Jean Talon

Jean Talon, né en (baptisé le à Châlons, actuelle Châlons-en-Champagne, paroisse Notre-Dame-en-Vaux) (France) et mort le à Paris (paroisse Saint-Sulpice) (France), est connu principalement comme étant le premier intendant de la Nouvelle-France[note 1]. Les cinq ans et demi qu'il passa en Nouvelle-France transformèrent de manière déterminante la colonie.

Pour les articles homonymes, voir Jean-Talon et Talon.

Jean Talon

Jean Talon, intendant de la justice, police et finances au Canada, en Acadie, à Terre-Neuve, et d'autres pays de la France septentrionale.
Fonctions
Intendant de la Nouvelle-France

(3 ans)
Monarque Louis XIV de France.
Prédécesseur Louis Robert
Successeur Claude de Bouteroue d'Aubigny

(2 ans)
Monarque Louis XIV de France
Prédécesseur Claude de Bouteroue d'Aubigny
Successeur Jacques Duchesneau de la Doussinière et d'Ambault
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Châlons actuelle Châlons-en-Champagne, France
Date de décès
Lieu de décès Paris, France
Nationalité Française
Père Philippe Talon
Mère Anne de Bury
Religion Catholicisme


Intendants de la Nouvelle-France

Biographie

Généalogie et jeunesse

La collégiale Notre-Dame-en-Vaux où a été baptisé et inhumé Jean Talon.
Statue de Jean Talon à Chalons-en-Champagne.

Jean Talon naît à Châlons-en-Champagne en 1626[1] et est baptisé en la collégiale Notre-Dame-en-Vaux[2]. Son père, Philippe Talon, et sa mère, Anne de Burry, eurent 12 enfants dont trois tinrent des fonctions administratives. Parmi ceux-ci, le frère de Jean, Claude, sera intendant d'Oudenarde[3]. Selon l'historien Jean-Claude Dubé, ce dernier aurait probablement accédé aux fonctions d'intendant « par l'intervention de son célèbre cousin, Omer Talon, pour qui le cardinal Jules Mazarin avait beaucoup d'estime[4] ». Un autre frère, François, est avocat au Parlement et secrétaire du parlementaire Mathieu Molé[3]. Il sera le seul membre masculin de la famille à se marier et avoir des enfants[5]. Anne, la seule fille parmi les enfants, épouse Jean Laguide dont elle eut trois enfants[6].

Jusqu'en 1645, à la même époque que François de Montmorency-Laval, il étudie auprès des jésuites au collège de Clermont à Paris[7],[4]. Par la suite, son parcours jusqu'en 1652 est confus. Dubé conclut, à la lumière de quelques indices, « qu'il est employé […] par le secrétariat d'État de la guerre, dont Michel le Tellier est pourvu[5] ».

Carrière militaire

Il est nommé intendant de l'armée de Turenne et commissaire des guerres en Flandre en 1653, devient commissaire du Quesnoy en 1654 puis du Hainaut l'année suivante[8]. En 1655, il est nommé intendant du Hainaut[9], un poste qu'il occupera pendant dix ans, jusqu'à ce qu'il soit nommé intendant de la Nouvelle-France. Il participe à la fortification de la ville de Quesnoy pour laquelle il recevra beaucoup de reconnaissance[10]. Le roi Louis XIV lui lègue ainsi une terre dans la région du Hainaut[11].

En Nouvelle-France

Document de recensement de la population du Québec par Jean Talon. Manuscrit.

Situation à son arrivée

Jean Talon reçoit du roi la charge d'intendant pour le Canada, l'Acadie et Terre-Neuve le [12]. Il devient ainsi le deuxième intendant après Louis Robert, mais le premier à se rendre en Nouvelle-France[12], où il débarque à Québec le [13].

Il doit demeurer deux ans au Canada. Il y restera finalement une troisième année. Il quitte Québec pour la France en . Le roi et son ministre des colonies Jean-Baptiste Colbert ayant été très satisfaits de son travail, ils le convainquent de revenir dans la colonie dès le printemps de 1669. Selon les Archives Maritimes, Talon quitta la France vers le à bord de la frégate L'Hélène de Flessingues ou Sainte-Hélène. Au moins trois navires font le voyage car 6 compagnies doivent passer dans la colonie pendant les derniers mois de 1670, cela représente environ 500 personnes comprenant des immigrés, des capitaines et officiers, de la nourriture, des étalons et des brebis. L’Hélène venait de Flessingues, (port hollandais) puis a été loué au capitaine Cornéllis Adrian par l'armateur Alexandre Petit. La frégate part de Dieppe et fait une escale à la Rochelle. Elle arrive à Québec avec l'Intendant Jean Talon accompagné de notables, de femmes de qualité et leurs suivantes (Lettres de la vénérable Marie de L'incarnation) le après maintes péripéties maritimes. Le second navire, Le Nouvelle France arrive le avec beaucoup de retard car il doit aller chercher sur ordre de sa majesté le Roy, 200 soldats aux îles Percées. (Lettres de Charles Colbert du Terron) Le troisième bateau le Saint Pierre de Hambourg arrive le . Jean Talon part définitivement de la Nouvelle-France en [8].

Il arrive en 1665 alors que d’importants changements viennent d’avoir lieu dans la colonie : la Compagnie des Cent-Associés vient d'être dissoute par Louis XIV en 1663, et remplacée en 1664 par la Compagnie des Indes occidentales[14]. Le dernier gouverneur en fonction, Augustin de Saffray de Mézy, vient quant à lui d'être rappelé en France à la suite des conflits qui l'opposaient à l'évêque de la Nouvelle-France François de Montmorency-Laval[15],[16] ; il est remplacé par Daniel Rémy de Courcelles le jour même de l'entrée en poste de Talon[14]. Le Conseil souverain, quant à lui, vient d'être dissous par Alexandre de Prouville de Tracy, envoyé par le roi Louis XIV régler les problèmes qui l'affligeaient, après une ultime réunion le 6 juillet enregistrant les lettres patentes de la Compagnie des Indes occidentales, de Courcelles et de Talon[17]. À la dissolution de la Compagnie des Cent-Associés, on recense en Nouvelle-France 69 seigneuries tenues par 62 individus et sept institutions religieuses (les jésuites, sulpiciens et ursulines, les hospitalières de Québec et hospitalières de Montréal, la fabrique de la paroisse de Québec et la seigneurie de Sillery)[18].

Développement de la colonie

Avant son départ pour la Nouvelle-France, Talon reçoit de Louis XIV et du ministre Colbert des instructions détaillées pour l’administration de la colonie. Le nouvel intendant doit prendre « les mesures les plus appropriées pour l’« augmentation » de la colonie, de façon qu’elle subvînt bientôt à ses besoins et pût fournir certains produits nécessaires à la croissance de l’industrie métropolitaine ; pour cela, il fallait peupler le pays, y développer la culture des terres et le commerce et y établir des manufactures[8] » En dépit du fait qu’il soit resté peu de temps en Amérique, Talon a accompli la mission qui lui était confiée au-delà de toute espérance. Grâce à lui, la Nouvelle-France connaît une période extraordinaire de développement. « Son génie inventif lui fit tirer, d’un simple programme de colonisation, une véritable politique dont tous les éléments étaient rigoureusement liés et qui prévoyait le développement intégral de la colonie[8]. » Avant de mettre son plan en œuvre, Talon trace, dès son arrivée, un bilan de la situation et des besoins de la colonie. En 1666, il réalise ainsi le premier recensement qui indique une population de 3 173 habitants d'origine européenne[19],[20]. Grâce à ce recensement, il peut également « évaluer les richesses industrielles et agricoles de la colonie, la valeur des ressources forestières et minérales locales ainsi que le nombre d'animaux domestiques, de seigneuries, d'immeubles publics et d'églises »[21].

Réforme des institutions

Talon doit, dès son arrivée, mettre en œuvre la réorganisation administrative ordonnée par Louis XIV. Dans les instructions qu’il a reçues du roi, il est prévu que le nouvel intendant réforme l’administration de la justice. Il doit aussi veiller, avec le Conseil souverain, à « l’establissement d’une bonne police »[8]. Dès 1666, Talon rétablit le Conseil souverain[22]. La première séance, le 6 décembre, voit Talon à la troisième place en importance en son sein, après le gouverneur Courcelles et Monseigneur de Laval, ce dernier étant « Conseiller perpétuel »[22]. La justice seigneuriale est quant à elle restaurée en 1668. Afin de rendre plus efficace et plus accessible la justice, il veille aussi à en simplifier les procédures[23].

Peuplement

Le développement des ressources du territoire exige de la main d’œuvre. Afin d’accroître la population de la colonie, Talon adopte diverses mesures, qui porteront fruit.

Il fait d’abord appel à l’immigration de France. Le régiment de Carignan-Salières était venu défendre la Colonie contre les Iroquois avec 1 200 soldats. Avec le retour de la paix, le régiment fut dissous et l’on proposa aux soldats de rester au Canada. Environ 400 d'entre eux sont restés en Nouvelle-France.

Il recommande de faire venir de jeunes femmes à marier de France  les filles du Roi  pour accélérer le peuplement et rééquilibrer le ratio entre les hommes et les femmes. En sept ans, plus de 1 000 d’entre elles trouveront un bon parti[8].

Ce sont, au total, entre 1665 et 1672, 1 500 colons qui s'établissent en Nouvelle-France, soit comme engagés, soit comme simples immigrants[8],[24].

Talon adopte certaines mesures contraignantes afin de favoriser le peuplement de la colonie. Le , il publie une ordonnance intimant les hommes célibataires d’épouser les femmes venant de France, sous peine de ne plus pouvoir pêcher, chasser et faire la traite des fourrures. Autre ordonnance, le , qui vise à retenir dans la colonie les hommes, en interdisant de courir les bois sans l’accord préalable du gouverneur ou de l’intendant[8].

Talon instaure également des mesures natalistes. Des primes en argent sont ainsi versées aux familles nombreuses (10 enfants et plus) et à ceux qui contractent des mariages précoces. Les résultats ne se font pas attendre. Durant la seule année 1671, on compte de 600 à 700 naissances dans la colonie[8]. Durant son administration, la population de la Nouvelle-France aurait plus que doublé (de 3 215 à 7 605 habitants)[8].

Colonisation

Privilégier l’accroissement de la population ne pouvait se concevoir sans que l’on songe à l’établissement permanent de celle-ci. Dès son arrivée, l’intendant met tout en œuvre pour favoriser l’enracinement d’une forte population terrienne qui vivra de l’agriculture. Conformément aux instructions du roi, il oblige les habitants à tenir feu et lieu. Il remédie à l’éparpillement de la population en faisant défricher « de proche en proche »[8]. Il met en place un livre terrier dès 1667, ce qui lui permet de distribuer soixante fiefs non concédés et de créer de nouveaux établissements à proximité de Québec. Il recommande de scinder les seigneuries de trop grande taille. Il prépare, chaque année, 30 ou 40 lots défrichés pour les nouvelles familles. Ces mesures donnent de bons résultats.

Diversification de l'économie

Un des aspects essentiels du plan de Talon visait à développer et à diversifier l’économie de la colonie en encourageant l'agriculture, la pêche, l'exploitation forestière et l'industrie ainsi que le traditionnel commerce des fourrures. Visionnaire, l’intendant encouragea l'autosuffisance de la colonie. Il pouvait se vanter, en 1671, de pouvoir s'habiller de la tête aux pieds avec des produits manufacturés au pays.

Mais il s’agissait pour lui de dépasser l’autarcie, afin de mettre en place une véritable économie d’exportation. « Les efforts déployés par Talon dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie forestière et des pêcheries, sans oublier sa politique de peuplement et de colonisation, avaient pour but ultime l’établissement d’un grand commerce. C’est cet objectif qui donne à son œuvre son admirable unité. Dans tous les secteurs de l’économie coloniale, il voulait arriver à produire pour l’exportation[8]. » Il eut l’idée et mit en place un commerce triangulaire, entre le Canada, les Antilles et la France.

Talon développa de manière intensive l’agriculture. En 1668, le nombre d’hectares cultivés s’établissait à 5 350, soit 1 350 de plus que l’année précédente[25]. Il favorise d’abord la culture du blé ainsi que celle de légumineuses (pois, fèves) constituant la base de l’alimentation des colons. Il introduit de nouvelles cultures à caractère commercial (chanvre, houblon, lin), qu’il entend transformer dans les manufactures qu’il projette d’établir[8].

Talon mit tout en œuvre pour développer l’élevage. Le cheptel de la Nouvelle-France, constitué pour l’essentiel de bovins et de porcs, fut à la fois augmenté et diversifié par lui. Durant son administration, il fit venir des chevaux et des moutons de France[8]. « Ce serait à partir de quelque 80 chevaux introduits en Nouvelle-France à l’époque de Talon que se serait développé le cheval canadien »[25].

Talon encouragea également l’artisanat domestique. Il introduisit dans la colonie les métiers à tisser, qu’il fit distribuer dans les maisons particulières[8]. Il établit à Québec une manufacture de chapeaux et favorise, en 1668, la création à la Pointe-Lévy d’une tannerie. Celle-ci produisait, en 1673, 8 000 paires de souliers par année[8].

Afin de transformer le houblon et l'orge cultivés dans la colonie, il mit sur pied, de 1668 à 1670, la première brasserie commerciale de la Nouvelle-France ; « le 2 novembre 1671, Talon annonçait à Colbert qu’elle pouvait fournir 2 000 barriques de bière pour les Antilles et pareille quantité pour la consommation locale »[8]. Elle devait fermer ses portes trois ans après le départ de Talon.

Talon s’intéresse également aux ressources forestières de la colonie. Sa préoccupation est d’en développer le commerce, avec la métropole (mâts pour les navires et bois de construction), avec les Antilles (bois plus légers)[8]. Les projets de l’intendant dans ce secteur d’activité seront freinés du fait qu’il n’existe, en son temps, qu’un seul moulin à scie en Nouvelle-France[8]. Il s’intéressa également aux autres produits que l’on pouvait tirer de l’exploitation des forêts : le goudron, la potasse et le savon mou[8]. « L’intérêt que Talon portait à la culture du chanvre, à l’exploitation du bois et à la fabrication du goudron était lié directement à l’industrie de la construction navale qu’il s’efforçait d’implanter dans la colonie[8]. » En 1671, il entama la construction d'un premier navire de 400 à 500 tonneaux. On mit ensuite en chantier un autre vaisseau, de 800 tonneaux[8]. Mais le travail était compliqué, étant donné la rareté de la main d’œuvre spécialisée. Après son départ, toute ambition d'établir en Nouvelle-France une véritable industrie navale fut abandonnée.

Talon envisage également avec intérêt le développement des pêcheries, peut-être la ressource la plus importante de la colonie. Le , il écrivait à Colbert qu’il avait réuni des hommes « pour « travailler à la pesche » »[8]. Là encore, il aurait souhaité que cette activité soit pratiquée en vue d’en exporter les fruits. Juste avant son départ définitif, il tenta de mettre une compagnie regroupant les habitants intéressés à la pêche. Il n’eut pas le temps de le faire[8].

Il eut enfin conscience de la richesse du sous-sol de la Nouvelle-France. « Il s'intéressa en particulier au charbon du Cap-Breton, au cuivre du lac Supérieur et au fer des Trois-Rivières[26]. »

Exploration du continent

L’exploration du continent nord-américain, qui se fait à cette époque, doit beaucoup à l’impulsion donnée par Talon. En effet, lors de son second passage au Canada, « il s’intéressa fortement aux affaires extérieures de la colonie […]. Ses préoccupations nouvelles […] lui firent dépêcher aux quatre coins du pays des « gens de résolution » – découvreurs et ambassadeurs […] »[8]. La raison d’être de ces explorations dépassait la simple curiosité. Le but de Talon « était de donner à la colonie ses frontières naturelles, d’organiser son commerce, de renforcer ses alliances, afin que l’œuvre édifiée sur les bords du Saint-Laurent pût atteindre son plein développement »[8]. Il s’agissait en somme, comme l’écrit l’historien Lionel Groulx, « d’agencer la Nouvelle-France à ses attaches naturelles, géographiques et économiques, en somme à son milieu américain »[27].

Talon encouragea et mit sur pied plusieurs expéditions. Dans toutes les directions, il cherche le passage de la mer de l’Ouest. En 1670, il approuve le projet de Robert Cavelier de La Salle de chercher, au sud, un passage vers la mer de Chine[8]. La même année, il envoie Saint-Lusson dans la région du lac Supérieur[8]. En 1671, le père Albanel et Saint-Simon sont chargés de parcourir la région de la baie d’Hudson[8]. Tout juste avant son départ, il envoie le coureur des bois Louis Jolliet et le père Jacques Marquette en exploration le long de la vallée du Mississippi. En revenant de leur expédition, ceux-ci s'arrêtent sur le site de la ville actuelle de Chicago (point de passage entre les Grands Lacs du Canada et le bassin du Mississippi) et y créent un poste permanent de traite de fourrure.

Conscient de la nécessité d’avoir un port de mer ouvert à l’année longue, il tente de trouver des voies vers l’Atlantique, en passant par l’Acadie. À la fin de l’été 1671, Talon confie à Saint-Lusson la mission de trouver le moyen le plus rapide de se rendre en Acadie par voie de terre.

L’administration de Talon marqua les débuts de ce qu’on a appelé l’Amérique française. « Grâce à la vision de Talon, les trois quarts du continent américain, à l’ouest et au sud, passèrent en quelques années sous la domination française. »

Conflits avec l'Église

Jean-Baptiste Colbert confie à Talon le mandat de surveiller les ecclésiastiques de la colonie ; dans ce cadre, il se heurte à l'Église, notamment lors de l'affaire des Dames de la Sainte-Famille, en 1667, et de l'expropriation d'une partie de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges.

Cette seigneurie, concédée aux jésuites en 1626, s’étendait au nord de Québec à partir de la rive nord de la rivière Saint-Charles sur une profondeur de 20 km environ. Le recensement de 1666 dénote 112 habitants sur ce territoire, ce qui pour l'époque est appréciable. Les jésuites avaient donc rempli adéquatement leurs obligations de défrichement et d'établissement de colons. Cependant, les terres concédées jusque-là se retrouvaient principalement dans la partie sud de la seigneurie, près de la rivière, laissant une grande superficie sans établissements. Dès son arrivée en 1665, Talon veut mettre en œuvre les instructions de Colbert concernant le peuplement de la colonie. Parmi les actions posées dans ce but, il jette son dévolu sur les terres du nord de la seigneurie. Il exproprie à toutes fins pratiques les jésuites afin de fonder trois bourgs appelés Bourg-Royal, Bourg-la-Reine et Bourg-Talon, qui formèrent plus tard la paroisse de Charlesbourg[28].

Selon l'historien André Vachon, les relations entre Talon et Mgr Laval (et l'Église en général) ne furent pas exagérément mauvaises. « L’expropriation d’une partie de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges, l’affaire des Dames de la Sainte-Famille, la question des dîmes et l’autorisation de la traite de l’eau-de-vie, voilà les seuls épisodes de son premier mandat où Talon se heurta à l’Église ; par ailleurs, durant son second séjour dans la colonie, pas une seule fois il n’entra en conflit avec l’autorité ecclésiastique. »[8]

Fief personnel et anoblissement

Talon était aussi désireux de se constituer un fief personnel à Québec. En 1667 et 1668 il achète trois terres situées à l'emplacement du parc Victoria actuel. En 1670 il achète le domaine de l'Espinay, qui va de la rivière Saint-Charles jusqu'au-delà des terrains actuels d'ExpoCité. Dans une lettre à Colbert datée du , il laisse transparaître son désir d'être récompensé par un titre de noblesse[28]. Effectivement, Talon reçoit de Colbert une lettre datée du lui annonçant que ses terres constituaient désormais une baronnie et qu'il détenait le titre de baron des Islets. En 1675, soit trois ans après le retour de Talon en France, son domaine est promu au rang de comté. Son propriétaire est donc désormais titré comte d'Orsainville. Après la mort de Jean Talon, son neveu et héritier Jean-François Talon vend le domaine à Mgr de Saint-Vallier, qui en fait aussitôt don à l'hôpital général.

Retour en France et mort

Après le départ de Talon, tout l'édifice qu'il avait tenté de construire s'affaissa tel un château de cartes. La raison en est, pour une bonne part, « l’incurie de la cour et des administrateurs coloniaux. Les projets de Talon étaient viables ; il ne leur aura manqué que l’appui efficace de ses successeurs et l’aide financière de la métropole[8] » Dès 1672, en effet, le roi cesse de soutenir activement la colonie. Et, il faudra attendre trois ans que l'on donne un successeur au grand intendant[8]..

L'état de santé de Talon se dégradait depuis son retour en Nouvelle-France en 1670 ; il demande donc son rappel vers la métropole en 1672. Il quitte définitivement Québec pour la France en novembre de la même année[29]. Talon se vit nommer comte d'Orsainville en 1675[30] après avoir été fait capitaine et gouverneur du château de Mariemont en 1670 puis baron des Islets en 1671. En , quelque temps avant sa mort, Louis XIV le nomme gouverneur et prévôt de Binche[5].

Il meurt le à Paris (paroisse Saint-Sulpice) et est inhumé le à Châlons-en-Champagne, lieu de sa naissance[31], en la collégiale Notre-Dame-en-Vaux, lieu de son baptême. Il lègue sa fortune et ses biens à ses neveux et nièces, car bien qu'ayant préconisé le mariage pour peupler la Nouvelle-France, il est lui-même resté célibataire jusqu'à sa mort.

Hommages

Jean Talon, statue de la façade de l'hôtel du Parlement du Québec.

Le nom Jean Talon est porté par de nombreux toponymes au Québec, dont 47 sont recensés en 2012 par la Commission de toponymie du Québec[32].

Exemples de lieux et édifices portant le nom de Jean Talon :

Galerie de lettres

Notes et références

Notes

  1. Louis Robert, qui avait été nommé intendant avant Talon, n'est jamais allé en Nouvelle-France.

Références

  1. Les amis de Jean Talon.
  2. Registre paroissial de la paroisse Notre-Dame-en-Vaux de Châlons-en-Champagne, Archives départementales de la Marne.
  3. Dubé 1984, p. 37.
  4. Dubé 1984, p. 39.
  5. Dubé 1984, p. 40.
  6. Dubé 1984, p. 41.
  7. Chapais 1904, p. 1.
  8. André Vachon, « TALON, JEAN », Dictionnaire biographique du Canada, Université de Toronto, Université Laval, .
  9. Chapais 1904, p. 16.
  10. Chapais 1904, p. 17.
  11. Chapais 1904, p. 20.
  12. Lacoursière 1995, p. 123.
  13. Blais et al. 2008, p. 30.
  14. Lacoursière 1995, p. 122.
  15. Lanctôt 1929, p. 51-52.
  16. Trudel 1973, p. 279-280.
  17. Blais et al. 2008, p. 52.
  18. Trudel 1973, p. 249-250.
  19. Marcel Trudel, La Population du Canada en 1666 : recensement reconstitué, Sillery, Septentrion, , 379 p. (ISBN 2-89448-022-9, lire en ligne), p. 9.
  20. Le site de Statistiques Canada (archives) indique toutefois que « le recensement a permis de dénombrer 3 215 habitants d'ascendance européenne ».
  21. « Recensements du Canada 1665 à 1871. Jean Talon : 1625-1694 », sur Statistique Canada.
  22. Blais et al. 2008, p. 53.
  23. Jacques Lacoursière, Jean Provencher et Denis Vaugeois, Canada-Québec. Synthèse historique 1534-2000, Sillery, Septentrion, , p. 77.
  24. Lacoursière, Provencher et Vaugeois (2000) parlent pour leur part de 2 500 immigrants durant la période Talon (p. 74).
  25. Jacques Lacoursière, Jean Provencher et Denis Vaugeois, Canada-Québec. Synthèse historique 1534-2000, Sillery, Septentrion, , p. 73.
  26. Jacques Lacoursière, Jean Provencher et Denis Vaugeois, Canada-Québec. Synthèse historique 1534-2000, Sillery, Septentrion, , p. 75.
  27. Cité par André Vachon, DBC.
  28. Malouin 1973, p. 24-27.
  29. Lacoursière 1995, p. 132.
  30. « Avenue Jean-Talon », sur http://www.toponymie.gouv.qc.ca, Commission de toponymie du Québec, (consulté le ).
  31. Jean-Paul Barbier, Des Châlonnais célèbres, illustres et mémorables, 2000. Il subsiste dans l'église Notre-Dame-en-Vaux un fragment de sa pierre tombale.
  32. « 1850 résultats pour « Jean-Talon » », Commission de toponymie du Québec, 28 juin 2011 (dernière mise à jour) (consulté le ).

Annexes

Ouvrages, thèses

  • Christian Blais, Gilles Gallichan, Frédéric Lemieux et Jocelyn Saint-Pierre, Québec : Quatre siècles d'une capitale, Les publications du Québec, , 692 p. (ISBN 978-2-551-19804-7).
  • Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec : Des origines à 1791, Sillery, Éditions du Septentrion, , 480 p., « Un organisateur de génie : Talon », p. 119-132.
  • Collectif, Colloque Jean Talon « grand administrateur », Châlons-en-Champagne, France, Association des amis de Jean Talon, , 71 p..
  • Réjeanne Bissonnette, Jean Talon et la Nouvelle-France, Agincourt, Ontario, Société canadienne du livre, , 83 p..
  • Louis Dubé, Les Intendants de la Nouvelle-France, Louiseville, Fides, , 327 p. (ISBN 2-7621-1244-3).
  • Francine Mathieu-Loranger et Jean Talon, Les Mémoires de Jean Talon, Montréal, Éditions Héritage, , 122 p..
  • Daniel Glenday, French mercantilism and the Atlantic colonies, with specific reference to New France, 1494-1672, Montréal, , 80 p. (lire en ligne).
  • (en) Daniel Glenday, French Mercantilism in New France : The Intendance of Jean Talon, , 76 p..
  • (en) Marcel Trudel (trad. Patricia Claxton), The Beginnings of New France 1524-1663, Toronto, McClelland and Stewart Limited, coll. « The Canadian Century Series », , 323 p. (ISBN 0-7710-8610-5).
  • Reine Malouin, Charlesbourg 1660-1949, Québec, Éditions La Liberté, , 223 p..
  • Micheline D'Allaire et Jean Talon, Talon. Textes choisis et présentés par Micheline D'Allaire, Montréal, Éditions Fides, , 95 p..
  • Roland Lamontagne, Succès d’intendance de Talon, Montréal, Leméac, , 78 p..
  • Roland Lamontagne, Jean Talon et la colonisation de la Nouvelle-France, Université de Montréal, , 416 p..
  • (en) Helen Ernestine Williams, Jean Baptiste Talon, Toronto, Ryerson Press, , 30 p..
  • Gustave Lanctôt, L'Administration de la Nouvelle-France : l'administration générale, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, , 1re éd., 169 p..
  • (en) Thomas Chapais, The Great Intendant : A Chronicle of Jean Talon in Canada, 1665-1672, Toronto, Glasgow, Brook & Company, , 139 p..
  • Thomas Chapais, Jean Talon : intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), Impr. de S.-A. Demers, , 540 p. (lire en ligne).
  • Lucien Bély (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6)

Articles, chapitres

  • Peter N. Moogk, « Jean Talon », Encyclopédie canadienne, 21 janvier 2008 (modif. le 30 mars 2015) (lire en ligne).
  • Marcel Moussette, « La bière à l’époque de Jean-Talon », Cap-aux-Diamants : la revue d'histoire du Québec, no 28, , p. 18-20 (lire en ligne).
  • André Vachon, « TALON, JEAN », Dictionnaire biographique du Canada, Université Laval/University of Toronto, vol. Volume I (1000-1700), 1966 (révisé en 1986) (lire en ligne).
  • Jean-Claude Dubé, « Les intendants de la Nouvelle-France et la religion », Sessions d’étude - Société canadienne d'histoire de l'Église catholique, vol. 45, , p. 5-17 (lire en ligne).
  • André Vachon, « Cinq notes sur la Nouvelle-France : Il — La Brasserie Du Roy », Les Cahiers des dix, no 39, , p. 126-129 (lire en ligne).
  • Roland Lamontagne, « Les dépenses du roi au Canada à l’époque de Jean Talon (1665-1672) », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 13, no 3, , p. 335-343 (lire en ligne).
  • Joseph Cossette, « Jean Talon, champion au Canada du gallicanisme royal, 1665-1672 : d’après sa correspondance avec la Cour de France », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 11, no 3, , p. 327-352 (lire en ligne).
  • Roland Lamontagne, « L’influence de Colbert sur l’œuvre de Jean Talon », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 6, no 1, , p. 42-61 (lire en ligne).
  • Lionel Groulx, « Colonisation au Canada sous Talon », Revue d'histoire de l'Amérique française, vol. 4, no 1, , p. 61-73 (lire en ligne).
  • Archives de la province de Québec, Rapport de l'Archiviste de la province de Québec pour 1930-1931, Québec, Rédempti Paradis, imprimeur de Sa Majesté le roi, (lire en ligne), « Correspondance échangée entre la cour de France et l'intendant Talon pendant ses deux administrations dans la Nouvelle-France ».

Fiction, jeunesse

  • Josée Ouimet, Jean Talon, intendant en Nouvelle-France, Montréal, Éditions de l'Isatis, , 79 p..
  • (en) Annie Ermatinger Fraser, The Drum of Lanoraye : A Narrative of the Days of Talon, the Great Intendant, Toronto, Ryerson Press, , 308 p..

Articles connexes

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