Héritabilité de l'autisme
L'héritabilité de l'autisme est une mesure évaluant l'impact de facteurs génétiques dans l'existence et l'expression de l'autisme. Cette part génétique est prépondérante, puisqu'elle compte pour au moins la moitié des causes de l'autisme.
L'étude de l'héritabilité de l'autisme trouve son origine dans l'observation d'un taux d'autisme accru parmi les fratries comptant déjà un enfant autiste. Le pédopsychiatre britannique Michael Rutter établit à partir de 1977 l'existence de ces facteurs génétiques, en étudiant la récurrence de l'autisme chez les vrais jumeaux. Depuis la publication de ces études, l'existence de facteurs génétiques est un consensus scientifique parmi les professionnels de l'autisme.
Définition
D'après Franck Ramus (2017), le rôle de l'hérédité dans l'autisme est reconnu comme « prépondérant », signifiant qu'il compte pour au moins 50 % des facteurs de causalité connus[1]. On parle d'héritabilité pour désigner la part des causes de l'autisme qui est imputable à la génétique[1].
Le professeur d'épidémiologie et de biostatistiques Brian Lee souligne les difficultés posées par la définition de l'héritabilité de l'autisme[2]. La mesure d'héritabilité peut prédire dans quelle mesure la génétique d'une personne la prédispose à être autiste, mais elle ne peut pas prédire la manière dont des facteurs environnementaux influencent cette prédisposition génétique[2].
Histoire
Historiquement, l'héritabilité de l'autisme commence à être évoquée à la suite de l'observation d'une « récurrence accrue » chez les personnes apparentées à la personne autiste, tout particulièrement chez les jumeaux monozygotes (vrais jumeaux)[1]. La première étude connue est menée sur 21 paires de jumeaux dont au moins l'un est diagnostiqué autiste (selon la grille d'autisme infantile de Kanner), par S. Folstein et Michael Rutter en 1977[3]. Les études d'héritabilité de l'autisme publiées dans les années 1980 et 1990 estiment cette part d'héritabilité à environ 90 %[1],[4]. Cependant, ces études sont limitées, car menées sur un très faible nombre de jumeaux autistes[4].
En 2002, le psychiatre français Philip Gorwood note, notamment sur la base de l'étude de Smalley et al. publiée en 1988, que la fratrie d'une personne autiste est 50 à 100 fois plus souvent concernée elle-même par l'autisme que la fratrie d'une personne non-autiste[5]. Il note également que les données collectées plaident pour un modèle d'héritabilité multifactoriel complexe (jusqu'à 50 gènes impliqués) plutôt qu'un modèle mendelien (modèle à un seul gène impliqué)[5].
En 2010, la sociologue française Brigitte Chamak plaide contre une « surestimation des origines génétiques »[6]. Les études publiées entre 2011 et 2014 revoient le facteur d'héritabilité à la baisse, soit entre 35 et 50 %[2]. C'est notamment en 2014 que paraît l'étude du chercheur suédois Sven Sandfin et de son équipe[7], étude médiatisée entre autres dans Le Monde, qui titre « Les causes de l'autisme à moitié génétiques et à moitié environnementales »[8]. L'examen de cette étude par la Haute Autorité de santé, en 2018, conclut que le traitement des données a conduit à une sous-estimation des facteurs d'héritabilité[9]. En effet, en 2017, Sandin et al. ré-analysent leurs données et déterminent une héritabilité de 83 %[10]. De même, la méta-analyse de Beata Tick et de son équipe, publiée en 2016, réaffirme la forte prééminence des facteurs génétiques sur les facteurs environnementaux[11].
La part d'implication génétique a été réévaluée entre 64 et 85 % par les études publiées entre 2017 et 2020[2]. En 2018, Pauline Chaste conclut à des facteurs polygéniques, avec une influence épigénétique[12].
Dénis de l'héritabilité de l'autisme
Selon le psychiatre David Cohen, qui s'exprime alors en 2012, « le lien entre causalité génétique et autisme est un fait consensuel depuis la démonstration de l’héritabilité élevée de l’autisme à partir des études de jumeaux »[13]. Cependant, plusieurs personnes, dont des professionnels de santé, nient toujours l'existence de ces facteurs génétiques.
Une partie du mouvement anti-vaccins soutient que la vaccination précoce serait seule responsable de l'autisme chez l'enfant, malgré l'absence de preuve d'une relation entre autisme et vaccination[1].
En 2014, le psychanalyste freudo-lacanien Charles Melman déclare lors d'une interview qu'« il n'y a pas de causes génétiques » à l'autisme[14].
Notes et références
- (en) Franck Ramus, « Dans l’autisme, le rôle de l’hérédité est prépondérant », sur The Conversation, (consulté le ).
- (en-US) Brian Lee, « Autism heritability: It probably does not mean what you think it means », sur Spectrum | Autism Research News, (consulté le ).
- (en) S. Folstein et M. Rutter, « Infantile autism: a genetic study of 21 twin pairs », Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines, vol. 18, no 4, , p. 297–321 (ISSN 0021-9630, PMID 562353, DOI 10.1111/j.1469-7610.1977.tb00443.x, lire en ligne, consulté le ).
- Franck Ramus, « Autisme : facteurs génétiques ou environnementaux ? », sur Afis Science - Association française pour l’information scientifique (consulté le ).
- Philip Gorwood, « Facteurs génétiques impliqués dans l'autisme », Le Carnet PSY, vol. 75, no 7, , p. 30 (ISSN 2270-9215 et 2107-0954, DOI 10.3917/lcp.075.0030, lire en ligne, consulté le ).
- Brigitte Chamak, « L’autisme : surestimation des origines génétiques », médecine/sciences, vol. 26, nos 6-7, , p. 659–662 (ISSN 0767-0974 et 1958-5381, DOI 10.1051/medsci/2010266-7659, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Sven Sandin, Paul Lichtenstein, Ralf Kuja-Halkola et Henrik Larsson, « The Familial Risk of Autism », JAMA, vol. 311, no 17, , p. 1770 (ISSN 0098-7484, PMID 24794370, PMCID PMC4381277, DOI 10.1001/jama.2014.4144, lire en ligne, consulté le ).
- « Les causes de l'autisme à moitié génétiques et à moitié environnementales », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « Troubles du spectre de l'autisme chez l'enfant et l'adolescent », Haute Autorité de santé, .
- Sven Sandin, Paul Lichtenstein, Ralf Kuja-Halkola et Christina Hultman, « The Heritability of Autism Spectrum Disorder », JAMA, vol. 318, no 12, , p. 1182–1184 (ISSN 0098-7484, DOI 10.1001/jama.2017.12141, lire en ligne, consulté le ).
- Tick et al. 2016, p. 585.
- Chaste 2018, p. 103.
- David Cohen, « Controverses actuelles dans le champ de l’autisme », Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, vol. 170, no 7, , p. 517–525 (ISSN 0003-4487, DOI 10.1016/j.amp.2012.06.019, lire en ligne, consulté le ).
- Hubert Coudurier, « Autisme. « Un plan catastrophique » », Le Télégramme, .
Annexes
Bibliographie
- [Chaste 2018] Pauline Chaste, « Risque d’autisme : une architecture complexe », Enfances & Psy, vol. 80, no 4, , p. 103 (ISSN 1286-5559 et 1776-2820, DOI 10.3917/ep.080.0103, lire en ligne, consulté le )
- [Tick et al. 2016] Beata Tick, Patrick Bolton, Francesca Happé et Michael Rutter, « Heritability of autism spectrum disorders: a meta-analysis of twin studies », Journal of Child Psychology and Psychiatry, and Allied Disciplines, vol. 57, no 5, , p. 585–595 (ISSN 1469-7610, PMID 26709141, PMCID 4996332, DOI 10.1111/jcpp.12499, lire en ligne, consulté le )
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