La Argentina (danseuse)
Antonia Mercé y Luque, plus connue sous son nom de scène la Argentina, est une danseuse et chorégraphe espagnole née à Buenos Aires le et morte à Bayonne le . Elle est considérée par beaucoup comme une des plus grandes novatrices de la danse espagnole du XXe siècle.
Pour les articles homonymes, voir La Argentina.
Surnom | La Argentina |
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Naissance |
Buenos Aires, Argentine |
Décès |
(à 45 ans) Bayonne, France |
Activité principale | danseuse |
Biographie
Née de parents danseurs nés en Espagne[1], elle devient première danseuse du Théâtre royal de Madrid à neuf ans[2]. En 1910, elle est remarquée au Moulin-Rouge de Paris[3] dans une « espagnolade », qui lui ouvrira plus tard les portes de l'Opéra de Paris.
Connue pour être une grande féministe progressiste, elle hérite de Serge de Diaghilev la direction des Ballets espagnols à Paris. Tout au long de sa carrière, elle sera amenée à collaborer avec des artistes de l'avant-garde espagnole tels que Manuel de Falla, Enrique Granados, Isaac Albéniz, José Padilla Sánchez ou Federico García Lorca.
Elle meurt le , jour du soulèvement d'une partie de l'armée (au Maroc espagnol et dans les gouvernements militaires de la métropole) contre le gouvernement et la présidence de la République espagnole[4]. Les journaux du monde entier font part de la perte de celle qu'ils considéraient comme la Pavlova du Flamenco.
Les grandes dates de sa vie publique
1890 — Le , naissance d'Antonia Mercé à Buenos Aires.
1899 — Elle entre au conservatoire de Madrid où elle suivra, de sa 9e à sa 14e année, les classes de solfège, de musique générale, chant et danse. Bien qu'intéressée par la musique et douée d'une belle voix juste de contralto, elle s'applique à chanter faux et à rater ses examens : ce n'est pas chanteuse, mais danseuse, qu'elle veut être ! À 11 ans, passant brillamment tous les concours de danse, elle est engagée comme première danseuse au Théâtre Royal. Les succès qu'elle remporte et l'intérêt que l'on témoigne à "antonita la delgada " (la mince) commencent à ébranler l'opinion de sa mère. À la maison, son père étant âgé et paralysé, elle aide sa mère en donnant elle aussi des cours ; elle fait preuve de tant de connaissances et de personnalité que ses parents se déclarent vaincus. Ils ne s'opposeront plus à sa vocation.
1903 — Son père meurt, après une longue paralysie. Elle a 13 ans à peine. Il faut faire face aux exigences de la vie. Elle doit travailler.
« J’avais décidé de me consacrer entièrement à la danse espagnole sous tous ses aspects. Mes parents ne connaissaient que la danse classique espagnole, la tradition de "l’escuela bolera" dont ils étaient dépositaires ; ils ignoraient le flamenco et le folklore. Je lus tout ce que je pouvais me procurer là-dessus ; je fouillai les librairies d’occasion, découvrant parfois des gravures ou d’autres choses intéressantes. Pour mieux connaître le flamenco, j’acceptai un contrat de courte durée dans un fameux cabaret de Séville où se produisaient de grands noms : la Macarrona, la Malena, etc. on me proposa une audition pour entrer dans la troupe en formation du Théâtre des Variétés. J’acceptai, bien que n’ayant ni partitions ni répertoire... J’ai travaillé un an dans ce théâtre, pour gagner 5 pesetas par jour ! Ensuite j’ai eu un contrat pour Barcelone où l’on m’a fait une guerre insupportable. On se moquait de moi, on me critiquait mais, paradoxe, on m’imitait. Pendant un an mes collègues m’en ont fait voir de toutes les couleurs car je commettais le péché d’avoir du succès. On trouvait ma danse distinguée, raffinée. Toutefois, ce succès ne me satisfaisait pas. Je voulais faire sortir la danse espagnole de ces spectacles de variétés où elle était défigurée pour plaire au public d’hommes qui venait là. On ne visait en effet qu’au succès commercial. Mon instinct naturel me faisait pressentir ce qui était pur et ce qui était dénaturé. »
À 14 ans, Antonia Mercé a donc quitté le Théâtre Royal et, par goût et volonté personnels, portée aussi par la tendance du moment, elle s'est évadée de la technique académique qui lui servira toujours, néanmoins, dans la réalisation de son idéal : faire monter la danse folklorique de son pays sur scène, stylisée mais toujours authentique, l'élever à la plus haute valeur artistique. Et ce seront de très dures années de travail et de lutte pour arriver, à force de ténacité, à s'affirmer et à imposer au public sa propre conception de la danse espagnole. À la fin du XIXe siècle, ce sont les Italiens qui règnent en maîtres à l’opéra de Madrid. En réaction à cette hégémonie, le public espagnol montre alors beaucoup d'engouement pour ces petites pièces en un acte qui tiennent de la revue musicale et de l'opérette, ayant toujours l'Espagne pour toile de fond, et qui se succèdent à un rythme très soutenu sur les scènes madrilènes : les zarzuelas. La famille royale encourage cette forme d'expression par des prix. Bien qu'il s'agisse là d'un genre mineur, il faut sans doute y voir le point de départ de ce renouveau d'intérêt pour les racines de l'art espagnol. Elle gravit lentement les premiers échelons du succès.
1906 — Première tournée au Portugal. Débuts à Paris, qui l'a toujours attirée, au Jardin de Paris.
1910 — On la remarque au Moulin rouge, dans une opérette de MM. Halévy, Joullot et Mareil, musique de Joaquin Valverde, L’Amour en Espagne[5],[6]. De 1910 à 1914 elle se produit au Jardin de Paris, au Concert Mayol, au Moulin Rouge, à l'Olympia, aux Ambassadeurs. . . et sa renommée ne tarde pas à se répandre en Europe. Sa Corrida créée dans L’Amour en Espagne, deviendra la danse finale de ses récitals, plus tard et jusqu'à la fin de sa vie.
1912 — Le sculpteur Sebastián Miranda offre, à Madrid, un banquet en son honneur. Le peintre Angel Nieto lui offre son portrait au pastel signé de tous les intellectuels les plus en vogue.
1914 — C'est une jeune fille qui n'a pas encore la beauté de sa maturité, mais le journaliste Néstor Lujàn la décrit ainsi : « C'est la danseuse la plus douce et attendrissante qu’ait connue la danse espagnole. » Anatole France écrit à la même époque : « La Argentina est unique », puis, dans un article suivant : « ses attitudes ont tant de rythme et de grâce que ce sont de la musique pour les yeux ». Elle danse en France, en Angleterre, en Allemagne. La déclaration de guerre la surprend en Russie, où elle est très appréciée.
1915 — On lui offre la médaille des Beaux-Arts de Madrid. L’Athénée, cercle madrilène très fermé d'intellectuels, la reçoit et lui rend hommage. Des poèmes sont lus en son honneur. Certains d'entre ceux qui l'ont vue ont senti qu'une personnalité puissante, qu'une âme exceptionnelle animaient cette jeune fille, si différente de ses compagnes. Et, voulant soumettre son art au jugement d'une élite, ils la conduisirent un jour à l'Athénée de Madrid. El Ateneo est une académie, une sorte de cercle, mais absolument fermé, où se rencontrent des intellectuels et des artistes, des écrivains et des poètes, des peintres et des musiciens. C'était la première fois qu'une danseuse était introduite dans ce temple de l'Art. Ce fut la seule. Entourée d'un public de choix, sentant que l'idéal qu'elle portait trouvait là un terrain propice et une compréhension totale, la jeune fille s'abandonna toute au dieu qui l'habitait. Elle dansa, et ceux qui la virent comprirent que la Danse, qui compte tant d'appelés et si peu d'élus, possédait désormais une prêtresse, dont les gestes et les pas comportaient une telle somme de beauté qu'ils conféraient à la danseuse quelque chose de sacré. L'enthousiasme qui les souleva fut immense. Le lendemain, toute l'Espagne des penseurs et des artistes commentait cette danse étonnante et y découvrait un peu de ce qu'Antonia Mercé s'efforçait d'y mettre. Tous avaient reçu une impression de beauté si absolue et si intense que celle-là même qui la leur avait dispensée en fut bouleversée. Ce jour-là, elle prit une conscience totale et définitive de sa mission.
1916 — Granados l'emmène à New York créer la Danse des Yeux verts (elle avait d'admirables yeux d'un vert velouté) sur la musique qu'il a composée pour elle et qui sera sa dernière œuvre. À New-York, à une exposition du Prince Troubetzkoï, le Musée Hispanique de New-York acquiert une statuette représentant Argentina. Ce même sculpteur fera d'elle, plus tard, une autre statuette, dans sa danse Cordoba.
1917 — Les ouvriers de Mexico lui offrent une médaille d'or ainsi gravée : « Les Ouvriers de Mexico, à la gentille Argentina ».
1919 — Aussitôt la guerre finie, elle revient danser en Espagne et en France, à la Réserve de Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz. Ciboure fut une étape importante de sa carrière, car tous les Parisiens réfugiés sur la côte basque pendant la guerre y étaient encore ; beaucoup d'entre eux la virent là pour la première fois et lui firent une ovation, en attendant de la revoir à Paris. Pierre Laffitte et Robert Ochs, alors directeur de la revue Femina, de retour à Paris, annoncèrent rapidement la nouvelle de la réapparition de la danseuse sur les scènes françaises, réapparition qui fit partout sensation. Elle s'installe à Paris, au 36 de la rue Singer, dans le 16e arrondissement[7].
1921 — A Marid, "Montecristo ", un célèbre journaliste, donne une soirée en son honneur et invite les aristocrates espagnols et le corps diplomatique à apprécier la haute qualité de sa danse.
1922 — Elle collabore, pour ses spectacles, avec le poète Garcia Lorca, le peintre Sert, le musicien Femandez-Arbos.
1923 — Le grand historien et critique de danse André Levinson la choisit pour illustrer ses conférences à Paris.
1924 : Le public parisien la découvre à l'Olympia, où elle se produit en seconde partie, entre Antonin Berval qui fait lui-même ses propres débuts sur scène parisienne et Gina Palerme, artiste de music-hall alors consacrée[8]. Elle reviendra à l'Olympia en 1926, en artiste principale.
1925 — Elle rencontre Amold Meckel, manager russe, qui sera son impresario pour toute la suite de sa carrière, la suivant dans son travail avec une compétence et un dévouement remarquables. Et surtout elle monte au Trianon Lyrique, à Paris, grâce à Mme Bériza, L'Amour sorcier de Manuel de Falla[1]. Alors que la critique est prête à affirmer que la danse n'apportera rien à l'œuvre de De Falla, tant la musique est suggestive, Argentina obtient un triomphe. Le Tout-Paris se réunit pour elle dans les salons de la revue Fémina. Elle quitte le 16e pour le 17e arrondissement : 15, rue Saint-Senoch. Premiers concerts, en tournée européenne, avec le compositeur Joaquin Nin qui lui a dédié sa Danse ibérienne et la cantatrice Alicita Felici.
1926 — A l'Olympia : " Un siècle de danse espagnole ". Le , Salle Gaveau à Paris, premier récital, toujours partagé avec Joaquin Nin et Alicita Felici et comportant le même programme. Elle danse à la Comédie-Française à une soirée d'adieu de Georges Beer, de la Comédie française. Le , Salle Gaveau, Argentina participe à un hommage à Manuel de Falla par l'Université des Annales. À partir de la fin de cette année, elle se produit seule, simplement accompagnée d'un pianiste, parfois d'un guitariste, dans toute l'Europe. Elle fait de nombreux voyages dans les provinces espagnoles pour retourner aux sources de son art. Le roi Alphonse XIII d'Espagne lui offre, en gage d'admiration, un superbe poudrier d'or gravé de sa signature. Le célèbre peintre allemand Max Slevogt fait son portrait dans le Tango Andalou.
1928 — Elle s'entoure d'une troupe et crée les " Ballets Espagnols " qui connaissent un immense succès. Elle poursuit ses tournées de récitals dans le monde entier : New-York, Chicago, Brooklyn, Boston, Worcester, Providence, New Haven, Montréal, Mexico, Cuba, Buenos-Aires, Los Angeles, San Francisco, Honolulu, Manille, Tokyo, Shangaï, Saïgon, Calcutta, Bombay, Le Caire, Tunis...
1929 — Au cours d'une tournée aux États-Unis, qui la reverront six années de suite, elle est appelée à danser devant la célèbre Helen Keller, sourde, muette et aveugle, qui, à son contact, éprouva une telle émotion qu'elle lui écrivit cette dédicace : « À la Argentina, dont les pieds et les mains font la musique, et dont l'âme est un reliquaire immortel de beauté. » L'Institut des Espagnes, à New-York, lui rend un grand hommage où interviennent le poète Garcia Lorca, le philosophe Federico de Onis, le peintre Garil Maroto, le critique d'art Angel del Rio. Une brochure est éditée. Elle continue de créer, offre son concours bénévole à de nombreux galas de bienfaisance, donne des récitals dans le monde entier. Elle se fixe définitivement à Neuilly-sur-Seine, 12 boulevard des Sablons, gardant le rez-de-chaussée de la rue Saint-Senoch comme studio de travail.
1931 — De retour de ses tournées habituelles en Europe et en Amérique, Argentina donne un premier récital à l'Opéra de Paris, qui continuera de l'accueillir jusqu'à ses derniers concerts.
1933 : elle illustre, à Paris, à l'Université des Annales, les conférences de Guy de Pourtalès.
1934 — Le , elle danse au Palais Royal pour le corps diplomatique de la Présidence de la République. En avril, elle a enfin la joie de monter L'Amour Sorcier à Madrid, dans son propre pays. Toute la presse espagnole, unanime, salue son succès. À la suite de la création de sa Suite Argentine, la Presse Latine, à Paris, lui offre un Laurier d'Or.
1935 — Le , elle danse à la Maison-Blanche. Dernière apparition à Madrid au Théâtre Espagnol, au profit d'un vieux chanteur espagnol, Femando de Riana, pour l'aider à publier son livre Arte y Artistos flamencos.
Le , elle danse à l' Academy of Music de New York dans un programme des All Star Concert Series.
1936 — Après celles d'André Levinson et de Guy de Pourtalès, ce sont les conférences de Paul Valéry qu'elle vient illustrer à l'Université des Annales, le . En , elle rencontre le danseur indien Uday Shankar[9]. Les 19, 22, 24 et , dernières apparitions à l'Opéra de Paris dans L'Amour Sorcier[10]. Sur scène, sans que le public s'en aperçoive, on lui fait passer ses pilules pour le cœur pour qu'elle puisse terminer le spectacle, car elle se sent mal. Le lendemain , elle-même prend la parole, en français, faisant une conférence sur le langage des lignes. Le elle assiste, à Saint-Sébastien (Pays basque espagnol), à une fête folklorique donnée en son honneur par le R.P. Donostia. Le Père Donostia était un savant musicien, compositeur lui-même et célèbre du Pays basque. Argentina l'avait appelé à Bayonne pour qu'il l'instruisît des vieux chants du folklore basque sur lesquels elle voulait danser. « Passez, madame, lui dit le douanier, la reconnaissant à la frontière, vous êtes une des gloires de l'Espagne ! » C'est au retour, dans sa villa de Bayonne où elle était venue pour un repos inhabituel de quelques jours, qu'une crise cardiaque figea son beau, son merveilleux sourire. Elle avait quarante-cinq ans[11]
Distinctions
- 1930 : elle est décorée, à Paris, de l'Ordre de la Légion d'honneur[1].
- 1932 : à l'issue d'un récital à Madrid, elle est décorée du lacet de l'Ordre d'Isabelle la Catholique[1].
- 1933 : le bey de Tunis, Ahmed Pacha, la décore de l'Ordre de Nichan Iftikhar.
Principales créations de La Argentina
Toutes ces créations sont d'inspiration ibérique.
Danses de concert
- 1912 : El Garrotin, sur une musique populaire ; La Corrida, musique de Valverde (extraite des chorégraphies faites en 1910 pour l'opérette l’Amour en Espagne) ; Tango andalou, musique de Ballesteros.
- 1916: Danse des Yeux Verts, musique de Granados dédiée par le compositeur.
- entre 1916 et 1921 : Habanera, musique de Pablo de Sarasate ; Cordoba, musique d'Albéniz ; Danza V, musique de Granados.
- 1921 : Sevilla, musique d'Albeniz ; Serenata, musique de Joaquim Malats ; Sérénade andalouse, musique de C. Rëcker.
- 1925 : Danse du feu, musique de Manuel de Falla ; Andalouse sentimentale, musique de Joaquín Turina ; Boléro classique, musique de Sebastián Iradier ; Bohémienne, sur une musique populaire ; Seguidilla (sans musique).
- 1926 : Mexicaine, sur une musique populaire ; Ciel de cuba, sur une musique populaire.
- 1927 : Valencia, musique de C.Riicker ; Chacone, musique d'Albéniz.
- 1928 : Serenata andaluza, musique de Manuel de Falla ; Jota valenciana, musique de Granados ; Danse Gitane, musique d'Infante ; Lagerterana, musique de Guerrero.
- 1929 : La vie brève, musique de de Falla ; Carinosa, musique populaire des Philippines ; Jota aragonesa, musique de de Falla.
- 1930 : Goyescas, musique de Granados ; Danse ibérienne, musique de Joaquin Nin dédiée par le compositeur ; Danse de la meunière, musique de de Falla.
- 1932 : Almeria, musique d'Albeniz ; La Romeria de los Cornudos, musique de Pittaluga (danse du châle - danse de Grenade) ; Puerta de tierra, musique d'Albeniz ; Danse du meunier, musique de De Falla ; Légende, musique d'Albeniz ; Charrada, musique populaire de Salamanque ; Malaguena, musique d'Albeniz ; Castilla, musique d'Albeniz, "Madrid 1800" ; Cuba, musique d'Albeniz ; Alegrias, musique de Ballesteros.
- 1933 : Zapateado, musique de Granados ; Tientos, musique d'Infante.
- 1934 : Sacro-Monte, musique de Turina ; Esquisse Gitane, musique d'Infante ; Ecos de Parranda, musique de Granados (la Chula), « Madrid 1890 ».
- 1935 : Fandango, musique de Turina ; La Fregona, musique de Vives ; Suite argentine, sur une musique populaire (Condicion Bailecito - Zamba) ; Suite andalouse, sur une musique populaire (Sevillanas Peteneras - Bulerias).
- 1936 : Polo gitano, musique de Tomás Bretón ; La Firmeza, sur une musique populaire argentine, qui sera la dernière danse de la Suite Argentine.
Ballets
- 1925 : L’Amour sorcier, musique de Manuel de Falla.
- 1927 : El Fandango de Candil, musique de Duran : en toilette vieux rose aux volants cubistes découpés en festons, Argentina reflète tour à tour l'astuce féminine, le dépit amoureux, la tendresse. . .
- 1927 : Au cœur de Séville, cuadro flamenco sur une musique populaire.
- 1928 : Sonatine, musique d'Ernesto Halffter : mélange de Vieille France et de Castille, ce ballet fait revivre les anciens ballets de cour espagnols. On voit Argentina insinuer, avec une discrétion ravissante, l'entrée de la bergère qu'elle glisse et tourne sans avoir l'air d'y toucher.
- 1928 : Le Contrebandier, musique d'Óscar Esplá, où l'on voit la future impératrice Eugénie rencontrer Prosper Mérimée et où la comtesse de Teba sauve un contrebandier poursuivi par deux gendarmes d'opérette.
- 1928 : Juerga, musique de Julián Bautista, scènes de la vie populaire à Madrid vers 1885. Au retour de certaines fêtes populaires, les jeunes gens de bonne famille en quête de plaisirs se mêlent aux gens du peuple et tous se laissent aller à leur verve débridée : tumulte, danses, va-et-vient pittoresque. . .
- 1929 : Triana, musique d'Albeniz : querelles d'amoureux lors de la Fête-Dieu à Séville.
Discographie
- 1931 : Coleccion de Canciones populares españolas, Federico Garcia Lorca, piano, La Argentina, chant.
Réception
André Levinson, célèbre critique de danse, écrit à propos du flamenco et de La Argentina :
« Cette renaissance inespérée d’un art, dont la puissance créatrice semblait épuisée, est due avant tout au singulier génie d’une danseuse, la Argentina, qui, à elle seule, a résumé et régénéré un genre si longtemps ravalé et falsifié par les gitanes de music-hall fabriquées en série à Séville. Son indescriptible succès a déclenché toute une offensive de la danse espagnole-le plus ancien et le plus noble des exotismes européens. Quel est donc le miracle accompli par cette danseuse de boléro et d’allégros ? Celui d’avoir bravé la barbarie moderne et fait prévaloir le sens de la qualité. Son ascension vers la gloire a été lente et difficile, car son art délicat et intense, se jouant en des nuances tenues, était un constant défi à l’époque. Dans un genre limité à des formules peu nombreuses, supporté mais aussi entravé par la tradition populaire. Argentina atteint à une plénitude et à une variété incroyables. L’intelligence, chez elle, transfigure cette écriture de lignes courbes, ellipses et spirales : entrelacs d’or qui sont à la base de tout “baile” ibérique de l’Orient. Une fois de plus, elle a reconquis l’Andalousie sur les Arabes. C’est en ce signe qu’elle a vaincu. On a voulu, d’abord, contester l’authenticité de cet art fait de science et d’inspiration. C’est que, comme chaque artiste véritablement créateur, elle transposait les données du folklore espagnol, ces danses du terroir qui sont un “balbutiement de l’instinct primitif”, et les asservissait un style. De cette danse, elle a reconnu la double nature qui nous enchante, car elle satisfait, à la fois, l’esprit et les sens. Ce frénétique jaillissement, cette ardeur animale qui transporte le danseur populaire trépignant et se tordant sur la place de Ronda, elle les asservit à une forme, les inscrits en des mouvements d’une pure et hautaine élégance, les plie à la perfection. Grâce à elle, la danse espagnole de théâtre traverse une nouvelle étape et s’élève à un niveau jamais atteint de “sublimation”. »
— André Levinson, La Danse d'aujourd'hui, 1928.
« Rares sont les artistes élus par la destinée et par leur vocation pour incarner, à une époque donnée, les caractères distinctifs de leur race et sa conception de la beauté, et cela d'une façon si complète et si significative que leur nom suffit à désigner toute une manière d'être et que le récit de leur existence devienne une page d'histoire »
— André Levinson, La Argentina, Paris, Éd. des Chroniques du Jour, 1928.
À la fin d'une conférence prononcée à l'Université des Annales en 1936, Paul Valéry salue l'art de La Argentina, à qui il va céder la place sur scène :
« Je vous livre à présent, fatigués de parole, mais d'autant plus avides d'enchantements sensibles et de plaisir sans peine, je vous livre à l'art même, à la flamme, à l'ardente et subtile action de Mme Argentina. Vous savez quels prodiges de compréhension et d'invention cette grande artiste a créés, ce qu'elle a fait de la danse espagnole. Quant à moi, qui ne vous ai parlé, et bien surabondamment, que de la Danse abstraite, je ne puis vous dire combien j'admire le travail d'intelligence qu'a accompli Argentina quand elle a repris, dans un style parfaitement noble et profondément étudié, un type de danse populaire qu'il arrivait qu'on encanaillait facilement naguère, et surtout hors d'Espagne. Je pense qu'elle a obtenu ce magnifique résultat, puisqu'il s'agissait de sauver une forme d'art et d'en régénérer la noblesse et la puissance légitime, par une analyse infiniment déliée des ressources de ce type d'art, et des siennes propres. Voilà qui me touche et qui m'intéresse passionnément. Je suis celui qui n'oppose jamais, qui ne sait pas opposer, l'intelligence à la sensibilité, la conscience réfléchie à ses données immédiates, et je salue Argentina en homme qui est exactement content d'elle comme il voudrait bien être content de soi. »[12]
Son charisme, devenu légendaire, inspire en 1977 à Kazuo Ōno un vibrant Hommage à Argentina qui reçut au Japon un prix prestigieux décerné par le "Dance Critics' Circle Award"[13].
Notes et références
- « Flamenco Barcelona - Biographie de la bailaora de flamenco Antonia Mercé, La Argentina », sur www.tablaocordobes.es (consulté le )
- (es) « Biografia de Antonia Mercé y Luque », sur www.biografiasyvidas.com (consulté le )
- « https://www.britannica.com/biography/La-Argentina »
- (es) Ediciones El País, « Antonia Mercé, primera víctima del 18 de julio », EL PAÍS, (lire en ligne, consulté le )
- Joaquin (1846-1910) Compositeur Valverde, L'Amour en Espagne, opérette en 2 actes. MM Alévy, Eg. Joullot et Maurice Mareuil. Musique de J. Valverde. Couplet du picador, I. Alier, (lire en ligne)
- « Joaquin Valverde (1846-1910) - Auteur - Ressources de la Bibliothèque nationale de France », sur data.bnf.fr (consulté le )
- Suzanne F. Cordelien, La vie brève de la Argentina, Paris, Librairie Plon, 1936.
- Cyrano, hedmonadaire satirique : Argentina, le lever de l'Étoile, vol. 632, Paris, , 36 p. (lire en ligne), p. 30
- « Antonia Mercè y Luque dite "La Argentina", danseuse de flamenco espagnole et le danseur indien Uday | Paris en images », sur www.parisenimages.fr (consulté le )
- « Antonia Mercè y Luque dite "La Argentina" (1890-1936), danseuse de flamenco et chorégraphe espagnole | Paris en images », sur www.parisenimages.fr (consulté le )
- Suzanne de Soye, "Toi qui dansais, Argentina", Les Éditions la Bruyère, Paris 1993.
- Paul Valéry, Philosophie de la danse, Paris, Allia, , 48 p. (ISBN 978-2-84485-946-4), p. 41-44
- « Antonia Mercé "La Argentina" y Luque (1890 - 1936) - Find A Grave Memorial », sur www.findagrave.com (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- André Levinson, La Argentina. A study in spanish dancing, Paris, éditions Chroniques du Jour, 1928
- Paul Valéry, Philosophie de la danse, Paris, Allia, 2016
Liens externes
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