Histoire de l'éducation au Japon

L'histoire de l'éducation au Japon remonte au moins au VIe siècle quand l'étude du chinois est introduite à la cour de Yamato. Les civilisations étrangères ont souvent fourni de nouvelles idées pour le développement de la culture du Japon.

Exercices dans une école de filles au Japon en 1911

Du VIe siècle au XVe siècle

L'enseignement et les idées chinoises pénètrent le Japon à partir du VIe siècle jusqu'au IXe siècle. Parallèlement à l'introduction du bouddhisme au Japon, arrivent le système d'écriture chinois et sa tradition littéraire ainsi que le confucianisme.

Au IXe siècle, Heian-kyō (l'actuelle Kyoto), la capitale impériale, dispose de cinq établissements d'enseignement supérieur, et pendant le reste de l'époque de Heian, d'autres écoles sont établies par la noblesse et la cour impériale. Au cours de la période médiévale (1185-1600), les monastères bouddhistes zen sont des centres d'enseignement particulièrement importants, et l’école Ashikaga, Ashikaga gakkō, prospère au XVe siècle comme centre d'enseignement supérieur.

XVIe siècle

Au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, les contacts du Japon avec les grandes puissances européennes sont intenses. Les missionnaires jésuites qui accompagnent les commerçants portugais, prêchent le christianisme et ouvrent un certain nombre d'écoles religieuses. Les étudiants japonais commencent ainsi à étudier le latin et la musique classique occidentale comme leur propre langue.

voir Époque du commerce Nanban

Époque d'Edo

L'unification du Japon s'opère par le shogunat Tokugawa (1600–1867) et l'académie néo-confucéenne, le Yushima Seidō à Edo est la principale institution éducative de l'État. Son siège administratif est appelé Daigaku-no-kami en tant que tête de l'école de formation Tokugawa pour les bureaucrates du shogunat[1],[2].

Lorsque commence la période Tokugawa, peu de gens du commun au Japon savent lire ou écrire. À la fin de cette même période, l'enseignement s'est généralisé. L'éducation Tokugawa laisse un précieux héritage : une population de plus en plus lettrée, une idéologie de la méritocratie et l'accent mis sur la discipline et la performance compétente. Sous la direction Meiji qui suit, cette solide fondation facilite la rapide transition du Japon de pays à la société féodale en nation qui se modernise[3].

Au cours de la période Tokugawa, le rôle d'un grand nombre de bushi, ou samouraï, passe de guerrier à bureaucrate du gouvernement et par conséquent, leur éducation formelle et leur niveau d'alphabétisation augmentent proportionnellement. Les programmes d'études des samouraï mettent l'accent sur la moralité et comprennent une formation militaire aussi bien que littéraire. Les Classiques chinois sont mémorisés et leur lecture et leur récitation sont des méthodes courantes d'étude. L'arithmétique et la calligraphie font aussi partie de la formation. La plupart des samouraï fréquentent des écoles parrainées par leur han (domaine) et à l'époque de la restauration de Meiji de 1868, plus de 200 des 276 han ont établi des écoles, appelées écoles han. Quelques samouraï et même des gens du peuple fréquentent aussi des académies privées qui se spécialisent souvent sur des thèmes japonais spécifiques, sur la médecine occidentale, la science militaire moderne, l'artillerie ou le rangaku études hollandaises ») comme sont appelées les études européennes.

L'éducation des roturiers est généralement orientée vers la pratique, la formation de base en lecture, écriture et arithmétique, en insistant sur la calligraphie et l'utilisation du boulier. Une grande partie de cette formation est menée dans les écoles des temples dites terakoya, dérivées de précédentes écoles bouddhistes. Ces écoles ne sont plus des institutions religieuses, et ne sont plus, en 1867, principalement situées dans les temples. À la fin de la période Tokugawa, il existe plus de 11 000 de ces écoles, fréquentées par 750 000 élèves. Les techniques d'enseignement consistent à lire différents manuels, à mémoriser, à se servir d'abaques et à copier régulièrement des sinogrammes et des écrits japonais.

L'enseignement public est fourni aux samouraïs tandis que les gens ordinaires enseignent les rudiments à leurs propres enfants ou unissent leurs efforts pour embaucher un jeune professeur. Dans les années 1860, 40 % à 50 % des garçons japonais et 15 % des filles ont fréquenté l'école en dehors de la maison. Ces taux sont comparables aux grandes nations européennes à l'époque (hormis l'Allemagne où la scolarité est obligatoire)[4].

Ère Meiji

voir Système éducatif de l'empire du Japon.

Après 1868, une nouvelle direction entraîne le Japon dans une course rapide à la modernisation. Les dirigeants Meiji mettent en place un système d'éducation publique pour aider le Japon à rattraper l'Occident et à former une nation moderne. Des missions comme la mission Iwakura sont envoyées à l'étranger pour étudier les systèmes éducatifs des principaux pays occidentaux. Elles en reviennent avec des idées de décentralisation, de commissions scolaires locales et d'autonomie des enseignants. De telles idées et d'ambitieux plans initiaux s'avèrent cependant très difficiles à réaliser. Après quelques essais et erreurs, un nouveau système d'éducation nationale apparaît. À titre d'indication de son succès, les inscriptions dans les écoles primaires grimpent d'environ 40 ou 50 pour cent de la population d'âge scolaire dans les années 1870 à plus de 90 pour cent en 1900, malgré les fortes protestations du public, en particulier contre les frais de scolarité.

Un concept moderne de l'enfance émerge au Japon après 1850 dans le cadre de son engagement avec l'Occident. Les dirigeants de l'ère Meiji décident que l'État-nation a le rôle principal dans la mobilisation des individus - et des enfants - au service de l’État. L'école de type occidental est présentée comme l'agent pour atteindre cet objectif. Dans les années 1890, les écoles sont à l'origine de nouvelles sensibilités concernant l'enfance[5]. Après 1890, le Japon possède de nombreux réformateurs, des experts de l'enfance, des éditeurs de magazines et des mères bien éduquées qui adhèrent à cette nouvelle mentalité. Ils enseignent à la classe moyenne supérieure un modèle de l'enfance qui inclut que les enfants disposent de leur propre espace où ils lisent des livres pour enfants, jouent avec des jouets éducatifs et, en particulier, consacrent énormément de temps à leurs devoirs. Ces idées se diffusent rapidement dans toutes les classes sociales[6],[7].

Après 1870 les manuels scolaires fondés sur l'éthique confucéenne sont remplacés par des textes occidentaux. Cependant dans les années 1890, après une période initiale d'intense préoccupation avec l'Occident, avec en particulier les idées pédagogiques américaines, une approche plus autoritaire est imposée. Les préceptes traditionnels confucéens et shintoïstes sont à nouveau mis en avant, en particulier ceux relatifs au caractère hiérarchique des relations humaines, au service dû au nouvel État, à la poursuite de la formation et de la moralité. Ces idéaux, incarnés dans les années 1890 par le rescrit impérial sur l'éducation, ainsi que le contrôle très centralisé du gouvernement sur l'éducation, guident largement l'éducation au Japon jusqu'en 1945, quand ils sont massivement désavoués[8].

Période d'avant-guerre

Au début du XXe siècle, l'éducation au niveau primaire est égalitaire et quasi-universelle, mais à des niveaux plus élevés, elle est très diversifiée, très sélective et élitiste. L'éducation après le lycée est largement limitée aux sept Universités impériales où l'influence allemande est forte. Trois des universités impériales admettent les femmes, et il existe un certain nombre de collèges de femmes, dont certains très prestigieux, mais les femmes ont peu d'occasions d'entrer dans l'enseignement supérieur. Durant cette période, un certain nombre d'universités sont fondées par des missionnaires chrétiens, lesquels jouent également un rôle actif dans le développement des possibilités d'éducation pour les femmes, en particulier au niveau secondaire

Après 1919, plusieurs universités privées reçoivent un statut officiel et obtiennent la reconnaissance du gouvernement pour les programmes qu'elles ont menés, dans de nombreux cas, depuis les années 1880. Dans les années 1920, la tradition de l'éducation libérale réapparaît brièvement, en particulier au niveau de la maternelle où la pédagogie Montessori connaît un certain succès. Dans les années 1930, l'éducation suivant le directives de Sadao Araki est l'objet d'une forte influence militaire et nationaliste.

Période de l'Occupation

En 1945, le système éducatif japonais est dévasté et la défaite apporte le discrédit sur l'essentiel de la pensée d'avant-guerre. Une nouvelle vague d'idées étrangères est introduite au cours de la période d'après-guerre de l'Occupation du Japon.

Les décideurs politiques de l'occupation et de la mission d'éducation des États-Unis (mise en place en 1946), mettent en œuvre un certain nombre de changements visant à démocratiser l'éducation au Japon : institution de la structure à six-trois-trois années (six ans d'école primaire, trois de premier cycle du secondaire et trois d'enseignement secondaire supérieur) et extension de la scolarité obligatoire à neuf ans. Ils remplacent le système d'écoles secondaires supérieures d'avant guerre par un ensemble complet de lycées. Les programmes et les manuels sont révisés, les cours de morale nationalistes sont abolis et remplacés par des cours d'éducation civique, les conseils scolaires élus localement sont introduits et les syndicats d'enseignants du Japon établis.

Avec l'abolition du système de l'enseignement supérieur élitiste et une augmentation du nombre d'établissements d'enseignement supérieur, les possibilités d'accès à l'enseignement supérieur augmentent. L'expansion est réalisée initialement par l'octroi à un certain nombre d'instituts techniques, d'écoles normales et d'écoles secondaires spécialisées du statut d’université ou de junior college.

Période post-occupation

Après la restauration de la souveraineté nationale pleine et entière en 1952, le Japon commence immédiatement à modifier certains des changements en matière d'éducation, afin de refléter les idées japonaises sur l'éducation et l'administration scolaire. Le ministère de l'éducation d'après-guerre recouvre une grande partie de son pouvoir. Les conseils scolaires sont nommés au lieu d'être élus. Un cours d'éducation morale est rétabli sous une forme modifiée, en dépit de l'importante préoccupation initiale que cela conduirait à un renouvellement de nationalisme exacerbé. La période post-occupation est également témoin d'un élargissement significatif des possibilités d'éducation. De 1945 à 1975, la proportion de jeunes diplômés du secondaire qui sont allés à l'école secondaire augmente considérablement, passant de 42,5 % en 1950 à 91,9 % en 1975[9].

Dans les années 1960, la reprise d'après-guerre et l'accélération de la croissance économique entraînent de nouvelles exigences d'extension des études supérieures. Mais à mesure que croît l'attente d'une amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur, les coûts de celui-ci augmentent également. D'une façon générale, les années 1960 sont une période de grande turbulence dans l'enseignement supérieur. Vers la fin de la décennie en particulier, les universités du Japon sont secouées par de violentes émeutes étudiantes qui bouleversent de nombreux campus. Les troubles universitaires se trouvent au confluent d'un certain nombre de facteurs, dont le mouvement anti-guerre du Vietnam au Japon, les différences idéologiques entre les différents groupes d'étudiants japonais, les différends sur des questions de campus comme la discipline, les grèves d'étudiants et l'insatisfaction générale proprement dite avec le système universitaire lui-même.

Le gouvernement répond avec la loi de mesures provisoires concernant la gestion des universités en 1969 et, dans les années 1970, avec d'autres réformes de l'éducation. De nouvelles lois régissent la création de nouvelles universités et la rémunération des enseignants et les programmes d'études des écoles publiques sont révisés. Les établissements d'enseignement privés commencent à recevoir des aides publiques, et un examen normalisé national d'entrée à l'université est ajouté pour les universités nationales. Par ailleurs, un profond désaccord s'établit entre le gouvernement et les groupes d'enseignants au cours de cette période.

Malgré les nombreux changements éducatifs survenus au Japon depuis 1868, et surtout depuis 1945, le système éducatif reflète encore des idées culturelles et philosophiques de longue date : l'apprentissage et l'éducation sont estimés et doivent être poursuivis sérieusement, et le développement du caractère et de la moralité font partie intégrante de l'éducation. L'héritage méritocratique de l'ère Meiji perdure, tout comme la structure centralisée de l'enseignement. L'intérêt pour adapter les idées et les méthodes étrangères aux traditions japonaises et pour l'amélioration du système en général reste constant.

Années 1980

En dépit de la réussite du système éducatif depuis la Seconde Guerre mondiale, des problèmes subsistent dans les années 1980. Certaines de ces difficultés perçues par les observateurs nationaux et étrangers incluent rigidité, excessive uniformité, manque de choix, influences indésirables des examens d'entrée à l'Université (nyugaku shiken 入学試験) et importance exagérée mise sur les diplômes officiels. Existe aussi la conviction que l'éducation est responsable de certains problèmes sociaux et des problèmes généraux universitaires, comportementaux et d'adaptation de certains élèves. Il y a aussi une grande préoccupation que l'éducation japonaise répondre aux nouvelles exigences internationales causées par les défis du monde changeant du XXIe siècle.

Flexibilité, créativité, internationalisation (kokusaika 国際化), individualisme et diversité sont ainsi devenus les maîtres-mots du mouvement japonais de réforme de l'éducation mémorable des années 1980, même si ce sont des écho de thèmes entendus plus tôt, en particulier dans les années 1970. Les propositions et les changements potentiels dans les années 1980 sont si importants qu'ils ont été comparés aux changements éducatifs qui ont eu lieu lorsque le Japon s'est ouvert à l'Occident au XIXe siècle et à ceux de la période de l'Occupation (1945 - 1952).

Les préoccupations du nouveau mouvement de réforme sont exposées dans une série de rapports publiés entre 1985 et 1987 par le Conseil national de réforme de l'éducation mis en place par le premier ministre Yasuhiro Nakasone. Le rapport final présente les orientations fondamentales en réponse à l'internationalisation de l'éducation, aux nouvelles technologies de l'information et des médias et met l'accent sur l'individualité, l'apprentissage continu et l'adaptation au changement social. Pour explorer ces nouvelles orientations, le Conseil suggère que huit sujets spécifiques soient pris en compte :

  • la conception de l'éducation pour le XXIe siècle;
  • l'organisation d'un système d'apprentissage continu et la réduction de l'accent mis sur le niveau d'instruction des individus;
  • l'amélioration et la diversification de l'enseignement supérieur;
  • l'enrichissement et la diversification de l'enseignement primaire et secondaire;
  • l'amélioration de la qualité des enseignants;
  • l'adaptation à l'internationalisation;
  • l'adaptation à l'ère de l'information et
  • l'examen de l'administration et des finances de l'éducation.

Ces sujets reflètent à la fois les aspects éducatifs et sociaux de la réforme, en accord avec le point de vue japonais sur la relation entre l'éducation et la société. Alors même que se tenait le débat sur la réforme, le gouvernement a rapidement commencé la mise en œuvre des changements dans la plupart de ces huit domaines. Ces réformes ont été appliquées et même si la plupart ont oublié le travail effectué par le conseil de réforme dans les années 1980, le contenu de nombreux changements remonte à cette époque.

Histoire de l'éducation des femmes

L'éducation pour les femmes, souvent soumises à des contraintes, est une question aussi ancienne que l'époque de Heian il y a plus d'un millier d'années. Mais à l'époque Sengoku il est clairement affirmé que les femmes doivent être éduquées pour défendre le pays quand leurs maris sont morts. Le Dit du Genji est écrit par une femme bien éduquée de la période de Heian et les écrits de femmes fleurissent tout au long de l'histoire du Japon. Cependant, Chika Kuroda est la première femme diplômée du baccalauréat ès sciences qu'elle obtient, en 1916, de Université du Tōhoku.

Voir aussi

Sources

  • De Bary, William Theodore, et al. eds. Sources of Japanese Tradition, Vol. 2. (2005). (ISBN 0-23112984-X et 978-0-23112984-8); OCLC 255020415
  • Kelly, Boyd. (1999). Encyclopedia of Historians and Historical Writing, Vol. 1. London: Taylor & Francis. (ISBN 1-884-96433-8 et 978-1-884-96433-6)
  • Passin, Herbert. Society & Education in Japan (1965)
  • Saito, Hiro. "Cosmopolitan Nation-Building: The Institutional Contradiction and Politics of Postwar Japanese Education", Social Science Japan Journal, Summer 2011, Vol. 14 Issue 2, p. 125–44
  • Yamasaki, Yoko. "The impact of Western progressive educational ideas in Japan: 1868–1940," History of Education, Sept 2010, Vol. 39 Issue 5, p. 575–88

Notes et références

  1. Kelly, Boyd. (1999). Encyclopedia of Historians and Historical Writing, Vol. 1, p. 522.
  2. De Bary, William et al. (2005). Sources of Japanese Tradition, Vol. 2, p. 69.
  3. R. P. Dore, The Legacy of Tokugawa Education", in Marius B. Jansen, ed., Changing Japanese attitudes toward modernization (1965) p. 99–131
  4. Bryon K. Marshall, "Universal Social Dilemmas and Japanese Educational History: The Writings of R. P. Dore, History of Education Quarterly, (1972) 12#1 p. 97–106 in JSTOR
  5. Brian Platt, « Japanese Childhood, Modern Childhood: The Nation-State, the School, and 19th-Century Globalization », Journal of Social History, Summer 2005, Vol. 38 Issue 4, p. 965–85
  6. Kathleen S. Uno, Passages to Modernity: Motherhood, Childhood, and Social Reform in Early Twentieth Century Japan (1999)
  7. Mark Jones, Children as Treasures: Childhood and the Middle Class in Early Twentieth Century Japan (2010)
  8. David S. Nivison and Arthur F. Wright, eds. Confucianism in action (1959) p. 302
  9. (en) James W Morley (éditeur), Driven by Growth: Political Change in the Asia-Pacific Region.
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