Henri Navarre

Origines familiales

Henri Navarre est le fils d'Octave Navarre, professeur honoraire de grec à la faculté de Toulouse et de Marie Dupuy (1872-1947). Le frère de celle-ci, Charles Dupuy, polytechnicien, est officier d'artillerie. Son grand-père maternel, Henri Dupuy est un enseignant, devenu inspecteur d'académie à Toulouse

Carrière militaire

Première Guerre mondiale

En 1916, Henri Navarre entre à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr promotion 1916-1917 « Des drapeaux et de l’Amitié américaine ». Il est envoyé au front en mai 1917 au 2e régiment de hussards. Le , l’aspirant Henri Navarre, rejoint le 4e escadron avant de prendre le commandement d’un peloton au 2e escadron le 1er novembre de la même année. Nommé sous-lieutenant à titre temporaire () au 2e escadron, il est cité à l’ordre de la 4e Brigade Légère pour son action entre le et le et reçoit la croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze. Détaché pour suivre les cours de la promotion 1916-1917 de St-Cyr dès le , il est finalement rayé des contrôles du 2e régiment de hussards le .

Entre-deux-guerres

De 1919 à 1921, Navarre fait la campagne de Syrie dans un régiment de spahis. Il est affecté en Allemagne dans un régiment de chasseurs à cheval en 1922. En 1927, il entre à l'École supérieure de guerre. Il participe à la pacification du Grand Atlas et du Sud marocain de 1930 à 1934. De 1934 à 1936, il est capitaine au 11e régiment de cuirassiers. Il entre ensuite au Service de Renseignements de l'État-Major de l'Armée dont il dirige la section « allemande » de 1938 à 1940. En 1939, avant l'entrée en guerre, il élabore le projet « Desperado » d'élimination d'Adolf Hitler par un attentat suicide perpétré par un ancien des Brigades internationales[2]. Peu soutenu par son supérieur, le colonel Rivet, ce projet sera refusé par le président du conseil Édouard Daladier[2].

Seconde Guerre mondiale

Après l'Armistice, Navarre poursuit ses activités dans l'Armée d'armistice et est nommé chef du 2e bureau du général Weygand à Alger chargé à la fois du renseignement et du contre-espionnage. Rappelé en 1942 pour ses actions anti-allemandes, il entre alors dans la clandestinité et devient chef du SR de l'ORA. Il participe ensuite à la libération de la France à la tête d'un régiment blindé de la 1re Armée. Il est promu général de brigade en 1945.

Après la guerre

Affecté en Allemagne dès 1945, il occupe différents postes et notamment ceux de commandant de la 5e division blindée et chef d'état-major du maréchal Juin.

Hormis un bref séjour en Algérie où il occupe, de 1948 à 1949, le poste de commandant de la division de Constantine (il fait ainsi la connaissance de René Mayer, le député de Constantine), il reste en Allemagne jusqu'en où il occupe le poste de secrétaire général des forces françaises d'occupation, puis de chef d'état-major du Centre-Europe à compter d'.

Il est nommé général de corps d'armée en 1952.

Indochine

En mai 1953, à la demande expresse du président du Conseil René Mayer et malgré ses réserves[3], Navarre remplace le général Salan au poste de commandant en chef des forces françaises en Indochine. Général peu connu, proche du général Juin, Navarre représente, selon Jean Pouget qui fut son aide de camp en Indochine, "un des types les plus purs du militaire occidental" : "Sa mécanique cérébrale, admirable de précision, formée aux raisonnements glacés des synthèses de renseignements, ne voudrait connaître que les données techniques du problème, les chiffres des besoins, les calendriers d'exécution, car là s'arrête la compétence du commandant en chef."[3]

Navarre est chargé par Mayer de trouver une « sortie honorable » à la guerre. Après une tournée d'inspection sur le terrain, il retourne en juillet à Paris pour proposer un plan.
Après avoir évacué la base de Na San du 7 au , Navarre a l'intention d'adopter une attitude défensive dans le Tonkin avec néanmoins des opérations ponctuelles (« Hirondelle », « Camargue » et « Mouette ») tout en continuant la pacification de la Cochinchine en attendant que l'Armée nationale vietnamienne prenne le relais.

Ses demandes de renforts restent vaines auprès du gouvernement. Pourtant, Navarre se décide à investir la plaine de Dien Bien Phu (opération Castor) et d'y installer un camp retranché destiné à prévenir les attaques du Viet-Minh contre le protectorat du Laos. Cette décision de s'installer dans une plaine entourée de collines est un choix militairement audacieux mais assumé par le général Navarre car ce positionnement dangereux fait partie de sa stratégie et que les moyens à sa disposition ne lui permettent d'envisager que des batailles défensives visant à épuiser des forces ennemies qui sont, à ce stade de la guerre, très organisées et supérieures en hommes et en matériels. Persuadé du bien-fondé de sa stratégie, le général pense qu'en se positionnant à Dien Bien Phu il attirera l'armée viet-minh qu'il pourra vaincre, malgré son positionnement désavantageux, grâce à la supériorité de ses troupes et une bonne préparation à subir un état de siège. L'idée stratégique est donc de tendre un piège à l'armée viet-minh en l'attirant vers une proie d'apparence facile afin de briser son avancée vers le Laos. Bien que préparé et informé de la préparation de l'offensive viet-minh dans les collines encerclant la base française, le général Navarre ne prend pas en compte les renseignements dont il dispose.

L'armée viet-minh, bien préparée (grâce notamment à du matériel chinois et russe) assiège violemment la base française pendant presque deux mois. La bataille de Diên Biên Phu est un échec complet pour l'armée française, prise à son propre piège. En , il lance l'opération « Atlante » en Centre-Annam pour éliminer les unités militaires du Viêt-Minh et permettre aux forces du régime de l'empereur Bảo Đại de prendre le contrôle politique et administratif de cette zone.

Considéré comme le principal responsable de la chute de Dien Bien Phû, d'autant qu'il a maintenu l'opération « Atlante » pendant toute la bataille (-), Navarre est remplacé le , avec le général Salan comme adjoint militaire, par le général Ély, nommé haut commissaire en Indochine, car il remplace aussi le haut commissaire Dejean.

En 1956, Navarre fait valoir ses droits à la retraite. La même année, il publie son livre Agonie de l'Indochine dans lequel il justifie son action en Indochine et rend la classe politique responsable de la défaite.

Distinctions

Ouvrages

  • Agonie de l'Indochine (1953-1954), édition Plon, 1956, 348 p. (ASIN B0014R8FRS)
  • Le Service de Renseignements (1871-1944), édition Plon, 1978 (ISBN 2-259-00416-4) (coécrit avec un groupe d'anciens membres du SR)
  • Le Temps des Vérités (1940-1954), édition Plon, 1979, 461 p. (ISBN 2-259-00442-3 et 978-2259004428)

Bibliographie

  • Encyclopedia of the Vietnam War, ed. Spencer Tucker, s.v. « Navarre, Henri Eugene »
  • Jacques Dalloz, Dictionnaire de la guerre d'Indochine, Armand Colin, 2006, 282 p. (ISBN 2-200-26925-0 et 978-2200269258)
  • René Bail et Raymond Muelle, Guerre d'Indochine, Trésor du patrimoine, 2004 (ISBN 2-912511-27-5 et 978-2912511270)
  • Jean Pouget, Nous étions à Diên-Biên-Phu, Presses de la Cité, 1964

Notes et références

  1. Archives en ligne de Paris 5e, année 1983, acte de décès no 395, cote 5D 324, vue 7/31
  2. "Et si la France avait éliminé Adolf Hitler", Le Point no 2043 du 10 novembre 2011.
  3. Jean Pouget, Nous étions à Diên-Biên-Phu, Presses de la Cité, , p. 49
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