personnage, une sorte de Sherlock Holmes en habits de franciscain confronté à des meurtres en série de moines au sein d'une abbaye en proie aux conflits théologiques et politiques de la fin du Moyen Âge . Son interprétation fut largement plébiscitée tant par la critique que par les spectateurs.

Notes et références

  1. Ockham est le nom de sa ville d'origine au sud-ouest de Londres, parfois francisée Occam. Les deux écritures sont donc correctes, la forme Ockham étant toutefois préférée par la BnF.
  2. (en) Graham Oppy, N. N. Trakakis, Medieval Philosophy of Religion: The History of Western Philosophy of Religion, Volume 2, (lire en ligne), page 195
  3. E. Amann
  4. Maurice de Gandillac et Jeannine Quillet, « Ockham Guillaume D' (1290 env.-env. 1349) - 1. Le « Venerabilis inceptor » », sur Encyclopædia universalis (consulté le )
  5. E. Amann, p.  869
  6. Voir Giorgio Agamben, Une biopolitique mineure, Vacarme n°10, hiver 2000.
  7. Lagarde Georges. Marsile de Padoue et Guillaume d'Ockham. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 17, fascicule 2, 1937. p. 171 et ss. https://www.persee.fr/docAsPDF/rscir_0035-2217_1937_num_17_2_1724.pdf
  8. Gedeon Gál, William of Ockham Died Impenitent in April 1347, "Franciscan Studies" 42 (1982) pp. 90–95.
  9. Dubois-Brault 2021, p. 76
  10. Voir (en) Quine, « On what there is », in From a Logical Point of View, Cambridge, Harvard University Press, 2e éd. 1980, p.1-9.
  11. Voir Claude Panaccio, Les Mots, les concepts et les choses. La sémantique de Guillaume d'Occam et le nominalisme aujourd'hui, Montréal, Bellarmin, et Paris, Vrin, 1991, pour les rapprochements entre Fodor et Ockham.
  12. Somme de logique, Ire partie, 1.
  13. Robert Feys, « Guillaume d'Ockham, théoricien de la connaissance », Revue Philosophique de Louvain, vol. 46, no 10, , p. 188–201 (DOI 10.3406/phlou.1948.4140, lire en ligne, consulté le )
  14. Claude Panaccio, « Note sur le statut des concepts dans les Questions d’Ockham sur la Physique d’Aristote », Laval théologique et philosophique, vol. 76, no 2, , p. 307–310 (ISSN 0023-9054 et 1703-8804, DOI 10.7202/1077450ar, lire en ligne, consulté le )
  15. Gonzalo Soto Posada, Filosofía Medieval, Bogotá, San Pablo, 2007, p. 419.
  16. Daniel Boquin et Jean Celeyrette, « Guillaune d'Ockham et le nominalisme », Pour la science, no 49, (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Alféri, Guillaume d'Ockham, le singulier, Paris, Minuit, 1989.
  • Michel Bastit, Les Principes des choses en ontologie médiévale: Thomas d'Aquin, Scot, Occam. Bordeaux, Bière 1997.
  • Léon Baudry, Lexique philosophique de Guillaume d'Ockham, Paris, P. Lethielleux, 1958.
  • Léon Baudry, Guillaume d'Occam : sa vie, ses œuvres, ses idées sociales et politiques, Paris, Vrin, 1949.
  • Béatrice Beretta, Ad aliquid : la relation chez Guillaume d'Occam, Fribourg, Éditions universitaires, 1999.
  • Joël Biard, Guillaume d'Ockham et la théologie, Paris, Cerf, 1999.
  • Gedeon Gál, 1982. William of Ockham Died Impenitent in April 1347. Franciscan Studies 42, pp. 90–95
  • Christophe Grellard et Kim Sang Ong-Van-Cung, Le Vocabulaire de Guillaume d'Ockham, Paris, Ellipses, 2005.
  • Adalbert Hamman, La Doctrine de l'Église et de l'État chez Occam : étude sur le “Breviloquium”, Paris, Éditions franciscaines, 1942.
  • Alberto Labellarte, Logica, conoscenza e filosofia della natura in Guglielmo di Ockham, Roma, Gruppo Albatros Il Filo, 2015. (ISBN 978-88-567-7421-4)
  • Cyrille Michon, Nominalisme : la théorie de la signification d'Occam, Paris, Vrin, 1992.
  • Claude Panaccio, Le Discours intérieur. De Platon à Guillaume d'Ockham. Paris, Éditions du Seuil, 1999.
  • Claude Panaccio, Les Mots, les concepts et les choses. La sémantique de Guillaume d'Occam et le nominalisme d'aujourd'hui. Paris, Vrin, 1992.
  • Claude Panaccio, Qu'est-ce qu'un concept ?, Paris, Vrin, coll. « Chemins Philosophiques », , 125 p. (ISBN 978-2-7116-2339-6 et 2-7116-2339-4), p. 83-101.
  • Paul Vignaux, Dictionnaire de théologie catholique, art. « Nominalisme », , Paris, Letouzey et Ané, 1930.
  • Paul Vignaux et E. Amann, Dictionnaire de théologie catholique, art. « Occam » et « Nominalisme », Paris, Letouzey et Ané, 1930.

Ouvrages de philosophie médiévale incluant une étude d'Ockham

  • Camille Bérubé, La Connaissance de l'individuel au Moyen Âge, Montréal-Paris, Presses de l'Université de Montréal, 1964
  • Jacques Chevalier, Histoire de la pensée, T.2 « La pensée chrétienne », Paris, Flammarion, 1956.
  • Kurt Flasch (trad. de l'allemand par Janine de Bourgknecht), Introduction à la philosophie médiévale, Paris, Flammarion, coll. « Champs », , 240 p. (ISBN 2-08-081419-2).
  • Roger Labrousse, Introduction à la philosophie politique, Paris, Librairie Rivière et Cie, 1959.
  • Alain de Libera, La Philosophie médiévale, Paris, PUF, 1993.
  • André de Muralt, L'Enjeu de la philosophie médiévale : études thomistes, scotistes, occamiennes et grégoriennes, Leiden, E.J. Brill, 1991.
  • Marie-France Renoux-Zagamé, Origines théologiques du concept moderne de propriété, Genève, Droz, 1987.
  • Michel Villey, Le Droit et les droits de l'homme, Paris, PUF, 1983.
  • Michel Villey, La Formation de la pensée juridique moderne, Paris, PUF, 2003.
Autres ouvrages
  • Dubois et Brault, Manuel d'épistémologie pour l'ingénieur.e, coll. « Éditions matériologiques », , 228 p. (ISBN 9782373612769).

Articles connexes

Liens externes

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