La Porte du paradis

La Porte du paradis (Heaven's Gate) est un film américain de Michael Cimino, sorti en 1980.

Pour les articles homonymes, voir Heaven's Gate et Porte du Paradis.

La Porte du paradis

Titre original Heaven's Gate
Réalisation Michael Cimino
Scénario Michael Cimino
Acteurs principaux
Sociétés de production Partisan Productions
United Artists
Pays de production États-Unis
Genre western
Durée 219 minutes
Sortie 1980

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Échec cuisant lors de sa sortie (il est responsable en partie de la faillite de United Artists et de la fin des illusions du Nouvel Hollywood), le film jouit aujourd'hui d'une bonne réputation auprès de nombreux cinéphiles et critiques, certains le tenant même comme l'« une des sept merveilles du monde cinématographique »[1].

En 2012, dans sa version restaurée et remastérisée de 220 minutes, il entame une nouvelle carrière auprès du grand public[2], ce qui laisse augurer une réhabilitation progressive de l'œuvre aux yeux de celui-ci.

Le film s'inspire de faits réels connus sous le nom de « guerre du comté de Johnson » (1889-1893). Michael Cimino les a modifiés substantiellement.

Synopsis

De 1870 à 1903, James Averill participe à la « guerre » du comté de Johnson qui, en 1890, dressa de pauvres immigrants d'Europe de l'Est récemment arrivés au Wyoming contre les riches propriétaires de bétail qui, depuis des lustres, élevaient d'immenses troupeaux sur les terres publiques de cet État de l'Ouest américain[3] (terres qu'ils considéraient comme réservées aux « vrais » citoyens du lieu, c'est-à-dire eux, les « blancs américains » d'origine germanique).

Résumé

Le film[4] est découpé en trois séquences temporelles, de durées très inégales :

  • Le prologue montre, en 1870, l'ultime journée à Harvard de la « promotion 70 » ; centré sur deux diplômés de celle-ci (James Averill et William Irvine) clairement issus de la très bonne bourgeoisie, il alterne discours, grand bal romantique de type « valses viennoises » et joutes entre étudiants.
  • L'histoire proprement-dite de « la Porte du Paradis » se déroule vingt ans plus tard, en 1890, au Wyoming, plus particulièrement dans le comté de Johnson. Un conflit oppose les riches éleveurs de bétail (dont William Irvine), ayant jusque-là toujours eu la mainmise sur les « verts pâturages » du Wyoming, à une vague d'immigrés pauvres venus d'Europe de l'Est à la suite de l'Homestead Act, qui ont acheté des lopins de terre (sans que cela soit encore régularisé par un titre de propriété en bonne et due forme) autour de Sweetwater, dans le comté de Johnson (dont James Averill est le shérif) et qui ont entrepris de les cultiver. Ce nouvel état de fait réduit d'autant les pâturages jusqu'alors dévolus aux troupeaux des éleveurs qui, furieux, accusent les nouveaux arrivants d'être, pour la plupart, des voleurs de bétail et des anarchistes ; ils les ont couchés sur une liste noire et ont recruté une milice de mercenaires-tueurs pour les éliminer. En 3-4 jours, le conflit riches éleveurs / pauvres cultivateurs (« rangers / settlers ») embrase tout le comté, prend des allures de guerre civile et culmine en une sanglante bataille, dont bien peu réchappent, hormis James Averill... qui, après démission de son poste de shérif, s'était rangé du côté des pauvres fermiers nouvellement installés. La séquence dure trois heures. Elle inclut, sur ce fond de guerre civile (et étroitement tressées avec lui et la vie quotidienne reconstituée de la communauté de Sweetwater), les péripéties romanesques d'un triangle amoureux composé de James Averill, Ella Watson, la jolie tenancière du bordel local, et Nate Champion, un mercenaire (finalement repenti) du syndicat des éleveurs.
  • L'épilogue, de 4 à 5 minutes, nous transporte en 1903 : James Averill, élégant mais vieilli, est sur son yacht, au large de Newport (Rhode Island). Il a retrouvé (et peut-être épousé) l'ex-jeune fille du « bal d'adieu » à Harvard, mais semble lourd de souvenirs, probablement ceux ayant trait à Ella (dont on entend le leitmotiv musical).

Harvard, 1870

En 1870, deux jeunes étudiants, Jim Averill et Billy Irvine assistent à la cérémonie de remise des diplômes de fin d'études à Harvard. S'adressant à la « promotion 70 », le révérend Gordon Sutton lui demande instamment de faire bénéficier de la culture et du savoir acquis tous ceux qui, autour d'eux, en sont dépourvus[5], un objectif d'autant plus justifié que la constitution des États-Unis néglige assez cet aspect des choses, et il conclut par : « L'éducation d'une nation, voilà un idéal élevé[6]. »
Irvine, l'orateur de la promotion, monte à son tour sur l'estrade (bien que manifestement déjà ivre) et lui répond en un discours spirituel mais désenchanté qu'ils feront au mieux... de leurs capacités, c'est-à-dire que, leur cerveau de « colibri » n'étant sûrement pas à même de remettre en cause l'ordre du monde (dans l'ensemble, assez bien agencé), ils veilleront du moins « au respect des traditions ».

Une fête, qui se prolonge tard dans la nuit, clôture la journée, avec un grand bal puis des joutes entre les étudiants, sous le regard des jeunes filles de la bonne société locale, dont l'amie d'Averill.

Fiche technique

 Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données IMDb.

Distribution

  • Kris Kristofferson (VF : Georges Claisse) : James Averill, diplômé d'Harvard et devenu plus tard, par idéalisme, marshal du comté Johnson (Wyoming) ; il y assure les fonctions de police et de justice, mais démissionnera de son poste quand le maire de Sweetwater lui demandera de livrer aux mercenaires-tueurs, recrutés par le syndicat des éleveurs de bétail, les 125 personnes figurant sur leur « liste noire ».
  • Christopher Walken (VF : Bernard Tiphaine) : Nathan D. Champion, une « gâchette » du syndicat des éleveurs ; il a des liens d'amitié avec James Averill et, finalement, rompra avec le syndicat en constatant que celui-ci a placé Ella Watson sur leur « liste noire ».
  • John Hurt (VF : Patrick Poivey) : William « Billy » C. Irvine, diplômé d'Harvard la même année que James Averill pour qui il éprouve toujours, vingt ans après, de l'amitié, bien qu'ils aient évolué différemment ; mentalement plus faible et très dépendant de l'alcool, il est resté « prisonnier de sa classe » et fait partie du syndicat des éleveurs de bétail.
  • Sam Waterston (VF : Pierre Vernier) : Frank Canton, le chef et recruteur des mercenaires-tueurs à la solde des barons-éleveurs du Wyoming ; le méchant de l'histoire.
  • Brad Dourif (VF : Bernard Woringer) : M. Eggleston, un des représentants des émigrants d'Europe de l'Est nouvellement arrivés dans le comté ; il est Président de la chambre de commerce de Sweetwater.
  • Isabelle Huppert[7],[8] : Ella Watson, la tenancière du bordel de Sweetwater (la ville principale du comté Johnson) ; Averill et Champion sont amoureux d'elle et elle les aime tous deux sincèrement, même si elle a toujours fait payer Champion.
  • Joseph Cotten : le révérend Gordon Sutton de l'université Harvard (Cambridge, Massachusetts), il apparaît dans le prologue de l'histoire.
  • Jeff Bridges (VF : Dominique Collignon-Maurin) : John L. Bridges, le patron de l'hôtel où habite James Averill, à Sweetwater ; il possède également l'Heaven's Gate, la patinoire qui sert de salle de bal et de réunion à la population de la ville, et qui donne son nom au film.
  • Ronnie Hawkins : le major Wolcott
  • Paul Koslo : Charlie Lezak, maire de Sweetwater ; il reçoit une balle dans le haut du visage lors d'une réunion dramatique à l'Heaven's Gate, parce qu'il s'oppose à ce que la population[9] de la ville prennent les armes contre les mercenaires qui s'approchent de Sweetwater pour exécuter les personnes désignées sur la « liste noire ». Le coup de feu est tiré par la veuve de Michael Kovach[10].
  • Geoffrey Lewis (VF : Jacques Dynam) : Fred, un trappeur de passage pour la nuit chez Nathan Champion.
  • Richard Masur : Cully, le chef de gare de Casper.
  • Nicholas Woodeson : le petit homme
  • Stefan Shcherby : le grand homme
  • Terry O'Quinn : le capitaine Minardi ; il commande le détachement de cavalerie basé dans un fort de l'armée fédérale, non loin de Sweetwater.
  • Jack Conley : Morrison
  • Jim Knobeloch : George Kopestonsky
  • Robin Bartlett : Mme Lezak, la femme du maire de Sweetwater.
  • Tom Noonan : Jake
  • Caroline Kava : Stefka
  • Anna Levine : Little Dot
  • Mickey Rourke (VF : Marc François) : Nick Ray, un garçon simple et rustique, ami de Nathan Champion et séjournant chez lui.
  • Kai Wulff : le marchand allemand
  • Jack Blessing : un jeune migrant
  • David Mansfield[11] : John DeCoy, le violoniste-patineur[12] du Heaven's Gate (la « porte du paradis ») ; il est aussi un familier du bordel d'Ella Watson et l'aide de celle-ci.
  • T Bone Burnett : un membre de l'orchestre de l'Heaven's Gate
  • Sam Peckinpah : le bourreau (scènes coupées)
  • Willem Dafoe[13] : Willy (non crédité)
  • Ian Hislop : un participant à la scène de la cérémonie de remise des diplômes (non crédité)

Production

Genèse et développement

Le film s'inspire de faits réels connus sous le nom de « guerre du comté de Johnson » (1889-1893). Michael Cimino les a modifiés substantiellement. En réalité, Averill, loin d'être un grand bourgeois éducateur et défenseur du peuple, était un petit propriétaire de ranch ; lui et Ella Watson furent pendus deux ans avant la révolte des immigrants ; Nate Champion fut exécuté sur des accusations de vol de bétail ; et la grande bataille finale du film n'a jamais eu lieu : effrayés par le nombre des immigrants, les tueurs du syndicat des éleveurs se retranchèrent dans une grange et attendirent fébrilement l'arrivée de la cavalerie fédérale[réf. nécessaire].

En , un contrat de 11,6 millions de dollars est signé entre Michael Cimino et United Artists pour la réalisation de The Johnson County War (titre initial du film). Récupérant un scénario de 98 pages écrit par lui-même de 1974 à 1975 (le projet n'ayant pas abouti car il n'attirait aucune star), Cimino bénéficie d'une carte blanche, une clause stipulant qu'il peut dépasser le budget sans qu'il ne subisse des pénalités financières. Le film doit être livré pour Noël 1979, toute sa publicité doit être validée par Cimino et il doit durer au minimum 2h30. Les premiers budgets prévisionnels tournent autour des 7 millions de dollars pour un tournage qui doit durer deux mois[réf. nécessaire].

Tournage

Le tournage débute le à Kalispell dans le Montana[14]. Trois heures de piste sont nécessaires pour rejoindre le plateau où peuvent jouer jusqu'à 1 200 figurants. Cimino qui a un souci du détail obsessionnel[15] (qui lui valut le surnom d'Ayatollah) tourne environ une minute trente du film par jour, si bien qu'au bout de douze jours de tournage, le plan de travail accuse déjà dix jours de retard. À la suite des retards, plusieurs musiciens initialement venus au Montana pour travailler sur le film pendant seulement trois semaines se sont retrouvés bloqués, attendant d’être convoqués pour des prises de vues et ont simplement attendu. Le film perd plus d'un million de dollars par semaine. Le studio envisaga de renvoyer Michael Cimino et approcha Norman Jewison pour prendre en charge le projet, mais celui-ci refusa.

L'un des exemples les plus flagrants de l'utilisation abusive du budget par Michael Cimino a été la construction d'un système d'irrigation sous la terre du champ de bataille afin de garantir que l'herbe reste d'un vert éclatant contrastant avec le rouge du sang du carnage. À un moment donné pendant le tournage, Michael Cimino décida que l'espacement des bâtiments d'une rue n'était pas correct alors qu'il avait été construit selon ses spécifications exactes. Il ordonna que les deux côtés de la rue soient rasés et reconstruits, au coût d'1,2 million de dollars, malgré les objections de son équipe qui estimait qu'il serait plus facile et moins onéreux de démolir un seul côté de rue et de le reconstruire. Un arbre entier a été coupé, déplacé en morceaux et transféré dans la cour où a été tournée la scène de remise des diplômes de Harvard 1870. Des scènes de John Hurt ont dû être réécrites ou annulées, car il dut quitter la production pour commencer à tourner Elephant Man à Londres.

Le , le budget prévisionnel est dépassé, si bien que David Field, producteur exécutif, impose à Cimino un nouveau contrat stipulant que le budget ne pourra dépasser les 17,5 millions de dollars. Le film explose les délais, le tournage se terminant en , et le budget atteint 44 millions de dollars[16].

Accueil

Pour un budget final de 44 millions de dollars, le film n'a rapporté que 3 484 331 dollars. Il s'agit donc du plus grand flop de l'histoire du cinéma américain lors de la sortie du film en 1981. Sans parler de la très mauvaise publicité et pour le studio et pour son cinéaste. Cinéaste qui ne retrouvera jamais une telle liberté artistique et financière. Ce film catapulte Michael Cimino au rang des cinéastes maudits. Il attendra six ans pour retrouver la confiance d'un financier[17].

Le film, qui devait être le triomphe du cinéma d'auteur à Hollywood, devint finalement son tombeau. Selon les historiens (Peter Biskind, Jean-Baptiste Thoret…), les désastres commerciaux de Heaven's Gate et, plus tard, de Coup de cœur entraînent la mort du Nouvel Hollywood. Les studios reprennent alors le pouvoir et imposent des blockbusters, films calibrés en fonction du public et qu'on doit pouvoir pitcher en dix secondes[18].

Aux États-Unis

Le , lors de la première à New York, Cimino demande pourquoi personne n'est venu boire du champagne lors de l'entracte. Steven Bach, selon son propre livre Final Cut, The Making Of Heaven's Gate, lui aurait répondu : « Parce qu'ils détestent ton film ! » Les critiques influents de l'époque (notamment Pauline Kael et Roger Ebert) assassinent le film. Ebert écrit en  :

« La Porte du paradis est le plus scandaleux gâchis cinématographique que j'ai jamais vu. Et souvenez-vous : j'ai vu La Kermesse de l'Ouest ! »

Le film est retiré de l'affiche après seulement une semaine d'exploitation. Michael Cimino propose une nouvelle version au studio et coupe lui-même son film pendant huit mois de plus. Après plus de 300 coupes, le film ressort en 1981. Avec une nouvelle voix off, une violence édulcorée, des personnages sacrifiés : le film sera de nouveau un échec.

Les résultats désastreux du film au box office ont aussi un effet dévastateur sur la production de westerns aux États-Unis. Après un revival à la fin des années 1960, très peu de westerns sont produits dans les années 1980.

Dans leur ouvrage Splendeur du western[19], Suzanne Liandrat-Guigues et Jean-Louis Leutrat soulignent les liens entre Heaven's Gate et la série Deadwood de HBO. Si la vision radicale de Cimino fut rejetée au début des années 1980 (à l'aube de l'ère reaganienne), il semble que cette démarche démythificatrice apparaisse acceptable aux yeux du public d'aujourd'hui. Présent dans ces deux productions, Brad Dourif apparaît comme l'incarnation de cette filiation.

En France

En France, l'accueil critique est également mitigé. Deux analyses se succédèrent dans la revue Positif[20]. L'une soulignant les grandes qualités du film et l'autre particulièrement négative. Dans son texte, Michael Henry écrit : « Loin de panser les plaies à vifs, il rouvre une blessure oubliée, il met à nu un traumatisme plus profond que le génocide indien : le “fratricide originel”, le massacre des pauvres par les riches. » Dans ce même numéro, Olivier Eyquem critique durement :

« Rarement montagne d’argent aura accouché d’une aussi malingre souris, rarement script de série B aura été traité avec tant de solennelle componction, rarement cinéaste se sera fourvoyé aussi irrémédiablement dans tous les domaines relevant de sa responsabilité ». Il ajoute : « Parti d’un scénario nul, Cimino a sans doute bataillé dur, mais rien ne vit durablement à l’image, et dès l’ouverture avec sa longue valse, avec ces panos trop bien ordonnés, cette euphorie qui se cherche, ce mouvement qui ne prend pas, tout cela fait craindre le pire, fait anticiper le remplissage qui sera la loi du film. »

En 2013, lors de la ressortie du film dans sa version director's cut, Jean-Baptiste Thoret parle en revanche de :

« la critique la plus implacable jamais produite de l'un des mythes fondateurs de la Nation, l'impossible alliance du peuple et des élites anglaises, l'exploitation éternelle des premiers par les seconds, le sort peu enviable des émigrants venus d'Europe de l'Est, la lutte des classes bien sûr, en lieu et place de la Pastorale promise, et le fantôme de Marx passé des terres viscontiennes à celles du Wyoming. »

 « Renaissance d'un chef-d'œuvre », Charlie Hebdo[21]

Distinctions

Récompenses

Nominations

Commentaires

Différentes versions du montage

Michael Cimino consomme une grande quantité de pellicule : 220 heures[22] de rushes ont été répertoriées. Le premier montage, projeté par Cimino aux dirigeants de United Artists, fait 5 h 25. Plusieurs versions du film existent par la suite.

La première mouture de 365 minutes[Passage contradictoire] n'est montrée qu'à une poignée de collaborateurs. Ces derniers exigent que Cimino retourne en salle de montage afin de proposer une version raccourcie. Cette dernière est celle de la projection initiale du à New York : une version de 219 minutes (3 h 39 min). Après une semaine d’exploitation, Cimino décide en accord avec United Artists d'annuler la distribution afin de remonter lui-même son film dans une version plus courte de 149 minutes (montage international de 1981), soit 2 h 29 min. De multiples changements apparaissent. Nombreuses coupes, prises différentes, voix off ; une scène inédite fait son apparition (celle où Wolcott montre ses fesses à Averill). Cette version ne rencontre toujours pas le succès escompté et est retirée après une semaine d'exploitation.

En 1982, la chaîne Z Channel diffuse pour la première fois la version de 219 minutes. Lorsque MGM (détenteur des droits d'United Artists) distribue le film en VHS et Laserdisc, c’est dans sa version longue. Le montage de 149 minutes ne fut jamais distribué sur le territoire américain.

Le , la chaîne Turner Classic Movies propose la version intégrale du film en haute définition. Outre cette exclusivité, le film étant inédit en Blu-ray à cette date, la chaîne diffuse une interview d’Isabelle Huppert, également en HD[23].

Version director's cut de 2012

Lors de la Mostra de Venise 2012, Cimino présente sa version définitive, d’une durée de 3 h 40, restaurée et remastérisée. Le cinéaste déclare à cette occasion :

« Ma première réaction a été : je ne veux pas revisiter La Porte du paradis. J'ai subi suffisamment de rejet pendant 33 ans. Grâce à la technologie numérique qui n'existait pas à l'époque, j'ai pu faire des changements, notamment dans les couleurs… En le voyant avec cet équipement numérique, c'était comme un nouveau film[24]. »

Différences entre les versions

D'un montage à l'autre, Cimino a choisi pour la version director's cut de 2012 de raconter l'histoire de façon totalement linéaire, et vue uniquement du point de vue des personnages. Il n'y a par conséquent plus de voix off d'un narrateur ni plus aucun retour en arrière. Ainsi, la troisième partie (Newport), dans laquelle s'entremêlaient le regard d'Averill sur son bateau avec ses souvenirs de la tuerie finale de 1890 au terme de laquelle Ella trouvait la mort, se déroule, dans la version de 2012, strictement sur le yacht.

C'est l'occasion d'introduire un personnage féminin, allongé dans la cabine salon, et de retrouver une dernière fois la photo en noir et blanc d'un jeune couple, photo absente de l'ancienne version et qui, dans le montage de 2012, est revenue tel un « fil rouge » tout au long de l'épisode de 1890. Toutefois, rien n'est dit sur cette photo ; le couple n'est pas identifié ni totalement identifiable, même si on peut supposer qu'il s'agit d'Averill avec son amie vue à Harvard.

Qui plus est, à aucun moment n'est clairement expliqué pourquoi Averill se retrouve marshal dans le Wyoming. Au début du deuxième épisode, on sait qu'il revient de convoyer une prisonnière vers la prison fédérale. En revanche on ne sait pas depuis combien de temps il a été affecté dans le comté de Johnson, ni pour quelle raison il aurait quitté une situation plus lucrative (une réplique évoque le fait qu'il a des moyens bien supérieurs à ceux des émigrants qui constituent l'essentiel de la population et l'on sait — épisode commun aux deux versions —, lors de son retour à Casper, qu'il a été exclu du club que fréquentent les gros propriétaires). Situation conforme à son niveau d'études et à sa classe sociale, et qu'atteste le yacht sur lequel on le retrouve en 1903 (mais est-ce son yacht ou celui de sa femme ?).

Harvard, 1870

Dans la version de 2012, le discours de Billy Irvine, qui joue de son ébriété et ironise sur l'éducation donnée à Harvard, est donné dans son intégralité.

Newport, Rhode Island, 1903

Cette dernière partie n'est plus montée avec un retour en arrière sur l'assassinat, par Frank Canton et ses mercenaires survivants, d'Ella Watson et de John Bridges. Toute la séquence se déroule sur le yacht. Dans le salon du bateau, où brûle un feu de cheminée, on découvre sur une méridienne une femme d'âge mûr allongée, en même temps que l'on revoit la photo en noir et blanc dans le cadre en argent. Cette femme est manifestement l'amie d'Averill que l'on a vue à Harvard en 1870. Dans une attitude figée, elle lui demande une cigarette, prononçant les derniers mots du film[25]. En silence, Averill s'exécute et allume la cigarette.

Accusations de cruauté envers les animaux

L'American Humane Association signale de nombreux actes de cruauté envers les animaux pendant le tournage. Elle dénonce en particulier des poules décapitées, des bœufs saignés pour enduire les acteurs de sang (au lieu d'utiliser du faux sang), un cheval tué à la dynamite, un combat de coqs réel[26]. Le propriétaire d'un des chevaux maltraités a intenté un procès aux producteurs et au réalisateur, signalant un traumatisme physique et comportemental sévère et une défiguration de l'animal[26].

Le film est sur la liste « inacceptable » de l'AHA[26].

Références

Sources

Notes

  1. « Au panthéon des films maudits, La Porte du paradis mérite sans doute la palme. Car ce très long métrage a, d'une part, précipité la faillite de la prestigieuse United Artists et, d'autre part, brisé la carrière de Michael Cimino, un des grands espoirs du cinéma américain. Film maudit donc, sorti en 1979 dans une version amputée de plus d'une heure, démoli par la presse américaine avant d'être rejeté par le public. Une malédiction d'autant plus scandaleuse que, depuis sa reprise en version intégrale, le troisième film de Cimino a conquis un nombre croissant d'admirateurs, dont l'auteur de ces lignes, qui, en toute subjectivité, considère La Porte du paradis comme l'une des sept merveilles du monde cinématographique. »

     Samuel Douhaire, Libération.

  2. « Ce qu'il faut savoir avant de (re)voir La Porte du Paradis ».
  3. Source TF1 News : « La Porte du paradis de Michael Cimino réhabilité à Venise ».
  4. On privilégiera les évènements contenus dans la version director's cut 2012 de 216 min. Les différences avec la version raccourcie à 149 minutes finalement commercialisée en 1980 seront traitées au paragraphe Montages.
  5. « the contact of the educated mind with the noneducated »
  6. « high ideal: the education of a nation »
  7. Contre l'avis radical du studio (l'exécutif du studio, Steven Bach, trouvait qu'elle avait le visage d'une « patate »), Cimino imposa Isabelle Huppert qu'il trouvait « attirante ». Il l'avait vue dans le film de Claude Goretta, La Dentellière cf. Final Cut : Art, Money, and Ego in the Making of Heaven's Gate, the Film That Sank United Artists de Steven Bach.
  8. Dans une interview au sujet de Michael Cimino, Isabelle Huppert confie l’anecdote que le réalisateur l'avait choisie après qu'il a été frappé par l'affiche du film Violette Nozière projeté dans un cinéma à New-York en 1979. Il serait alors entré dans le cinéma pour se renseigner sur cette actrice qui était sur l'affiche mais était totalement inconnue aux États-Unis. Source: Les Inrockuptibles, No.1075 du 6 au 12 juillet 2016 page 21.
  9. Dont 125 personnes ont été placés par le syndicat des éleveurs sur une « liste noire » les condamnant à mort sans procès comme voleurs de bétail et anarchistes.
  10. Pris en flagrant délit par Nathan Champion et tué sans sommation, alors qu'il débitait une bête volée aux éleveurs dans le but d'en nourrir sa famille.
  11. Par ailleurs compositeur de la musique du film.
  12. On le voit particulièrement dans la scène « Danse en patins à roulettes » qui se déroule au Heaven's Gate, la patinoire de Sweetwater.
  13. Un quart de siècle après s'être fait virer en tant qu'extra du plateau de Heaven's Gate (voir la scène du combat de coqs au début du film), Dafoe sera la voix off narrant la débâcle de l'entreprise dans le documentaire de Michael Epstein tourné en 2004 : Final Cut: The Making and Unmaking of Heaven's Gate.
  14. (en) Simon Mayo, Mark Kermode, The Movie Doctors, Canongate Books, , p. 73.
  15. Un reporter freelance, Les Gapay, se fait embaucher comme figurant sur le tournage et raconte les coulisses catastrophiques du film dans les journaux, titrant notamment un de ses articles « Les obsessions d'un perfectionniste ». Cf. (en) Ben Taylor, Apocalypse on the Set. Nine Disastrous Film Productions, The Overlook Press, , p. 57.
  16. (en) Steven Bach, Final Cut. Art, Money, and Ego in the Making of Heaven's Gate, the Film that Sank United Artists, HarperCollins, , p. 17.
  17. Voir sur IMDb.
  18. (en) Peter Biskind, Easy Riders, Raging Bulls: How the Sex-Drugs-and-Rock-'n'-Roll Generation Saved Hollywood, Simon & Schuster, , p. 17.
  19. Suzanne Liandrat-Guigues et Jean-Louis Leutrat, Splendeur du western, Pertuis, Rouge profond, 2007.
  20. Positif no 246, septembre 1981.
  21. N° 1080 du 27 février 2013, p. 12.
  22. La prise où Kris Kristofferson se réveille et lance un coup de fouet sur le maire et ses comparses a été tournée 52 fois. Il reste moins d’une seconde de cette prise dans le montage final.
  23. Voir sur forgottensilver.net.
  24. La Porte du paradis à Venise, le 31 août 2012.
  25. « I'd like a cigarette. »
  26. "Heaven's Gate". American Humane Association.

Annexes

Bibliographie

  • Jean-Baptiste Thoret, Le Cinéma américain des années 1970, éditions des Cahiers du Cinéma, 2006
  • Jean-Baptiste Thoret, « En route avec Michael Cimino » in Cahiers du cinéma,
  • L'Avant-scène cinéma, « dossier Les Portes du Paradis », no 607-608, novembre/décembre 2013, p. 6-181

Documentaire

Article connexe

Liens externes

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