Joël Pommerat

Joël Pommerat, né le à Roanne (Loire), est un auteur et metteur en scène français.

Pour les articles homonymes, voir Pommera.

Joël Pommerat
Biographie
Naissance
Nationalité
Activités

Il a notamment reçu à deux reprises le Molière de l'auteur francophone vivant ainsi que le Grand prix du théâtre de l'Académie française.

Biographie

Joël Pommerat découvre sa passion pour le théâtre au collège grâce à son enseignante de français, puis, après avoir quitté le système scolaire de façon précoce, lorsqu'il assiste pour la première fois au festival d'Avignon[1]. Renonçant à devenir enseignant comme le souhaitait son père, il s'installe à Paris pour devenir comédien. À 19 ans, il est engagé par la compagnie Théâtre de la Mascara dans l'Aisne. Mais la place de l'acteur lui semble ingrate et, à 23 ans, il décide de se consacrer à l'écriture[2].

Joël Pommerat fonde la compagnie Louis Brouillard en 1990 (après coup, il explique ce nom comme une référence au prénom de son père et un clin d’œil aux frères Lumière ainsi qu'au Théâtre du Soleil). Il crée ses premiers spectacles au Théâtre de la Main d'Or à Paris.

Au bout de dix ans de travail, renonçant au cinéma auquel il a consacré trois années à travers l'écriture d'un scénario et la réalisation de courts métrages[3], il décide de rassembler un groupe d'acteurs avec lesquels s'engager dans la durée pour faire des spectacles. En 2003, le jour de ses quarante ans, il propose à Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Pierre-Yves Chapalain, Lionel Codino, Philippe Lehembre, Ruth Olaïzola et Marie Piemontese de monter avec eux une pièce par an pendant 40 ans.

À partir de 1997, Pommerat est accompagné et soutenu par le théâtre de Brétigny et par le Théâtre Paris-Villette.

À partir de 2001, la compagnie Louis Brouillard présente ses spectacles en tournée.

Au monde et Le Petit Chaperon rouge en 2004 marquent un tournant dans la reconnaissance du travail de Joël Pommerat, du côté du public comme de la critique. De 2005 à 2008, il est en résidence à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie.

En 2007, Joël Pommerat revient sur sa démarche artistique dans l’essai Théâtres en présence[4]. À l’invitation de Peter Brook, il est en résidence au Théâtre des Bouffes du Nord de 2007 à 2010. Depuis , il est artiste associé à l'Odéon-Théâtre de l'Europe. Il est également artiste associé au Théâtre national de Belgique jusqu'en 2015.

En 2014, sur l'invitation de Philippe Quesne et Nathalie Vimeux, il rejoint l'association d'artistes du Théâtre Nanterre-Amandiers.

La compagnie Louis Brouillard est conventionnée et reçoit le soutien du ministère de la Culture / DRAC Île-de-France et de la région Île-de-France.

Joël Pommerat se définit comme « écrivain de spectacle »[5]. Il monte généralement ses propres textes.

Œuvre

Aux Éditions Actes Sud, coll. « Actes Sud Papiers », Arles (sauf mention contraire).

  • Pôles suivi de Grâce à mes yeux, , 136 p. (ISBN 978-2-7427-4507-4)
  • Au monde suivi de Mon ami, , 112 p. (ISBN 978-2-7427-4915-7)
  • D'une seule main : Suivi de Cet enfant, , 112 p. (ISBN 978-2-7427-5557-8)
  • avec Marlolaine Leray (illustratrice), Le Petit Chaperon rouge, coll. « Actes Sud Papiers/Heyoka jeunesse », , 48 p. (ISBN 978-2-7427-5656-8)
  • Les Cinq Doigts de la main : théâtre, illustrations de Martin Jarrie, 2006
  • Les Marchands, , 56 p. (ISBN 978-2-7427-6152-4)
  • Théâtres en présence, Arles, Actes Sud, coll. « Actes Sud Papiers/Apprendre », , 56 p. (ISBN 978-2-7427-6656-7)
  • Je tremble (1), Arles, Actes Sud-Papiers, , 40 p. (ISBN 978-2-7427-6993-3)
  • avec Olivier Besson (illustrateur), Pinocchio, Arles, Actes Sud-Papiers, coll. « Actes Sud Papiers/Heyoka jeunesse », , 96 p. (ISBN 978-2-7427-7587-3)
  • Je tremble : 1 et 2, Arles, Actes Sud-Papiers, , 72 p. (ISBN 978-2-7427-7573-6)
  • Cercles/fictions, Arles, Actes Sud-Papiers, , 108 p. (ISBN 978-2-7427-9099-9)
  • Cet enfant (nouvelle édition), Paris, Actes Sud-Papiers, , 48 p. (ISBN 978-2-7427-9439-3)
  • Ma chambre froide, Arles, Actes Sud-Papiers, , 101 p. (ISBN 978-2-330-00021-9)
  • Cendrillon, Arles, Actes Sud-Papiers, , 96 p. (ISBN 978-2-330-00555-9) ; rééd. coll. « Babel », 2013
  • La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce, Arles, Actes Sud-Papiers, , 80 p. (ISBN 978-2-330-01251-9)
  • La Réunification des deux Corées, Arles, Actes Sud-Papiers, , 64 p. (ISBN 978-2-330-01947-1)
  • Au monde, Arles (Bouches-du-Rhône), Actes Sud-Papiers, , 72 p. (ISBN 978-2-330-02579-3)
  • Ça ira (1) Fin de Louis, Arles, Actes Sud-Papiers, , 144 p. (ISBN 978-2-330-05996-5)

Analyse de l’œuvre

Les pièces de Joël Pommerat sont profondément ancrées dans le monde contemporain. Leurs personnages représentent un condensé de la société, depuis les cercles du pouvoir économique et politique en passant par l'aristocratie ou les ordres religieux jusqu'à différentes composantes de la classe moyenne, des cadres aux travailleurs indépendants ou précaires. À travers la représentation de divers microcosmes, Joël Pommerat aborde les grandes questions du travail, de la famille, du pouvoir, de l'amour ou de l'idéal en interrogeant ce qui donne aux individus le « sentiment d'exister » (François Flahault)[6].

Le théâtre est pour lui « un lieu possible d'interrogation et d'expérience de l'humain »[7]. Ses pièces révèlent en effet que notre rapport au réel comporte une part d'imagination et de croyance[8]. Dans cette écriture, la représentation du réel (objectif ou subjectif, intime ou collectif) est toujours liée à un travail sur la perception[9], perception des personnages et perception du spectateur.

Dans Pôles, Mon ami (2001) et Grâce à mes yeux (2002), Joël Pommerat met en scène des personnages ordinaires confrontés à la réalisation de soi et à la création artistique comme mode possible d'existence. L'alternance entre passé et présent, entre rêve et réalité et le trouble des personnages face au monde qui les entoure laissent sentir l'étrangeté du réel. Le travail est aussi au centre de La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce (2011) qui représente des vendeurs à domicile, la théâtralité de leur métier et ses abus de confiance.

De même que Cet enfant (2006) autour du thème de la parentalité, Cercles/Fictions qui entremêle huit histoires aux époques et aux enjeux différents et La Réunification des deux Corées qui propose une mosaïque d'une vingtaine de fragments amoureux, la forme séquencée de Je tremble (1 et 2) permet un jeu d'échos et de contrepoints qui ouvre le sens pour le spectateur[10].

Ma chambre froide suspend le jugement en mettant en scène Estelle, une femme de ménage qui se dédouble en un frère violent pour forcer ses collègues à répéter une pièce de théâtre en l'honneur du patron qui leur a cédé ses entreprises. Cette pièce qui emprunte en partie à La Bonne âme de Setchouan de Brecht montre à quel point le travail du montage et l'étrangeté du théâtre de Joël Pommerat diffèrent de la distanciation brechtienne sans être pour autant dénués d'une portée critique[11].

Joël Pommerat a également réécrit des contes populaires : Le Petit Chaperon rouge, Pinocchio (2008) et Cendrillon (2011). Tout public, ces adaptations permettent le développement d'histoires qui éprouvent ce qui terrasserait la vie (initiation à la peur, au désir)[12]. Dans les contes comme dans certaines autres pièces, un personnage de narrateur/présentateur guide et brouille tout à la fois l'expérience proposée au spectateur.

Processus de création

Joël Pommerat se définit comme un « écrivain de spectacle ». Son processus de création remet en cause la tradition du théâtre de texte en accordant une importante place au corps, au son, à la lumière et à l'espace[13]. Il développe un « théâtre total » dans lequel textes, lumières, sons, musiques et costumes s’élaborent quasiment dans le même temps, pendant les répétitions, en collaboration avec l'équipe artistique[14]. À partir d'un espace le plus souvent vide, Joël Pommerat travaille à donner forme aux images qu'il a en tête : il propose conjointement des indications d'écriture scénique et textuelle.

Avec son scénographe et éclairagiste Eric Soyer, Joël Pommerat crée des espaces sculptés par la lumière qui mettent en valeur la présence des acteurs. La musique et le son sont omniprésents. Les atmosphères ainsi créées oscillent entre rêve et réalité, proximité et étrangeté. Ce théâtre aspire à « rouvrir des sensations, des sensibilités, rouvrir la perception »[15]. Les dispositifs circulaires de Cercles/Fictions (2010) et de Ma chambre froide (2011) de même que l'espace bifrontal de La Réunification des deux Corées (2013) témoignent de ce désir de Joël Pommerat d'instaurer un rapport particulier entre la scène et la salle. L'auteur-metteur en scène dit par exemple vouloir scéniquement créer le même effet que celui que l'on ressent à la lecture d'un livre lorsqu'on imagine les personnages[16]. Le regard et l'imagination du spectateur sont particulièrement stimulés par la pénombre des éclairages et l'enchaînement des scènes selon un jeu d'apparition et de disparition dans un noir profond. Le playback est un autre procédé scénique récurrent utilisé pour introduire du trouble dans la réception. Le travail sur l'image et son cadre, l'usage du noir ainsi que la richesse de l'environnement sonore et la sonorisation des voix des acteurs à l'aide de micros HF rapprochent par certains aspects le théâtre de Joël Pommerat d'une expérience cinématographique[17], même si le cinéma n'est pas un modèle qu'il revendique.

Dans ses différents livres, Théâtres en présence et Troubles, Joël Pommerat expose sa technique de mise en scène. Si l'on pense qu'il écrit à partir d'improvisations de ses comédiens parce qu'il écrit au plateau, c'est faux. Il réécrit tout au long des répétitions et demande à ses comédiens de réapprendre le texte rapidement. Tout en collaborant avec eux, il reste le seul créateur[18].

Au centre de cette recherche, l'acteur doit se défaire de ses habitudes pour trouver l'authenticité de sa présence concrète et personnelle en scène. C'est instant par instant, influencé par ces présences en mouvement dans l'espace et la lumière, que Joël Pommerat conçoit ses spectacles. Ainsi, l'acteur n’est pas qu'un simple interprète mais fait partie du poème[19].

Ce processus de création nécessite du temps : selon les spectacles, les répétitions s’étendent sur des périodes de 3 à 6 mois[20].

Mises en scène

Théâtre

Opéra

Distinctions

Récompenses

Nominations

Notes et références

  1. Anne Sennhauser, « Une fiction théâtrale n'est pas raisonnable - Rencontre avec Joël Pommera », revue L'Intermède [en ligne], mars 2011.
  2. Dialogue entre Claudine Galéa et Joël Pommerat, revue Ubu, no 37-38, 2006, p. 54.
  3. Marion Boudier, « “Je ne pense pas cinéma quand je fais du théâtre” : influences et effets cinématographiques chez Joël Pommerat », in Marguerite Chabrol, Tiphaine Karsenti (dir.), Théâtre et cinéma : le croisement des imaginaires, PUR, coll. « Le Spectaculaire », septembre 2013.
  4. Joël Pommerat, Théâtres en présence, Arles, Actes Sud-Papiers, coll. « Apprendre », 2007.
  5. Pommera Joël, « L’artiste, pas plus intéressant qu’une autre personne ! », Nectart, 2016/1 (No 2), p. 30.
  6. Joël Pommerat, Joël Pommerat, troubles, Arles, Actes Sud, 2009, p. 53.
  7. Joël Pommerat, Théâtres en présence, op. cit., p. 27.
  8. Ibid., p. 48 : « Pour toucher à la réalité humaine il ne faut pas choisir entre le dedans et le dehors mais admettre l’entremêlement des deux. »
  9. Christophe Triau, « Le réalisme fantôme de Joël Pommerat. Questions de perception dans la trilogie Au monde, D'une seule main, Les Marchands », revue Alternatives théâtrales, no 100, 2009.
  10. Voir Marion Boudier, « Des dramaturges “ignorants” : théorie et poétique de l’émancipation du spectateur chez M. Vinaver, O. Hirata et J. Pommerat », revue Théâtre/Public, no 208, p. 43-48.
  11. Christophe Triau, « Fictions/Fictions », revue Théâtre /Public, no 203, 2012, p. 86. Voir aussi, dans une perspective contraire, Bérénice Hamidi-Kim, « La Mauvaise âme de Ma Chambre froide », revue Frictions, no 19, 2012, p. 60-64.
  12. Marion Boudier, « La place du conte dans l'œuvre de Joël Pommerat », in postface à Cendrillon, Arles, Actes Sud, coll. Babel, 2013, p. 117-127.
  13. Joël Pommerat, Joël Pommerat, troubles, op. cit., p. 19-21.
  14. Ibid., p. 89-106.
  15. Joël Pommerat, Joël Pommerat, troubles, op. cit., p. 48.
  16. Joël Pommerat, Théâtres en présence, op. cit., p. 32.
  17. Marion Boudier, «  Comme au cinéma ? », revue Agôn [en ligne], oct. 2013.
  18. Joël Pommerat, Théâtres en présence, Arles, Actes-Sud, , 34 p., p. 8.
  19. Ibid., p. 8.
  20. Grégoire Biseau, « Neuf mois derrière le rideau », journal Libération, 5 mars 2011.

Voir aussi

Bibliographie

  • Frédérique Aït-Touati, Bérénice Hamidi-Kim, Tiphaine Karsenti et Armelle Talbot (dir.), Chantier #2 : La Révolution selon Pommerat, thaêtre [en ligne], mis en ligne le
  • Marion Boudier, Avec Joël Pommerat, un monde complexe, Arles, Actes Sud-Papiers, coll. Apprendre, 2015 (ISBN 978-2-330-05504-2)
  • Marion Boudier et Guillermo Pisani, « Joël Pommerat : une démarche qui fait œuvre », revue Jeu, no 127, 2008
  • Joëlle Gayot et Joël Pommerat, Joël Pommerat, troubles, Arles, Actes Sud, , 118 p. (ISBN 978-2-7427-8491-2)
  • Joël Pommerat, Théâtres en présence, Arles, Actes Sud-Papiers, coll. « Apprendre », 2007
  • Christophe Triau, « Fictions/Fictions. Remarques sur le théâtre de Joël Pommerat », revue Théâtre/Public, no 203, 2012
  • Nektarios-Georgios Konstantinidis, La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat: Entre le paradoxe et le conflit, Athènes, Liberal Books, 2018 (ISBN 978-618-5012-36-6)

Liens externes

  • Portail du théâtre
  • Portail de la littérature française
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.