Joseph Charignon

Antoine Joseph Henri Charignon, né le à Châteaudouble et mort le à Pékin, est un ingénieur franco-chinois dont le nom chinois est Sha Hai'Ang (en chinois : 沙海昂).

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Antoine Joseph Henri Charignon
(alias : Sha Hai'Ang)
Charignon en uniforme de lieutenant d'artillerie (Hanoï, 1914)
Biographie
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Décès
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Antoine Joseph Henri Charignon
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Constructeur de chemin de fer mais également sinologue, historien et philosophe, il est particulièrement connu pour son ouvrage sur Marco Polo[1]. Il était membre de la Société asiatique et de la Société de géographie de Paris.

À la suite de sa vie en Chine et de son accession à la nationalité chinoise, A. J. H. Charignon a adopté la prononciation chinoise de son nom Sha Hai’Ang, Sha ()nom propre avec pour sens « premier sable », pour CHA, hai () « mer », pour RI, ang () verbe et substantif exprimant la hauteur, l'élévation, pour GNON. Son nom social est Linong, 利農, « Utile à l'agriculture ».

Éléments biographiques

Jeunesse et études

Antoine Joseph Henri Charignon est né le à Châteaudouble, Drôme en France. Il est le 2e fils d’une fratrie de 6 enfants composée de 5 garçons et une fille. Ses parents sont de modestes propriétaires-cultivateurs[réf. nécessaire].

Dans sa jeunesse, il fait ses études de classes préparatoires au lycée Saint-Louis à Paris et entre ensuite à l’École centrale des arts et manufactures de Paris comme ingénieur (promotion 1894) où il choisit la spécialité métallurgie. Il se présentera par la suite comme ingénieur civil, preuve de son adhérence à la Société des ingénieurs civils[note 1][source insuffisante].

Il étudie également à l’École des langues orientales et devient polyglotte. Son dossier militaire indiquait ainsi : « Parle et écrit couramment l’anglais, l’italien et le grec moderne, connaît le chinois, parle le turc »[réf. nécessaire].

Ingénieur civil

Dès sa sortie de l’École centrale, Joseph Charignon quitte le luxe de la vie parisienne pour aller en Turquie, dans les montagnes d’Asie Mineure, en tant qu’ingénieur ferroviaire, où il participe pendant trois ans avec McLeod (Régie Vitali)[note 2] à la construction de la ligne de chemin de fer Smyrne – Kässaba. Il développe ainsi son expérience dans la conception, la construction et la gestion de projets ferroviaires.

En 1898, à l’âge de 26 ans, Joseph Charignon, qui est alors embauché par la société française d’ingénierie Fives-Lille, est envoyé en Chine pour la construction du chemin de fer situé à la frontière du Yunnan[note 3],[2] reliant Hanoï (Viêt Nam) à Yunnan-fou (actuellement Kunming).
Cette région, au relief particulièrement mouvementé, rend le travail d’ingénierie beaucoup plus complexe et difficile[note 4].
En tant que topographe chargé du relevé et de la planification du tracé des lignes, Charignon explore la région, campe à travers des forêts denses et s’implique beaucoup dans son travail. Systématiquement, il profite de ses temps libres pour découvrir avec intérêt les paysages et les coutumes des minorités ethniques en Chine. Il prend également plusieurs photos qui seront compilées et publiées dans l’ouvrage intitulé Ligne de Laokay à Yunnansen[3].

Plus tard, il prend part à la construction de la voie ferrée Zhengtai, de la ligne ferroviaire Beijing-Hankou[note 5]. Il participe également à la construction des chemins de fer du Longhai sur la ligne Xiamen-Zhangzhou, toujours comme ingénieur[réf. nécessaire].

N’ayant peur ni du grand froid ni de la chaleur, Charignon traverse montagnes et rivières et parcourt plus de la moitié de la Chine, participant à de nombreuses autres opérations de génie civil et d’ingénierie ferroviaire. Il contribue ainsi à la constitution des fondations du réseau ferroviaire chinois actuel qui permet à la Chine de mettre facilement en relation toutes ses zones urbaines et rurales. Son activité de prospection et de relevés topographiques dans ces projets, permettant une planification optimale sur le plan des tracés et des coûts de construction des lignes, contribue de façon significative aux décisions de réalisation de constructions importantes, telles que de très grands ponts franchissant le fleuve Jaune sur la ligne Beijing-Hankou, ou encore le fameux pont en arbalétrier franchissant la vallée du haut Namti et permettant un nouveau tracé de la ligne LaoKay – Kunming. Ces contributions lui valent la reconnaissance du gouvernement Qing.

Reconnaissance et obtention de la nationalité chinoise

En 1908, Charignon sert la dynastie Qing en tant que consultant au ministère des Communications[4],[note 6] avec le titre de Conseiller en communications.

En 1910, à l’âge de 38 ans, Charignon obtient la nationalité chinoise. Il devient ainsi l’un des premiers Européens et le premier Français naturalisé chinois. Il prend le nom de Sha Hai'Ang[5],[6].

Après de tels débuts, Charignon (alias Sha Hai'Ang) ambitionne de développer sa carrière. Ayant voyagé partout sur le terrain (en Chine du Sud, Chine centrale et au Nord de la Chine) et connaissant en détail la géographie des zones inspectées de par son travail, il écrit le Plan ferroviaire de la Chine dans le livre Les Chemins de fer chinois : Un programme pour leur développement[7] qui lui vaut en 1916 la médaille d’argent de la Société de géographie (prix Eugène-Potron). Il tient, dans ce livre, un discours franc et sans détour, quitte à violer certains tabous de l’ordre établi.

Cependant, bien qu’ayant travaillé longtemps au ministère, beaucoup de ses idées et propositions ne peuvent être réalisées par le gouvernement chinois. Charignon (alias Sha Hai'Ang), déçu par ces échecs ainsi que par la lenteur des relations bureaucratiques se met à collectionner des livres et à rassembler des documents afin de se concentrer sur l’écriture de son futur grand ouvrage, c’est-à-dire sa nouvelle traduction et annotation du livre sur Marco Polo[réf. nécessaire].

Durant la Première Guerre mondiale

En 1914, au déclenchement de la Première Guerre mondiale, Charignon a 42 ans. Il est lieutenant de réserve du 4e Régiment d’artillerie coloniale française.
À cette époque, la Chine est encore alliée de l’Allemagne et donc ennemie de la France[note 7]. Malgré son âge et sa famille en Chine[note 8] et en dépit de sa nouvelle nationalité chinoise, il démissionne de toutes ses fonctions en Chine afin de rejoindre sa mère-patrie entrée en guerre ; il déclara à ce propos : « Ce n’est pas parce qu’on prend pour épouse – la Chine – qu’on doit oublier sa mère – la France. »[réf. nécessaire].

Affecté au 2e Régiment d’artillerie lourde, il combat avec la Force expéditionnaire française de Turquie et participe à la campagne dite de Gallipoli ou des Dardanelles qui vit les troupes turques opposer une résistance opiniâtre aux forces alliées et causa jusqu’à 250 000 victimes côté alliés (dont près de 47 000 côté français)[réf. nécessaire].

Rentré en France, il combat dans les tranchées, participant entre autres aux campagnes de Verdun et du Chemin des dames. Il est alors exposé aux gaz asphyxiants et restera handicapé jusqu’à la fin de sa vie. Il se distingue avec éclat et sa conduite lui valut de recevoir la Croix de Guerre et d’être nommé Chevalier de la Légion d'honneur[8].

Une fois la Grande Guerre terminée, Joseph Charignon continue de servir la France en tant que chef d’escadron d’artillerie en Union soviétique, en Sibérie. Là, à la suite de la révolution d'Octobre, les forces britanniques et françaises, dirigées par le général Janin, sont associées aux forces de l’Armée blanche de l’Amiral Koltchak. Cette campagne se solde en 1919 par une cuisante défaite à Omsk[réf. nécessaire].

Retour en Chine – Période intellectuelle

En 1920, Charignon (alias Sha Hai'Ang) est de retour en Chine, à Pékin. Il s’installe dans une propriété du district de Daxing (en périphérie de Pékin) qu’il nomme « La Porte Maillot » en souvenir de sa jeunesse parisienne[note 9]. En raison de sa mauvaise santé[note 10], résultat des gaz asphyxiants reçus dans les tranchées, il démissionne de son poste au gouvernement, pour consacrer son temps libre à l’étude de l’histoire chinoise et de la géographie[réf. nécessaire].

Charignon (alias Sha Hai'Ang) s’intéresse d’abord particulièrement à l’histoire des échanges culturels chinois et étrangers. Il se focalise ensuite résolument sur l’étude des voyages de Marco Polo à partir d’une compilation des auteurs et critiques, aussi bien britanniques que français, de ce récit de voyage. Il réalise ainsi une importante traduction en français moderne et réédition du livre Le Devisement du Monde[note 11] en y ajoutant de nombreuses et nouvelles annotations, en français comme en chinois. Ce nouvel ouvrage, intitulé Le Livre de Marco Polo, citoyen de Venise[1], traduit en chinois par la presse commerciale. Il lui vaut la Médaille d’or de la Société de géographie de Paris[note 12] et la reconnaissance de nombreuses personnalités du monde de la culture chinoise. Ainsi, l’ancien professeur de l'université catholique Fu-Jen et traducteur en chinois du Devisement du Monde, Zhang Xing a déclaré qu'« il convient de noter qu’en comparaison avec les éditions françaises et britanniques précédentes, cet ouvrage est tout à fait unique de par ses annotations personnelles, même s’il a occasionnellement omis d’expliquer certains points ». En 1923, dans le Journal de géographie en Chine, Zhang Xing publie un article introductif au Livre de Marco Polo dans lequel il décrit Sha Hai'Ang comme un « vrai camarade chinois avec qui il s’est immédiatement établi un contact épistolaire ». Les deux hommes auront une collaboration commune durant 8 ans. Au début du XXIe siècle, certains chercheurs sur Marco Polo vont encore en Chine pour étudier cet ouvrage[réf. nécessaire].

Dans sa propriété de la Porte Maillot (Chine) en 1929.

Charignon (alias Sha Hai'Ang) étudie ensuite les récits des voyages de Fernao Mendes Pinto[9], un pirate, explorateur et écrivain portugais de l’époque de la dynastie Ming qui voyagea à travers toute la Chine autant que le fit Marco Polo pendant la dynastie Yuan. Il effectue des recherches, annote ce livre et en publie un nouveau sous le titre À propos des Voyages Aventureux de Fernand Mendes Pinto[10]. Ce livre est extrêmement rare : il n’en existe pas de traduction en anglais ni en allemand et le texte français avec les propres annotations de Charignon est particulièrement difficile à trouver[réf. nécessaire].

Il n'a pas le temps de finir son travail de notes car il subit une hémorragie cérébrale et meurt le à l'hôpital français de Pékin, à l’âge de 58 ans. C’est sa belle-sœur, Marie Médard, qui complètera ces travaux en son nom[réf. nécessaire].

Il est inhumé au cimetière de Chala (Pékin) après un service funèbre célébré le en l’église Saint-Michel de Pékin[réf. nécessaire].

Joseph Charignon a profité de sa longue présence en Chine pour maîtriser la langue du pays et a même enseigné l'histoire de France à l’université de Pékin. Son attitude sérieuse de chercheur et collectionneur de livres l’a fait remarquer par de nombreux savants chinois[Lesquels ?][réf. nécessaire]. Il a de plus constitué une importante collection de livres[note 13] portant sur les civilisations d’Extrême-Orient en général et sur la Chine en particulier (abordant des sujets variés comme l’histoire, la géographie, le patrimoine culturel, l’éthique, la philosophie ou encore les religions). L’ensemble de cette bibliothèque a été rachetée par le gouvernement chinois qui la conserve à Pékin à l’Académie chinoise des sciences sociales en 2012[réf. nécessaire].

Famille

  • Sa femme Louise Médard (Fuzhou, - ). Il se marient le à Shanghaï.
  • Son beau-père Léon Médard. Venu en Chine en 1868 avec la Mission Giquel, il s’était ensuite installé en Chine et était professeur à l’Arsenal de Fuzhou.
  • Sa belle-mère Lona Wang est la fille d’un mandarin mandchou exilé en Chine dans la province de Fujian.
  • Sa belle-sœur Marie Médard (Fuzhou, - Pékin, ) reprit une partie des travaux de Sha HaiAng après sa mort.
  • Sa fille Marie Louise dite Lily Charignon (Pékin, – Paris, ). Elle épousa en 1928 le diplomate français Armand Gandon (1901-1998) dont elle divorça finalement en 1949. Elle travailla à l’ambassade de France en tant qu’interprète pour la culture chinoise avant de travailler à l’UNESCO.

Reconnaissances

Militaires
Littéraires
  • Prix Eugène-Potron pour Les Chemins de fer chinois : un programme pour leur développement
  • Prix Louise-Bourbonneau pour Le livre de Marco Polo

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Cette association fondée par d’anciens centraliens regroupe de nombreux ingénieurs et anciens élèves de l’école. Voir aussi http://cnum.cnam.fr/RUB/fmemo.html.
  2. La Régie générale des chemins de fer (RGCF) a été fondée en 1855 par le comte Philippe Vitali (1830-1910). La construction de chemins de fer représente la grande majorité de son chiffre d’affaires total. En 1910, la RGCF contrôle ainsi un ensemble de concession ferroviaires dont les lignes Salonique - Constantinople, Smyrne - Kässabe et NaqouraBeyrouth - Tripoli. Son expérience provient en partie de la Chine où, en association avec la Société de construction des Batignolles, elle a construit, pour le compte de la Société de construction des Chemins de fer Indochinois, le réseau ferré du Yunnan[réf. nécessaire].
  3. Cette ligne qui relie le Yunnan (Chine) au Viêt Nam, a été construite par un consortium d’entreprises françaises dont la Société de Construction des Batignolles et la Compagnie française des chemins de fer de l'Indochine et du Yunnan entre 1903 et 1910 et inaugurée le 31 mars 1910. Ce projet, qui a demandé de nombreuses années de prospection au préalable, avait été soutenu par le gouverneur général de l’Indochine Paul Doumer (en fonction de 1897 à 1902)[réf. nécessaire].
  4. Et impose l’utilisation de techniques hardies et innovantes tel le fameux pont en arbalétrier du Haut-Namti[réf. nécessaire].
  5. Cette ligne, terminé en 1905, permet à l’époque de relier les villes de Pékin et Han-Kéou, distantes de 1 200 km, en 29 heures[réf. nécessaire].
  6. Ce ministère regroupait en fait la mer, les postes, les transports et l’électricité
  7. La Chine ne rompt ses relations avec l’Allemagne qu’en mars 1917[réf. nécessaire].
  8. Il est alors marié et a une fille[réf. nécessaire].
  9. Elle sera reprise et détruite par les soldats de Mao durant la Révolution culturelle[réf. nécessaire].
  10. Il doit, par exemple, boire du lait de chèvre tous les jours, et a fait pour cela venir deux chèvres de France qu’il élève dans sa propriété.
  11. Souvent également appelé « Le Livre des Merveilles ».
  12. Il reçoit le prix Louise-Bourbonnaud qui récompense les travaux géographiques sur les diverses parties du monde (autre que la France).
  13. Plus de 2 400 ouvrages achetés pour la plupart en Europe et le plus souvent écrits en français ou en anglais dont le répertoire complet a été réalisé en 1951 par Marie Médard.

Références

  1. A. J. H. Charignon, Le Livre de Marco Polo. Pékin: Albert Nachbaur, Vol. 1. 1924, Vol. 2. 1926, Vol. 3. 1928
  2. http://belleindochine.free.fr/Yunnan.htm
  3. A. J. H. Charignon, Ligne de Laokay à Yunnansen, Pékin : Préfecture des Chemins de Fer du Yunnan, 1908, 54 p.
  4. Claude Rivière, En Chine avec Teilhard, Seuil, 1968, p. 173
  5. « M. Charignon, ingénieur français, est un des premiers Européens qui se soit fait naturaliser Chinois » (Documentation du progrès, février 1910, p. 142) http://htmlimg2.scribdassets.com/2226hcfzcwi25wr/images/1-2c1c7c4d9d.jpg
  6. « Il fut le premier étranger à être naturalisé chinois sous le nom de Sha Hai’ang, ce qui lui valut un article haineux du correspondant du Times à Shanghaï sous le titre ‘Chinese railways end patriotism’ » dans Joseph Marchisio, Les Chemins de fer chinois : Finance et diplomatie 1860-1914, Paris : You-feng libraire-éditeur, 2005, pp. 292-293
  7. A. J. H. Charignon, Les Chemins de fer chinois : un programme pour leur développement, Pékin : Imprimerie des Lazaristes du Pétang, 1914, 22 p.
  8. Journal Officiel du 1er mai 1918
  9. Fernao Mendes Pinto, Peregrinaçam, Lisbonne: Pedro Crasbeek, 1614
  10. A. J. H. Charignon, À propos des voyages aventureux de Fernand Mendes Pinto, rédigé par Marie Médard, Pékin : Imprimerie des Lazaristes, 1935, 417 p.
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