Hans Herbert Schweitzer

Hans Herbert Schweitzer, Mjölnir de son nom d’artiste, né le à Berlin et décédé le à Landstuhl, est l’un des principaux caricaturistes et affichistes du NSDAP. Il est également un élément important de la bureaucratie culturelle du IIIe Reich.

Hans Schweitzer
Hans Schweitzer (à droite) avec Joseph Goebbels lors d'une visite de l'exposition des Compétitions artistiques aux Jeux olympiques de 1936 à Berlin.
Fonctions
Commissaire du Reich pour la conception artistique
Directeur artistique de la Berliner Kunsthalle
Président du Comité pour l’évaluation des produits d’art inférieur
Président du Comité du Reich des dessinateurs de presse
Biographie
Naissance
Décès
(à 79 ans)
Landstuhl
Pseudonymes
Mjölnir, Herbert Sickinger
Nationalité
Activités
Autres informations
Parti politique
Membre de
Arme
SS
Grade militaire
Oberführer
Conflit
Seconde Guerre mondiale
Mouvement
Figuratif
Genre artistique

Biographie

Jeunesse et éducation

Hans Schweitzer, né en 1901, est le fils illégitime d’un médecin[1]. Il passe la majeure partie de son enfance dans la maison de sa grand-mère maternelle. Il commence à étudier à l’Université d’État des Beaux-Arts de Berlin en 1918 ou 1919 et en devient diplômé en 1923.

Au service du parti nazi (1926-1933)

Affiche de Hans Schweitzer pour le DVNP aux élections législatives de 1924

Il devient célèbre en 1924 en concevant l'une des affiches du Parti populaire national allemand (DNVP) pour la campagne électorale du Reichstag en . Elle évoque le coup de poignard dans le dos[2].

Il rejoint le NSDAP en 1926, avec le numéro de membre 27 148. Selon Joseph Goebbels, évoquant la constitution du parti à Berlin, il fut l’un des 30 premiers membres dans la capitale[3].

Il explique durant son procès en dénazification qu'il s'est intéressé aux problèmes sociaux et économiques de son temps à cause de l'inflation et qu'il a été séduit par l'idée de la construction d'un ordre économique. L'engagement contre certains courant de l'art moderne l'ont fortifié dans son engagement au NSDAP[2].

En 1927, il est l’un des fondateurs du magazine nazi Der Angriff. Ses dessins apparaissent alors en première page[2]. Après cela, il reçoit régulièrement des commandes de la presse du parti en tant que dessinateur d’illustrations. Il travaille pour le Völkischer Beobachter, l'ArbeiterZeitung, l’attaque et le journal satirique Die Brennessel (de)[3].

Entre 1924 et 1932, il est l'auteur dans Nachtausgabe d'environ 2 000 caricatures : il est le plus productif des journaux allemands de tout bord[2].

Il participe également aux campagnes d’affichage du NSDAP. Il fournit des images de propagande sur le parti et ses objectifs, ses dirigeants et les idées qui ont été utilisés pour les organes du parti, des affiches promotionnelles, des dépliants, etc. Son travail est principalement dédié aux caricatures. Avant 1933, il se moque des opposants politiques nationaux des nationaux-socialistes et, à partir de la fin des années 1930, des opposants étrangers, afin de les ridiculiser.

L’une des images récurrentes de ses dessins est celle d’un membre de la Sturmabteilung (SA) côte à côte avec un soldat de l’armée[4].

Timbres dessinés par Schweitzer pour le Congrès du parti en 1934 et le journée de la commémoration des héros de 1935

L’un des principaux clients de Schweitzer avant 1933, époque que les nationaux-socialistes appellent le « temps des combats », est le dernier ministre de la Propagande du Reich Joseph Goebbels, avec lequel il était ami selon les journaux de Goebbels. Ce dernier a qualifié à plusieurs reprises Schweitzer d’artiste bénéficiant d’un « don de Dieu » (gottbegnadeten) et a reconnu plus tard que Schweitzer, à travers ses attaques caricaturales contre la République de Weimar et ses représentants, « nous a beaucoup aidés pendant la lutte pour abattre le système en le ridiculisant »[5]Il faisait appel au caricaturiste car il considérait que « il était souvent plus facile d'exprimer les idées nazies dans un dessin politique que dans des documents écrits »[6].

Schweitzer adopte le pseudonyme Mjölnir, nom du marteau du dieu Thor dans la mythologie nordique, en 1926. Cela lui permet d’indiquer d’une part son attachement à l’idéologie raciale nordique ou « aryenne » et, d’autre part, d’exprimer comme image de son soi artistique l’idée de « briser » les opposants au national-socialisme avec ses dessins de propagande efficaces, tout comme le belliqueux Thor écrasait ses adversaires avec son marteau Mjölnir. Il avait besoin d’un pseudonyme car il travaillait sous son vrai nom en tant que dessinateur pour le journal du soir Nachtausgabe d’Alfred Hugenberg, un quotidien berlinois de tendance national-conservateur.

Il est décrit par Gerhard Paul comme « le plus important créateur d'affiche national-socialiste qui propagea plus que quiconque la propagande durant la période de combat »[7].

Sous le IIIe Reich (1933-1945)

Avec l’arrivée au pouvoir en , Schweitzer devient, notamment en raison de sa proximité avec Joseph Goebbels, un important fonctionnaire culturel du régime nazi. En 1933, Adolf Hitler nomma Schweitzer « dessinateur du mouvement » (Zeichner der Bewegung). En 1934 et 1935, la Reichspost diffuse deux timbres portant chacun un motif qu’il a dessiné. En 1935, il devient Commissaire du Reich pour la conception artistique (de) et président de l’Ausstellungleitung Berlin e.V.[3]. Il supervise différents projets durant les Jeux olympiques de 1936, des décorations, à la création des monuments et le choix des médailles commémoratives[8].

Il siège officiellement à la Maison de l’Art (Haus der Kunst) de Berlin et à la Salle d’art berlinoise (Berliner Kunsthalle), dont il est directeur artistique, lieux où l’art national-socialiste est exposé[9]. L’avers des pièces du Reich allemand avec l’aigle souverain, apparu en 1936, est conçue par Hans Herbert Schweitzer[10]. Il devient cette année-là membre du Conseil présidentiel de la chambre des beaux-arts du Reich[11]. En , il est nommé professeur. Il est également membre du Spende Künstlerdank ce qui lui permet d’intervenir dans les subventions apportées aux artistes[8].

En 1940, il devient président du Comité pour l’évaluation des produits d’art inférieur. À ces postes, il est coresponsable de la confiscation et de l’ostracisme contre l’art dégénéré. Le , il participe à la confiscation de peintures d’Ernst Ludwig Kirchner, Oskar Kokoschka et Emil Nolde présentent dans la Hamburger Kunsthalle ; elles sont ensuite exposées à Munich dans l’Art dégénéré (Exposition) (de). Néanmoins, il paraît plus modéré par la suite. La confiance que Goebbels a placé en lui se réduit quand le ministre découvre que Schweitzer a placé dans son bureau une œuvre de Willy Jaeckel (en)[8].

Armoiries de Breslau conçues par Schweitzer en 1938.

Schweitzer, qui préside le Comité du Reich des dessinateurs de presse, bénéficie de certains de ses succès artistiques d’avant 1933. Cependant, ses fonctions culturelles et politiques sont alors réduites. Il regagne de l’importance durant la Seconde Guerre mondiale en devenant l’un des principaux créateur d’affiches.

En 1942, il devient SS-Oberführer (SS-Nr. 251 792) et travaille à partir de 1943 comme dessinateur pour la Compagnie de propagande « Staffel Bildender Künstler »[3]. Ce grade de colonel est principalement honorifique[8]. Lors de l’exposition Les Artistes allemands et la SS (de) à Breslau en 1944, il expose le tableau Waffen-SS Vorkämpfer gegen den Weltfeind (La Waffen-SS, pionnier contre l’ennemi mondial). Il déclare lors de son procès avoir combattu les armes à la main à Berlin et avoir été blessé[8]. En, mai 1945, à la fin de la guerre, il suit le Réseau d'exfiltration Nord (de) et s’installe à vingt kilomètres au sud-est de la ville de Flensburg, dans le village de Hollmühle[12].

L’après-guerre

Après la guerre, Schweitzer demeure en Allemagne, dans la zone occupée par les armées occidentales. Il parvient à se cacher jusqu’en 1947. Il affirme avoir été dénoncé par un artiste moderne qu’il avait attaqué précédemment. Durant la dénazification, il est condamné à une amende de 500 Deutsche Mark à Hambourg-Bergedorf. Il a peu subi la répression, affirmant lors de ses interrogatoires qu’il « était un artiste avec peu d'intérêt pour la politique », et qu’il n’avait « assisté à aucune répression par la SS contre des Polonais ou des Juifs » durant la guerre. Il obtient l’effacement de son casier en 1955[8].

Son livre Buch Isidor. Ein Zeitbild voll Lachen und Haß (Le Livre Isidor. Une image de l’époque pleine de rires et de haine), publié pour la première fois en 1928 par Schweitzer et Goebbels et contenant notamment des caricatures antisémites de l’opposant de Goebbels Bernhard Weiss, est inclus dans la Liste de la littérature à éliminer (de) dans la zone d’occupation soviétique en Allemagne[13],[14].

Considéré comme l’« illustrateur de Goebbels », il est largement boycotté. Il trouve cependant du travail comme concepteur d’affiches pour l’Office de presse et d’information du Gouvernement ouest-allemand et comme illustrateur dans la presse d’extrême droite, comme le Deutsche Wochen-Zeitung. Il conçoit des affiches pour le Parti des Bons Allemands (de)[15],[3]. Il est l’auteur d’affiches anticommunistes telle que la célèbre : « Jusqu’où ? Jusqu’à l’arrêt Moscou »[8].

Sous le nom de Herbert Sickinger, il travaille comme professeur de peinture pour générations d’Allemands et d’Américains. Il crée de nouvelles œuvres avec, selon ce que décrit un magazine, « des symboles paisibles sont au premier plan - villages heureux, ruines enjolivées, fleurs, enfants, bois et prairies »[8].

Caractéristiques artistiques

Les créations de Hans Schweitzer sont caractérisées par un style figuratif net. Il a été influencé par les futuristes italiens, et en a repris les méthodes pour exprimer l’action et le mouvement. Il a également utilisé les vraies couleurs de la nature. Son art a été influencé également par sa proximité avec Otto Strasser (qu'il soupçonna par la suite d'être juif[16]) et l’aile socialiste-révolutionnaire du parti[17],[8].

Il s'est inspiré des gravures sur bois allemandes du XVIe siècle[18].

Il est considéré comme ayant exprimé le premier « art nazi » et bénéficie de l’admiration de ses pairs, tels que Robert Scholz, qui décrit ses dessins comme une « manifestation positive de la volonté combative avec des symboles d'esprits et d'idées »[19],[8].

Il était radicalement antimoderne et opposé à ce qu’il considérait comme l’art dégénéré. Ses créations sont marquées par un antisémitisme important. Il utilisait abondamment contre les Juifs les stéréotypes racistes qu’il contribua à diffuser. Il note lui-même que « le ressort de la caricature politique est la haine »[8].

Ses dessins, et ceux des autres propagandistes, sont marqués par « une violence extrême, ce qui a choqué mais a également beaucoup attiré. Leur message s'est ancré dans une dynamique encore plus grande parce que les dessins animés, les livrets et les affiches faisaient partie d'un tout qui s'est terminé par la menace et l'utilisation réelle de la force »[20].

Œuvres

Affiches célèbres

Outre leur impact à l'époque, les affiches ci-dessus ont été abondamment utilisées après la Seconde Guerre mondiale comme illustrations du phénomène national-socialiste et ont ainsi été vues par plusieurs générations d'écoliers notamment.

  • der ist schuld am kriege, 1943[2]
  • Unsere letze Hoffnung: Hitler (Notre dernier espoir : Hitler) affiche électorale, 1932[2]

Ouvrage

  • (de) Joseph Goebbels et Mjölnir (ill. Mjölnir), Das Buch Isidor : ein Zeitbild voll Lachen und Hass, München, F. Eher Nachf, , 168 p. (OCLC 37193054)

Exposition

Il expose lors de la XXIIIe Biennale de Venise en 1942 avec Olaf Gulbranson et Eduard Thöny dans un espace consacré à la caricature de guerre[21].

Bibliographie

  • Bernhard Fulda, « Der Die vielen Gesichter des Hans Schweitzer. Politische Karikaturen als historische Quelle », in Gerhard Paul (éd. ) : Das Jahrhundert der Bilder. Bildatlas, Volume 1 : 1900 à 1949, Göttingen, V&R, 2009, (ISBN 978-3-525-30011-4).
  • Ernst Klee, Das Kulturlexikon zum Dritten Reich. Wer war was vor und nach 1945, S. Fischer, Francfort-sur-le-Main 2007, (ISBN 978-3-10-039326-5).
  • Carl-Eric Linsler, « Mjölnir – Zeichner des Nationalsozialismus », in Handbuch des Antisemitismus. Judenfeindschaft in Geschichte und Gegenwart, Bd. 7: Literatur, Film, Theater und Kunst, Wolfgang Benz éd., Berlin, 2015, p. 313-316.
  • Gerhard Paul, « Der Dolchstoß. Ein Schlüsselbild nationalsozialistischer Erinnerungspolitik », in Gerhard Paul (éd. ) : Das Jahrhundert der Bilder. Bildatlas, Volume 1 : 1900 à 1949, Göttingen, V&R, 2009, (ISBN 978-3-525-30011-4), pp. 300-307.
  • Birgit Witamwas, « Hans Schweitzer, der Zeichner der „Kampfzeit“ », in Birgit Witamwas, Geklebte NS-Propaganda. Verführung und Manipulation durch das Plakat, Berlin, 2016, pp. 57–75, (ISBN 978-3-11-043808-6).
  • Mario Zeck, « Hans Schweitzer », in Mario Zeck, Das Schwarze Korps: Geschichte und Gestalt des Organs der Reichsführung SS, Tübingen 2002, pp. 75–78.

Notes et références

  1. Vgl. Die Tagebücher von Joseph Goebbels, Hg. Elke Fröhlich, Teil I, Bd. 1/II, München 2005, S. 166, Eintrag vom 1. Januar 1927.
  2. (de) Bernhard Fulda (Gerhard Paul (dir.)), « Der Die vielen Gesichter des Hans Schweitzer. Politische Karikaturen als historische Quelle », Visual History: ein Studienbuch; Einführung, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, , p. 206-225 (ISBN 978-3-525-36289-1, lire en ligne, consulté le )
  3. Ernst Klee: Das Kulturlexikon zum Dritten Reich. Wer war was vor und nach 1945. S. Fischer, Frankfurt am Main 2007, S. 560.
  4. "Nazi Posters: 1933-1945" German Propaganda Archive, Calvin College. Retrieved February 11, 2012
  5. Die Tagebücher von Joseph Goebbels, Teil I, Bd. 8, München 1998, S. 274, Eintrag vom 16. August 1940.
  6. Lemmons, Russel, 1962-, Goebbels and Der Angriff, University Press of Kentucky, (ISBN 978-0-8131-4990-5 et 0-8131-4990-8, OCLC 624425605, lire en ligne)
  7. (de) Gerhard Paul, Aufstand der Bilder: Die NS-Propaganda vor 1933, Bonn, Dietz, , p. 161
  8. (en) Jonathan Petropoulos, The Faustian Bargain: The Art World in Nazi Germany, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-802968-7, lire en ligne)
  9. Claudia Molnar: Die Berliner Villa d'Este. Bürgerpalais - Tanzlokal - NS-Kunsthalle, BOD, Norderstedt 2020, (ISBN 978-3-7519-2190-9), S. 53 ff.
  10. (de) Rainer Wohlfeil (de) (Sous la direction de Uwe Fleckner, Martin Warnke, Hendrik Ziegler), « Geld », Handbuch der politischen Ikonographie, München, C. H. Beck oHG, , p. 398 (ISBN 978-3-406-57765-9)
  11. Office international des musées Auteur du texte et Institut international de coopération intellectuelle Auteur du texte, « Mouseion. Supplément mensuel », sur Gallica, (consulté le )
  12. Gerhard Paul: Zeitläufe: Flensburger Kameraden. In: Die Zeit, vom 8. September 2013, abgerufen am 23. Oktober 2019.
  13. Deutsche Verwaltung für Volksbildung in der sowjetischen Besatzungszone, Liste der auszusondernden Literatur 1948.
  14. Deutsche Verwaltung für Volksbildung in der sowjetischen Besatzungszone, Liste der auszusondernden Literatur 1948 Datenbank Schrift und Bild 1900-1960. Zweiter Nachtrag, Berlin: Deutscher Zentralverlag, 1948. Retrieved February 11, 2012 (de)
  15. Wolfgang Benz u. a. (Hrsg.): Handbuch des Antisemitismus. Judenfeindschaft in Geschichte und Gegenwart, Band 7 (Literatur, Film, Theater und Kunst), Berlin / New York 2014, (ISBN 978-3-11-034088-4), S. 315
  16. (en) Ralf Georg Reuth, Goebbels, Harcourt Brace, (ISBN 978-0-15-136076-5, lire en ligne)
  17. Weinstein, Joan., The end of expressionism : art and the November Revolution in Germany, 1918-19, University of Chicago Press, (ISBN 0-226-89059-7 et 978-0-226-89059-3, OCLC 18289988, lire en ligne)
  18. (en) Reinhold Heller, Stephanie D'Alessandro, Mary and Leigh Block Gallery et Hood Museum of Art, Stark Impressions: Graphic Production in Germany, 1918-1933, Mary and Leigh Block Gallery, Northwestern University, (ISBN 978-0-941680-12-7, lire en ligne)
  19. (de) Robert Scholz, « Der VB zum Gebürstag seines Kampfzeichners Hans Schweitzer-Mjölnir », Völkischer Beobachter, no 205,
  20. Peter Paret, « God's Hammer », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 136, no 2, , p. 226–246 (ISSN 0003-049X, lire en ligne, consulté le )
  21. Lo Duca, « La Peinture à la XIIIe Biennale de Venise », Comœdia, , p. 7 (lire en ligne, consulté le )

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