Homosexualité en Inde
Les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) en Inde ont évolué ces dernières années. Cependant, les citoyens LGBT indiens sont confrontés à certaines difficultés sociales et juridiques que ne connaissent pas les personnes non LGBT. Le pays a abrogé ses lois de l'ère coloniale, qui discriminaient directement les identités homosexuelles et transgenres et ont également réinterprété l'article 15 de la Constitution pour interdire la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre. Mais de nombreuses protections juridiques n'existent pas, par exemple le mariage homosexuel. Les personnes transgenres sont autorisées à changer de sexe après une chirurgie de réassignation sexuelle en vertu de la législation adoptée en 2019, et ont le droit constitutionnel de s'inscrire sous un troisième sexe. En outre, certains États protègent les hijras, une population traditionnelle du troisième sexe en Asie du Sud, par le biais de programmes de logements, et offrent des prestations sociales, des régimes de retraite, des[Quoi ?] dans les hôpitaux publics ainsi que d'autres programmes conçus pour les soutenir. Il y a environ Modèle:Lakh[pas clair] personnes transgenres en Inde. En 2018, dans la décision historique Navtej Singh Johar v. Union of India, la Cour suprême de l'Inde dépénalise les rapports homosexuels consensuels en réécrivant l'article 377 du code pénal indien, qui excluait jusque là les relations homosexuelles consensuelles entre adultes. Malgré de forts mouvements politiques en faveur des droits des LGBT, il reste une quantité importante d'homophobie parmi la population indienne, avec environ un Indien sur quatre s'opposant aux relations homosexuelles selon un sondage d'opinion[Lequel ?].
Ipsos a publié un rapport à la suite de son enquête mondiale LGBT+ Pride 2021, menée entre le 23 avril et le 7 mai 2021. Les résultats montrent que 2 % de la population indienne s'identifie comme autre qu'homme ou femme, notamment transgenre, non-binaire, non conforme ou encore gender-fluid. En ce qui concerne l'orientation sexuelle, le rapport montre que 3 % de la population indienne s'identifie comme homosexuelle (gays et lesbiennes), 9 % bisexuelle, 1 % pansexuelle et 2 % asexuelle. Au total, 17 % s'identifient comme n'étant pas hétérosexuelle (à l'exception de « ne sait pas » et « préfère ne pas répondre »)[1],[2],[3],[4],[5].
Préambule
L'homosexualité est généralement considérée comme un sujet tabou par la société civile et par le gouvernement en Inde. D'après une estimation de l'Organisation nationale de contrôle du sida (NACO), il y a deux millions cinq cent mille homosexuels masculins en Inde[6]. Une discussion publique sur l'homosexualité en Inde est freinée par la rareté des discussions ouvertes sur la sexualité quelle que soit sa forme. Cependant, les attitudes envers l'homosexualité ont légèrement changé depuis quelques années. Il y a eu en particulier plus de représentations de l'homosexualité dans les médias d'information indiens[7],[8],[9] et à Bollywood[10].
La religion a joué un rôle significatif dans la formation des coutumes et traditions en Inde. Alors que l'homosexualité n'était pas mentionnée explicitement dans les textes religieux fondamentaux de l'hindouisme, la religion la plus pratiquée en Inde, quelques interprétations ont été vues comme condamnant l'homosexualité[11]. Les spécialistes divergent dans leur vision de la position de l'homosexualité au sein des principales traditions religieuses de l'Inde. Des arguments ont été avancés pour dire que l'homosexualité avait été présente et acceptée dans l'ancienne société hindoue[12].
Le Kâma-sûtra, qui est un des trois traités (shastra) orthodoxes brahmaniques, ne condamne pas l'homosexualité (féminine ou masculine), mais la considère et en évalue les possibilités, sans aucun tabou de principes : selon Alain Daniélou, hindou shivaïte et lui-même homosexuel, l'homosexualité est devenue un « problème » en Inde il y a mille ans, lors des invasions islamiques et de l'occupation mahométane, mais aussi par la suite sous l'influence coloniale des Occidentaux chrétiens et puritains.
Histoire et religion
Les Lois de Manu, qui rassemblent les plus anciens codes de conduites à suivre par les Hindous, incluent des mentions de pratiques homosexuelles, mais seulement comme quelque chose à réguler. Bien que l'homosexualité fasse partie des pratiques sexuelles, elle n'était pas toujours bien acceptée[réf. nécessaire]. Des châtiments étaient prescrits par les Lois de Manu pour le comportement homosexuel. Toutefois, les Lois de Manu, jusqu'à la colonisation britannique, n'étaient pas appliquées comme peut l'être un code pénal moderne: il s'agissait plutôt de modèles de conduites, optionnels par nature, et qui plus est dirigé principalement vers les brahmanes[13].
Par exemple, le verset qui renvoie aux relations sexuelles entre une femme vierge et une femme plus âgée disent : « ... Une femme qui pollue une pucelle aura sans délai (la tête) rasée ou deux doigts coupés, et devra chevaucher (dans la ville) un âne »[14], suggérant une punition sévère. Toutefois, le verset qui fait référence aux relations sexuelles entre deux vierges suggère un châtiment relativement plus léger : « Une pucelle qui pollue (une autre) pucelle doit payer deux cents (panas), payer le double de sa dot, et recevoir dix (coups de) baguette »[15].
Ces dispositions, citées hors contexte, semblent homophobes, mais en fait elles ne concernent pas le genre des partenaires mais la perte de la virginité qui rend une jeune fille indigne de se marier. Il n'y a ainsi pas de peine prévue pour deux femmes non vierges qui ont une relation sexuelle ensemble.
Les punitions prévues pour les hommes étaient moins sévères : « ... une offense contre nature avec un homme, est déclaré causer la perte de la caste (Gatibhramsa) »[16]. « ... Un homme qui commet une offense contre nature avec un homme... devra se baigner, vêtu de ses habits »[17]. Le châtiment semble extrêmement doux, étant donné qu'on pense que la plupart des villageois prenaient ainsi leur bain.
La version traduite non censurée du classique indien Kâmasûtra[18] aborde sans ambiguïté ou hypocrisie tous les aspects de la vie sexuelle - y compris le mariage, l'adultère, la prostitution, la sexualité de groupe, le sadomasochisme, l'homosexualité féminine et masculine, et le travestissement. Le texte révèle une Inde dont l'ouverture à la sexualité a permis de développer de manière considérable l'expression de l'érotisme.
Statut légal
Les relations homosexuelles ont longtemps été un crime en Inde[19], un statut qui datait de l'ère de la domination britannique. La section 377 du Code pénal indien (en) de 1860 criminalisait les « relations charnelles contre l'ordre de la nature ». La nature vague de cette législation a eu pour résultat de viser de nombreuses pratiques sexuelles, comme la fellation ou la sodomie. Les châtiments allaient de dix ans de prison à la prison à vie : « Quiconque a volontairement une relation charnelle contre l'ordre de la nature avec un homme, une femme ou un animal, sera puni de prison à vie, ou d'un emprisonnement allant jusqu'à dix ans, et sera aussi redevable d'une amende »[20].
La Haute Cour de Delhi a jugé, le , que la section 377 du Code pénal constituait « une violation des droits fondamentaux ». Si cette décision n'a juridiquement d'effet qu'à Delhi, elle a toutefois incité le gouvernement à programmer une réunion interministérielle sur le sujet, et l'article, qui n'était déjà pas souvent appliqué, pourrait ne plus l'être du tout sur l'ensemble du territoire[21],[22].
Le , la Cour suprême de l'Inde déclare l'article relatif aux relations homosexuelles comme étant illégales non contraire à la Constitution en rappelant que cet article concerne aussi les relations sexuelles « non consensuelles » avec les femmes ou les viols sur les mineurs, mais invite le Parlement à légiférer de façon plus libérale sur la question des relations homosexuelles entre adultes consentants, en invoquant aussi la séparation des pouvoirs et en rappelant au parlement son rôle de législateur[23]. Ainsi de fait, la restauration de la section 377 du code pénal indien criminalise à nouveau l'homosexualité sur le territoire de Delhi, la dé-criminalisation ne s'étant faite que sur ce territoire indien.
Aucun des grands partis politiques indiens n'a mentionné les droits des homosexuels dans son manifeste ou lors de tribunes jusqu'en 2013. En , à la suite de la décision de la Cour suprême indienne, Rahul Gandhi, vice-président du Congrès national indien a déclaré que le sujet relevait de libertés individuelles en souhaitant la suppression de l'article 377[24]. Le parti Aam Aadmi a, quant à lui, communiqué sur son site internet, sa volonté de voir l'article 377 « archaïque »[25] être supprimé en rappelant que les relations homosexuelles entre adultes consentants relevaient de « droits humains ». Pour les élections de 2014, le Parti communiste d'Inde (marxiste) (CPM) a évoqué la suppression de l'article 377 dans son programme électoral[26] et le Congrès national indien a évoqué une meilleure prise en compte des personnes transgenres[27]. Le CPM s'était déjà illustré dix ans auparavant puisque l'un des membres du bureau du parti, Brinda Karat, avait écrit une lettre ouverte en 2003 au ministre de la Justice d'alors, Arun Jaitley, pour demander l'abolition de la section 377 du code pénal indien[28]. En 2006, une lettre ouverte signée par de nombreuses personnalités indiennes comme Amartya Sen, Arundathi Roy ou Vikram Seth demandait l'abrogation de cette loi[29].
Le , la Cour suprême de l'Inde a statué sur le respect de la vie privée et plus particulièrement sur un projet national de recensement d'identités numériques. Le jugement ouvre la voie à la dépénalisation de l'homosexualité ; en effet, les juges ont estimé que les homosexuels indiens avaient droit à la vie privée et que « la discrimination contre un individu sur la base de son orientation sexuelle [était] une atteinte profonde à la dignité et au respect de l’individu »[30] dans un État de droit.
L'homosexualité a été dépénalisée le [19].
Reconnaissance des couples homosexuels
La loi indienne ne reconnaît aucun couple de même sexe. Lors d'une visite du premier ministre canadien Paul Martin en Inde, une journaliste a demandé au premier ministre indien Manmohan Singh ce qu'il pensait de la nouvelle loi autorisant le mariage gay au Canada. Sa réponse fut qu'« il n'y aurait pas beaucoup d'enthousiasme pour une telle loi en Inde », et il continua en soulignant les différences culturelles entre les deux sociétés.
Le corps religieux suprême des Sikh, l'Akal Takht, a rendu un édit condamnant le mariage homosexuel et a demandé aux Sikhs vivant au Canada de ne pas soutenir ou permettre de mariages homosexuels dans les Gurdwârâs. En 2005, deux femmes non nommées d'Hyderabad demandèrent au Darul Qaza, une cour islamique, une fatwa leur permettant de se marier, mais une telle autorisation leur fut refusée. Aucune des principales églises chrétiennes en Inde ne permet le mariage homosexuel.
Références
- (en) Rashmi Patel, « Being LGBT in India: Some home truths », Mint, (lire en ligne , consulté le ).
- =https://timesofindia.indiatimes.com/india/sc-decriminalises-section-377-calls-2013-ruling-arbitrary-and-retrograde
- http://azimpremjiuniversity.edu.in/SitePages/pdf/politics-and-society-between-elections-2019-report.pdf
- https://abcnews.go.com/amp/International/wireStory/hundreds-join-pride-march-india-gay-sex-illegal-51095191
- https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2021-06/LGBT%20Pride%202021%20Global%20Survey%20Report_3.pdf
- (en)Kounteya Sinha, « Legalise homosexuality: Ramadoss », sur The Times of India,
- (en)Dhananjay Mahapatra, « UN body slams India on rights of gays », sur The Times of India,
- (en)« Fear and loathing in gay India », sur BBC News,
- (en)« Why should homosexuality be a crime? », sur The Times of India,
- (en)« Queering Bollywood », sur media.opencultures.net
- (en)« Homosexuality and Hinduism », sur religionfacts.com
- Ruth Vanita et Saleem Kidwai, Same Sex love in India (MacMillan, Delhi, 2000).
- Voir David Annoussamy, Le droit indien en marche, Société de législation comparée, 2001 (par ex. chap. II, p. 27-39, sur les Codes anciens ; et cette Fiche de synthèse sur le droit indien, Jurispolis.
- Lois de Manu, chapitre 8, verset 370. Texte en ligne
- Lois de Manu, chapitre 8, verset 369. Texte en ligne
- Lois de Manu, chapitre 11, verset 68. Texte en ligne
- Lois de Manu, chapitre 11, Verset 175. Texte en ligne
- Le Kama Sutra complet par Alain Danielou
- « L’Inde dépénalise l’homosexualité, après vingt ans de combat acharné », Le Monde.fr, (lire en ligne)
- Indian Penal Code [PDF]
- « L'Inde s'oriente vers la dépénalisation de l'homosexualité », sur Le Monde,
- « L'Inde vers une dépénalisation totale de l'homosexualité », sur tetu.com,
- (en) Civil Appeal No.10972 of 2013, Cour suprême de l'Inde, consulté le 9 octobre 2017
- (en)Increasing support for gay rights from BJP leaders. A rainbow in sight?, catchnews.com, consulté le 9 octobre 2017
- (en) Aam Aadmi Party's Statement on Supreme Court judgement upholding Section 377, Aam Aadmi Party, consulté le 9 octobre 2017
- (en) CPM bats for gay rights in manifesto, Times of India, consulté le 9 octobre 2017
- (en) Your Voice Our Pledge, Lok Sabha Election Manifesto INC pt20, p.26, Congrès national indien, consulté le 9 octobre 2017
- (en)Siddharth Narrain dans Frontline, « A battle for sexual rights », sur hinduonnet.com, numéro 10, du 7 au 20 mai 2005
- (en)Randeep Ramesh, « India's literary elite call for anti-gay law to be scrapped », sur The Guardian,
- En Inde, le respect de la vie privée devient un droit fondamental En savoir plus sur https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/08/25/en-inde-le-respect-de-la-vie-privee-devient-un-droit-fondamental_5176441_3216.html#7fEMJYLJDVei45dt.99, Le Monde, consulté le 9 octobre 2017
Articles connexes
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