Kinésiologie appliquée

La kinésiologie appliquée est une pratique à visée thérapeutique qui postule l'existence d'un lien important entre mouvements, tonus musculaire et diverses maladies. Elle fut créée par George Goodheart (1918-2008), chiropraticien américain, qui la réservait aux professionnels de santé diplômés d'État. John Thie, également chiropraticien, en a fait le Touch for health, à l'origine des kinésiologies spécialisées, présentées comme des méthodes amélioratrices de la santé et du bien-être.

Kinésiologie appliquée
Une personne (droite) pratiquant la kinésiologie appliquée
MeSH « D018953 »

Ne doit pas être confondu avec kinésiologie, kinésiologue ou kinésithérapie.

Ses principes n'ont pour la plupart pas été scientifiquement validés, ni par ses promoteurs, ni a posteriori par des travaux de recherche, ce qui la classe parmi les pseudosciences. En France, face à l'absence d'efficacité démontrée et à un risque avéré de dérive sectaire, la kinésiologie appliquée est placée sous observation par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires[1].

Principes théoriques

Principes

Ses « principes et croyances » sont une sémantique très particulière pour désigner ce qu'on qualifie dans le langage courant de « protocole médical » et « théorie scientifique ». La kinésiologie appliquée se base sur des amalgames et des inexactitudes du point de vue physiologique, neurologique et pratique. Son postulat de départ est un des grands classiques vitalistes : le corps serait traversé d'un flux d'énergie curative, et les maladies seraient causées par l'entravement de ce flux[2].

Méthode

La kinésiologie appliquée utilise le test musculaire qui, par l'évaluation directe du degré du tonus musculaire, permettrait de positionner d'un point de vue psycho-énergétique la personne par rapport aux objectifs réels visés et formulés par elle. Les objectifs de séance sont divers : je suis à l'aise avec telle personne, je peux parler en public, j'ai une bonne image, je pardonne à (...), j'ai une bonne estime de moi, etc. Des tests musculaires interrogent le corps à la recherche de blocages ; les réponses s'interprètent à l'aide de grilles de lecture, qui permettent de lever les blocages. Les types de blocages sont divers : émotions, barrières, lignes, traits du visage en déni ou à connaître, sabotages, etc.

Le but est de réduire la charge et le stress et de vivre de façon plus équilibrée. Le kinésiologue peut être amené à suggérer des changements de mode de vie. Il doit également maîtriser les lois du principe d’adaptation[pas clair]. Il prend garde de toute attitude pouvant être assimilée à un exercice illégal de la médecine. L'organisme français dit Syndicat national de la kinésiologie[3] publie un code de déontologie[4] qui précise les devoirs et obligations du kinésiologue dans sa pratique quotidienne.

Spécialisation de la kinésiologie appliquée

Kinésiologie appliquée

Méthode inter-disciplinaire de diagnostic et de guidage des soins des patients, en usage chez certains chiropraticiens et certains dentistes, fondée sur la synthèse de plusieurs techniques dont des éléments de médecine chinoise. « La kinésiologie appliquée (KA) est l'utilisation thérapeutique des mouvements du corps. Le test musculaire, quoique controversé car jamais démontré, est un outil important de la méthode. La kinésiologie appliquée a été créée en 1964 par George J. Goodheart, Jr., DC. »[réf. nécessaire].

Concepts 3 en 1

Les concepts 3 en 1[5] (aussi appelés méthode One Brain, ou système One Brain), une méthode de gestion du stress développée par Gordon Stokes et Daniel Whiteside, proposent, outre le test musculaire de la kinésiologie spécialisée, un ensemble de techniques de gestion du stress, des éléments de morphopsychologie et une classification originale des émotions appelée « baromètre du comportement ». Guidée par ce baromètre, ainsi que par les traits du visage et le test musculaire, la méthode prétend retrouver l'âge exact et l'émotion douloureuse à l'origine d'un stress présent. Il n'existe pas de publication scientifique démontrant cette prétention.

Kinésiologie appliquée en France

La profession de kinésiologue n'existant pas en France, l'appellation « kinésiologue » désigne de façon générique et erronée les élèves d'écoles dont le cursus de formation est libre et peut comporter des modules spécifiques. La formation n'est pas reconnue par l'État. Les élèves kinésiologues ne sont pas forcément des praticiens de santé diplômés à l'origine. Cette profession s'organise en fédérations qui définissent le cadre technique et déontologique de l'exercice du métier de kinésiologue, afin de définir le cadre d'action du kinésiologue, en conformité avec la législation française[3].

La kinésiologie n'est pas une méthode de soins mais une méthode de développement personnel non religieuse[6]. Cette dernière précision fait suite à des accusations de dérives sectaires pour la kinésiologie[1]. Jean-Claude Guyart déclare notamment « On ne se dit pas thérapeutes et on ne s'est jamais dit thérapeutes[7]. ». Selon lui, les techniques se fondent toutefois sur des principes de chiropratique et d'acupuncture[7].

Controverses concernant la kinésiologie appliquée

Absence de formation médicale des « soignants »

Selon le rapport 2007 de la MIVILUDES, la kinésiologie y est désignée comme « une pratique thérapeutique non réglementée »[8]. Cette discipline n'est encadrée par aucune autorité, et n'importe qui peut se proclamer « kinésiologue » sans la moindre formation. Certains instituts privés proposent toutefois des formations, mais leur diplôme n'a aucune valeur institutionnelle[1]. Ainsi, « L’absence de reconnaissance par l’État des formations et des diplômes délivrés aussi bien pour le reiki que pour la kinésiologie peut induire un amateurisme de la part de certains pseudo-thérapeutes. D’autant que n’importe qui peut se déclarer « kinésiologue » ou « maître reiki » et enseigner ces techniques. [...] On fait également miroiter à l’adepte la possibilité de devenir lui-même « praticien » voire formateur, ce qui est en soi très valorisant et réconfortant pour une personne en perte de repères »[1].

La kinésiologie appliquée n'a pas de définition institutionnelle concrète, et un grand nombre de pratiques sans lien entre elles peuvent être proposées par des individus sous cette bannière. En conséquence, elle est pointée du doigt par la commission de l'Assemblée Nationale sur les dérives sectaires (MIVILUDES) dans le cadre des thérapies pseudo-médicales[1].

Dérive charlatane ou sectaire

En France, le terme « kinésiologie » est communément utilisé pour désigner divers courants de kinésiologie appliquée. Le kinésiologue y est davantage un thérapeute alternatif aux assises scientifiques plus diffuses.

Thérapie pseudo-médicale

La kinésiologie appliquée « vise à optimiser le capital « ressources personnelles » avec l’accompagnement d’un thérapeute, et de parvenir à l’auto-guérison des difficultés existentielles et des maladies »[9]. Cette technique de mieux-être a le même rôle qu'une thérapie, avec un accompagnement de la personne, et permettrait, selon ses utilisateurs, de dissoudre les blocages émotionnels et mentaux grâce à un dialogue corporel à la recherche des solutions les plus adaptées. Le principe est que le corps conserve toutes les informations de son histoire et que la personne elle-même peut choisir de changer pour retrouver un équilibre.

Il a été également reproché à certaines écoles de kinésiologie appliquée de recycler de nombreuses techniques New Age préexistantes, et qui n'ont rien à voir avec les principes d'origine de la méthode, tels que les élixirs floraux, les constellations familiales, la psycho-énergétique, l'aura (comme dans l'aura-kinésiologie), l'iridologie, etc.[10] Bien que la pratique soit présentée comme « non religieuse », certains responsables du mouvement ont pourtant déclaré que la kinésiologie appliquée provenait de Dieu, et que l'on pouvait trouver dans la Bible des indications que le « toucher pour la santé » était préconisé et que ces pratiques avaient été bien reçues chez certains chrétiens qui pratiquaient des rituels de guérison[11].

Condamnations - Affaire Kerywan (2005)

La radicalisation de certains kinésiologues est illustrée par une condamnation en France en 2005 pour la mort d'un nourrisson soumis à un régime alimentaire ayant provoqué une malnutrition[12],[13]. « Des parents, au nom de conceptions idéologiques inhérentes à la pratique de la kinésiologie et des "lois biologiques" de Ryke Geerd Hamer, avaient adopté pour eux-mêmes et leurs enfants le régime végétalien dans leur quête d’une alimentation purifiée. »[9]. Le , la cour de Quimper a condamné à 5 ans de prison dont 52 mois avec sursis, pour non-assistance à personne en danger, un couple de parents adeptes de la kinésiologie. Le juge a incriminé l'« idéologie aux implications médicales » de ces deux parents dont les pratiques médicales infructueuses ont abouti à la mort de leur enfant par malnutrition[14]. Pour autant, les kinésiologues réfutent le fait que leur technique puisse être apparentée à une quelconque idéologie.

Emprise psychologique

En 2012, la MIVILUDES dans son Guide : santé et dérives sectaires, au chapitre « La kinésiologie », écrit : « La radicalisation de certains adeptes de cette mouvance a conduit à des dérives de caractère sectaire dans laquelle la dimension hygiéniste portée au rang de dogme a constitué un facteur déterminant »[15].

En 2017, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a encore consacré un chapitre entier de son rapport annuel à la kinésiologie[1]. La mission signale notamment l'usage de méthodes d'emprise psychologique classiques : « valoriser la victime pour mieux asseoir l’emprise du gourou thérapeute. Il s’agira de convaincre l’adepte qu’il est exceptionnel et que pour aller mieux et retrouver son énergie, sa joie de vivre et tout son potentiel, il devra se séparer de son conjoint, se couper de ses amis, et surtout suivre des stages, généralement coûteux, mais nécessaires pour accéder au bien-être. [...] Petit à petit la relation va se baser sur l’admiration du patient envers son thérapeute, qui pourra imposer toutes ses exigences, allant jusqu’à la soumission totale de l’adepte qui aura subi des pressions réitérées afin d’altérer son jugement »[1].

Selon les conclusions de de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (UNADFI) : « Certains individus fragiles se laisseront séduire par les promesses de certains praticiens et ils s’engageront dans un processus progressif que nous connaissons bien dans les dérives sectaires : abandon de la personnalité, reconstruction, dissociation, ruptures des liens, intérêt exclusif pour les nouvelles théories, fréquentation de stages, dépenses mettant en danger le budget familial[16]. »

Évaluation scientifique

Les méthodes de la kinésiologie appliquée ne présentent pas suffisamment de références vérifiables à des programmes significatifs de recherche et de validation scientifique. Elles ont tendance à se baser sur des hypothèses et des intuitions non vérifiées. Le ministère de la Santé indique sur son site Internet que « dans la très grande majorité des cas, ces pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques ou cliniques montrant leurs modalités d’action, leurs effets, leur efficacité, ainsi que leur non dangerosité. Lorsqu’elles sont utilisées pour traiter des maladies graves ou en urgence à la place des traitements conventionnels reconnus, elles peuvent donc faire perdre des chances d’amélioration ou de guérison aux personnes malades »[1]. La MIVILUDES considère ces techniques de soin comme « porteuses de risques et non éprouvées »[1]. La kinésiologie a fait l’objet d’un avis sévère du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes : « la kinésiologie est une méthode de soin non conventionnelle et [...] son utilisation constitue une dérive thérapeutique »[1]. L'INSERM, qui a évalué cette méthode, conclut quant à elle que « ni la kinésiologie appliquée professionnelle, ni la kinésiologie énergétique n’ont fait à ce jour la preuve de leur efficacité »[1].

Désireux d'accéder à une certaine respectabilité, des kinésiologues se sont lancés dans la rédaction d'articles à caractère scientifique visant à démontrer les bienfaits de leur méthode. Cependant, les biais des études portant sur la kinésiologie sont signalés dès 1990[17]. Un essai en double-aveugle randomisé de 2014 a cherché à évaluer la fiabilité, la reproductibilité et la sensibilité des examens pratiqués en kinésiologie ainsi que l'efficacité de la technique. Les auteurs concluent à nouveau que les études expérimentales portant sur la kinésiologie appliquée ne respectent pas les standards actuels de la méthodologie scientifique. Lorsque la kinésiologie appliquée est testée de manière rigoureuse, les résultats qu'elle donne ne sont pas statistiquement différents de ceux que l'on peut trouver dans un groupe contrôle ne bénéficiant pas de la thérapie[18].

En 2011, des étudiants de l'université Joseph Fourier de Grenoble ont aussi testé le test musculaire de la kinésiologie appliquée sur un grand nom de la discipline. Ils concluent que le test musculaire, utilisé pour détecter une substance allergène avérée, n'est pas plus efficace que le hasard[19].

Liens externes

Notes et références

  1. Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, « Rapport d’activité 2016 et premier semestre 2017 », sur www.derives-sectes.gouv.fr, .
  2. Nicolas Pinsault et Richard Monvoisin, Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, , 308 p. (ISBN 978-2-7061-1858-6) p 104-105
  3. Syndicat national de la kinésiologie, SNK.
  4. Code de déontologie[PDF] du SNK.
  5. « 3in1 One Brain © », sur Kinésiologie Marseille Formation (consulté le )
  6. Selon Jean-Claude Guyard, fondateur de l'EKMA (École de Kinésiologie et Méthodes Associées)
  7. interview vidéo par le Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités
  8. « Rapport annuel 2007 | Miviludes », sur www.derives-sectes.gouv.fr (consulté le )
  9. « Les dérives sectaires dans le domaine de la santé », sur derives-sectes.gouv.fr.
  10. Laure de Montalembert – Didier Pachoud, bulletin trimestriel no 63 du 1er octobre 2004 du GEMPPI
  11. (en) Remembering Wellness, in touch for Health/kinesiology, A History, Context And Vision For Touch For Health,the First 25 Years And The Next Millennium par John F Thie : « One of our Christian friends, William Borrman, D.C. of Wisconsin, wrote an apology for Applied Kinesiology. He argued that AK is of God, using bible references in both the Old an New Testaments which indicate the need for healing with touch. Although this did not change the minds of many who had already made up their minds without any real investigation, Carrie and I have presented Touch for Health at many Charismatic Christian programs with very positive reception. I currently head the Touch Healing Ministry of the Malibu United Methods Church, where I use the TFH methods in the context of healing ritual »
  12. « Les parents de Kerywan condamnés à 5 ans de prison, dont 8 mois ferme », sur www.lemonde.fr, (consulté le )
  13. « L'inaction des médecins de Kerywan dénoncée devant la cour d'assises », sur www.heexamide.org, (consulté le )
  14. « Kerywan, mort de faim » François Koch, L'Express, 30 mai 2005
  15. MIVILUDE (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), Guide : santé et dérives sectaires, La Documentation Française, 2012. (ISBN 978 2 11 008930 4)
  16. La kinésiologie [PDF] sur www.unadfi.org
  17. (en) Klinkoski B, Leboeuf C. « A review of the research papers published by the international College of Applied Kinesiology from 1981 to 1987 » J Manipulative Physiol Ther. 1990;13(4):190-4. PMID 2351880
  18. (en) Schwartz SA, Utts J, Spottiswoode SJ, Shade CW, Tully L, Morris WF, Nachman G, « A double-blind, randomized study to assess the validity of applied kinesiology (AK) as a diagnostic tool and as a nonlocal proximity effect » Explore (NY) 2014;10(2):99-108. PMID 24607076
  19. Évaluation du Test Musculaire, UJF, Grenoble, 2011, dir. R. Monvoisin
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