Joachim Bohui Dali

Joachim Bohui Dali est un poète et philosophe ivoirien né en 1953 à Lakota au Sud-ouest de la Côte d’Ivoire et mort en 1993. Considéré comme l’un des disciples les plus doués de Bernard Zadi Zaourou, mentor des poètes néo-oralistes ivoiriens, Bohui Dali laisse à la postérité deux œuvres poétiques d’une grande densité stylistique : Maiéto pour Zékia, parue aux Éditions Ceda, Abidjan, en 1988 et Kostas Georgiu ou la Chanson du péril mercenaire, publiée aux Nouvelles Éditions du Sénégal en 1991.

Joachim Bohui Dali
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La guerre des femmes revisitée

Maiéto pour Zékia reprend à son compte le mythe Bété et Dida de la Guerre des femmes. Selon ce récit, les hommes et les femmes vivaient, jadis, en deux communautés séparées. Les femmes, dirigées par une guerrière intrépide, Maïé Trokpé, entrèrent en guerre contre la communauté mâle, le jour où les hommes assassinèrent Zikéï, mâle unique vivant au sein de la cité des femmes et partageant, avec elles, leur vie d’éternelle chasteté.

S’engagea alors une guerre qui vit la victoire militaire des hommes conduits par Gnali Zâgo, leur chef. Mais cet antique conflit sera éternel, les femmes en ayant ainsi décidé : « Les hommes nous ont vaincu par la force de leurs arcs et de leur sagaies, nous triompherons d’eux par la force de l’amour et du désir ».

Elles inventeront, pour ce faire la polygamie, stratégie militaire par laquelle les femmes entendent venir à bout des hommes en les épuisant à force d’étreintes voluptueuses.

Mais il existe désormais une version académique de ce mythe, vulgarisée par Bernard Zadi Zaourou, dans son œuvre dramatique La guerre des femmes.

Selon cette version  : à l’origine des temps, hommes et femmes vivaient en communautés séparées. Les aventures d’un chasseur mâle, égaré à la tâche, permettront aux femmes de découvrir l’homme. De là éclatera une farouche guerre à l’issue de laquelle triompheront les femmes, menées par la redoutable Mahié.

Mais en observant attentivement les stratégies de la race des femmes, les hommes découvriront que la force de guerre de celles-ci est liée à la présence d’un mâle en leur sein : Zouzou. Soupçonné de trahison par Mahié, Zouzou sera exécuté, ce qui ne manquera de susciter la rébellion des femmes contre Mahié…

Socialisation du mythe

De ce matériau originel, Bohui construit un texte au long cours où l’antique conflit se fait allégorie des antagonismes sociaux : Gnali Zâgo, chef de la cité mâle, devient figure du pouvoir contre lequel s’insurgent les opprimés. Sous la houlette de Maié, les dominés - d’un bout à l’autre du pays/continent – mènent bataille pour l’avènement d’un jour neuf. L’accent martial des échanges n’est chez Bohui que fruit de la « haine amoureuse », oxymore centrale en laquelle s’opère l’antagonisme salvateur.'

Poésie oraculaire

Violence mais aussi réconciliation et pardon dans les lignes du Kostas Goergiu, deuxième œuvre de Bohui Dali, dont les pages annoncent la chute de l’apartheid en Afrique du Sud. Si les événements de Johannesbourg surprennent plus un observateur, l’oracle poétique, lui, n’a nulle raison de s’émouvoir. Les pages du Kostas Goergiu rendent compte, – avant la lettre – de la réconciliation entre blancs et noirs d’Afrique du Sud. Ce qui vaut alors à Bohui Dali l’appellation de « Démiurge à la vision prophétique ».

L'homme politique

Sur le plan politique, Bohui Dali fut militant du Front populaire ivoirien (FPI). Membre actif de la cellule universitaire de ce parti, il a collaboré à Les Cahiers du Nouvel Esprit, revue de réflexion du FPI et a signé, à ce titre, plusieurs articles dont L’État obscène par lequel le militant Bohui entendait dénoncer l’arrestation de Laurent Gbagbo - alors chef de l’opposition - incarcéré en 1992, à la suite d'une marche de protestation violemment réprimée par le pouvoir en place.

Bohui, par le vers

Faute de joie
Laissons éclater la rage
Courons plus vite que les balles des fusils
Au milieu des éperviers se lamente une grive blessée
(...)
O Zékia
C’est cette même folie d’aimer
qui nous tiraille
(Maïéto pour Zékia)

Nos épouses habillées comme
Des héroïnes
Se mirent à chavirer
Elles étaient incendiaires-fruit de liane-
Et venimeuses
Nous bûmes de l’Amour
Nous sacrifiâmes les rites des reins pour
Adorer un dieu tutélaire
(Kostas Georgiu)

Articles connexes

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