Musique classique

La musique classique désigne, pour le grand public, l'ensemble de la musique occidentale appelée « savante » par distinction avec la musique populaire, à partir de la musique médiévale et jusqu'à nos jours.

Une vingtaine de compositeurs de musique classique, parmi les plus importants couvrant la période du XVIIIe au XXe siècle.
(De gauche à droite, de haut en bas :
1re rangéeAntonio Vivaldi, Jean-Sébastien Bach, Georg Friedrich Haendel, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven
2e rangéeGioachino Rossini, Felix Mendelssohn, Frédéric Chopin, Richard Wagner, Giuseppe Verdi
3e rangéeJohann Strauss II, Johannes Brahms, Georges Bizet, Piotr Ilitch Tchaïkovski, Antonín Dvořák
4e rangéeEdvard Grieg, Edward Elgar, Sergueï Rachmaninov, George Gershwin, Aram Khatchatourian.)

Si une ambiguïté persiste dans la définition de ce que représente la musique classique, elle est due à l'usage systématique (et sans doute impropre) de l'adjectif « classique », qui sert également à définir une période spécifique de la musique savante occidentale, dont les oeuvres datent d'entre 1750 (date de la mort de Bach) et les années 1820 (voir Classicisme et Musique de la période dite classique). On inclut ainsi dans le terme de « musique classique », dans le langage commun, l'ensemble des traditions écrites de la musique occidentale, à partir des chants grégoriens ou du système écrit de Guido d'Arezzo jusqu'aux différentes avant-gardes expérimentées depuis 1945, allant de Pierre Boulez à Thomas Adès.

Le terme de « musique classique » est marqué d'une compréhension à deux niveaux. Il semble englober en son sein :

  • Les musiques considérées comme nobles, solennelles ou vouées à des franges dominantes de la société (en témoignent l'acceptation en son sein des chants liturgiques et, plus généralement, des harmonies jugées complexes en opposition avec une monodie plus « populaire »), qui semblent réservées à certaines salles de concert prestigieuses et certains instruments particuliers, et sont issues d'un héritage généralement voué aux classes supérieures.
  • Les musiques qui présupposeraient une érudition et un apprentissage particulier, souvent dispensé dans les écoles de musique et les conservatoires, qu'il s'agisse d'un apprentissage pratique des instruments-phares (piano, violon, violoncelle) ou d'un apprentissage des matières théoriques (formation musicale, écriture, harmonie ou analyse).

Une autre manière de distinguer la musique « classique » est d'évoquer l'importance de la tradition écrite dans son déroulement à travers les siècles : cette particularité du mode d'expression musical est moins présente dans l'expression des musiques populaires ou traditionnelles, notamment de la musique dite « légère ».

Définition

L'acceptation du terme de musique "classique" correspond de nos jours à une synecdoque généralisée : on entend par "musique classique" l'ensemble des musiques savantes composées depuis le Moyen-Âge, mais le terme se confond avec un adjectif qui, du point de vue musicologique, fait conventionnellement référence au « classicisme »[1], période souvent considérée comme la plus représentative du genre par le grand public. Si l'utilisation du terme de "musique savante" permettrait d'évoquer la complexité de cette musique en comparaison aux musiques populaires tout en rappelant que ce genre continue d'évoluer encore aujourd'hui, le terme de "musique classique" reste le plus populaire, et est automatiquement assimilé à des oeuvres comme Les Quatre Saisons de Vivaldi, ou aux compositions de Bach, Mozart ou Beethoven.

Dans les faits, et tel que le genre est défini dans les écoles de musiques et conservatoires, la musique "classique" rassemble toutes les musiques savantes occidentales transmises par des partitions (à la différence des musiques populaires et traditionnelles qui se transmettent le plus souvent par l'oral), à partir des chants monodiques, avec le système tonal et, par la suite, avec les systèmes atonal, modal, polytonal ou dodécaphonique.

L'utilisation du terme de musique classique est plutôt récente, et on suggère que l’expansion de l'industrie musicale de la seconde moitié de XXe siècle est à l’origine du changement de terminologie : l'adjectif « classique » remplace l'adjectif « savante » utilisé auparavant, afin de rompre avec la perception des pratiques liées à ce genre musical[2].

Musique classique et musique populaire

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) est peut-être le plus connu des compositeurs de musique classique. Son immense notoriété entretient la confusion entre les termes « musique classique », au sens de musique savante occidentale et « musique de la période classique ».

Pour définir la musique classique, qui est d'ordinaire considérée comme "savante", "sérieuse" ou "grande", il faudrait pouvoir la confronter à une musique qui n'entrerait dans aucun de ces trois adjectifs ; or, si on a souvent opposé musique savante et musique populaire, la frontière qui délimite leurs deux champs se trouve souvent être mince. La musique classique s'inspire souvent de thèmes populaires (on peut penser, au XVIIIe siècle, au concerto comique de Michel Corrette La servante au bon tabac qui s'inspire du thème populaire J'ai du bon tabac (1733), ou de façon bien plus renommée, à l'appropriation du thème Ah ! vous dirai-je, maman dans les variations de Mozart (1781/1782)), mais les thèmes classiques les plus renommés finissent souvent par entrer dans la postérité grâce à une réappropriation populaire (par exemple, dans l'utilisation du chœur Va, pensiero de Nabucco par les révolutionnaires italiens lors du Risorgimento, ou bien, et c'est encore le cas dans les stades de football, dans l'utilisation fréquente de la « Marche triomphale » d'Aïda du même Verdi pour des chants de supporters (comme dans les travées du FC Nantes ou des Girondins de Bordeaux).

La trajectoire de la musique classique trouve son origine tant dans le chant grégorien que de la musique profane des troubadours et trouvères médiévaux. Les musiciens sont d'abord des nobles, puis des « bourgeois », éclairés, cultivés, et pratiquant donc un art de la composition que l'on ne peut pas qualifier de populaire, car rarement adressé au peuple. L'art des troubadours et des trouvères n'est pas donc pas à confondre avec les « ménestrels », musiciens ambulants populaires, formés dans les nombreuses écoles de « ménestrandie », ancêtres des académies et conservatoires actuels. Dès les débuts, la distinction entre « populaire » et « savant » est complexe, et la preuve en est que la différence entre ménestrels et troubadours-trouvères est presque tout à fait oubliée de nos jours. Inversement, la musique de variété du XXe siècle se base en grande majorité sur le système tonal, introduit progressivement à partir de la musique baroque à l'aube du XVIIe siècle, et sur la gamme tempérée (établie à la fin du XVIIIe siècle). Les connexions entre les deux grandes familles de la musique européenne sont donc nombreuses, ce qui rend d'autant plus flou le terme de musique classique.

Cet entremêlement dans les faits permet donc à certains penseurs de considérer la différence entre musique classique et musique populaire comme essentiellement sociale (classique vient du latin classicus signifiant « citoyen de la première classe ») : le genre "musique classique" ne décrirait pas la musique elle-même, mais ceux qui l’écoutent. Selon le musicologue Régis Chesneau, cette appellation ne décrirait donc pas une esthétique mais des contingences sociales[3]. Mais, malgré cette analyse, l'opinion commune continue à identifier la musique "classique" de façon assez claire : le terme désigne de nos jours des œuvres souvent datées d'au moins un siècle, transmises à l'écrit par des partitions, et qui exigent une écoute « attentive ». Le degré de raffinement et d'éducation nécessaire pour écouter de la musique classique serait décisif : ainsi, le décorum des concerts de musique classique se distingue par l'absence de communication entre les interprètes et la musique en comparaison avec les musiques populaires : rares sont [pour le public] les occasions de danser ou chanter durant un concert « classique »[4].

Plus généralement, et d'un point de vue plus étymologique, on peut considérer que l'adjectif « classique » a été appliqué sur la musique "savante" tel qu'il était employé pour la littérature (il apparaît pour la première fois dans le dictionnaire de l’Académie française de 1694) et qui désigne ainsi et exclusivement « un auteur ancien fort approuvé et qui fait autorité dans la matière qu’il traite ». L'autorité acquise par ces auteurs classiques (souvent les antiques grecs et romains) avec le temps, en faisait des modèles pour les créateurs des XVIIe et XVIIIe, et cette relation particulière qu'entretenaient les auteurs comme Ronsard et Racine avec des poètes comme Virgile et Sophocle pourrait peut-être se retrouver dans la relation entre l'opinion commune et les oeuvres de Mozart ou Beethoven.

Le problème de l'interprétation

Outre l'emploi conscient de techniques musicales et d'une organisation formelle hautement développées, c'est probablement l'existence d'un répertoire qui différencie le plus sûrement la musique classique de la musique populaire, et ce, depuis le début de la Renaissance. La musique d'essence populaire est peu ou pas écrite, oralement transmise, ce qui limite la constitution d'un répertoire fixé dans un temps long, d'autant plus que l'action d'écouter de la musique du passé est relativement récente. La tradition musicale savante différencie l'interprète du compositeur, qui écrit ses œuvres non seulement pour lui, mais éventuellement aussi (ou exclusivement parfois) pour d'autres musiciens, alors eux-mêmes vecteurs pour atteindre l'auditeur. La musique populaire serait ainsi ancrée dans son époque, mais n'y survivrait que difficilement, tandis que la musique classique est conçue pour résister à l'épreuve du temps à travers des générations d'interprètes et d'analystes (musicologues) par le biais de partitions très complètement notées.

La musique classique disposerait donc de ce que Nicholas Cook a appelé un « capital esthétique »[5], c’est-à-dire un répertoire, de par la distinction entre interprète et compositeur, tandis que la musique populaire serait écrite pour ou par un musicien ou un groupe de musiciens pour lui-même[6],[7].

Beethoven et la naissance du répertoire

Ludwig van Beethoven est l'une des figures les plus marquantes de la musique savante occidentale.

Toujours d'après Nicholas Cook, la conception de la musique dont notre époque a hérité date du XIXe siècle, et tient principalement au personnage de Ludwig van Beethoven[8]. La notion de répertoire, de « musée musical » dont Liszt réclamera la fondation en 1835 en tant qu'institution, n'existait absolument pas avant l'ère romantique. Ainsi, des compositeurs tels que Jean-Philippe Rameau, Jean-Sébastien Bach ou Joseph Haydn écrivaient leurs œuvres pour une occasion précise (la messe du dimanche ou le dîner du prince Esterházy par exemple), et tout donne à croire qu'aucun d'entre eux ne s'attendait à voir ses ouvrages passer à la postérité. L'un des exemples fameux est la Passion selon saint Matthieu, dont l'exécution en 1829 par Felix Mendelssohn était la première depuis la création de l'œuvre, cent ans plus tôt. De même, on sait avec assez de certitude qu'une fraction importante de leur œuvre nous est inconnue (seules 126 des 200 cantates que Bach écrivit à Leipzig nous sont parvenues).

Ces compositeurs réutilisaient souvent le matériel d'une œuvre pour l'écriture d'une autre selon le procédé du pastiche (Liste de réutilisations d'œuvres de musique classique). Ainsi l'intégralité du premier Concerto brandebourgeois de Johann Sebastian Bach se retrouve-t-elle dans les cantates BWV 52 et BWV 207 et la Sinfonia BWV 1071 ; ses 8 concertos pour clavecin sont des arrangements d'œuvres plus anciennes ; sa Messe en si mineur est composée pour l'essentiel de pages puisées dans différents ouvrages antérieurs.

Ce que souligne en outre Nicholas Cook, c'est que le terme de musique classique a été créé pour désigner justement les œuvres de ce musée musical imaginaire, musée qui n'existait pas avant le XIXe siècle[9]. La notion de musique classique aurait donc été formée a posteriori de la moitié de la musique qu'elle est censée désigner et serait donc plus que sujette à caution. L'avènement de ce musée musical fut contemporain de l'ouverture des musées d'arts plastiques ou de sciences naturelles.

Influence

Périodes baroque et classique

La musique populaire a eu une grande influence dans l'histoire de la musique sur la musique classique. La musique baroque utilise et réinvente des danses populaires telles que la chaconne, la gigue, la gavotte, le menuet, éléments incorporés à la suite de danses, établissant des rapports étroits avec la musique populaire. En France, les organistes adoptent les mélodies traditionnelles des chants de Noël pour en faire un genre très apprécié : le Noël varié. C'est aussi la vogue des tambourins, rigaudons, musettes que l'on retrouve tant dans la musique instrumentale que dans la tragédie lyrique ou les pastorales, par exemple chez Rameau. La musique pour clavecin de Domenico Scarlatti incorpore toute une tradition musicale populaire ibérique, et Georg Philipp Telemann, musicien fécond et éclectique, subit de même le charme des airs de la Pologne récemment réunie à la Saxe. Même Bach dans ses suites, n'ignore ni la bourrée, ni la polonaise. Plus tard au cours du XVIIIe siècle, des compositeurs classiques comme Joseph Haydn tirent parti de la musique et de thèmes campagnards.

XIXe siècle

Lorsque s'éveille au XIXe siècle le nationalisme, le panorama musical européen s'en trouve bouleversé. La musique devient un moyen d'exprimer une identité nationale, opprimée ou triomphante. Des compositeurs comme Edvard Grieg ou Antonín Dvořák, qui, utilisant les thèmes folkloriques des campagnes norvégiennes ou tchèques, ont grandement contribué à forger une conscience nationale dans leurs patries respectives. Les Danses hongroises de Johannes Brahms, les Polonaises de Frédéric Chopin sont parmi les exemples les plus célèbres, mais toute la musique de compositeurs comme Leoš Janáček, Franz Liszt, Henryk Wieniawski ou Sergueï Rachmaninov est profondément marquée par leurs folklores nationaux, contribuant à créer un style propre et aisément reconnaissable à chaque nation, à chaque peuple.

XXe siècle

De gauche à droite : première rangée Claude Debussy, Gustav Mahler et Serge Prokofiev ; deuxième rangée Maurice Ravel, Jean Sibelius et Igor Stravinsky ; troisième rangée : Leoš Janáček, Béla Bartók et Dmitri Chostakovitch.

Il ne s'agit alors que de s'inspirer de thèmes et mélodies folkloriques et de les utiliser dans un contexte éminemment romantique. Plus tard, d'autres compositeurs comme Béla Bartók ou Georges Enesco poussent l'expérience beaucoup plus loin, bâtissant leur langage original sur la musique des villages hongrois et roumains.

En outre, l'apport de musiques telles que le jazz ou le blues a marqué des compositeurs comme Maurice Ravel ou George Gershwin... De près ou de loin, presque toute la musique savante du XXe siècle est influencée par les différents styles populaires.

Notes et références

  1. Cette définition est considérée comme abusive par Jean-François Paillard, qui situe la musique française classique entre 1600 et la mort de Jean-Philippe Rameau (en assimilant le terme "classique" qu'on applique, dans la littérature et des arts, à la période de Louis XIV, à la musique qu'on considère d'ordinaire comme appartenant à la période "baroque"). La définition admise de la musique de la période classique s'appuie donc moins sur l'école française que sur la musique germanique et son école musicologique (notamment Haydn, Mozart et Beethoven, trois figures de proue du classicisme viennois, aussi appelé "Première école de Vienne"), qui a porté diverses élaborations formelles très reconnaissables, parmi lesquelles la forme sonate et ses dérivées. (Source : Jean-François Paillard, La Musique française classique, PUF, 1969).
  2. Nathalie Moller, « Pourquoi dit-on de la musique qu’elle est “classique” ? », sur France Musique, (consulté le ).
  3. Chesneau 2019.
  4. https://www.francemusique.fr/musique-classique/pourquoi-dit-de-la-musique-qu-elle-est-classique-31244
  5. Cook 2006, p. 25.
  6. Ce serait la différence entre musiciens pop et musiciens rock, formulée par Nicholas Cook comme suit : « Les musiciens rocks se produisent en concert, créent leur propre musique et forgent leur identité […]. Les musiciens pop au contraire sont les marionnettes de l'industrie musicale […] interprétant une musique composée et arrangée par d'autres. » Cook souligne la grossièreté d'une telle assertion. Cook 2006, p. 20.
  7. Les reprises de chansons de variété dont certains artistes comme Johnny Hallyday se sont fait une spécialité oblige néanmoins à nuancer le propos. De fait, on est parfois bien obligé de parler d'un répertoire pop-rock.
  8. Cook 2006, p. 32. « Le culte de Beethoven […] est un (ou peut-être le) pilier central de la culture musicale classique. Il n'est pas étonnant que la plupart des idées les plus inhérentes à notre conception de la musique aient leurs racines dans celles qui foisonnèrent lorsque fut reçue la musique de Beethoven. »
  9. Cook 2006, p. 38. « Depuis l'époque de Beethoven, il est devenu normal de s'attendre à ce que la grande musique continue d'être interprétée bien après la mort du compositeur ; c'est tout le sens ou presque du mot « grande ». Mais avant cette époque, c'était au contraire l'exception. […] Et alors naissait le musée musical, […] le terme « musique classique » devint monnaie courante. »

Voir aussi

Bibliographie

Article connexe

Liens externes

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