La Terre de France

L'Alliance anti-juive pour la défense sociale et religieuse, devenue La Terre de France en 1892, est une revue antisémite, antimaçonnique et catholique française publiée entre 1890 et 1896.

La Terre de France

Pays France
Langue français
Périodicité mensuelle (1890-1893) puis variable
Prix au numéro 1 franc
Date de fondation 1890
Date du dernier numéro 1896
Ville d’édition Paris, Lille, Amiens puis Paris

Directeur de publication Charles Pontigny puis Henri Desportes

Histoire

L'Alliance anti-juive pour la défense sociale et religieuse (1890-1892)

L'Alliance anti-juive pour la défense sociale et religieuse (Paris, no 3 rue des Grands-Augustins) est une revue mensuelle dirigée par un certain Charles Pontigny (pseudonyme de Charles Plista)[1]. Son premier numéro, publié en , expose clairement son antisémitisme et son antimaçonnisme : « Il n'est aucun Français de vieille souche qui ne soit frappé,de ce fait que les Juifs ont déjà accaparé presque toutes les forces vives de notre patrie. C'est par milliers que se comptent maintenant les vrais patriotes décidés à secouer le joug des Juifs et à revendiquer avec énergie nos libertés religieuses, contre lesquelles ces ennemis séculaires du Christ ont déchaîné la Franc-Maçonnerie, dont ils sont les chefs absolus, bien qu'occultes. »[2] Cet antisémitisme va jusqu'à accorder du crédit au vieux mythe du meurtre rituel : « S'il est un fait historique bien démontré, c'est que les Juifs, par fanatisme ou plutôt par haine du Christ, tuent les enfants chrétiens ; recueillent leur sang et l'emploient dans diverses cérémonies de leur culte. »[3] Lancé un an et demi avant La Libre Parole d'Édouard Drumont, L'Alliance anti-juive est considéré comme le seul périodique strictement antisémite publié à Paris à cette époque[4].

Ce mensuel, dont la devise est pro aris et focis, est recommandé par la Revue catholique des institutions et du droit[2] et par La Croix[5].

Au début de l'année 1892, la direction de la revue est reprise par le sous-diacre Henri Desportes, dit l'« abbé » Desportes[6].

La Terre de France, organe terrianiste (1892-1894)

Reproduction de la couverture du no 27 (mars 1893).

En , la revue, rebaptisée La Terre de France, accueille de nouveaux collaborateurs, notamment un trio de « terrianistes » dunkerquois formé par les abbés Cachera et Cattelin, professeurs au collège Notre-Dame-des-Dunes, et le docteur Gustave Lancry (d), qui font du mensuel la tribune de leur idéologie : inspiré par une coutume de Fort-Mardyck, où 24 ares étaient attribués aux nouveaux couples, le terrianisme prônait l'accession à la petite propriété terrienne par la distribution systématique de terres communales sous la forme de biens de famille insaisissables. Si Desportes reste propriétaire de la revue, sa direction est assurée de facto par Cachera et Cattelin[7].

Ainsi renouvelé, le mensuel, de 64 pages, est brièvement publié à Lille avant de fixer ses bureaux au no 18 de la rue Delambre, à Amiens. Influencée par le catholicisme social et la démocratie chrétienne, et reflétant notamment les idées de l'abbé Lemire[8], la revue se présente également comme « féréraliste » et « terrianiste »[9], mais elle reste fidèle à la ligne éditoriale de L'Alliance anti-juive de 1890 : outre « la décentralisation et l'établissement de la justice sociale », elle revendique « l'abaissement des juifs et des francs-maçons »[10].

Le , la revue organise à Lille un congrès sur les habitations ouvrières présidé par l'abbé Cachera. Seules 25 personnes y assistent. L'une d'elles est l'abbé Lemire, élu député quelques mois plus tard après avoir accepté d'inclure les principes du terrianisme dans son programme politique[11].

En , la revue reçoit l'approbation du cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore. En novembre suivant, elle devient bimensuelle[12].

En 1893, son rédacteur en chef est Lionel Radiguet, présenté comme un leader du « celtisme »[13].

Au printemps 1894, une scission s'opère dans la rédaction, quittée par certains collaborateurs importants, dont les terrianistes de Dunkerque[14]. Plusieurs d'entre eux partent fonder La Démocratie chrétienne, dirigée par l'abbé Six[15].

La Terre de France entre 1894 et 1896

Les bureaux du journal sont transférés à Paris, d'abord au no 102 du boulevard Voltaire, puis au no 11 de la rue de Provence. Une édition hebdomadaire de 8 pages est tentée entre le [16] et le suivant.

De nouveaux changements interviennent au mois de . Une édition quotidienne est lancée le sous les auspices de l'ancien député bonapartiste Jules-Victor Peyrusse, du député royaliste Paul-Antonin d'Hugues, du marquis de Morès et de Desportes[17]. Cette nouvelle édition, dirigée par Peyrusse et dotée de la devise Justice, Terre, Liberté, veut être l'organe des républicains favorables à l'élection du président au suffrage universel[18]. Le , Desportes vend le journal à un certain Fauvin[19]. L'édition quotidienne cesse de paraître dès le mois de . L'un de ses articles ayant diffamé le docteur Lucien Heftler, frère du baron Ladislas Heftler, Desportes est condamné en tant que gérant (3 mois de prison, 1 000 francs d'amende et 5 000 de dommages-intérêts[20], réduits après opposition à 200 francs d'amende et 200 de dommages-intérêts)[21].

En 1895, Desportes fonde la Société des revues indépendantes (17 rue Bonaparte puis 41 rue de la Victoire), gérée jusqu'en 1896 par un autre ancien séminariste, Frédéric Ducrocq. Elle publie des une revue bimensuelle contenant des biographies d’ecclésiastiques, Le Clergé contemporain, un mensuel créé quinze ans plus tôt en dissidence des Annales de philosophie chrétienne, les Nouvelles Annales de philosophie catholique, ainsi que deux hebdomadaires, le journal L'Observateur français et la revue La Terre de France, qui arbore toujours la devise Fata Galliæ restituta rendre la France à sa destinée »)[22]. En 1895, les bureaux de La Terre de France sont situés à Asnières[23]. En 1895-1896, Desportes est également le rédacteur en chef de La France nouvelle[24].

Ces publications n'ayant pas rencontré le succès attendu par Desportes, le dernier numéro de La Terre de France paraît le . D'anciens employés de ces périodiques, qui avaient été contraints par leurs contrats d'embauche d'acquérir des parts de la Société des revues indépendantes, portent plainte contre Desportes, qui est arrêté et écroué quelque temps à Mazas[25].

Collaborateurs

Notes et références

  1. Barrucand et Teiletche, p. 165.
  2. Revue catholique des institutions et du droit, 1891, p. 383.
  3. Cité dans : Amédée Chassagne, À tous les électeurs de 1893. Les grandes élections de 1893 et le panamo-boulangisme actuel, Paris, 1893, p. 20.
  4. Kauffmann, p. 227.
  5. La Croix, , p. 4.
  6. L'Univers, , p. 2.
  7. La Justice sociale, , p. 3.
  8. La Croix de Saintonge et d'Aunis, , p. 4.
  9. La Croix de Saintonge et d'Aunis, , p. 4.
  10. L'Univers, , p. 4.
  11. La Justice sociale, , p. 2.
  12. La Justice sociale, , p. 3.
  13. Publicité pour La Terre de France dans : Henri Desportes et François Bournand, Ernest Renan : sa vie et son œuvre, Paris, Tolra, 1893 (consultable en ligne sur Gallica).
  14. La Justice sociale, , p. 3.
  15. Yves-Marie Hilaire, « Les abbés Six et Vanneufville et la revue La Démocratie chrétienne (1894-1908) », Revue du Nord, no 290-291, 1991, p. 251-257 (consultable en ligne sur Persée).
  16. Le Peuple français, , p. 3.
  17. L'Observateur français, , p. 2.
  18. Le Peuple français, , p. 2.
  19. Archives commerciales de la France, , p. 1578.
  20. Le Temps, , p. 3
  21. Le Siècle, , p. 3.
  22. L'Observateur français, et , p. 15.
  23. La Légitimité, 1er juillet 1895.
  24. Barrucand et Teiletche, p. 167-168.
  25. Le Matin, , p. 2.
  26. Bertrand Joly (2005), p. 202.
  27. Bertrand Joly (2005), p. 205.
  28. Lancry, p. 205-219.
  29. Pierre Barrucand et François Teiletche, p. 171-172.
  30. La Vérité, 1er janvier 1895, p. 2.
  31. Bertrand Joly (2005), p. 322.
  32. Bertrand Joly (2005), p. 340.

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Barrucand et François Teiletche, « Un aventurier ecclésiastique : Henri Desportes », Politica hermetica, no 8 (Prophétisme et politique), 1994, p. 163-175.
  • Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900), Paris, Honoré Champion, 2005 (passim).
  • Grégoire Kauffmann, Édouard Drumont, Paris, Perrin, 2008, p. 227-228.
  • Dr Gustave Lancry (d), Le Terrianisme : la petite propriété insaisissable et assurée à tous, Dunkerque, 1899, 415 p. (consultable en ligne sur Gallica).
  • Maurice Montuclard, « La presse démocratique chrétienne de 1893 à 1900 : esquisse sociographique », Études de presse, 1959, p. 95 (consultable en ligne sur Gallica).

Liens externes

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