Guy Hocquenghem

Guy Hocquenghem, né le à Boulogne-Billancourt et mort le à Paris[1], est un journaliste, essayiste, romancier et militant homosexuel français.

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Guy Hocquenghem
Biographie
Naissance
Décès
(à 41 ans)
Paris
Sépulture
Nationalité
Formation
Activités
Père

Biographie

Famille

Il est le fils d'Alexis Hocquenghem (1908-1990), mathématicien et professeur de mathématiques au Conservatoire national des arts et métiers, et de Madeleine Deschênes (1906-1999), professeur de lettres au lycée Marie-Curie de Sceaux. Son grand-père, Gustave Joseph Hocquenghem, époux d'Alice Meyer, fille de Charles Meyer et de Rosalie Lévy, né à Bruxelles (Belgique) le , était un artisan électricien de nationalité belge.

Formation

Guy Hocquenghem fut élève au lycée Lakanal de Sceaux, puis au lycée Henri-IV à Paris[2]. Sa famille habitait alors Châtenay-Malabry[3]. Au lycée Henri-IV, il suit les cours de philosophie de René Schérer, avec lequel, à l'âge de quinze ans, il entretiendra une relation amoureuse puis amicale, et avec lequel il écrira par la suite plusieurs ouvrages. Normalien comme ses parents, il entre à la rue d'Ulm en 1966. Il y rédige pour le diplôme d'études supérieures un mémoire sur les « signatures de sculpteurs grecs dans le Péloponnèse », mais ne se présente pas à l'agrégation, contrairement à l'usage suivi dans cette institution[4].

Engagement politique

D'abord militant à l'Union des étudiants communistes (UEC) et au Parti communiste français (PCF), auquel il adhère en 1962, il rejoint la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) à sa création, groupe trotskiste alors principalement composé d'exclus de l'UEC, contestant la ligne du PCF. Hocquenghem écrit dans le journal de l'organisation, Avant-garde jeunesse. Il participe à l'occupation de la Sorbonne en mai 1968, ainsi qu'à la rédaction du journal Action et, plus généralement, au mouvement de mai 68.

Il est exclu de la Ligue communiste à sa fondation en 1969, comme plusieurs de ses camarades, lors d'une AG tenue à la fac de médecine, au cours de laquelle il est personnellement qualifié de « mao-spontex » (c'est-à-dire spontanéiste, et anti-organisationnel). Il s'intéresse alors à la Révolution culturelle lancée en 1966 en Chine par Mao Zedong pour consolider son pouvoir en s'appuyant sur la jeunesse du pays — il écrira ensuite, dans l'Après-mai des faunes, que lui et ses camarades étaient « mal informés » à propos de la situation en Chine. À l'université de Censier, il participe à plusieurs expériences politiques se réclamant du maoïsme libertaire, écrivant « Construisez vous-même vos rêves, votre sensibilité », dans Tout !, le journal du groupe Vive la révolution, dirigé par Tiennot Grumbach.

Au début des années 1970, comme il l'explique dans le film de Carole Roussopoulos sur le FHAR, plusieurs de ses camarades refusent qu'il participe à des opérations de propagande à l'usine Renault de Flins en raison de son homosexualité et de son apparence, craignant que cela « ne choque les ouvriers »[5].

En 1986, Guy Hocquenghem écrit dans sa Lettre à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary : « Les procès, les exclusions, je connais, je me les suis tous tapés. Exclu de chez les trotskistes, les maos me cassaient la gueule »[6].

Militant de la cause homosexuelle

En 1971, il devient l'un des leaders du Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR)[7], mouvement radical qui dénonce non seulement la domination subie par les minorités sexuelles au sein de la société, mais aussi et surtout l'homophobie de la gauche radicale, et affirme la place des luttes homosexuelles au sein des luttes révolutionnaires. Dans plusieurs récits (notamment L'Amphithéâtre des morts, ouvrage autobiographique inachevé et paru en 1994 à titre posthume), Hocquenghem insiste sur les insultes et les brimades qu'il a subies à l'intérieur de l'extrême gauche, en raison de son homosexualité.

Le , il publie dans Le Nouvel Observateur un autoportrait dans lequel il annonce qu'il est homosexuel. Il est ainsi, après Paul Verlaine dans La Cravache parisienne : journal littéraire, artistique et financier du , l'un des premiers homosexuels français à faire son coming out dans la presse et à afficher publiquement son orientation sexuelle[8]. Sa mère répond par un courrier qu'on peut lire dans le numéro du même magazine en date du . La même année il fait paraître Le Désir homosexuel, livre-manifeste de la « révolution » homosexuelle et considéré aujourd'hui comme l'un des textes fondateurs de la théorie queer. Hocquenghem coordonne en 1973, sous la direction de Félix Guattari, un numéro de la revue Recherches intitulé « Trois milliards de pervers : grande encyclopédie des homosexualités »[9], ce qui vaudra à Guattari une condamnation en justice.

Aux élections législatives de 1978, Hocquenghem est le suppléant d'Alain Secouet, un maçon de trente ans, militant et candidat sous la bannière Différence homosexuelle[10],[11]. Ils affirment : « Nous n'avons pas de programme, nous demandons seulement la suppression des lois discriminatoires — ce que nous obtiendrons. L'intérêt pour nous, c'est de se montrer à visage découvert[10]. »

Hocquenghem est l'auteur de nombreuses interventions sur l'homosexualité, notamment sur la transformation, la reconnaissance sociale et la « normalisation » de l'homosexualité, normalisation dont il s'inquiète. En 1979, il est l'auteur avec le cinéaste Lionel Soukaz d'une histoire de l'homosexualité, intitulée Race d'Ep !, film qui connaît une déclinaison en livre[12]. Bien que cette histoire de l'homosexualité soit subjective, c'est un des premiers films et des premiers ouvrages parus en France à proposer une histoire des comportements homosexuels. Hocquenghem et Soukaz reviennent notamment sur la déportation homosexuelle pendant la Seconde Guerre mondiale, qui est alors niée et que les militants veulent faire reconnaître.

Rapport au féminisme

La création du Front homosexuel d'action révolutionnaire, que Guy Hocquenghem a contribué à fonder, a été permise par le développement du féminisme, ainsi que par les questionnements de l'après 68 politisant la sexualité et des questions qui étaient auparavant considérées comme privées. Dans la revue L'homme et la société, Sébastien Chauvin écrit notamment :

Pendant plusieurs mois, le futur Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) est donc quasi-exclusivement féminin, et ce n’est qu’à partir de février 1971 que des gays rejoignent ses rangs. Le mouvement des femmes est en fait, avec le mouvement états-unien pour les Droits civiques et le gauchisme anti-stalinien, un des trois modèles politiques du mouvement de libération homosexuelle[13].

De son côté, Antoine Idier, auteur du livre Les vies de Guy Hocquenghem rappelle que s'il y eut des tensions ou des désaccords avec des militantes féministes ou avec des prises de position en particulier, Guy Hocquenghem « n'a cessé de reconnaître la dette des militants homosexuels à l’égard des militantes féministes, et il a même essayé de penser leurs désaccords ». Le chercheur mentionne également les témoignages de militantes féministes à la mort de Guy Hocquenghem, par exemple celui de Françoise d'Eaubonne qui écrit qu'au sein du FHAR « le militant "fut souvent un élément modérateur, tentant d’apaiser les frictions entre les deux clans", à savoir les militantes venues du MLF et ceux qui les avaient rejointes plus tard »[14].

Carrière littéraire

De 1975 à 1982, il collabore au quotidien Libération[15]. Il est également chargé de cours de philosophie à l'université de Vincennes-Paris-VIII, aux côtés de René Schérer, Gilles Deleuze et François Châtelet, au sein du département fondé par Michel Foucault. Par ailleurs, il soutient en 1974, à l'université de Vincennes, une thèse de philosophie intitulée « Volutions : la révolution culturelle en Europe ». Cette thèse comporte, d'une part, le livre Le Désir homosexuel, d'autre part un ensemble de textes inédits qui seront publiés chez Grasset en 1974 sous le titre L'Après-mai des faunes (avec une préface de Gilles Deleuze)[4].

Dans les années 1980, il est l'auteur d'une œuvre romanesque qui remporte un succès critique. Ses romans abordent notamment les thèmes de l'homosexualité, des subjectivités minoritaires, du rapport à la médecine, de la fin de vie ... Hocquenghem est aussi l'auteur d'essais littéraires en compagnie de René Schérer, tels que Co-ire, à propos des représentations de l'enfance, et l'Âme atomique, qui constitue une réflexion esthétique. Pamphlétaire, il est en outre l'auteur de La Beauté du métis en 1979, ainsi que de la Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, dans laquelle il pourfend le reniement de leurs idées par ses anciens compagnons de militantisme.

Guy Hocquenghem meurt des suites du sida en 1988, à l'âge de quarante et un ans. Ses cendres sont conservées au columbarium du cimetière du Père-Lachaise. Dans le reportage relatif à sa mort, le 29 août 1988 par Antenne 2, Gabriel Matzneff, l'un des amis de Guy Hocquenghem[16], qui lui consacrera plusieurs textes[17], qualifie Guy Hocquenghem d'« homme étincelant » et salue son « talent très libre, très indépendant »[18]. Les mémoires (inachevés) de Guy Hocquenghem sont publiés en 1994 à titre posthume.

Polémique sur une plaque commémorative à Paris en 2020

La décision prise par le Conseil de Paris le 12 décembre 2019 d'apposer une plaque commémorative en l'honneur de Guy Hocquenghem au 45, rue de Plaisance, dans le 14e arrondissement, immeuble où il vécut entre 1973 et 1977, débouche sur une polémique à l'été 2020, à la suite des accusations de pédocriminalité portées contre l'écrivain Gabriel Matzneff[19],[20]. L'amitié entre Guy Hocquenghem et Gabriel Matzneff est alors évoquée, ainsi que la signature commune de pétitions critiquant les modalités de la répression des rapports sexuels entre majeurs et mineurs. En outre, cette décision scandalise, du fait de son soutien par Christophe Girard, adjoint chargé de la culture à la Mairie de Paris, ciblé par des élus écologistes et des militantes féministes dénonçant ses liens avec Gabriel Matzneff.

Le retrait de cette plaque apparaît dans les mots d'ordre de la manifestation organisée le 23 juillet 2020 sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris pour demander la démission de Christophe Girard (celle-ci interviendra le jour même)[21]. La plaque est finalement retirée le 2 septembre 2020 par la mairie du XIVe, après une action de protestation du collectif féministe Les Grenades[22].

À la suite de cette action, Frédéric Martel affirme sur France culture que « la mairie de Paris n'aurait jamais dû rendre hommage » à Guy Hocquenghem, qu'il qualifie de « défenseur idéologique de la pédophilie »[23]. Au contraire, dans un blog hébergé par le journal Mediapart, le chercheur et historien Antoine Idier, auteur d'une biographie d'Hocquenghem dénonce une campagne menée à partir de « citations tronquées » et de « textes amputés », et déplore l'absence de « faits, d’allégations précises, d’investigation »[24]. Interrogé par le magazine Têtu, le philosophe Paul B. Preciado considère « cet épisode comme une énorme méconnaissance de notre histoire politique » et décrit comme « ridicule » l’action « des féministes de droite qui ont enlevé sa plaque commémorative »[25].

En février 2021, interviewé par la revue Lundimatin, René Schérer, qui fut son compagnon et avec qui Guy Hocquenghem a co-écrit Co-ire à propos des représentations de l'enfance, affirme que le retrait de cette plaque est « odieux ». Schérer insiste sur le fait qu'Hocquenghem « a le mérite d’avoir porté sur la place publique » « un phénomène social important », à savoir « la reconnaissance de l’homosexualité ». René Schérer précise en outre qu'Hocquenghem « n’avait rigoureusement aucune attirance, et surtout sexuelle, relative aux enfants » et qu'il est donc « ridicule de l'accuser de pédophilie »[26].

Notes et références

  1. Idier 2017.
  2. Une photo de classe de 4e le montre à l'âge de douze ou treize ans. Il est au centre de la photo, au 2e rang en partant du haut [image].
  3. Non loin de la Vallée-aux-Loups, la demeure de Chateaubriand.
  4. Antoine Idier, Les Vies de Guy Hocquenghem. Politique, sexualité, culture, Paris, Fayard, (ISBN 9782213702025), p. 142
  5. Antoine Bourguilleau, « 1968-1986 : “dix-huit ans d'ex-gauchisme” dénoncés par Guy Hocquenghem », Slate, 9 mai 2018.
  6. Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Marseille, Agone, coll. « Éléments », , 288 p. (ISBN 9782748902129, lire en ligne)
  7. Le film Ma saison super 8 d'Alessandro Avellis (France, 2005) lui est dédié. Le même auteur a réalisé en 2006 le documentaire La Révolution du désir. Ce dernier film présente un portrait de Guy Hocquenghem, montrant son rôle à l'intérieur du FHAR et l'influence qu'a exercée ce mouvement sur son propre parcours.
  8. « TÊTU | Ils ont fait les premiers coming-out publics, quand être homo était encore puni », sur TÊTU, (consulté le )
  9. Version éditoriale numérique de Trois milliards de pervers, 2002.
  10. « DEUX CANDIDATS HOMOSEXUELS À PARIS À visage découvert », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  11. Claire Devarrieux, « La guerre des gays : Hocquenghem et les lendemains de 68 », sur Libération (consulté le )
  12. Guy Hocquenghem, Race d'ep !, Bordeaux, La Tempête, (ISBN 979-10-94512-05-0)
  13. https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2005-4-page-111.htm
  14. AntoineIdier, « Faut-il brûler Hocquenghem? », sur Club de Mediapart (consulté le )
  15. Où il peut dire des choses qu'il « ne pourrait pas dire autrement » (voir sa présentation lors de l'émission littéraire Apostrophes).
  16. Gabriel Matzneff, « Matzneff fait l'éloge du clergé marié », sur Le Point, (consulté le )
  17. « Les Lettres françaises, », sur Les Lettres françaises, (consulté le )
  18. Institut National de l’Audiovisuel- Ina.fr, « Décès de Guy Hocquenghem », sur Ina.fr (consulté le )
  19. « Apposition d’une plaque commémorative en hommage à Guy Hocquenghem 45, rue de Plaisance à Paris 14e ».
  20. Ville de Paris, Bulletin officiel de la Ville de Paris. Débats. 10, 11, 12 et 13 décembre 2019, Paris (lire en ligne), p. 370-372.
  21. « A Paris, l’affaire Girard révèle les fractures au cœur des gauches », sur Mediapart (consulté le ).
  22. « Paris enlève la plaque polémique d’hommage à Guy Hocquenghem, ami de Gabriel Matzneff », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  23. « Pourquoi la mairie de Paris n'aurait jamais dû rendre hommage au militant homosexuel Guy Hocquenghem », sur France Culture, (consulté le )
  24. « La décision de la Mairie de Paris de supprimer la plaque pour Guy Hoquenghem fait débat », sur KOMITID, (consulté le )
  25. « Paul B. Preciado : « J’invite les gays à brancher la machine révolutionnaire » », sur TÊTU, (consulté le )
  26. « Entretien avec René Schérer - « L'enfance réelle n'est pas du côté de l'enfance fabriquée par les familles ou par les écoles. » », sur lundimatin (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Simone Debout-Oleskiewicz, Gérard Bach-Ignasse, Daniel Bensaïd, Maurice de Gandillac, Jean-Charles Jambon, Olivier Leclair, Roland Sauzzede, René Schérer, Rommel Mendès-Leite, Présence de Guy Hocquenghem, in Les Cahiers de l'imaginaire, no 7, Paris, Éditions de L'Harmattan, 1992.
  • (en) Bill Marshall, Guy Hocquenghem, Londres, Pluto Press, 1996.
  • Maxime Foerster, Penser le désir : à propos de René Schérer, Béziers, H&O, 2007 (un chapitre est consacré à la collaboration intellectuelle entre Schérer et Hocquenghem).
  • Désir Hocquenghem, in Chimères, no 69, Paris, 2009 (voir le sommaire du numéro, avec quelques textes d'Hocquenghem en libre accès).
  • Cécile Voisset-Veysseyre, Guy Hocquenghem : la révolte (1946-1988), préface de René Schérer, Paris, Éd. du Sextant, 2015.
  • Antoine Idier, Les vies de Guy Hocquenghem : politique, sexualité, culture, Paris, Fayard, , 354 p. (ISBN 978-2-213-70202-5, OCLC 969445013).

Radio et télévision

Articles connexes

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