Kanji

Les kanjis[alpha 1] sont des signes issus des caractères chinois dont le rôle est d'écrire une partie de la langue japonaise, chaque kanji ayant une ou plusieurs expressions phonologiques possibles, appelées « lectures ».

Généralités

Nature et rôle

Le mot « kanji » est la romanisation du terme japonais 漢字 (API : /kaɲd͡ʑi/ ), lui-même issu de son homologue chinois 漢字[alpha 2] ; il signifie caractère (, ji) de l'ethnie han (, kan), donc « caractère chinois » ou « sinogramme ».

Les kanjis sont indispensables pour lire et écrire le japonais, où ils sont associés aux kanas (les syllabaires[alpha 3] hiragana et katakana) ainsi que, dans une moindre mesure, aux lettres latines[alpha 4] (pour les sigles, etc.) et aux chiffres arabes. Ils sont parfois désignés par le vocable 真名 (mana), qui est un antonyme de kana.

Exemple d'un texte mêlant kanjis (caractères soulignés) et hiraganas
元号は、皇位継承があった場合める。

Les caractères chinois sont à l'origine des logogrammes codant en règle générale un mot ou un morphème de la langue chinoise archaïque. Par exemple, le signe est utilisé pour représenter le mot chinois signifiant « cheval ». Les kanjis sont naturellement dotés de ces valeurs sémantiques primitives et de leur dérivés  auxquelles éventuellement s'ajoutent d'autres spécifiques à la langue japonaise , l'ensemble étant regroupé sous le concept de 字義 (jigi), c'est-à-dire « sens du caractère »[alpha 5]. Ces sens sont consultables à l'aide de dictionnaires.

Liste de sens liés à quelques kanjis[1]
année, époque, récolte
rencontrer, se réunir, occasion, compréhension, compter
soi-même, tout seul, commencement
ciel, astre, nature, empereur, climat, destin, kamis célestes

Face à un mot inconnu écrit en kanjis, il arrive qu'il soit possible d'en deviner la signification, au moins approximativement, à travers l'observation des sens de chacun des kanjis le composant. Par exemple, la signification du mot 語源 (étymologie) peut être devinée si l'on sait que et signifient respectivement « mot » et « source ».

Néanmoins, un tel déchiffrage ne correspond pas à la pratique ordinaire : pour lire et écrire le japonais, le plus important est de connaître les lectures (読み, yomi)[2] de chaque kanji, lesquelles correspondent à une more du japonais (par exemple fu, bu) ou à une série de mores (par exemple kaze, kaza, ). À l'instar du caractère présenté ci-dessous, un kanji possède une ou plusieurs lectures, lesquelles peuvent avoir en commun un ou des sens ; les liens entre ces sens peuvent être anciens ou ténus.

Lectures et principaux sens du kanji


ふう
fu (bu[alpha 6])

ふ(ぶ)
kaze

かぜ
kaza

かざ
≈ « vent » 台風

tai‧fū[alpha 7]
屛風

byō‧bu[alpha 8]
風,北風

kaze[alpha 9], kita‧kaze[alpha 10]
風車

kaza‧guruma[alpha 11]
≈ « apparence » 風,風景

[alpha 12], fū‧kei[alpha 13]
- - -
≈ « charme » 風致

fū‧chi[alpha 14]
風情

fu‧zei[alpha 15]
- -
≈ « coutume »
ou « style »
風習,画風

fū‧shū[alpha 16], ga‧fū[alpha 17]
- - -

L'origine logographique des kanjis conduit à les opposer aux syllabaires (kanas), puisque ces derniers ne représentent intrinsèquement que des sons dépourvus de valeur sémantique propre. Kanas et kanjis se combinent dans le modèle kanji kana majiribun[3] qui, schématiquement, consiste à utiliser les kanjis pour écrire les radicaux, tandis que l'habillage grammatical de la phrase (mots grammaticaux, désinences, etc.) est écrit en kanas. Par exemple, le verbe « parler » (話す, hana‧su[alpha 18]) voit son radical écrit avec le kanji qui contient les sens de « parole », « parler » ou « rumeur », et sa terminaison avec le hiragana notant la more su.

Avantages pratiques des kanjis

Malgré le fait qu'il soit possible, techniquement, de se passer des kanjis pour écrire la langue nipponne (en écrivant tous les mots en kanas), le japonais, dans sa pratique ordinaire, a recours à nombreux kanjis, en raison des multiples avantages qu'ils offrent. Fondamentalement, le lien direct qu'il y a entre le signe et son ou ses sens renforce la capacité des textes japonais à transmettre du sens de manière rapide et intense, ce qui de surcroît contribue à limiter la dérive du sens des mots.

D'autre part, l'alternance de kanjis et de kanas aide à distinguer les mots malgré l'absence quasi-systématique d'espaces au sein des phrases. Par exemple, la phrase « Shiroi neko o mita », qui peut se traduire par « J'ai vu un chat blanc. », s'écrira :
しろいねこをみた  en kanas uniquement  ou, de manière plus habituelle,
白い猫を見た  en kanas et kanjis. Les kanjis , , et (respectivement « blanc », « chat » et « voir ») portent les principaux sens, tandis que les autres caractères (hiraganas) sont des éléments grammaticaux (terminaison adjectivale , particule et terminaison verbale ).

Cet exemple illustre également le fait que les kanjis permettent généralement de réduire le nombre de signes et donc la place prise par le texte.

En outre, il existe en japonais de nombreux homophones[alpha 19] qui seraient aussi homographes sans le recours à l’écriture en kanjis (un peu comme si « haut » et « eau » avaient la même orthographe en français).

Exemples d'homophones
Kanji Kana Romanisation Traduction

指揮
士気
しき
"
"
shiki
shi‧ki
"
Cérémonie
Direction
Motivation
行動
公道
講堂
こうどう
"
"
kō‧dō
"
"
Action
Voie publique
Amphithéâtre

かわ
"
kawa
"
Rivière
Cuir

Enfin, la polysémie de certains mots se traduit par des choix de kanjis différents en fonction de la nuance exprimée, comme dans les exemples ci-dessous (phénomène des dōkun iji) :

Mot Nuance 1 Nuance 2
yo‧i Dans le sens de « de bonne qualité » ce mot s’écrit :
良い
Dans le sens de « bon moralement » ce mot s’écrit :
善い
fune Dans le sens de « embarcation de petite taille » ce mot s’écrit :
Dans le sens plus général de « bateau » ce mot s’écrit :

Inclusion des kanjis dans les caractères chinois

(sakaki)

L'origine des caractères chinois remonte, selon les plus anciens documents connus, à l'écriture ossécaille de la fin de la dynastie Yin. C'est néanmoins plus tard qu'ils furent importés au Japon, à une époque qui n'est pas clairement établie ; le Kojiki (712) est le plus ancien livre japonais qui nous soit parvenu[alpha 20], mais de nombreuses monnaies, stèles ou sceaux témoignent d'une utilisation plus ancienne des sinogrammes dans l'archipel japonais. Par ailleurs, la tradition considère que l'on doit l'enseignement des caractères chinois auprès de la cour impériale japonaise au lettré Wani, venu du royaume de Baekje[alpha 21] (en japonais Kudara) situé au Sud-Ouest de la péninsule coréenne.

En raison des origines communes des signes utilisés au Japon et en Chine et des profondes similitudes qui demeurent aujourd'hui encore sur les plans graphique et sémantique, les kanjis sont classés dans un ensemble plus vaste désigné sous le terme générique de « caractères chinois » ou « sinogrammes ». Néanmoins, il existe certaines spécificités nipponnes en termes d'apparence graphique (que l'on prenne en compte ou non les réformes de l'écriture chinoise du XXe siècle) et de sémantique, points qui seront présentés dans la suite de l'article.

On trouve aussi une petite proportion de kanjis dits kokuji, qui ont été forgés au Japon. Par exemple, (sakaki), qui désigne l'arbre présenté en offrande dans les rites shintoïstes, est un kanji apparu au Japon ; il provient de la fusion des caractères et d'une variante de , respectivement « arbre » et « divinité »[alpha 22].

Ainsi, en l'absence d'une stricte inclusion des kanjis dans l'ensemble formé par les authentiques sinogrammes continentaux, il convient en toute rigueur de considérer les kanjis comme un système singulier et propre à l'écriture japonaise qui s'est progressivement éloigné de son modèle.

Nombre de caractères

Il n'existe pas de décompte précis et universellement reconnu permettant de dire combien de kanjis existent.

Le jeu de caractères codés JIS X 0213, appartenant aux normes industrielles japonaises (JIS), fut établi en 2000 puis révisé en 2004 et 2012[alpha 23]. Il contient plus de 10 000 caractères considérés comme des kanjis, répartis en quatre niveaux, les deux premiers contenant les signes les plus fréquents. Cependant, nombre de ces kanjis ne sont que très rarement rencontrés.

Du côté des dictionnaires, le Dai Kanwa Jiten (en) qui est un 漢和辞典 (kanwa jiten, littéralement dictionnaire sino-japonais) contient plus de 50 000 caractères différents, incluant des variantes graphiques ; leurs sens sont expliqués en japonais, de même que les significations de nombreux termes composés de deux kanjis ou davantage. Toutefois, les kanwa jiten incluent de nombreux sinogrammes qui n'ont jamais ou presque jamais été employés en dehors des textes dits kanbun (littérature chinoise ou japonaise écrite dans la langue chinoise classique). Le nombre de 50 000 n'est donc pas nécessairement pertinent pour décrire l'usage contemporain des kanjis, ces dictionnaires dépassant le cadre strict de la langue japonaise en tant que langue vivante. En comparaison, le dictionnaire publié par la fondation d'utilité publique The Japan Kanji Aptitude Testing Foundation contient environ 6 300 kanjis (cf. bibliographie), ces derniers appartenant dans leur grande majorité aux deux premiers niveaux de la norme JIS X 0213. L'examen Kanken organisé par la fondation a pour objet, dans sa version la plus ardue (le niveau ikkyū, que très peu de gens, en proportion, passent), la connaissance de l'ensemble des kanjis présents dans le dictionnaire. Comme l'atteste le faible taux de réussite à cet examen, une partie non négligeable des kanjis de ce dictionnaire n'est connue que par des personnes ayant des connaissances particulièrement poussées en kanjis.

Il existe une liste officielle des jōyō kanji (kanjis d'usage courant), dont l'effectif se limite à 2 136, mais cela ne signifie ni que tout le monde connaît avec précision tous les kanjis officiels, ni surtout que tous les kanjis extérieurs à cette liste (désignés par la catégorie dite hyōgai kanji[4]) sont de facto inconnus du grand public. En effet, dans la pratique, il n'est pas du tout rare d'utiliser des caractères hyōgai kanji, en particulier pour écrire des noms propres, des termes techniques ou des mots ou expressions littéraires. L'usage des furigana, pour en préciser la lecture, est certes assez fréquent, mais il n'est pas systématique. Le cas des noms propres mis à part, le recours à ces kanjis dépend de facteurs comme le degré de publicité d'un document, l'existence d'un contexte spécialisé ou de règles liées à une organisation, voire, les habitudes ou choix individuels. Les usages dans presse écrite suivent la liste officielle, avec néanmoins quelques petites différences[5].

Classification des kanjis

Comme vu dans la section précédente, les kanjis forment un vaste ensemble de plusieurs milliers de signes, d'où la nécessite d'avoir des méthodes de classement.

Comme pour les sinogrammes en général, tout kanji se découpe en une ou plusieurs parties[alpha 24]. Une décomposition fréquente consiste à séparer le caractère entre sa partie gauche (hen) et sa partie droite (tsukuri). La partie qui est, par convention, considérée comme principale est appelée « clé » (部首, bushu).

Table 1 : Exemples de décompositions
Kanji Hen Tsukuri Clé Remarque
Variante de la clé
insécable[alpha 25] insécable
Variante de la clé

Les clés se situent généralement sur l'un des sept emplacements classiques[6] qui incluent les emplacements précités hen et tsukuri. En outre, certaines clés ont plusieurs formes possibles, souvent en fonction de l'emplacement qu'elles occupent. Par exemple, la clé voit sa forme changée en lorsqu'elle est positionnée sur la partie gauche du caractère (hen). En japonais, il est courant de désigner par des appellations distinctes chacune de ces variantes (cf. table 2 ci-dessous).

Les clés permettent de classer les kanjis dans les dictionnaires en format papier, suivant l'ordre des clés[alpha 26], chaque dictionnaire contenant une table où les clés sont rangées dans l'ordre du nombre de leurs traits. Selon les dictionnaires, le nombre de clés et leurs affectations aux kanjis peuvent présenter quelques différences, mais celles-ci demeurent tout à fait mineures ; aussi les principaux ouvrages s'accordent-ils sur un effectif légèrement supérieur à deux-cents clés, sans compter les variantes.

Table 2 : Exemples de clés
Clé Nom japonais de la clé[alpha 27] Emplacement de la clé Exemple d'utilisation
(variante de la clé ) risshinben À gauche (, hen)
(variante de la clé ) ōzato À droite (, tsukuri)
(variante de la clé ) amekanmuri Au-dessus (, kanmuri)
kokoro En dessous (, ashi)
shikabane En haut et à gauche (, tare)
ennyō À gauche et en dessous (, nyō)
mongamae Pourtour (, kamae)

Avec l'avènement de l'informatique, on trouve aussi des dictionnaires électroniques qui utilisent les numéros des points de code (dans les standards JIS ou Unicode) comme critère de classement et de recherche, voire qui offrent la possibilité de chercher la lecture d'un kanji ou d'un mot à partir de caractères tracés à la main (stylet, souris, etc.). En outre, des linguistes ont mis au point de nouvelles méthodes pour classer et rechercher les kanjis, souvent utiles aux locuteurs non natifs, comme la méthode SKIP du chercheur Jack Halpern qui consiste à reconnaître l'agencement entre les éléments constituants.

D'autre part, les grandes catégories étymologiques des sinogrammes que l'on trouve dans les dictionnaires, à savoir les pictogrammes, les idéogrammes simples, les idéogrammes composés et les idéophonogrammes, sont un attribut possible pour indexer les kanjis.

Table 3 : Principales catégories étymologiques
Catégorie étymologique Exemples Remarques
Pictogrammes (象形文字, shōkei moji) (rivière) ; (montagne) ; (cheval) ; (bois) ; (personne) Ces représentations proviennent de dessins d'objets ou d’êtres concrets.
Idéogrammes simples (指事文字, shiji moji) (un) ; (deux) ; (dessous) Représentations d'idées et non d'objets.
Idéogrammes composés (会意文字, kaii moji) (bosquet) ; (forêt) ; (repos) Compositions avec les pictogrammes et ( est un équivalent de ).
Idéophonogrammes (形声文字, keisei moji) (allonger) ; (attaquer) ; (herbe) Ces caractères se décomposent entre une partie sémantique et une partie sonore¹.

¹ Identifier la partie sonore d'un idéophonogramme permet souvent de déduire une lecture sino-japonaise de ce kanji. Par exemple, les parties sonores de (shin), () et (), respectivement , et , sont elles-mêmes des kanjis ayant pour lectures sino-japonaises shin, et .

Exemples de kanjis

Jeune femme s'exerçant aux kanjis. Estampe sur bois (ukiyo-e) par Yōshū Chikanobu, 1897.
    • Sens : soleil, jour
    • Lectures officielles on : nichi, jitsu
    • Lectures officielles kun : hi, ka
    • Clé : (soleil)
    • Nombre de traits : 4
    • Exemples de mots : 本日 (hon‧jitsu → aujourd'hui) ; 毎日 (mai‧nichi → tous les jours) ; 朝日 (asa‧hi → soleil du matin) ; 十日 (tō‧ka → le dix du mois, dix jours)
    • Vocable avec une lecture spéciale : 明日 (ashita → demain)
    • Sens : arbre, bois (matière)
    • Lectures officielles on : boku, moku
    • Lectures officielles kun : ki, ko
    • Clé : (arbre)
    • Nombre de traits : 4
    • Exemples de mots : (ki → arbre) ; 木星 (moku‧sei → Jupiter[alpha 28]) ; 木曜日 (moku‧yōbi → jeudi)
    • Vocable avec une lecture spéciale : 木綿 (momen → coton)
    • Sens : livre, racine, base, origine, compteur pour objets cylindriques
    • Lecture officielle on : hon
    • Lecture officielle kun : moto
    • Clé : (arbre)
    • Nombre de traits : 5
    • Exemples de mots : (hon → livre) ; 山本 (Yama‧moto → un nom de famille) ; 基本 (ki‧hon → fondation, base)

Lectures des kanjis

Importance du contexte

La majorité des kanjis sont pourvus d'au moins deux lectures, mais cela peut aller bien au-delà. Ainsi, certains kanjis d'usage courant peuvent avoir plus d'une dizaine de lectures possibles. On trouve par exemple le kanji  vivre », « la vie », etc.) dont les lectures officielles sont sei, shō, i‧kasu, i‧kiru, i‧keru, u‧mareru, u‧mu, o‧u, ha‧eru, ha‧yasu, ki et nama, soit douze lectures officielles.

Souvent, donc, déterminer la lecture d'un kanji suppose d'avoir identifié correctement le mot pour lequel il est employé. Il faut pour cela observer un ou plusieurs signes situés à son voisinage, voire juger plus largement en fonction du contexte. Par exemple, , utilisé seul, peut se lire soit kaze (le mot « vent »), soit (le mot « apparence ») ; il est donc nécessaire de deviner en amont, par le contexte, la valeur sémantique de pour pouvoir le lire.

Si au contraire le kanji que l'on cherche à lire est utilisé au sein d'un mot composé de deux kanjis ou plus (熟語, jukugo), il convient d'abord d'identifier globalement le mot (souvent deux kanjis) puis d'en déduire les lectures de chaque kanji le composant. Par exemple, face au mot 経済, on ne se soucie pas des sens respectifs de et , sauf à vouloir faire une recherche précise de l'étymologie de ce mot[alpha 29]. La paire de caractères 経済 est au contraire identifiée comme une seule unité de sens, à savoir le mot japonais keizai (qui signifie « économie »), ce qui implique de choisir la lecture kei pour le kanji (ayant aussi d'autres lectures apparaissant dans d'autres mots, telles kyō ou he‧ru) et la lecture zai pour le kanji .

Cela ne supprime cependant pas toutes les ambigüités, comme avec les composés suivants :

Exemples de composés ayant plusieurs lectures[alpha 30]
Composé Lecture (1) → sens (1) Lecture (2) → sens (2)
仮名 ka‧mei → pseudonyme ka‧nasyllabaire japonais
赤子 aka‧go → bébé seki‧shi → peuple (du point de vue d'un monarque)
何人 nani‧bito ou nan‧pito → quiconque nan‧nin → combien de personnes
御所 go‧sho → palais impérial Go‧seGose (ville située dans la préfecture de Nara)
一時 ichi‧ji → une heure (du matin ou de l'après-midi) it‧toki → un instant

Plus marginalement, il existe des mots composés de plusieurs kanjis (cf. lectures jukujikun) dont la lecture n'est pas sécable caractère par caractère ; par exemple, le mot 無花果 (figue) se lit ichijiku, mais il n'est pas possible de découper cette lecture selon les trois caractères , et .

Lectures sino-japonaises (on) et japonaises (kun)

Dans l'Antiquité, le chinois littéraire (kanbun) fut étudié et utilisé par les Japonais qui n'avaient pas de système d'écriture propre. Cela donna naissance aux lectures sino-japonaises des kanjis, dites lectures on (音読み, on yomi), qui s'affranchirent du cadre strict des textes en chinois, à mesure que le japonais de l'époque s'enrichissait de vocables empruntés au kanbun. D'autre part, lorsque le concept associé au sinogramme existait en japonais, il put aussi être traduit et vocalisé suivant les mots de la langue japonaise originelle (yamato kotoba), la lecture du caractère se faisant dans ce cas « à la japonaise[alpha 31] » ; ce sont les lectures dites kun (訓読み, kun yomi).

La plupart des kanjis ont de ce fait au moins deux lectures possibles : on et kun. Ce n'est toutefois pas une règle absolue, et l'on trouve des kanjis sans lecture on comme (iwashi, sardine) ; ce dernier est un kanji créé au Japon. À l'inverse, un caractère comme (pouce, unité de longueur de l'ordre de trois centimètres) n'avait pas d'équivalent dans le vocabulaire japonais au moment de son introduction ; il n'a de ce fait qu'une lecture on, à savoir sun.

En tendance, on constate que les mots écrits avec un seul kanji font plutôt appel à des lectures kun, les lectures on étant au contraire fréquentes au sein des mots composés de deux kanjis ou plus (jukugo). Par exemple :

  • (umi), mer (lecture kun)
  • 綿 (wata), coton (lecture kun)
  • 海綿 (kai‧men), éponge (lectures on ; comparer avec les lectures de son équivalent 海绵 dans des langues chinoises contemporaines : hǎi‧mián en mandarin, hói‧mièn en hakka.)

Cependant, cette observation est à nuancer car il existe en particulier un grand nombre de jukugo n'arborant que des lectures kun, à l'instar du mot 川上 (kawa‧kami, amont). Du reste, on trouve aussi de nombreux jukugo hybrides : par exemple, en cuisine, 豚肉 (buta‧niku, porc) et 鳥肉 (tori‧niku, volaille) sont lus avec une lecture kun du premier kanji et une lecture on du second ; on parle de lectures yutō (湯桶読み, yutō yomi). À l'opposé, on trouve les lectures dites jūbako (重箱読み, jūbako yomi), qui suivent un modèle on plus kun, comme avec le mot 番組 (ban‧gumi, programme).

En contraste avec le mandarin où, schématiquement, un sinogramme n'a qu'une unique lecture constituée d'une syllabe, en japonais, non seulement un kanji aura souvent plusieurs lectures possibles, mais de surcroît elles seront fréquemment pluri-syllabiques. On observe ainsi les tendances suivantes :

  • les lectures kun sont généralement pluri-syllabiques[alpha 32] ; par exemple : umi, yama, kaze ;
  • les lectures on sont souvent mono-syllabiques, c'est-à-dire monomoriques ou bimoriques ; par exemple, kan, , shi[alpha 33]. La langue japonaise possédant un répertoire de syllabes (de mores) relativement limité, il s'ensuit que de nombreux kanjis partagent des lectures on communes ; par extension, de nombreux mots composés (jukugo) sont homophones. On notera néanmoins que les lectures on pluri-syllabiques ne sont pas particulièrement rares, comme niku, vu plus haut[alpha 34].

Classification des lectures on

Certains caractères et vocables ont été importés de Chine à plusieurs reprises, de différentes régions ou à différentes époques ; de ce fait, une partie des kanjis a plusieurs lectures on (lectures sino-japonaises) qui correspondent, dans certains cas, à des sens différents. La correspondance n'est généralement pas directe entre les lectures on modernes et leur origine chinoise. Cette prononciation d'origine n'a été qu'approximativement rendue dans le système phonétique japonais, très différent de ceux de la Chine, ignorant notamment les tons. De plus, le système phonétique japonais, bien que relativement assez stable, a lui-même connu quelques évolutions à travers les siècles. Les dictionnaires distinguent généralement quatre catégories de lecture on : go-on, kan-on, tō-on et kan'yō-on.

Catégories des lectures on
Caractéristiques Exemples
Go-on Les lectures des Wu (呉音, go-on) introduisirent principalement des termes bouddhistes. Ces lectures sont considérées comme originaires du royaume de Wu, au Centre-Est de l'espace chinois, bien qu'elles aurait été influencées par les usages dans péninsule coréenne, selon certains chercheurs tels T. Okimori (ja) ou Y. Fujii (ja). Un nombre important de lectures go-on se retrouvent cependant dans le vocabulaire courant actuel. ge
dans 下落 (ge‧raku, baisse)

gyō
dans 行事 (gyō‧ji, évènement)
Kan-on Les lectures des Han (漢音, kan-on), introduites entre le VIIe et le VIIIe siècle, à l'époque des dynasties chinoises Sui et Tang ; elles reflètent pour la plupart le langage de la capitale de l'époque, Chang'an. Il s'agit du groupe le plus nombreux. ka
dans 降下 (kō‧ka, descente)


dans 飛行機 (hi‧kō‧ki, avion)
Tō-on Les lectures des Tang[alpha 35] (唐音, tō-on), introduites plus tardivement entre les époques de Heian et d'Edo. En dépit de la longueur de la période, ces lectures sont relativement rares, l'essentiel des apports depuis le continent ayant été fait auparavant. ton
dans 布団 (fu‧ton, matelas japonais)

su
dans 椅子 (i‧su, chaise)
Kan'yō-on Les lectures d'usage (慣用音, kan'yō-on) ; il s'agit historiquement de prononciations populaires (souvent des versions erronées des lectures sino-japonaises orthodoxes vues plus haut) qui sont devenues courantes et acceptées. yu
dans 輸送 (yu‧sō, transport)

ritsu
dans 独立 (doku‧ritsu, indépendance)

D'autre part, bien que les kokuji soient des caractères proprement japonais, un certain nombre d'entre eux possèdent une lecture on, créée artificiellement par analogie avec un sinogramme semblable. Par exemple, la lecture on affectée au kokuji () est identique à celle du caractère ().

Enfin, on trouve des mots empruntés qui utilisent des lectures proches des langues chinoises modernes voire contemporaines  par exemple, des vocables liés à la cuisine chinoise tels « riz frit » (炒飯, chā‧han), ou des noms de lieux. Toutefois, ces lectures, lorsqu'elles diffèrent des lectures sino-japonaises des catégories vues plus haut, se sont pas considérées stricto sensu comme des lectures on ; c'est pourquoi il est recommandé de soit écrire ces mots en katakanas, soit de leur ajouter des furigana, en dehors des cas les plus connus comme Hong Kong (香港, Hon‧kon). Néanmoins, on notera que la majorité des noms propres chinois sont généralement lus d’après les lectures on[alpha 36], et non d’après le mandarin : Mō Taku‧tō pour Mao Zedong (毛沢東), Shin‧kyō pour Xinjiang (新疆), Shi‧sen pour Sichuan (四川), etc.

Vocabulaire sinoxénique

Les lectures on (lectures sino-japonaises) des kanjis sont schématiquement des morphèmes, qui, seuls ou combinés avec d'autres, peuvent former des mots. Ces derniers constituent le « vocabulaire sinoxénique » du japonais, aussi connu sous les termes japonais de 漢語 (kango) ou 字音語 (jiongo[alpha 37]).

Exemples de mots sinoxéniques entre un et quatre caractères :

  • (sen) : une ligne
  • 成功 (sei‧kō) : succès (composé des kanjis « accomplir » et « haut fait »)
  • 未曽有 (mi‧zo‧u) : inouï (composé des kanjis « pas encore », « auparavant » et « exister »)
  • 温故知新 (on‧ko‧chi‧shin) : apprendre du passé (composé des kanjis « interroger », « vieux », « savoir » et « nouveau »)

En plus du vocabulaire chinois ayant pénétré la langue japonaise par le truchement des kanjis, de nombreux nouveaux mots furent créés au Japon par des combinaisons originales de kanjis (c'est-à-dire inexistantes en chinois de l'époque[alpha 38]) prononcés avec leurs lectures on. C'est pourquoi il n'est pas possible d'assimiler le vocabulaire sinoxénique à du « véritable chinois dans la langue japonaise », dans la mesure où une partie de ce vocabulaire est née au Japon. Une partie de ces mots originaux japonais (和製漢語, wasei kango) ont vu le jour ou se sont répandus entre le XIXe siècle et le début du XXe siècle afin de traduire des concepts nouveaux venant de la civilisation occidentale de l'époque[alpha 39].

Exemples de vocables sinoxéniques façonnés au Japon
Mot (wasei kango) Romanisation
Traduction
Remarques
火事 ka‧ji
Incendie
郵便 yū‧bin
Poste
Mot créé au XIXe siècle avec la naissance de la poste moderne
物理学 butsu‧ri‧gaku
Physique
Exporté vers le chinois et le coréen
共和国 kyō‧wa‧koku
République
Exporté vers le chinois et le coréen

D'autre part, une partie du vocabulaire sinoxénique a vu son orthographe réformée (simplifiée) dans la seconde moitié du XXe siècle[7]. Cette démarche fut facilitée par le fait qu'il existe de nombreux kanjis possédant des lectures on en commun. On peut citer les mots 意嚮 (i‧kō, intention) et 掘鑿 (kus‧saku, forage), qui ont vu leur orthographe standard réformée en 意向 et 掘削 ; en effet, et ont respectivement les mêmes lectures on que et . Dans certains cas, la réforme a fait augmenter le nombre des sens associés à un kanji ; par exemple, s'est vu attribuer le sens d'« insinuer » en plus de ses sens historiques, car il remplace (insinuer) dans le mot « satire » (fū‧shi), qui s'écrit 諷刺 traditionnellement et 風刺 de manière réformée.

On peut de surcroît remarquer qu'il existe quelques mots sinoxéniques qui sont plus fréquemment écrits en kanas qu'en kanjis, en particulier des petits mots jouant un rôle grammatical. On trouve par exemple (dans l’auxiliaire 様だ, yō‧da) pour lequel la graphie en hiraganas よう est généralement préférée.

Développement des lectures kun et des kanas

Les lectures kun et les kanas sont des spécificités apparues pour adapter les sinogrammes à la langue japonaise.

Le Kojiki (712) est le plus ancien document japonais qui a traversé les âges ; il retrace l'histoire de la nation japonaise, depuis les origines mythologiques jusqu'au règne de l’impératrice Suiko. Il est écrit dans une forme de kanbun, c'est-à-dire une forme de chinois, mais il comporte aussi des passages (principalement des poèmes) en yamato kotoba, la langue nipponne primordiale, antérieure aux influences du chinois. Lesdits passages sont écrits phonétiquement avec des sinogrammes dits man'yōgana, c'est-à-dire que chaque more est écrite avec un sinogramme dont une lecture équivaut à cette more, indépendamment des sens de ce sinogramme. Les man'yōgana sont des kanas primitifs. Par exemple, on peut citer le vers suivant :
波理能紀能延陀 (La branche d'un aulne) ; on trouve sept caractères man'yōgana pour les sept mores ha‧ri‧no‧ki‧no‧e‧da.

Au VIIIe siècle, les décrets impériaux sont soit écrits en kanbun  de tels décrets sont appelés shōchoku (詔勅) , soit écrits dans un style proche de la langue japonaise réellement parlée à la cour, dit senmyōtai[alpha 40]  de tels décrets sont appelés senmyō (宣命). Contrairement aux poèmes dans le Kojiki qui sont entièrement notés phonétiquement via les man'yōgana, les senmyō sont un mélange de mots en sinogrammes lus « à la japonaise » (c'est-à-dire sans rapport avec les prononciations chinoises) et de man'yōgana. Par exemple, l'ancien mot japonais ame, signifiant « ciel », est simplement rendu par le sinogramme transcrivant le mot chinois ayant la même signification, à savoir , au lieu d’être rendu par deux man'yōgana codant respectivement a et me. Les éléments grammaticaux (terminaisons, particules, etc.) sont néanmoins laissés en man'yōgana, et parfois écrits dans une taille plus petite.

Naissance des hiraganas, par l'écriture cursive de man'yōgana.

À l'inverse, les textes en kanbun n'étant pas du japonais, des annotations utilisant des man'yōgana y sont ajoutées ; ce sont des traductions reliant un mot japonais et un sinogramme  voire plusieurs sinogrammes. Ces annotations et les transformations de l'ordre des mots constituent une technique de lecture du kanbun appelée kundoku.

Initialement, pour un même kanji, un très grand nombre de lectures kun avaient émergé, que ce soit via la technique kundoku ou via le style senmyōtai ; on parle de « kun anciens » (古訓, kokun). Les usages se rationalisèrent progressivement, donnant les lectures kun actuelles. Certains mots japonais qui renvoyaient à deux mots chinois distincts sont écrits au moyen de kanjis différents suivant leur contexte d'emploi. Par exemple, le verbe naosu (réparer, guérir) s'écrit 治す quand il s'agit de guérir une personne, mais 直す quand il s'agit de réparer un objet ; la lecture kun « nao‧su » est commune aux kanjis et . On parle en japonais de « même kun, différents caractères » (同訓異字, dōkun iji).

D'autre part, certaines lectures kun, appelées 国訓 (kokkun[8]), présentent des divergences sémantiques par rapport aux significations chinoises. Par exemple, le kanji possède la lecture kinoko qui renvoie au sens de « champignon », sens qui n'est pourtant pas associé à ce sinogramme en chinois.

Les man'yōgana ont évolué et ont donné naissance aux hiraganas, en étant écrits de manière très cursive (cf. tableau ci-contre). Étant donné qu'il existait plusieurs man'yōgana par more, il existe plusieurs hiraganas qui se prononcent de la même manière. Toutefois, seul un est canonique ; les autres sont appelés hentaigana et leur usage est aujourd'hui devenu obsolète. Par ailleurs, on peut noter que les katakanas sont quant à eux essentiellement des parties (abréviations) de man'yōgana utilisés pour le kundoku ; ils sont donc eux aussi issus des kanjis. Par exemple, les katakanas ku et mo sont le résultat des abréviations 久 → ク et 毛 → モ.

Okurigana

L'utilisation la plus simple des lectures kun consiste à relier un kanji à un mot japonais du vocabulaire yamato kotoba ; par exemple, la lecture kun de est le mot me (œil), la lecture kun de est le mot sakura (cerisier), etc. Toutefois, nombre de mots issus du yamato kotoba sont modifiables par flexions (contrairement au vocabulaire sinoxénique) ; il s'agit typiquement de verbes ou d'adjectifs. Schématiquement, ces mots, au lieu d'être rendus par un kanji uniquement, sont transcrits avec un kanji pour leur radical et un ou plusieurs kanas (hiraganas) pour leur terminaison ; ces kanas sont appelés 送り仮名 (okurigana). À titre d'illustration, on peut citer :

  • Le verbe intransitif « bouger » : 動く (ugo‧ku) ; (ku) est la terminaison en hiranaga, qui peut notamment se conjuguer au passé, le verbe devenant 動いた (ugo‧ita). Il est important de noter que la lecture kun du kanji n'est pas ugo, mais bien ugo‧ku, autrement dit cette lecture contient la terminaison nécessitant l'emploi des okurigana. En revanche, la lecture ugo‧ita n'étant qu'une forme conjuguée de ugo‧ku, celle-ci n'est pas mentionnée dans la liste des lectures kun de .
  • Le verbe transitif « (faire) bouger » : 動かす (ugo‧kasu) ; かす (kasu) est la terminaison en hiranagas. Malgré un lien étymologique avec ugo‧ku, ugo‧kasu n'est pas une forme conjuguée de ugo‧ku, aussi ugo‧kasu est-il considéré comme une lecture kun du kanji qui est distincte de ugo‧ku.
  • L'adjectif « agité » : 荒い (ara‧i) ; (i) est la terminaison en hiranaga, qui peut notamment se conjuguer au passé, l'adjectif devenant 荒かった (ara‧katta).
  • Le substantif « chasse » : 狩り (ka‧ri) ; il dérive du verbe 狩る (ka‧ru), « chasser ».
  • Le substantif « alentours » : 辺り (ata‧ri) ; il ne provient pas d'un verbe comme avec l'exemple précédent, mais la présence du hiragana final (ri) permet faire la distinction avec le substantif sinoxénique (hen, endroit). Cet exemple montre qu'en pratique, certains okurigana sont utilisés en dehors du cas des flexions.

On peut noter que certains okurigana sont facultatifs dans certains mots, voire systématiquement omis[9]. Par exemple, tetsuzuki (formalités) peut s'écrire 手続き ou 手続[alpha 41] ; le mot hizuke (date) s'écrit de manière standard 日付 et non *日付け.

Usages réguliers

En principe, la lecture d'un kanji constitue une entité de signification : un morphème (pouvant lui-même constituer un mot) ou, plus rarement, un mot du yamato kotoba formé d'une chaîne de plusieurs morphèmes.

La simplicité de ce cadre général ne doit pas cacher deux difficultés : premièrement, de nombreux morphèmes, sinoxéniques pour la plupart, se prononcent de manière identique ; deuxièmement, les morphèmes sinoxéniques et les morphèmes ou mots du yamato kotoba se partagent les mêmes kanjis  en dehors de quelques exceptions , ce qui implique qu'un caractère a souvent plusieurs lectures possibles (une ou plusieurs lectures on, une ou plusieurs lectures kun).

On peut illustrer ces usages réguliers avec les exemples suivants :

  • Le morphème ai, dans le sens d'« amour », qui amène le kanji via une lecture on ; ai forme un mot à lui seul.
  • Le morphème i, dans le sens de « médecine », qui amène le kanji via une lecture on ; cf. le mot 医療 (i‧ryō), « traitement ».
  • Le morphème i, dans le sens de « déplacer », qui amène le kanji via une lecture on ; cf. le mot 移民 (i‧min), « immigré ». Malgré l'homophonie avec le morphème du précédent exemple, ils ne sont pas liés étymologiquement.
  • Le morphème , dans le sens de « joue », qui amène le kanji via une lecture kun ; forme un mot à lui seul.
  • L'adjectif arai, dans le sens de « violent » qui amène le kanji via une lecture kun contenant un okurigana : 荒い (ara‧i).
  • L'adjectif arai, dans le sens de « grossier » qui amène le kanji via une lecture kun contenant un okurigana : 粗い (ara‧i). Cet adjectif et celui du précédent exemple ayant la même étymologie, on les qualifie de dōkun iji.
  • Le mot kaminari (tonnerre), qui amène le kanji via une lecture kun ; étymologiquement, kaminari se décompose entre les morphèmes kami (divinité) et naru (sonner) substantivé en nari.
  • Le morphème rai, dans le sens de « tonnerre », qui amène le kanji via une lecture on ; cf. le mot 雷雨 (rai‧u), « orage ».

Usages irréguliers

En plus des usages réguliers, se pose en pratique la question des mots ou morphèmes de la langue nipponne qui ne correspondent pas aux unités de signification que les kanjis, via leurs lectures on ou kun, permettent de représenter. Il s'agit de certains mots du vocabulaire yamato kotoba  par exemple, le verbe hagurakasu, « esquiver une question »  ou des nombreux vocables dit gairaigo (外来語, termes empruntés aux langues étrangères)  par exemple, le substantif kurippu signifiant « trombone ». Une solution « évidente » consiste à se contenter d'une écriture en kanas, sans kanjis ; c'est le cas dans les deux exemples précités : はぐらかす (hagurakasu) et クリップ (kurippu) n'utilisent jamais de kanjis pour être écrits. Néanmoins, certains autres de ces mots peuvent quand même faire appel pour leur écriture à des kanjis utilisés de manière irrégulière : ce sont les jukujikun et les ateji (voir les deux sections suivantes).

En outre, certains mots disposent d'un kanji mais, en pratique, il arrive que celui-ci ne soit que très rarement usité ; par exemple, le verbe « approcher (sa main) », kazasu, est généralement écrit かざす et non 翳す, notamment parce que le kanji n'est pas officiel et est mal connu. D'autre part, certains mots grammaticaux ou verbes basiques, bien que pouvant être écrits avec des kanjis simples, sont souvent volontairement écrits en kanas. Par exemple, les directives sur les textes émis par l'administration publique (公用文, kōyōbun)[10] demandent d'utiliser la forme en kanas かつ plutôt que 且つ pour écrire la conjonction katsu, bien que le kanji figure avec la lecture ka‧tsu dans la liste des kanjis officiels (jōyō kanji). À l'inverse, il est indiqué qu'il faut écrire l'adverbe amari 余り plutôt que あまり, bien que la presse écrite privilégie la version en kanas.

Enfin, certains autres vocables se lisent de manière irrégulière, souvent parce que la prononciation d'origine a quelque peu dérivé avec le temps. On peut citer le nom propre Japon (日本, Nippon) qui se lit aussi Ni‧hon ; Ni‧hon est une lecture irrégulière dans la mesure où le kanji , considéré individuellement, ne possède pas la lecture ni. Un autre exemple est 文字 lettre », « caractère ») qui se lit le plus souvent mo‧ji, une évolution de mon‧ji.

Jukujikun

Des mots s'écrivent avec une chaîne de plusieurs kanjis « sélectionnés » uniquement pour leur valeur sémantique ; chaque caractère pris individuellement n'a pas de lecture propre, c'est uniquement le mot dans son ensemble qui possède une lecture, appelée jukujikun (熟字訓). Par exemple, 山葵 wasabi », composé des kanjis « montagne » et « rose trémière ») ne se lit ni *yama‧aoi (deux lectures kun) ni *san‧ki (deux lectures on), ni aucune combinaison hybride ; il est lu wasabi sans aucun lien avec les lectures de et . Les lectures jukujikun incluent quelques mots d'origine européenne, dont certains demeurent relativement fréquents de nos jours, comme 煙草 (tabako, tabac)  littéralement « fumée-herbe ».

Des mots lus selon des jukujikun peuvent apparaître comme partiellement réguliers. Cela se constate, par exemple, avec les mots « fruit » (果物, kudamono) et « moustiquaire » (蚊帳, kaya) ; le second caractère de 果物 compte mono parmi ses lectures conventionnelles, tandis que la lecture kun du premier caractère de 蚊帳 est ka[alpha 42].

Une autre particularité de nombre de mots lus avec des jukujikun est qu'il est aussi possible de les lire via des lectures on conventionnelles, ce qui, souvent, change le sens ou apporte une nuance différente ; le choix de la lecture est dépendant du contexte (voir les exemples ci-dessous).

Jukujikun et lectures sino-japonaises alternatives (exemples)
Lecture jukujikun Lecture sino-japonaise
今日 kyō (aujourd'hui) kon‧nichi (de nos jours)
mot littéraire
大人 otona (personne adulte) dai‧nin (adulte)
dans les grilles tarifaires des bains ou transports publics
銀杏 ichō (ginkgo)
généralement écrit en katakanas plutôt qu'en kanjis
gin‧nan (fruit du ginkgo)
梅雨 tsuyu (pluie des prunes) bai‧u (pluie des prunes)
préféré dans un contexte technique

Ateji

À l'inverse des jukujikun, il arrive que l'on emploie des kanjis uniquement pour leur lecture, c'est-à-dire en faisant fi de leurs sens propres et des morphèmes. Cette méthode ainsi que les kanjis dans les mots concernés sont désignés par le terme 当て字 (ateji), littéralement « caractères alloués ». Un exemple d'ateji est le mot ちゃかす (chakasu, tourner en plaisanterie), qui peut être écrit 茶化す ; les kanjis (cha) et (ka) y sont employés pour représenter les mores composant le radical du verbe, sans liens étymologiques directs  la terminaison verbale reste quant à elle en kana. Comme souvent en japonais, il existe en pratique une certaine liberté entre soit se contenter d’écrire ces mots seulement en kanas, soit opter pour leur version en kanjis. Le tableau ci-dessous présente quelques autres exemples.

Mots utilisant des ateji (exemples)
Traduction Sans kanjis Avec des ateji Remarques
baka stupide ばか 馬鹿 (ba‧ka)
gomakasu tricher ごまかす 誤魔化す (go‧ma‧ka‧su)
sewa assistance せわ 世話 (se‧wa) Presque toujours écrit en kanjis
suteki ravissant すてき 素敵 (su‧teki)
yaji huées やじ 野次 (ya‧ji)
yatara de façon irréfléchie やたら 矢鱈 (ya‧tara) Le plus souvent écrit en kanas

Les ateji ne se limitent pas aux mots purement japonais, car ils peuvent transcrire des termes issus de langues non sinographiques. Ainsi, de nombreux termes souvent liés au bouddhisme, conformément aux usages chinois, sont des transcriptions phonétiques approximatives en kanjis de mots sanskrits ; elles sont désignées par le terme 音写 (onsha). Par exemple, le clan indien des Shakya  dans lequel est né le Bouddha  se transcrit 釈迦 (Sha‧ka).

De même, quelques mots d'origine européenne dont la pénétration dans la langue japonaise est ancienne, peuvent s’écrire phonétiquement en kanjis via des ateji, même si la plupart de ces mots sont le plus souvent écrits en kanas de nos jours[alpha 43]. On peut citer 合羽 (kap‧pa, « veste imperméable », du portugais capa), 瓦斯 (ga‧su, « gaz », du flamand gas), 珈琲 (kō‧hī, « café », du flamand koffie), etc. Les mots plus récents, comme インターネット (intānetto, « Internet », de l'anglais), sont toujours représentés en katakanas. On notera qu'un certain nombre d'ateji utilisent des lectures qui sont en fait des altérations de lectures conventionnelles voire des emprunts à des usages chinois modernes. Ceci se constate en particulier pour les transcription de noms propres étrangers en kanjis (quoique généralement non usités en japonais contemporain), comme France (仏蘭西, Fu‧ran‧su) ; le son fu est transcrit avec le kanji dont la lecture est en fait futsu, et le son su est transcrit avec le kanji 西 dont la lecture est en fait sui (lecture tō-on).

Les ateji (au sens strict) sont aussi appelés « emprunts (aux lectures)[alpha 44],[11] », et se divisent entre « emprunts aux lectures on » (shakuon) et les « emprunts aux lectures kun » (shakkun). Le terme ateji peut inclure les jukujikun dans son acception la plus large[11], d'autant que certains mots sont en fait des combinaisons des deux méthodes[alpha 45].

Furigana

Exemple d'utilisation de furigana en écriture horizontale avec le kanji .

Parfois, on utilise des hiraganas ou katakanas de petite taille au-dessus (écriture horizontale) ou à droite (écriture verticale) des kanjis pour en spécifier la lecture. Ces caractères sont alors appelés furigana. Les furigana sont en particulier utilisés pour indiquer la lecture non officielle (c'est-à-dire absente de la liste des jōyō kanji) d'un kanji officiel, la lecture d'un caractère non officiel, ou encore la lecture difficile d'un nom propre (prénom, nom de lieu, etc.).

Dans les publications pour un jeune public, un large usage des furigana est fait, du fait que les enfants ont généralement des capacités à lire les kanjis plus limitées que les adultes. Dans les textes émis par l'administration publique, les éléments non officiels doivent être, selon les cas, accompagnés de furigana ou être remplacés par des kanas[10].

Des kanas situés après le kanji ou le mot en question, entre parenthèses ou dans une police de taille inférieure, peuvent aussi faire office de furigana.

Caractéristiques graphiques

Tracé

Tracé en calligraphie chinoise.
Tracé en calligraphie nipponne.

Tout kanji se décompose en une somme de « traits[alpha 46] » entre lesquels le stylo, pinceau ou crayon est levé au-dessus du support.

Même s'il est possible qu'une personne sache, en pratique, lire un kanji sans en connaître par cœur la composition trait par trait, un kanji n'est pleinement considéré comme connu que lorsque l'on est capable de l'écrire de mémoire tout en respectant les caractéristiques canoniques de son tracé, à savoir l'ordre[alpha 47] et la forme des traits  au minimum dans le style régulier. Ces éléments sont enseignés dans les écoles primaires et les collèges japonais dans une matière appelée shosha, anciennement connue sous le terme de shūji. Les cours de calligraphie (shodō), dispensés dans les lycées, abordent les styles cursifs et les grands calligraphes du passé. Toutefois, la pratique de cette discipline ne se limite pas au domaine scolaire, car la calligraphie, à haut niveau, constitue un art à part entière.

L'ordre usuel des traits pour le tracé des kanjis est généralement identique à celui de leurs homologues chinois ; il existe néanmoins quelques exceptions (cf. exemple ci-contre avec le sinogramme « rizière », ) si on s'en réfère notamment au « Manuel pour l'instruction de l'ordre des traits[12] » publié par le gouvernement nippon en 1958. En outre, l'ordre des traits peut dépendre du style utilisé.

La manière de terminer un trait est une autre caractéristique importante enseignée ; il existe essentiellement trois modes :

  • l'arrêt marqué (止め, tome) ;
  • le crochet (rebond) (撥ね, hane) ;
  • le fondu (払い, harai)[alpha 48].
Illustration avec le kanji de deux crochets, d'un fondu et d’arrêts marqués.

Néanmoins, dans de nombreux cas, plusieurs écoles coexistent, comme le trait central de (bois) qui, en style régulier manuscrit, peut se terminer soit par un arrêt marqué, soit par un crochet[13]. Les autorités culturelles japonaises ont publié en 2016 des directives rappelant la diversité des tracés au sein du style régulier manuscrit, style qui est historiquement plus variable que le style d'impression minchōtai, ce dernier n'ayant pas vocation à servir de référence vis-à-vis de l'écriture manuscrite.

Enfin, le respect des distances entre les traits ou le respect de leurs tailles relatives est une condition pour écrire les kanjis de manière lisible et harmonieuse. En particulier, les proportions entre les différents éléments constitutifs est un point qui retiendra l'attention du calligraphe.

Formes

Dans le contexte de l’étude des kanjis, le terme français de « forme » renvoie généralement aux concepts 字形 (jikei) et 字体 (jitai). Les jikei sont les infinies variations possibles des réalisations concrètes des caractères, à travers leurs représentations manuscrites et leurs glyphes[14]. En opposition, le concept de jitai permet de regrouper les signes réels sous des entités abstraites mais dénombrables.

Les formes, au sens de jitai, sont également qualifiées en japonais d'« ossatures[15] ». Par analogie, on trouverait le concept d'ossature d'une lettre permettant de reconnaître cette lettre qu'elle soit imprimée en italique ou non, ou encore dans des polices différentes. Ces entités abstraites sont le moyen de distinguer les kanjis entre eux lors du processus cérébral de la lecture du japonais ; elles sous-tendent également les définitions des jeux de caractères pour l'informatique ainsi que les normes japonaises qui portent sur les kanjis.

Par exemple, les formes et ne diffèrent que par un trait horizontal, mais elles correspondent à deux kanjis parfaitement indépendants, signifiant respectivement « arbre » et « livre ». De la même manière, les formes (sol) et (guerrier ou érudit) ne diffèrent que par les longueurs relatives de leurs traits horizontaux, tandis que (millet) ne se distingue de (châtaigne) que par la présence de deux petits traits.

À chaque kanji correspond une unique forme (jitai), sauf si plusieurs « variantes graphiques » lui sont reconnues. Pour certains kanjis possédant plusieurs variantes, l'identification des formes demeure un exercice sujet à interprétations, avec de possibles divergences selon les époques, les sources ou les standards.

Exemple de flottement sur la notion de forme[alpha 49].

On peut noter que le standard Unicode a vu sa granularité affinée au fil des révisions, c'est-à-dire qu'il est devenu possible d'afficher correctement un nombre croissant de variantes en format « texte brut » sans dépendre des paramètres régionaux ou de la police d'écriture.

Styles

La notion de « style » (書体, shotai), avec d'une part les « styles d'impression » (déterminant notamment les polices) et d'autre part les « styles manuscrits » (historiquement plus anciens), se définit comme un « système de caractéristiques et de styles donnés [qui peut s'observer] lors de la représentation réelle des caractères sur la base de leur ossature »[16].

L'exemple ci-dessous illustre comment les caractéristiques graphiques de deux styles différents ne vont pas jusqu'à modifier les formes (ossatures) des kanjis.

Historiquement, les styles sont naturellement d'abord apparus dans le domaine de l’écriture manuscrite en Chine. Aujourd'hui, on trouve principalement les styles réguliers (楷書, kaisho) et cursifs (草書, sōsho), ainsi que les styles intermédiaires semi-cursifs (行書, gyōsho). Les styles cursifs  ou les styles semi-cursifs présentant un relatif haut degré de cursivité  sont de nos jours généralement réservés à des activités spécifiques de calligraphie et sont donc mal connus par le grand public. Inversement, le style régulier est le style enseigné primordialement dans le système scolaire nippon, de même qu'il est souvent requis d’écrire dans ce style pour remplir un formulaire.

Concernant les styles d'impression, le style dit 明朝体 (minchōtai) est le style de référence pour les polices d'impression japonaises ; il se caractérise en particulier par des angles droits, des empattements, ainsi que des traits verticaux généralement plus épais que les traits horizontaux. Ce style provient d'une adaptation du style manuscrit « régulier » aux techniques chinoises d'impression, en particulier à l'impression au bloc de bois qui florit dès l'époque des Song du Nord. Le style se stabilisa à l’époque des Qing avant de reprendre son évolution dans l'archipel nippon avec le développement des modes d'impressions importés d'Occident (typographie) dans la seconde moitié du XIXe siècle.

D'autre part, on trouve aussi le style ゴシック体 (goshikkutai) qui est un dérivé du minchōtai avec moins d'ornements et des traits d'épaisseur uniforme. Enfin, le style 教科書体 (kyōkashotai), utilisé principalement dans les livres d’école, est plus proche du style régulier manuscrit, afin de rendre la lecture des manuels plus aisée pour les enfants qui apprennent concomitamment à lire et à écrire.

Variantes graphiques

en style régulier : sept traits.
en style sigillaire ancien : trois traits.

L'unicité des formes (ossatures) vue plus haut n'est cependant pas une constante historique, notamment en raison des phénomènes suivants :

  • diminution du nombre de traits dans les styles cursifs ;
  • styles anciens  antérieurs au style régulier  induisant des ossatures différentes (cf. exemple ci-contre avec le sinogramme ) ;
  • apparition de graphies populaires (par exemple pour ) ;
  • réformes de simplification des caractères menées indépendamment au Japon et en Chine (globalement moins radicales au Japon qu'en Chine).

Ainsi, quand bien même deux caractères seraient d'ossatures différentes, ils peuvent, par leur origine commune, avoir les mêmes sens et les mêmes lectures. Ils sont alors considérés comme appartenant à une même « classe de caractères » (字種, jishu)[17], et sont des variantes graphiques (異体字, itaiji) au sein de cette classe. Dans le présent article, on confond les notions de « kanji » et de « classe de kanjis » sauf lorsqu'il y a un intérêt didactique à les séparer.

Dans les dictionnaires, en principe, on trouve une entrée par classe ; pour une entrée donnée, une « forme principale » (親字, oyaji, littéralement « caractère parent »)[alpha 50] est présentée, les formes alternatives étant indiquées à l'intérieur de l'entrée. Si on se limite aux styles d'impression contemporains, la plupart des classes de kanjis n'ont qu'une ou deux forme(s) (une forme simplifiée et sa contrepartie « traditionnelle » le cas échéant).

Exemples de formes d'impression traditionnelles et simplifiées pour des kanjis d'usage courant
Classe Forme traditionnelle Forme simplifiée Remarques
Kanji « barrière » (canonique) La forme simplifiée a une présence historique en Chine[18], mais elle diffère du chinois simplifié contemporain.
Kanji « tortue » (canonique) L'usage de la forme est propre au Japon[alpha 51] ; elle n'est pas répertoriée dans le dictionnaire chinois de référence Kangxi.
Kanji « pays » (canonique) La forme simplifiée est commune aux réformes chinoise et japonaise du XXe siècle.
Kanji « remplir » (canonique) La forme simplifiée (populaire) n'est pas reconnue comme officielle au Japon.

Il existe d'autre part des kanjis qui ont évolué vers des formes (ossatures) identiques ; autrement dit, un caractère peut résulter de la fusion de plusieurs kanjis historiques, comme qui contient les formes contemporaines des kanjis traditionnels (moi) et (avance), ces deux signes partageant de surcroît la même lecture (yo). Un autre exemple est la paire de kanjis originellement distincts en sens et en lectures (𠮟 ; 叱) qui, de par leur formes extrêmement similaires, sont considérés comme des formes (ossatures) interchangeables du même kanji dans la norme de 2010 sur les jōyō kanji (kanjis d'usage courant).

Politiques de l'État japonais concernant les kanjis

Premières tentatives de réformes

Durant l’ère Meiji, les formes du dictionnaire chinois de référence Kangxi[alpha 52] constituaient de facto le canon pour la typographie qui connut alors un essor sans précédent. On note toutefois quelques différences entre le Kangxi et les habitudes d'impression au Japon, en raison des trois phénomènes suivants :

Sinogramme « fleur ».
  • des différences de design qui peuvent aller jusqu'à modifier la forme (l'ossature) du kanji. Par exemple, la variante de la clé [alpha 53] correspondant à l'emplacement kanmuri fut le plus souvent rendue en trois traits au Japon au lieu des quatre traits du Kangxi[19] (cf. vignette ci-contre) ;
  • l'usage majoritaire au Japon de certains caractères[alpha 54] traités dans le Kangxi comme des variantes secondaires de formes correctes ;
  • L'usage au Japon de kokuji qui sont par définition absents du Kangxi, un ouvrage purement chinois.

Ces formes traditionnelles (japonaises) sont identifiées sous le terme de iwayuru kōkijitentai[20] (ci-dessous « formes quasi-Kangxi »), tandis que, dans les dictionnaires de kanjis, les formes du Kangxi stricto sensu sont souvent désignées en japonais par les termes seiji et seijitai, littéralement « caractères (formes) correct(e)s »[alpha 55].

Avec l'industrialisation du Japon, émergea le débat quant à la nécessité de simplifier l’écriture. Fukuzawa Yukichi, un penseur majeur de la Restauration de Meiji, proposa en 1873 de réduire dans un premier temps le nombre de kanjis, dans l'essai 文字之教 (De l'enseignement des caractères)[21]. Certaines propositions plus extrêmes furent faites, comme celle de Nishi Amane, en 1874, d’écrire le japonais en lettre latines[22], mais cette idée ne rencontra que peu de succès.

En , une commission gouvernementale (臨時国語調査会) établit une liste de 1 962 kanjis, appelés kanjis d'usage courant (常用漢字, jōyō kanji), publiée au journal officiel l’année suivante, mais cette décision ne fut pas appliquée notamment en raison des difficultés rencontrées par les autorités à la suite du grand séisme du Kantō de 1923. Une nouvelle tentative cependant fut faite en 1942 de limiter les kanjis avec l'avis rendu par le Conseil de la Langue japonaise (国語審議会) qui préconisa d'adopter une liste de 2 528 kanjis[23]. Toutefois, les oppositions furent nombreuses tandis que les difficultés liées à la guerre s'amoncelaient ; la proposition ne fut pas suivie par le Cabinet.

Une réforme qui fut réellement appliquée ne concerne pas les kanjis, mais les hiraganas, dont les formes alternatives (hentaigana) furent rendues obsolètes dès 1900[alpha 56].

Contexte historique d’après-guerre

Le Japon fut occupé par l'armée américaine après la fin de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1945 ; bien que l'empereur et les institutions gouvernementales japonaises soient demeurées en place, le gouvernement fut placé sous le contrôle des forces d'occupation commandées par Douglas MacArthur.

L'occupant poussa à la réalisation de nombreuses réformes, notamment celle du système d'écriture. La section au sein des forces d'occupation en charge de l'éducation recommanda d'adopter un système d’écriture basé sur l'alphabet latin[24] ; cette recommandation trouve ses sources dans le rapport Education in Japan, qui est principalement dû au colonel Robert K. Hall[25].

L'opinion selon laquelle l'utilisation des kanjis rendrait l'apprentissage et la maîtrise de l'écriture japonaise trop difficile pour une part importante de la population était une des justifications mises en avant par les Américains pour expliquer le « manque de démocratie » dont aurait souffert le Japon. L’idée directrice était de mettre un terme à l'utilisation des kanjis, et devant l'impossibilité pratique de mettre en place cette abolition du jour au lendemain, il fut demandé au gouvernement japonais de limiter l'usage des kanjis à une liste restreinte de caractères, avec le dessein de progressivement réduire le nombre de kanjis dans le futur[26].

Afin de soutenir la thèse selon laquelle les Japonais souffriraient d'une maîtrise insuffisante de leur écriture, les Américains confièrent à l'officier John Pelzel (ja) la responsabilité de faire réaliser une étude de grande ampleur sur l'illettrisme. Cette étude, menée sur 16 814 personnes  choisies aléatoirement sur les listes de rationnement  montra en 1948 un taux d'illettrisme de seulement 2,1 %, ce qui constitue un niveau très bas pour l'époque[27].

Le gouvernement japonais exécuta la réforme voulue par l'occupant, sans toutefois abolir les kanjis, trouvant une forme de compromis entre l'abolition et les précédentes tentatives infructueuses de limitation du nombre de kanjis  en particulier la liste des kanjis standard de 1942. Deux commissions, tour à tour, travaillèrent à la hâte à produire la liste officielle des kanjis. La première commission, particulièrement « ambitieuse », proposa une liste très restreinte de 1 295 caractères ; elle avait même prévu initialement d’étudier la possibilité d'abolir les kanjis pour les noms propres[28]. La seconde commission (de juin à octobre 1946[29]), dirigée par l'homme de lettres Yūzō Yamamoto, proposa in fine une liste de 1 850 caractères qui fut nommée « liste de kanjis à usage provisoire » (当用漢字表, tōyō kanji hyō). Dès novembre 1946, cette liste fut entérinée par le Cabinet[30].

Tōyō kanji (1946)

La liste des 1 850 tōyō kanji officiels[31] vit le jour en 1946, mais la réforme n’était pas complète à ce stade. En effet, la liste se borna à définir les kanjis (plus exactement les classes de kanjis) dont l'usage serait autorisé dans les textes officiels, les médias et la société en général ; elle indiqua que les formes et les lectures officielles auraient à être fixées ultérieurement[32]. Les décrets suivants vinrent ainsi en complément :

  • table des lectures des tōyō kanji en 1948 (augmentée en 1973) ;
  • définition des kanjis de la scolarité obligatoire en 1948 (881 kanjis dans un premier temps, connus sous le terme de kyōiku kanji, affectés plus tard aux six années de l'enseignement primaire) ;
  • formes des tōyō kanji en 1949, qui officialisèrent les formes simplifiées[33].

Le degré de coercition de cette réforme fut fort. Le décret de 1946 indique en effet que les mots s’écrivant initialement avec des kanjis hors-liste doivent être remplacés par des synonymes, ou bien écrits en syllabaires sans leurs kanjis ; les furigana sont de surcroît proscrits. Les domaines spécialisés furent par ailleurs invités à revoir leur terminologie afin de ne pas devoir recourir à des kanjis hors-liste.

Environ un cinquième des formes des tōyō kanji (publiées en 1949) est simplifié par rapport aux formes d'impression traditionnelles jusqu'alors en vigueur (formes quasi-Kangxi). Ces formes furent appelées formes nouvelles (新字体, shinjitai) et leurs contreparties traditionnelles formes anciennes[alpha 57] (旧字体, kyūjitai). Les formes anciennes ne furent pas pour autant rendues totalement obsolètes, car le décret n'imposa pas de changer en particulier les noms de famille qui nécessitent ces formes. Les formes « nouvelles » sont en fait pour la plupart des variantes qui sont des « formes abrégées[alpha 58] » ayant elles-mêmes une longue tradition notamment dans le domaine de l'écriture manuscrite, même si certaines simplifications opérées, telles devenant ou devenant , dénotent par leurs caractères inédits et contraires aux étymologies[34]. Pour ces derniers, de nouveaux caractères d'imprimerie durent être forgés[35].

Avec les restrictions introduites avec la liste des tōyō kanji, de nombreux mots, notamment des termes sinoxéniques, ne purent donc plus s'écrire entièrement en kanjis ; apparut le phénomène des « écritures mélangées[alpha 59] » (par exemple き損[alpha 60] au lieu de l'écriture originale 毀損) qui rendent parfois la lecture difficile. Pour limiter le nombre de ces hybrides, les autorités publièrent un rapport[7], en 1956, qui encouragea des changements orthographiques consistant à puiser dans les caractères officiels pour remplacer les kanjis hors-liste. Par exemple 廻転 (rotation) devint 回転, 慰藉料 (dommages et intérêts) devint 慰謝料.

En outre, en 1948, la législation japonaise sur le registre familial (koseki) limita aux tōyō kanji les kanjis autorisés pour déclarer les nouveau-nés. De fait, un nombre important de kanjis jusqu'alors fréquents pour les prénoms se retrouva exclu des possibilités pour nommer les enfants. Face aux critiques et aux plaintes, le gouvernement autorisa par ordonnance[36], en 1951, une liste supplémentaire de 92 kanjis[37]. Ces kanjis spécifiquement autorisés pour les prénoms sont connus sous le terme de jinmeiyō kanji ; leur nombre est allé croissant d'ajouts en ajouts (cf. section dédiée).

Jōyō kanji (1981)

En dépit de la nature provisoire des tōyō kanji, ces derniers restèrent en vigueur 35 ans. En 1981, une nouvelle liste de kanjis officiels vint en remplacement : il s'agit des kanjis d'usage courant (常用漢字, jōyō kanji). Le nombre de kanjis augmenta quelque peu avec 1 945 caractères au total. Cette liste est décrite comme un « objectif »  en non une règle absolue  qui n'a pas pour vocation de réguler les usages dans les domaines scientifiques, artistiques et les autres domaines spécialisés. En outre, l'usage de furigana pour indiquer les lectures de kanjis situés en dehors de la liste officielle ne fut plus banni, redonnant ainsi une certaine légitimité à ces caractères ; l'idée de limiter fermement le nombre de kanjis, voire de s'acheminer progressivement vers l'abolition des kanjis fut de facto enterrée avec cette réforme.

Les 1 945 formes canoniques (通用字体, tsūyō jitai)[38] des jōyō kanji reprennent en particulier les formes simplifiées (shinjitai) des tōyō kanji. Par ailleurs, quelques remaniements eurent lieu au niveau des lectures.

Cette liste fut revue et augmentée en 2010 (cf. section dédiée).

Formes standard pour l'impression (2000)

En 2000, sont définies les 印刷標準字体 (insatsu hyōjun jitai), formes (ossatures) standard pour l'impression de 1 022 kanjis situés en dehors des jōyō kanji, accompagnées de 22 variantes autorisées[39] (kan'i kan'yō jitai). Ces kanjis ont été retenus pour leur relatif haut degré de fréquence d'utilisation, en dépit de leur absence de la liste des jōyō kanji de l'époque ; cela signifie que, pour l'essentiel, les kanjis exclus à la fois des jōyō kanji et de cette liste complémentaire sont d'une importance relativement négligeable dans le cadre du japonais contemporain (noms propres mis à part).

Fait nouveau parmi les réformes du XXe siècle, les formes choisies comme standard sont les formes traditionnelles (formes quasi-Kangxi). En outre, de nombreuses variantes, telles (pour ) ou (pour ) qui suivent pourtant la même logique que les simplifications validées après-guerre (賣⇒売 ; 國⇒国), n'ont pas été retenues comme variantes autorisées, car elles étaient trop rares chez les éditeurs, en dépit de leur prédominance dans les logiciels grand-public de traitement de texte d'alors[alpha 61]. Le jeu de caractères codés JIS X 0213 a connu une profonde révision en 2004 pour refléter les choix de ces formes standard.

Liste actuelle des kanjis d'usage courant (jōyō kanji)

Le développement des ordinateurs personnels et des téléphones mobiles donne accès au grand-public à de nombreux kanjis non officiels, mais fort utiles. En réponse, l'Agence pour les Affaires culturelles a proposé[40] le une révision de la liste des jōyō kanji, laquelle fut promulguée par le Cabinet le de la même année. Ainsi, l'effectif des kanjis officiels passe à 2 136, par l'ajout de 196 caractères et le retrait de cinq caractères jugés trop rares. Des ajouts ou suppressions sont également apportés au niveau des lectures.

Une forme canonique par kanji (par classe de kanjis) est fixée, soit 2 136 formes. Pour les nouveaux kanjis ajoutés en 2010, leur formes canoniques sont dans l'ensemble des formes traditionnelles, dans la lignée de l'avis rendu en 2000[alpha 62]. Par exemple, les formes ou sont choisies plutôt que les variantes et .

Variantes tolérées (exemples).

En ce qui concerne l'écriture manuscrite, certaines variantes, en général plus simples que les formes canoniques, sont reconnues voire indiquées comme préférables[41]. La reconnaissance de formes (ossatures) différentes entre l'écriture manuscrite et les caractères pour l'impression constitue une nouveauté par rapport aux réformes précédentes. En outre, les cinq kanjis , , , et ont des variantes tolérées[alpha 63] (cf. illustration ci-contre). Autre fait nouveau par rapport aux précédentes directives, le rapport de l'Agence précise[42] qu'en raison de l'usage contemporain généralisé des outils informatiques, l'esprit de cette réforme n'est pas d'exiger la capacité à écrire à la main, de mémoire, tous les kanjis de la liste ; néanmoins, il n'est pas précisé quels seraient les kanjis « difficiles » susceptibles de faire l'objet de cette exemption.

Le document officiel notifiant les jōyō kanji se compose, outre les éléments explicatifs, d'une liste principale  introduisant les formes et les lectures des 2 136 caractères accompagnées d'exemples lexicaux , ainsi que d'une liste secondaire, appelée fuhyō, qui régit l’écriture d'une centaine de mots correspondant à des lectures irrégulières ou considérées comme telles ; cette liste secondaire ne contient que très peu de termes ateji stricto sensu[43]. Il s'ensuit que, en dehors des noms propres, un grand nombre de mots considérés comme des ateji ou des jukujikun n'ont pas leur place dans les textes de l'administration, car absents de la liste fuhyō. Par exemple, le jukujikun 明後日 (asatte, « après-demain ») n'est pas officiel[alpha 64].

Kanjis aujourd'hui autorisés pour les prénoms

La plupart des prénoms contemporains des Japonais sont composés de un à trois kanjis[alpha 65]. À la suite de la dernière modification en 2017[44], 2 999 kanjis au total sont autorisés pour les prénoms des nouveau-nés, parmi lesquels on compte 230 variantes ; c'est-à-dire qu'il y a 2 769 classes de kanjis autorisées pour les prénoms, dont tous les jōyō kanji (2 136 classes) ainsi que 633 autres classes. La majorité des 230 variantes sont des formes anciennes (kyūjitai) de jōyō kanji. Parmi les kanjis autorisés, certains caractères ne se prêtent guère, en raison de leur sens, à être employés dans les prénoms, ce qui limite légèrement le nombre de kanjis disponibles en pratique. Même en tenant compte de ce fait, il demeure un nombre considérable de kanjis à disposition.

D'autre part, le choix de la lecture est libre. Dans la pratique, la majorité des prénoms japonais suivent les lectures répertoriées dans les dictionnaires, qu'elles soient kun, on, ou spécifiques aux prénoms ; ces dernières sont connues sous le terme de 名乗り読み (nanori yomi). Toutefois, n'importe quelle lecture peut être, en théorie, associée à prénom écrit en kanjis, quand bien même aucun dictionnaire ne validerait cet usage.

Ces éléments font qu'il existe une grande variété de prénoms au Japon, à tel point que les situations où une personne n'arrive pas à lire le prénom d'une autre sont fréquentes. En outre, l’état civil japonais (koseki) n'enregistre pas les lectures des kanjis des prénoms (et des noms), ce qui fait qu'elles n'ont pas, à ce jour, d’existence légale. En revanche, par commodité, les lectures sont souvent demandées, par exemple lors du remplissage d'un formulaire. Le fait que rien, légalement, ne s'oppose à ce que plusieurs lectures coexistent pour un même individu est un problème, en particulier du point de vue des autorités gouvernementales ; une réforme[45] est envisagée pour inscrire sur l’état civil la lecture du nom et du prénom en kanas (氏名の読み仮名, shimei no yomigana), afin de rendre plus aisée la gestion des données et d’éviter les erreurs ou abus.

Apprentissage des kanjis

Au Japon, l'apprentissage des kanjis d'usage courant requiert les neuf années que compte l'instruction obligatoire, tandis que certaines lectures de ces caractères ne sont enseignées qu'au niveau des lycées. En particulier, les 1 026 caractères considérés comme les plus élémentaires sont étudiés durant les six années de l'enseignement primaire japonais ; ils sont communément appelés kyōiku kanji[46].

En outre, pour chaque kanji, il faut mémoriser :

  • l'ordre et la manière de dessiner ses traits ;
  • le nombre de traits en style régulier ;
  • la clé ;
  • les lectures on et kun, chacune de ces catégories pouvant compter plusieurs lectures différentes ;
  • quels sont les mots dans lesquels ce kanji est utilisé.

Aussi, la connaissance en profondeur d'un grand nombre de kanjis est-elle une marque de culture et d'érudition. Il existe des examens spécifiques portant sur les kanjis, le plus connu étant le Kanken ; ce dernier permet de mesurer ses compétences selon douze niveaux. En plus des centres d'examen japonais, il est possible de le passer dans certaines grandes villes à l'extérieur du Japon.

Notes et références

Notes

  1. Le mot « kanji » est présent dans des dictionnaires français et s'accorde donc comme tous les noms communs français. Il en est de même pour les mots « kana », « hiragana » et « katakana ». Les noms plus techniques (par exemple « kokuji »), sont indiqués en italique et restent invariables au pluriel, conformément à la grammaire japonaise.
  2. En mandarin standard, la translittération est hànzì.
  3. Bien que les kanas soient ordinairement qualifiés de syllabaires, convention qui sera également suivie dans cet article, il est plus précis de dire que chaque kana représente une more (à l'exception des mores dites yōon (en) qui demandent deux kanas).
  4. Les lettres latines sont appelées en japonais raten moji ou rōmaji, voire eiji (littéralement « lettres anglaises » ; eiji correspond aux vingt-six lettres de l'alphabet latin, sans diacritiques). Rōmaji peut aussi désigner les mots japonais translittérés en lettres latines (romanisés). Par exemple, kanji est le rōmaji pour 漢字.
  5. Les termes 意味 (imi) et 意義 (igi) sont aussi fréquemment utilisés en lieu et place de jigi.
  6. La lecture bu est une variante de la lecture fu (phénomène du rendaku).
  7. Signifie « typhon ».
  8. Signifie « paravent ».
  9. Signifie « vent ».
  10. Signifie « vent du nord ».
  11. Signifie « moulin à vent ».
  12. Signifie « apparence ».
  13. Signifie « paysage ».
  14. Signifie « beauté du paysage ».
  15. Signifie « élégance ».
  16. Signifie « us ».
  17. Signifie « style de dessin ».
  18. Forme non conjuguée dite 終止形 (shūshikei), aussi appelée « forme du dictionnaire ».
  19. Cf. japonais 同音異義語 (dōon'igigo).
  20. Les ouvrages Tennōki et Kokki (620), aujourd'hui disparus, sont des textes en sinogrammes antérieurs d'un siècle au Kojiki, selon les mentions qui en sont faites dans les chroniques Nihon Shoki.
  21. Wani serait venu, selon le Nihon Shoki, en l'an 16 du règne de l'empereur Ōjin, qui pourrait se situer entre la seconde moitié du IIIe siècle et le début du Ve siècle.
  22. Néanmoins, on trouve quelques cas pour lesquels l'attribut de kokuji ne fait pas l'objet d'un consensus ; en particulier, il n'est pas exclu que dans certains cas des caractères aient été « redécouverts » au Japon, à savoir que les Japonais créèrent une composition nouvelle, dotée d'une certaine signification, tout en ignorant qu'elle existait par ailleurs en Chine avec un sens à priori différent. Par exemple, « séparation » (, mata) fut créé au Japon par une déformation d'« espérer » (, matsu), mais c'est aussi un caractère rare trouvé en poésie chinoise sans que les deux aient un quelconque lien direct.
  23. La révision de la norme JIS X 0213 en 2012 ne comporte aucune modification au niveau des caractères eux-mêmes.
  24. Cf. japonais 偏旁 (henbō), 偏旁冠脚 (henbōkankyaku) ou 漢字の構成要素 (kanji no kōsei yōso).
  25. Lorsqu'un kanji est insécable, ce caractère et sa clé seront graphiquement identiques.
  26. Cependant, certains dictionnaires classent les kanjis dans l'ordre des sons japonais. D'autre part, le nombre total de traits est généralement le moyen de d’ordonner les kanjis ayant la même clé ou la même lecture de référence.
  27. Il existe souvent des appellations alternatives. Seul un exemple est indiqué ici.
  28. Jupiter est la planète de l'élément « bois ».
  29. Dans ce contexte, signifie « gouverner » et « secourir ».
  30. La liste des lectures et sens indiqués ici n'a pas vocation à être exhaustive. D'autre part il arrive que les sens associés à des lectures distinctes peuvent être partiellement ou entièrement similaires.
  31. Néanmoins, il existe, de manière plus anecdotique, en dehors des listes officielles, des lectures kun historiquement plus récentes qui se basent sur des mots d'origine européenne et non sur le fond lexical japonais yamato kotoba ; par exemple , qui peut se lire pēji (de l'anglais page, page), ou , qui peut se lire botan (du portugais botão, bouton), ne sont pas particulièrement rares dans l'usage contemporain.
  32. Si on se limite aux lectures officielles des jōyō kanji, les lectures kun les plus longues, terminaisons exclues, ont cinq syllabes. Cf. (kokorozashi), (mikotonori) et 承る (uketamawa‧ru).
  33. La syllabe shi () est monomorique, tandis que les syllabes kan (かん) et (こう) sont bimoriques.
  34. Ce sont notamment les syllabes du chinois médiéval dites « tons d'entrée » (入声, nisshō) qui ont donné naissance aux lectures on pluri-syllabiques. On trouve par exemple la lecture eki de ou la lecture koku de .
  35. Les lectures des Tang sont aussi appelées lectures des Song (宋音, sō-on) ou encore lectures des Tang et des Song (唐宋音, tōsō-on).
  36. Les lectures kan-on sont généralement privilégiées, sauf si la lecture kan-on du kanji en question n'est pas d'une utilisation courante en japonais (par exemple la lecture kan-on du kanji , ), auquel cas la lecture go-on du kanji sera employée à la place.
  37. 漢語 (kango) est plus fréquent que 字音語 (jiongo) dans la littérature, mais le premier a le défaut d'être quasi-homographique avec le mot chinois hànyǔ (signifiant « langue chinoise ») écrit en sinogrammes traditionnels.
  38. Certains termes reprennent cependant des combinaisons existant en chinois ancien, mais un sens totalement nouveau leur a été attribué, ce qui fait qu'ils sont généralement considérés comme « dérivés » du chinois et non « empruntés ».
  39. Cf. les contributions d'intellectuels tels Fukuzawa Yukichi, Nakae Chōmin ou Mori Ōgai.
  40. On peut noter que dans le cadre du shintoïsme, le style senmyōtai est toujours utilisé de nos jours (cf. norito).
  41. La presse écrite préfère 手続き, tandis que l'administration ou les textes de loi emploient 手続.
  42. Il serait erroné de considérer que possède la lecture kuda, et la lecture ya. Les lectures kudamono et kaya s'appliquent aux mots 果物 et 蚊帳 dans leur ensemble.
  43. La propension à conserver l’écriture en kanjis dans la langue contemporaine est variable selon les mots.
  44. Cf. japonais 借字 (shakuji) ou 借り字 (kariji), signes empruntés.
  45. Par exemple, on peut citer l’écriture — rare — du mot burashi (brosse) en kanjis, 刷子, où l'emploi de est justifié par son sens de « brosser » (et non sa lecture), tandis que est employé pour sa lecture shi (et non son sens).
  46. Cf. japonais 筆画 (hikkaku, littéralement « trait au pinceau ») ou 点画 (tenkaku, littéralement « point ou trait »).
  47. L'ordre des traits est appelé en japonais 筆順 (hitsujun) ou, familièrement, 書き順 (kakijun).
  48. La différence entre un fondu et un arrêt marqué est surtout nette dans le cas d'une écriture au pinceau.
  49. La norme sur les jōyō kanji de 2010 adapte le point de vue de droite en distinguant les deux ossatures. Le standard Unicode 13 considère également ces deux caractères comme distincts via les « sélecteurs de variante ».
  50. La forme principale choisie par le dictionnaire n'est pas nécessairement antérieure aux autres variantes présentées.
  51. est une forme spécifique au Japon du sinogramme « tortue ». La classe à laquelle elle appartient existe originellement parmi les caractères chinois, aussi ne parle-t-on pas de kokuji dans ce cas.
  52. Cf. japonais 康熙字典 (Kōkijiten).
  53. La même remarque s'applique à la clé .
  54. Par exemple les variantes et , pour et .
  55. Toutefois, le terme seiji (ou seijitai) peut, selon le contexte, faire référence à d'autres standards. Par exemple, dans un contexte juridique, il peut désigner les caractères dont les formes sont autorisées par la législation pour les documents officiels contemporains.
  56. Arrêt de l'enseignement des hentaigana dans les écoles primaires en 1900.
  57. En japonais, le terme kyūjitai (forme ancienne) n'a pas de définition unique : certains dictionnaires de kanjis considèrent en effet la forme ancienne comme étant la forme stricto sensu du Kangxi d'un kanji ayant été réformé, tandis que d'autres optent pour la forme traditionnelle japonaise (quasi-Kangxi). Kyūjitai peut aussi désigner l'écriture au Japon antérieure aux réformes, auquel cas toutes les formes pseudo-Kangxi, y compris celles n'ayant pas été réformées, sont incluses.
  58. Cf. japonais 略字体 (ryakujitai), forme abrégées.
  59. Cf. japonais 混ぜ書き (mazegaki), écritures mélangées.
  60. est un hiragana qui code la more ki, en remplacement du kanji .
  61. Par exemple, le kanji (fossé, salir) n'est pas répertorié dans la norme JIS X 0208, standard fréquemment utilisé en informatique notamment dans les années 1990 ; on y trouve uniquement la variante .
  62. Parmi les kanjis transférés depuis la liste des formes standard datant de 2000 vers les jōyō kanji, , et sont cependant des variantes dites kan'i kan'yō jitai (formes d'usage simples). Elles furent préférées aux formes traditionnelles , et .
  63. Les cinq variantes de , , , et sont dites « formes tolérées » (許容字体, kyoyō jitai), c'est-à-dire utilisables à la place des formes canoniques, faute de mieux. De plus, ces formes seront généralement préférées pour l'écriture manuscrite.
  64. Asatte sera écrit en hiraganas par l’administration. Il est aussi possible de lire 明後日 via des lectures on conventionnelles, ce qui donne le mot myōgonichi (registre soutenu).
  65. Pour les prénoms des Japonais, il est également possible d'utiliser les kanas, le signe (chōonpu) et certaines marques d'itération ; en revanche, les lettres latines et les autres signes ne sont pas autorisés.

Références

  1. (ja) Source : dictionnaire Shinkangorin, éditions Taishūkan. Les éléments listés ici ne constituent qu'un extrait des principaux sens existants.
  2. (ja) Les lectures sont aussi désignées en japonais par 読み方 (yomikata) ou 音訓 (onkun). Le terme de onkun est employé en référence aux deux catégories de lectures que sont les lectures on et les lectures kun. Source : dictionnaire Daijisen, éditions Shōgakukan.
  3. (ja) Source : dictionnaire Daijisen, éditions Shōgakukan.
  4. (ja) En pratique, la totalité des caractères autorisés pour les prénoms (jinmeiyō kanji) ne sont généralement pas considérés comme des hyōgai kanji. Cf. rapport du 22e Conseil de la Langue japonaise (国語審議会) sur la « Table des formes des kanjis hors-liste » (表外漢字字体表), paragraphe Ⅰ 前文 対象とする表外漢字の選定について.
  5. (ja) Y. Isozaki, p. 33, p. 34. Par exemple, les journaux ont convenu d'utiliser le kanji non officiel dans 挽回 (bankai, « récupération ») ; en revanche, ils n'utilisent pas le kanji , remplacé par , comme dans 寄付 (kifu, « don »).
  6. (ja) JKATF, page 1 640.
  7. (ja) Cf. le document [PDF] 同音の漢字による書きかえ.
  8. (ja) Kokkun est parfois considéré comme un simple synonyme de lecture kun. Source : dictionnaire Meikyō Kokugo Jiten, éditions Taishūkan.
  9. (ja) Cf. les directives officielles 送り仮名の付け方.
  10. (ja) Cf. les directives officielles 公用文における漢字使用等について et 法令における漢字使用等について en vigueur depuis 2010.
  11. (ja) Cf. définition de ateji dans le dictionnaire Meikyō Kokugo Jiten, éditions Taishūkan.
  12. (ja) Le manuel pour l'instruction de l'ordre des traits (筆順指導の手びき) est un standard toujours utilisé de nos jours bien qu'il n'en soit plus fait officiellement mention dans la « Norme des manuels scolaires autorisés pour l'enseignement obligatoire » de 2014 (義務教育諸学校教科用図書検定基準, ministère de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, paragraphe 国語科「書写」, partie 1, point 4 : « 漢字の筆順は、原則として一般に通用している常識的なものによっており、行書で筆順が異なる字については、適切な説明を加えていること »).
  13. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, p. 205.
  14. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, p. 7.
  15. (ja) En japonais 骨組み (honegumi) ou 骨格 (kokkaku), Agence pour les Affaires culturelles, p. 7. La métaphore d'ossature en japonais fournit une image intéressante dans la mesure où changer légèrement l'orientation d'un trait (à l'image d'une articulation), grossir plus ou moins un trait (à l'image du muscle entourant l'os) ne modifient pas l'ossature du caractère.
  16. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, p. 213 : « 書体とは,字体を基に文字が具現化される際に,文字に施された一定の特徴や様式の体系を言う ».
  17. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, p. 8.
  18. (zh) Dictionnaire Kangxi, page 1 334.
  19. (ja) Cf. rapport du 22e Conseil de la Langue japonaise (国語審議会) sur la « Table des formes des kanjis hors-liste » (表外漢字字体表), paragraphe Ⅱ 字体表, point 6.
  20. (ja) Cf. japonais いわゆる康熙字典体 (iwayuru kōkijitentai). Une définition de ce terme est donnée dans le rapport du 22e Conseil de la Langue japonaise (国語審議会) sur la « Table des formes des kanjis hors-liste » (表外漢字字体表), paragraphe Ⅰ 前文 表外漢字字体表作成に当たっての基本的な考え方.
  21. (ja) T. Atsuji, p. 31.
  22. (ja) Cf. essai de Nishi Amane : 洋字ヲ以テ国語ヲ書スルノ論.
  23. (ja) La liste des kanjis standard (標準漢字表, hyōjun kanji hyō) de 1942 se divise en 1 134 kanjis d'usage courant, 1 320 kanjis d'usage quasi-courant et 74 kanjis spéciaux pour des termes spécifiques trouvés dans la Constitution de l'Empire ou la loi de la maison impériale. Cf. [PDF] document original.
  24. (ja) T. Atsuji, p. 25.
  25. (ja) T. Atsuji, p. 19.
  26. (ja) T. Atsuji, p. 80.
  27. (ja) T. Atsuji, p. 49.
  28. (ja) T. Atsuji, p. 54.
  29. (ja) T. Atsuji, p. 55.
  30. (ja) T. Atsuji, p. 57.
  31. (ja) Cf. la compilation de documents originaux [PDF] 国語施策沿革資料.
  32. (ja) T. Atsuji, p. 65. Tout en remettant à plus tard la définition des formes, la liste de 1946 des tōyō kanji indique cependant déjà 131 formes simplifiées qui sont qualifiées de principales (本体, hontai) par rapport aux formes originelles (原字, genji).
  33. (ja) Le rapport du Conseil de la Langue japonaise (国語審議会) de 1948 auquel se réfère le décret de 1949 montre les formes (ossatures) des tōyō kanji dont l'usage sera commun tant pour les caractères d'imprimerie (styles minchōtai et dérivés) que pour l'écriture manuscrite (style régulier) ; le rapport mentionne néanmoins qu'il continuera d'y avoir parfois des différences entre les représentations imprimées et habitudes manuscrites (ces différences de design ne remettant pas en question l'unicité des ossatures des tōyō kanji).
  34. (ja) T. Atsuji, p. 124
  35. (ja) T. Atsuji, p. 106
  36. (ja) Article 60 du décret d'application de la loi sur le registre familial (戸籍法施行規則).
  37. (ja) T. Atsuji, p. 133
  38. (ja) Tsūyō jitai, littéralement « formes ayant cours », est un terme qui fut officiellement consacré en 1981 dans la Table des jōyō kanji (常用漢字表), au paragraphe 表の見方及び使い方. Voir aussi Agence pour les Affaires culturelles, p. 9 et 212.
  39. (ja) Ces 22 variantes sont dites 簡易慣用字体 (kan'i kan'yō jitai, formes d'usage simples) et sont des alternatives officiellement reconnues, en principe plus simples que les formes standard, comme pour ou pour . D'autres formes, impliquant les parties , et , sont « tolérées », au sens où la norme indique que l'on peut les employer faute de mieux ; toutefois, elles ne sont plus incluses dans le jeu de caractères JIS X 0213 et les polices ordinaires  voir le rapport du 22e Conseil de la Langue japonaise (国語審議会) sur la « Table des formes des kanjis hors-liste » (表外漢字字体表), paragraphe Ⅱ 字体表, point 5.
  40. (ja) Cf. le rapport du Conseil de la Culture (文化審議会) [PDF] 改定常用漢字表.
  41. (ja) Agence pour les Affaires culturelles, p. 206. En outre, les variantes spécialement autorisées pour l'écriture à la main peuvent être néanmoins utilisées comme formes d'impression dans le cas où le style employé se veut au plus proche l'écriture manuscrite régulière, ce qui est notamment le cas avec le style d'impression kyōkashotai. Cf. Agence pour les Affaires culturelles, p. 60, 61 et 83.
  42. (ja) Extrait p. 7 : « 情報機器の使用が一般化・日常化している現在の文字生活の実態を踏まえるならば、漢字表に掲げるすべての漢字を手書きできる必要はなく、また、それを求めるものでもない。 »
  43. (ja) Y. Isozaki, p. 38
  44. (ja) Journal officiel japonais (Kanpō) du  : décret du ministère japonais de la Justice no 32, ajoutant le kanji .
  45. (ja) Conférence de presse du Ministre de la Justice du 7 septembre 2021
  46. (ja) Leur nombre est passé de 1 006 à 1 026 en raison d'une réforme promulguée en 2017. Cf. 小学校学習指導要領(平成29年告示).

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Claude Martin, Mémento et dictionnaire des Kanji : 2143 nouveaux Kanji usuels japonais, éditions FransOrienT, Paris, 2011, 312 p. (ISBN 978-2952878142)
  • (ja) The Japan Kanji Aptitude Testing Foundation (JKATF), 漢検漢字字典第二版 (Seconde édition du dictionnaire Kanken Kanji), Japon, 2014, 1 984 p. (ISBN 978-4890963058)
  • (ja) Agence pour les Affaires culturelles, [PDF] 常用漢字表の字体・字形に関する指針 (Directives concernant les formes des kanjis courants), éditions Sanseidō, Japon, 2016, 236 p. (ISBN 978-4385362335)
  • (ja) Tetsuji Atsuji, 戦後日本漢字史 (Sengo Nihon Kanji Shi), éditions Shinchōsha, Japon, 2010, 270 p. (ISBN 978-4-10-603668-2)
  • (ja) Yōsuke Isozaki, 分かりやすい公用文の書き方 (Wakariyasui Kōyōbun no Kakikata), éditions Gyōsei, Japon, 2022, 334 p. (ISBN 978-4-32-411115-4)

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