Imre Kertész
Imre Kertész ([ˈimrɛ],[ˈkɛrteːs]), né le à Budapest et mort le dans la même ville[1], est un écrivain hongrois, survivant des camps de concentration. Il est lauréat du prix Nobel de littérature en 2002 « pour une écriture qui soutient la fragile expérience de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire ».
Pour les articles homonymes, voir Kertesz.
Dans le nom hongrois Kertész Imre, le nom de famille précède le prénom, mais cet article utilise l’ordre habituel en français Imre Kertész, où le prénom précède le nom.
Naissance |
Budapest Royaume de Hongrie |
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Décès |
Budapest Hongrie |
Activité principale | |
Distinctions |
Prix Nobel de littérature (2002) Prix Attila József (1989) Prix Tibor Déry (1989) Prix Sándor Márai (1996) Prix Kossuth (1997) |
Langue d’écriture | hongrois |
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Œuvres principales
- Être sans destin (1975)
Biographie
Né dans une famille juive modeste, d'un père marchand de bois et d'une mère employée, Imre Kertész est déporté, à l'âge de 15 ans, à Auschwitz en 1944, puis transféré à Buchenwald. Cette expérience douloureuse nourrit toute son œuvre, intimement liée à l'exorcisation de ce traumatisme. L'édification d'une patrie littéraire constitue le refuge d'un être qui constate l'absurdité du monde car on lui a un jour « refusé le statut d'être humain »[2]. Ses ouvrages ouvrent une réflexion sur les conséquences dévastatrices du totalitarisme et la solitude de l'individu, condamné à la soumission et la souffrance silencieuse[3].
Revenu à Budapest en Hongrie, en 1945, il se retrouve seul, son père est mort et sa belle-mère s'est remariée. Il adhère au Parti communiste, dont il voit vite la dimension oppressive sur les consciences. En 1948, il devient journaliste. Mais le journal dans lequel il travaille devient l'organe officiel du Parti communiste en 1951, et Kertész est licencié. Il travaille alors quelque temps dans une usine, puis au service de presse du Ministère de l'Industrie.
Congédié à nouveau en 1953, il se consacre dès lors à l'écriture et à la traduction. La découverte de L'Étranger d'Albert Camus lui révèle, à 25 ans, sa vocation. La philosophie de l'absurde devient un modèle fondateur pour son œuvre. À partir de la fin des années 1950 et tout au long des années 1960, il écrit des comédies musicales pour gagner sa vie. Il traduit de nombreux auteurs de langue allemande comme Friedrich Nietzsche, Hugo von Hofmannsthal, Arthur Schnitzler, Sigmund Freud, Joseph Roth, Ludwig Wittgenstein et Elias Canetti qui ont une influence sur sa création littéraire. Dans les années 1960, il commence Être sans destin, récit d'inspiration autobiographique qu'il conçoit comme un « roman de formation à l'envers »[4]. Ce roman sobre, distancié et parfois ironique sur la vie d'un jeune déporté hongrois, constitue le premier opus d'une trilogie sur la survie en camp de concentration. Il évoque notamment le point de vue de la victime dans l'histoire et son conditionnement occasionnel, voire banal, à l'entreprise de déshumanisation menée par l'Allemagne nazie. Cette acceptation passive et ordinaire de l'univers concentrationnaire se distingue du témoignage de Primo Levi dans Si c'est un homme. L'ouvrage ne paraît qu'en 1975, avec un accueil assez modeste. Une critique littéraire, Eva Haldimann, du journal suisse allemand Neue Zürcher Zeitung, remarque cependant le récit et une critique est publiée le [5], ce qui va contribuer à le faire connaître en Europe de l'Ouest. Imre Kertész découvre par hasard la critique dans un journal abandonné dans une piscine de Budapest. Il s'ensuit une correspondance entre la critique littéraire et l'auteur entre 1977 et 2002 qui sera publiée, en 2009, sous le titre : Briefe an Eva Haldimann[6].
C'est seulement après la réédition en 1985 d'Être sans destin que Kertész connaît le succès dans son pays. Il était par ailleurs tenu à l'écart par le régime communiste. Il obtient en 2002 le prix Nobel de littérature, « pour une œuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire »[7].
En 2003, il est élu membre de l'Académie des arts de Berlin[8] et reçoit en 2004 la croix de grand officier de l'Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne (Großen Bundesverdienstkreuz mit Stern). En 2011, il publie Sauvegarde, autoportrait d'un homme à l'hiver de sa vie, vivant simultanément la maladie de Parkinson, la réception de la Médaille Goethe et le cancer de son épouse. Kertész y circonscrit réflexions littéraires, notes, souvenirs et anecdotes sur son parcours, notamment sa fuite vers l'Allemagne et l'antisémitisme dont il a à nouveau fait l'objet en Hongrie après son retour des camps[9]. Son épouse Magda est décédée le .
Style
L'esthétique de Kertész ressemble à celle de Franz Kafka et d'autres écrivains de la Mitteleuropa[10]. Il peut également être rapproché d'Albert Camus et de Samuel Beckett tant pour ses recherches narratives et formelles que pour le thème de l'absurde et du désespoir qui hantent son œuvre. Son expression fonctionne en périodes distinctes et joue du ressassement et de l'ironie mordante, parfois cruelle, mêlés à plusieurs références d'ordre historique, politique, philosophique et artistique[10]. L'auteur se veut un styliste du verbe et combine témoignage autobiographique, délires, ambiguïté, considérations universelles et dimension analytique du langage, héritée de la tradition littéraire austro-allemande dont il est familier[10]. Précise, riche en métaphores et suggestive, son écriture est marquée par le goût des parenthèses juxtaposées avec un aspect très plastique de la phrase au profil raffiné[10].
Œuvres
La traduction française de toutes les œuvres d'Imre Kertész publiées chez Actes Sud est de Charles Zaremba et Natalia Zaremba-Huzsvai.
- Sorstalanság (1975) Publié en français sous le titre Être sans destin, Arles, Éditions Actes Sud, 1998 (voir critique) (ISBN 978-2742784899)
- A nyomkereső (1977)
- Detektívtörténet (1977)
- A kudarc (1988)
- Kaddis a meg nem született gyermekért (1990)
- Az angol lobogó (1991)
- Gályanapló (1992)
- Jegyzőkönyv (1993) Publié en français sous le titre Procès verbal, inclus dans Le Drapeau anglais, Arles, Éditions Actes Sud, 2010
- A holocaust mint kultúra (1993)
- Valaki más: a változás krónikája (1997)
- A gondolatnyi csend, amíg a kivégzőosztag újratölt (1998)
- A száműzött nyelv (2001) Publié en français sous le titre La langue exilée, inclus dans L'Holocauste comme culture. Arles, Editions Actes Sud, 2009.
- Felszámolás, (2003)
- A K. dosszié (2006)
- Briefe an Eva Haldimann (2009), traduction de Kristin Schwamm, Rowohlt (ISBN 978-3498035457), parution en hongrois sous le titre Haldimann-levelek en 2010 (ISBN 978-9631427615)
- Mentés másként (2011)
- A végső kocsma (2014)
- A néző (2016) (ISBN 978-9631433760)
Références
- Florence Noiville, « L’écrivain hongrois Imre Kertész, Prix Nobel de littérature, est mort », Le Monde, (lire en ligne).
- Article Encarta sur Imre Kertész
- « Imre Kertész : la trilogie » par Fridun Rinner sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 10 mai 2014.
- Florence Noiville, « Imre Kertész le survivant », Le Monde, (lire en ligne)
- « Das Recht auf Individualität », NZZ, (lire en ligne)
- « Briefe aus dem Käfig », Die Zeit, (lire en ligne)
- Communiqué de presse de l'Académie suédoise pour le prix Nobel 2002, consulté le 6 novembre 2013.
- (de) Imre Kertész - Seit 2003 Mitglied der Akademie der Künste, Berlin, Sektion Literatur sur le site de l'Akademie der Künste
- Bruno Corty, « Sauvegarde d'Imre Kertész », Le Figaro, (lire en ligne)
- « Imre Kertész : la langue comme recours », Fridun Rinner, site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 10 mai 2014.
Annexes
Bibliographie
- Nathalie Georges-Lambrichs et Daniela Fernandez, L'homme Kertész : variations psychanalytiques sur le passage d'un siècle à un autre [suivi de] Le roman de l'échec, entretien avec Imre Kertész, 2010, Michèle, Paris, 2013, 153 p. (ISBN 978-2-8156-0014-9)
- Gabrielle Napoli, Écritures de la responsabilité : histoire et écrivains en fiction : Kertész et Tabucchi, Classiques Garnier, Paris, 2013, 276 p. (ISBN 978-2-8124-1043-7) (texte remanié d'une thèse)
- (de) Christian Poetini, Weiterüberleben : Jean Améry und Imre Kertész, Aisthesis Verlag, Bielefeld, 2014, 367 p. (ISBN 978-3-8498-1018-4)
- Clara Royer, Imre Kertész : "L'histoire de mes morts", essai biographique, Arles, Editions Actes Sud, 2017. (ISBN 978-2-330-07261-2)
- (de) Michael Basse : Auschwitz als Welterfahrung. Der ungarische Schriftsteller Imre Kertesz, Klett-Cotta en Merkur, Stuttgart 1999, 559 p. (ISBN 3-608-97004-5)
Articles connexes
Liens externes
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