Bataille d'Elhri

La bataille d'Elhri est appelée dans le jargon militaire de l'armée française affaire de Khénifra[1] (en amazighe : ⴰⵎⵜⵡⵉ ⵏ ⵍⵀⵔⵉ - Ametwi en Lehri) est une bataille qui a opposé la France et la tribu amazighe des Zayanes près du village d'Elhri (ou Lehri) à environ 15 km au sud de Khénifra dans le cadre de la guerre du Maroc et du plan d'action dans le cadre de la pacification des zones tribales rebelles. La bataille s'est soldée par une victoire des Zayanes face au colonel Laverdure le [2]. La bataille d’Elhri est, de l'aveu même des Français, le plus grand désastre connu par leur armée dans toute leur campagne en Afrique du Nord[3].

Bataille d'Elhri
Elhri lieu de la bataille
Informations générales
Date
Lieu Elhri à 20 km de Khénifra
Issue Victoire zayane
Belligérants
Zayanes France
Commandants
Mouha Ou Hammou ZayaniRené Philippe Laverdure
Forces en présence
2 000 hommes1 230 hommes
Pertes
182 morts683 morts
176 blessés
Coordonnées 32° 51′ 25″ nord, 5° 37′ 23″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Maroc
Géolocalisation sur la carte : Afrique

Occupation du Moyen Atlas

Après l'occupation d'Oujda en 1907 et d'un ensemble de régions côtières du Maroc par les troupes françaises.Le Moyen Atlas est nécessaire pour joindre le nord et le sud .
Le général Lyautey déclare, le 12 mai 1914, que le pays des Zayanes constitue un grand danger pour les positions françaises et qu'il est de son devoir d'éliminer les Zayanes installés sur la rive droite de l'oued Oum Errabiaa. Après cette déclaration, un plan d'action[4] pour occuper le pays des Zayanes est préparé sous la responsabilité du général Henrys. C'est ainsi que le 12 juin 1914, trois colonnes partent simultanément de trois points différents, la première de Kasba-Tadla au sud-ouest de Khénifra, commandée par le colonel Garnier Duplessis, la seconde de l'ouest, commandée par le colonel Cros et la troisième d'Ifrane au nord. Elles font irruption dans la cuvette de Khénifra et s'en emparent après un combat acharné. Cette opération avait pour but de supprimer un élément permanent de trouble et de désordre au milieu des pays soumis (Mouhande N'Hmoucha d'El Hajeb, Mouha Ou Saïd Ouirra à El Ksiba…), d'assurer la liaison directe des capitales du Nord et du Sud, et de permettre d'exercer une action politique sur les confédérations indépendantes de la montagne.

À la suite de l'occupation de Khénifra par les troupes françaises, Mouha ou Hammou Zayani installe son campement à une quinzaine de kilomètres de Khénifra, aux abords du petit village d'Elhri, loin de la portée des canons. Le poste de Khénifra est commandé par le lieutenant-colonel Laverdure.

Contexte historique

Plan d'action dans le cadre de la pacification

L'Europe embrasée par la guerre, les autorités coloniales se trouvent devant le problème de soumettre le protectorat marocain pour compenser la supériorité du Reich. La France voyait dans le Maroc un pays contributeur à la guerre, mais insoumis. Une grande partie du pays menant une lutte acharnée contre l'occupant, le gouvernement de Paris décide d'envoyer toutes les troupes stationnées au Maroc dans les ports atlantiques ; ce qui implique à la fois l'abandon des postes avancés répartis dans le territoire marocain et de garder les axes stratégiques qui mènent au Moyen et au Haut Atlas.

Cette opération entre dans le cadre de la politique militaire dite de « jonction » entre le nord et le sud du Maroc.

  • Kénitra-Meknes-Fez, sous le commandement de Charles Émile Moinier (à la tête d'une armée de 23 000 hommes) et Henrys, commandant en chef des Territoires du Nord, à Meknès.
  • Oujda-Taza-Fez, sous le commandement du général Baumgarten, commandant les troupes du Maroc oriental, à Boudnib
  • Casablanca-Tadla, sous le commandement du colonel Charles Mangin.

Cette décision du gouvernement de Paris peut mettre en péril les troupes restantes au Maroc et fragiliser la présence française. L'inquiétude de Lyautey l'oblige à s'exprimer ainsi : « Si nous commençons à évacuer, nous sommes fichus, si nous lâchons la moindre partie du front (...) ce sera la boule de neige », avec 20 bataillons il continuera sa conquête du Maroc dans une situation quasi périlleuse. Lyautey s'engage à mener une guerre contre les redoutables tribus berbères (Zayanes, Ichikirne, Aït Atta, les Aït Seghrouchens (Sidi Rehou), les Ait Attas (Assou Oubasslam);, Ait Hdiddous, Aït Sadden, Aït Ndhirs (Beni M’Tir) sous le commandement de Mohand N'hamoucha, les Ait Ouirra dont le chef est Mouha Ou Saïd Ouirra (El Ksiba), Sidi M'Ha Ahansali fameux chef marabout de la zaouïa d'Ahansal (Région d'Azilal : tribu des Aït Messat)[5] etc., sensibilisés par la propagande de Constantinople (alliance turco-germanique) qui prêche la guerre contre les roumis (chrétiens).

Cependant l'aide aux rebelles par les services secrets allemands et espagnols ne tarde pas à faire effet par l'approvisionnement en armes.

Sous la conduite du maréchal Lyautey devenu résident général[6], après l'établissement du protectorat français sur le Maroc, l'armée française lutte contre les tribus berbères, dans le cadre de la pacification du Maroc. Le colonel Charles Mangin est un des principaux acteurs de cette guerre coloniale. Il mène l'offensive contre les tribus rebelles du Moyen Atlas et cherche à s'emparer des plateaux du Tadla et de Beni Mellal et vise ainsi à contraindre les tribus Zayanes à se réfugier dans les montagnes afin de les empêcher d'intervenir dans la lutte, stratégie qui consiste à isoler le contingent des Zayanes du théâtre des opérations militaires. Avec l'avancée des troupes venant de Taza et Boudnib (Tafilalet) l'étau se resserre sur les Zayanes et la prise de Khénifra devient imminente : elle sera marquée, en juin 1920, par la soumission du Pacha Hassan Amahzoune au général Poeymirau.

L'offensive appuyée par l'artillerie du 1er régiment d’artillerie de montagne, débarquée à Casablanca le 13 septembre 1913, semble irrésistible. L'armée française déploie toute la panoplie des nouvelles armes à sa disposition : mitrailleuses, artillerie …

Les bastions de résistance tombent les uns après les autres : Médiouna, le 27 septembre ; Oued Zem le 14 novembre; Tadla ; Beni Mellal. Elkssiba tombe aussi le 8 avril 1914, devant les forces du colonel Gueydon de Dives malgré les attaques de Mouha Ou Said et Mouha Ou Hammou Zayani. La défaite des rebelles, avec 400 morts, le 10 juin devant Khénifra, puis la prise de la ville le 13, semble avoir seulement marqué la défaite de la résistance au Moyen Atlas. Les tribus Zayanes, bien qu'engagées n'ont pu empêcher Mangin d'atteindre ses objectifs, et la prise de Tadla et de Boujaad les laissent isolées au sein de leurs montagnes. « Notre offensive a vivement impressionné les tribus de la montagne » déclare le colonel Mangin et il félicite les hommes du 1er régiment d’artillerie de montagne, par ce télégramme : « no 139 - Bravo ! Toute ma satisfaction :

  • Primo - pour la vigueur du coup et le brillant succès;
  • Secundo - pour ne pas vous être laissé entraîner et avoir compris qu'il fallait rejeter Moha Ou Hammou dans le pays Zayane sans y pénétrer ;
  • Tertio - pour avoir repris à Sebt Dechra Braksa, Khouribga une position vous permettant aussi bien de vérifier et provoquer soumission que vous porter sur tout autre objectif qu'il y aurait à briser.

Mes félicitations aux vaillants troupiers qui ont fourni un tel effort »[7]

Cependant la campagne est marquée par de nombreuses exactions des troupes coloniales : prises d'otage, marches forcées, distribution de pains de sucre piégés. Mangin s'y distingue et gagne le surnom de « boucher ». Un médecin-capitaine français écrira de la résistance dans le Moyen-Atlas qu'« elle atteint les limites de l'invraisemblance ».

Première phase

Le Q.G de Mouha Ou Hammou Zayani à Khenifra, deux mois avant l’attaque d’Elheri.

Cette opération entre dans le cadre de politique militaire dite de "jonction" entre le nord et le sud du Maroc. L'offensive est appuyée par les moyens du 1er régiment d'artillerie de montagne débarqué à Casablanca le 13 septembre 1913 et semble irrésistible. L'armée française déploie toute la panoplie des nouvelles armes à sa disposition : mitrailleuse, artillerie, aviation, … opérations menées par le général Charles Mangin venant de Tadla et comme poste d'appui la garnison de Sidi Lamine, l'autre venant de Meknès commandée par Henrys et comme postes d'appuis : camp du caid Itto près d'Azrou, camp de Timahdite et de Aïn Leuh. L'occupation de Khénifra est imminente, l'assaut fut prévu le 10 juin 1914.
La prise de Khénifra (1914) est signalée par la poésie dans ces vers :
Mouha Ou Hammou quitta Khénifra pour s'installer à Elhri.

a- han Mohamed Ouhammou bu wfala enna tezrit
b- Iffegh Khnifra our yad iqqimi exs irumin
a- Vois-tu, Mohamed Ouhammou le guerrier que tu connais
b- A quitté Khénifra, ne s’y trouvent qu’ irumin : (les Français)

Au cours de la bataille d'Elhri deux femmes de Mouha ont été enlevées, il s'agit de Mahjouba et de Tihihit, sa troisième femme fut tuée : Mimouna Nhmad. Le poète signale cet incident par ces deux vers .

a-An ammer iwghrib en Mahjouba oula Tihihit
b-Ed idammen en Mimouna N Hmad innghall i tissi
a-Pleurons le calvaire de Mahjouba et de Tihihit
b-Pleurons le sang de Mimouna N Hmad versé dans le lit

Deuxième phase

Mouvement des colonnes marchant sur Khénifra après la bataille d'Ehri le 13 novembre 1914 (lire sur la carte : Adekhssal au lieu d'Adersan, Elkbab au lieu de Kebbat, El Bordj au lieu de Bordi, Taghate au lieu de Teguet.)

Après la bataille d'Ehri et dans le cadre de venger la défaite française devant les Zayans[8], une opération de grande envergure fut lancée, trois colonnes de troupes avec un effectif de 14 000 hommes venues en hâte pour rétablir l'ordre, équipées d'armements modernes(radios sans fil,…), appuyées par les avions de reconnaissance.

Avec la participation de trois colonnes venues en renfort de :

  • Meknès sous le commandement du lieutenant-colonel Henri Claudel.
  • Rabat sous le commandement du lieutenant-colonel Gaston Cros, en passant par Oulmes-Moulay Bouazza-Azziar puis Khénifra.
  • Tadla sous le commandement du colonel Noël Garnier du Plessis. Henrys a pris le commandement général, de diriger les forces d'un véhicule blindé dans la colonne de Claudel, en présence du Général Lyautey, venu pour remonter le moral aux soldats rescapés du massacre.Le 10e Bataillon de Tirailleurs Sénégalais[9] venu en urgence le 14 novembre 1914 pour récupérer les corps des morts de la bataille d'Elhri.

Troisième phase

La prise définitive de Khénifra, le 20 août 1920, par Henrys et ses collaborateurs est marquée par la soumission du futur Pacha Hassan Amahzoune et ses frères au général Poeymirau.

Pacha Hassan promu caïd après sa soumission au général Poemyrau.

La bataille d'Elhri

Préparatifs de la bataille

Carte de Khénifra, Elhri et alentours.

Le 12 septembre 1914

Dans une réunion présidée par le colonel Laverdure, chef du territoire Zayan avec la présence des officiers supérieurs, le commandant de la cavalerie, de l'artillerie et le chef du service des renseignements (le capitaine Ract-Barcaz était à El Ksiba en 1913 et fut blessé à Elhri), il a été décidé en grand secret avec la majeure partie de ses forces divisées en 4 groupes, d’exécuter par surprise un coup de main sur le campement des Zayanis situé à Elhri (10 km au sud-est de Khénifra) et de le razzier à fond. Le départ étant fixé à 2 h 30 du 13 novembre 1914. Le 13 septembre 1914, le colonel Laverdure n'a pas tenu compte des négociations engagées avec Mouha Ou Hammou.
Khénifra fut occupée le 12 juin 1914, à la suite de combats acharnés, la présence militaire coloniale devenue restreinte en raison de l'immobilisation, les Zayans peuvent désormais respirer et attaquer à la fois la garnison bloquée, réduite à ne pas s'aventurer loin des infrastructures militaires en place et les colonnes de ravitaillement (vivres et munitions) venant de Tadla en passant par Sidi Lamine, la colonne de Garnier du Plessis (militaire connu pour sa politique de la terre brûlée affamant les populations de Boujaad à Khénifra) fut attaquée par les Zayanes le 20 août 1914 (garnison de Sidi Lamine). Après la prise de Khénifra, la casbah de Mouha Ou Hammou devint état-major et garnison. Elle abritait l'effectif militaire suivant :

  • 3 bataillons :
    • 1 bataillon d'infanterie coloniale,
    • 1 bataillon de tirailleurs sénégalais,
    • 1 bataillon de tirailleurs algériens ;
  • 1 escadron de spahis ;
  • 1 batterie de 75 ;
  • 1 batterie de 65 ;
  • 1 section de munition ;
  • 1 ambulance et divers services ;
  • 1 Goum ;
  • 1 Makhzen.

Khénifra est soumise quotidiennement aux attaques des tribus Zayanes avec perte en hommes des deux côtés. Le ravitaillement va en outre se faire plus rare. La garnison va dès lors être strictement rationnée. Le colonel Laverdure commandait le territoire Zayan et exerçait en même temps la fonction de commandement de la garnison de Khénifra.

Déroulement de la bataille[10]

La bataille d'Elhri commence par une attaque imprudente du colonel Laverdure, commandant du territoire de Khénifra, contre le campement de Mouha ou Hammou Zayani (installé à Elhri à quelques Km de Khénifra après l'occupation de la ville en juin 1914). À la tête d'une colonne de 43 officiers et 1 230 hommes, venue de Khénifra, il attaque le campement rebelle à l'aube vers 6 heures, malgré les ordres qui lui interdisent formellement toute sortie [...]. Cette décision semble avoir été inspirée au colonel Laverdure par un mokhazni zayan, récemment passé du côté colonial et désireux de se venger de Mouha Ou Hammou.

Surpris et désorganisés, ces derniers n'opposent qu'une faible résistance. Alors que les troupes coloniales se livrent au pillage, Mouha ou Hammou Zayani échappe de peu à la capture en se faisant passer pour un serviteur noir, grâce à sa femme berbère, Zayania Itto, qui prit l'initiative de mettre du charbon sur le visage de son mari afin de lui assurer le camouflage escompté, des femmes de Mouha Ou Hammou furent enlevées : Zahra Taarabt, Yamna Atta, Mhjouba et Tihihhit ; une tuée dans son lit Mimouna Nhmad, lui ont été rendues par Henrys quelques jours après leur enlèvement.
Événement exprimé poétiquement dans cet extrait du "chant de guerre" traduit par l'officier interprète le capitaine Mohamed Ben Daoud. "Je frissonne à la seule idée de chanter cette grande et malheureuse journée de vendredi. C’est pour toi, Ô gracieuse Zahra au sourire si délicat, c’est pour Yammna Atta à la taille de guêpe". La contre-attaque immédiate des contingents Zayanes accourus d'Adekhsal, d'Arouggou, les Aït Bouhaddous, les Ichkirns dévalent du jbel Bouguergour et du jbel Bououzzal (Montagne de fer) surprend les assaillants. Les Imazighens attaquent avec fougue les derniers débris de la colonne.

Le bilan pour les Français sera lourd, d'après le communiqué de Lyautey[11], ils y laissent 33 officiers morts, dont le colonel Laverdure, ainsi que 650 soldats tués et 176 blessés, 8 canons, 10 mitrailleuses, une grande quantité de fusils. Lyautey et Gay Martinet (professeur d'histoire à l'école de la marine française), déclareront qu'il s'agit des pertes les plus catastrophiques, subies par les Français en Afrique du Nord.

Le capitaine Pierre Kroll, resté avec trois compagnies pour défendre la garnison de Khénifra, ayant réussi à informer Lyautey de la sanglante bataille d'Elhri, le général Henrys sera déterminé à frapper fort pour venger cette défaite subie face aux Zayanes qui a touché l'orgueil de l'armée coloniale en Afrique du nord. Des colonnes de secours et le général Henrys accompagné du général Lyautey viennent le 5 octobre en toute hâte rétablir la situation tandis que, de Tadla et de Meknès, arrive respectivement le colonel Garnier du Plessis et le lieutenant-colonel Derigoin. Les morts sont alors recueillis sans la moindre réaction des Zayans.

Cependant, malgré cette victoire, les Zayanis n'ont pu repousser l'assaillant, déjà aux confins de leur territoire. À la suite de cette défaite, les Français révisent leur politique de colonisation contre les Zayans, et profitent, en plus de l'inégalité de l'armement, de l'anarchie Siba qui règne entre les tribus du fait des luttes intestines. Ils attisent les intrigues consistant à diviser les Zayans au sein même de la famille de Mouha pour finir de soumettre celles-ci. Il est à noter que Mouha Ou Hammou a été trahi par ses fils (Bouazza, Pacha Hassan Amahzoune, Amahrok et son neveu Oul Aidi). Seul le fils de Mouha ou Hammou... Miaami ould Fassia est resté en rébellion contre l'autorité du Makhzen... C'est pour cette raison qu'en 1928 Sa Majesté le Sultan Sidi Mohammed ben Youssef (Mohammed V) a ordonné la saisie de ses biens et leur incorporation au domaine de l'État chérifien soit, en tout, cinq propriétés d'une superficie totale de 35 hectares....
Un poème zayan l'atteste :

Que vaut Hassan et que vaut Baadi ;

Que vaut l'homme qui a tué son père ?

Causes de la défaite

La bataille d'Elhri est, de l’aveu même des Français, le plus grand désastre connu par leur armée dans toute sa campagne en Afrique du Nord. Dans la littérature militaire coloniale, le général Théveney expliquait dans son rapport[12] intitulé le drame d'Elhri les motifs qui ont abouti à la défaite.
Selon le service du renseignement, plusieurs facteurs sont à l'origine de ce désastre :

  • Officiers supérieurs notamment le colonel Laverdure trop confiant, plus habitué aux théâtres asiatiques et africains, et méconnaissant la pugnacité du combattant zayani.
  • Erreurs dans la conception de la manœuvre :

-a positionnement de l'artillerie (qui n'a pas permis de l'utiliser pleinement et qui a été très vite en manque de munitions sans possibilité de recompléter)
-b gros trop aventuré dans le dispositif (ce qui a eu pour conséquence de nombreuses pertes lors du décrochage)

  • Retard dans l'exécution qui a permis le ralliement de plusieurs milliers d'hommes des tribus avoisinantes.
  • Le maréchal Lyautey exprimait son mécontentement sur la défaite : "Si le colonel LAVERDURE n'avait pas trouvé la mort dans l'affaire d'Elhri, il méritait d'être traduit devant un conseil de guerre et d'être condamné au châtiment le plus sévère."

Bilan chiffré

Canon de 75 modèle 1897 similaire aux quatre perdus par les Français à Elhri.
  • Nombre de militaires ayant participé à la reconnaissance d'Elhri[13] :
    • Officiers : 43,
    • Sous-officiers : 84,
    • Troupe : 1 148 ;
  • Sont rentrés :
    • Officiers : 10,
    • Troupe : 664.

Le 13/11 :

  • sont ramenés : 40 corps plus 6 morts de leurs blessures ;
  • non rentrés et dont les corps n'ont pas été ramenés :
    • Algériens, Marocains : 232,
    • Européens : 219 dont 32 officiers,
    • Sénégalais : 115.

Le 19/11, après 6 jours pour reconquérir le terrain :

  • sont retrouvés : 218 corps ;
  • sont enterrés sur le terrain :
    • 101 Européens,
    • 60 Algériens et Marocains,
    • 40 Sénégalais ;
  • sont identifiés et enterrés à Khénifra :

Le 20/11 :

  • sont retrouvés: 353 corps ;
  • Ont participé à la reconnaissance :
    • 7 officiers,
    • 20 sous-officiers dont 7 Européens et 13 indigènes,
    • Troupe : 8 Européens et 201 Sénégalais ;
  • Morts :
    • 5 officiers dont le capitaine Oyaux de la 2e compagnie,
    • 10 Européens,
    • 120 Sénégalais.
  • Noms des officiers tués :
  • Lieutenant-colonel Laverdure René Philippe ;
  • Commandants : Durmelat du 5e Bataillon de Tirailleurs Sénégalais, Colonna de Lecca Fage [14];
  • Capitaines : Sido, Oyaux, Pommier, Begrand, Bertrand, Vituret, Alcard, Roy, L Camus ;
  • Lieutenants : Brasillach (père de l'écrivain et journaliste Robert Brasillach)[15], Aimon, Montaigue, Labas, Defly-Dieude, Campi, Chaffaud, Le Callonec, Lounes-Amar, Chevrier, Gohin, Ancelle, Hanus ;
  • Docteurs Sauvet, Chamontin, Ayraud ;
  • Sous-lieutenants : Koenig, Lorfeuvre, Daoud Aissa ;
  • Officier d'administration : Roux.

Après la bataille d'Elhri

L'occupation de Khénifra [16] était une opération périlleuse[17] pour les forces militaires françaises assaillantes vu les difficultés du terrain et la combativité des Zayans. De juin à novembre 1914, des combats violents n’épargnèrent les deux belligérants en vie humaine et matériel avec des conséquences morales indélébiles pour l'armée coloniale française d’Afrique du Nord, notamment la défaite d'Elhri le 13 novembre 1914[18].

La résistance amazighe à travers la poésie

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Bien que les manuels d’histoire ne donnent pas une place importante à la résistance face à la colonisation au début du XXe siècle, la tradition orale, et particulièrement la poésie, offre un témoignage sur cette lutte farouche des tribus berbères contre l'invasion des Français. Les vers poétiques sélectionnés du poète Amliaze, narrent de la résistance berbère dans le Moyen et le Haut Atlas face à l’avancée des troupes françaises, à travers, les lieux cités. L’authenticité des faits exprimés et véhiculés par cette poésie de résistance est confirmée par les rapports et écrits des militaires français. Le poète cite à la fois le nom des villes, villages et bourgades soumises et le nom des officiers coloniaux qui ont participé aux différentes batailles.

Après la prise des villes côtières atlantiques, le colonisateur avance comme en témoigne ce vers qui nous renseigne sur la prise des grandes villes du Maroc central :

A nall i Fas, ad as alleɣ i Mknas, a Aguray
A Sfru, a Tabadout ha nn irumin zlan aɣ
Pleurons Fès, Meknès, Agouray
Sefrou, Tabadout, les chrétiens nous ont ruinés.

La plaine du Saïss est ainsi « soumise » et la machine de guerre française s’attaque à la montagne. Comme en témoignent ces vers :

Berci yserreh awal, iggufey is isdaâ Kknifra
is al itteddu g ayt ttaât
La prise de Khénifra en juin 1914 se confirme,
Tant les résistants ne sont pas de vrais guerriers.

La même désolation est traduite dans ce vers qui réfère à la soumission d'Elhri(le 20 juin 1920), petite bourgade située à une dizaine de kilomètres de Khénifra.

Uran t tzemmurin ass a gan t amm unna

Yemmuten, a Lehri tsiwel digun tawuct

Tu es, à présent, sans force et comme mort
Ô Lehri, la chouette fait entendre son cri lugubre.

La progression des troupes coloniales se fait par étapes. Après Elhri et Khénifra, le colonisateur escalade la montagne. Parti de Khénifra, il prend Alemsid Haut Atlas, puis Aghbala et ses environs. Et après la bataille de Tazizawt, il réussit à accéder au col devant lui offrir un passage vers le sud Est. Il s’agit du col de Bab n Wayyad, frontière naturelle séparant la confédération des Ait Sokhmane d’Aghbal et la confédération des Ait Yafelman: Ait Hdiddou.

Immut Buɛzza, may ttabaɛm a yimnayen
S ixf ULEMSID ibbi wuzzal tassa nnes
Bouâzza est mort, cavaliers, inutile de
Charger vers Almsid, le fer a percé ses entrailles.
Ar ittru Weɣbala allig isru Ikwsal
ar ittru Buwatas, a Tizi n Turirt
Aghbal pleur et fait pleurer Ikousal
Et Bouwatta, ô Tizi n Tewrirt
A Tounfiyt ttughen Saligan wessaght afella
nnem ad d iɛdel I sselk ad d iddu ghurrem
O Tounfiyt, les sénagalais s’activent,
Pour te relier au Chrétien par téléphone
Inna m BAB n WAYYAD a tizi n taqqat
Han arumy ibedda d a nebdu g imyamazn
Bab n Wayyad te dit, ô col
Le colon est là et les combats s’annoncent.

Les attaques françaises se déroulent aussi sur la frontière maroco-algérienne. C’est ce que ce vers nous révèle sur la prise du village de Boubnib au Sud Est.

Ha BUDNIB ijjmeâd ddunit
lla ttemmenzaghn inselmen d irumin
afella nnun Boudnib,
centre d’intérêt du monde Théâtre
d’affrontement entre chrétiens et musulmans.

Ainsi, la poésie reste une source d’informations inestimables sur la résistance à la colonisation durant les premières décennies du XXe siècle.

La mémoire collective garde toujours vivace cette poésie. Une poésie qui assume plusieurs fonctions : témoigner pour les générations futures et exprimer la déroute d’une population qui a subi le feu de l’artillerie et de l’aviation françaises. Texte : (Moha Moukhlis).

Notes et références

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • « Souvenirs de l'épopée marocaine » du général Theveney. Quelques épisodes de la pacification des Zayans.
  • Abes, M, Les izayanes d’Oulmès, Archives Berbères, 1915.
  • Aspignon, R, Étude sur les coutumes des tribus zayanes, éd. Moynier, 1946, Casa.
  • Basset, A, La littérature Berbère, La Pléiade, 1955.
  • Ben Daoud, O i, Notes sur le pays zayan, archives berbères, 1917.
  • Berger, F, Moha Ouhammou le zayani, éd. Atlas, 1929.
  • Bernie, G, Moha Ou Hammou, guerrier berbère, éd. Gautey, Casa, 1945.
  • Chafik, M, Trente trois siècles de l’histoire des imazighen, Boukili éd. 2000(3e éd.).
  • Chafik, M, La poésie amazighe et la résistance armée dans le Moyen Atlas et l’Est du Haut Atlas, revue de l’Académie du Royaume, no4,1987.
  • Camps, G, Berbères aux marges de l’histoire, éd. Espérides, 1980
  • Guennoun, S, La montagne berbère, OU LES AIT Oumalou, éd.Oumnia, Rabat, 1933
  • Guennoun, S, La voix des monts, Mœurs de guerres berbères, éd. Oumnia, Rabat, 1934.
  • Guillaume, A, (Général), Les berbères marocains et la pacification de l’Atlas Central(1912-1933), Julliard, 1946
  • J. Drouin, Un cycle hagiographique dans le moyen-atlas marocain, publication de la Sorbonne, 1975, p. 122
  • Jean Pichon, Le Maroc au début de la Guerre mondiale, El-Herri (vendredi 13 novembre 1914) Préf. du général Henrys. Paris, Lavauzelle, 1936, ix-188 p. lire en ligne sur Gallica
  • La résistance marocaine à la pénétration française dans le pays Zaian (1908-1921)
  • Sur les traces glorieuses des pacificateurs du MAROC, du colonel L. VOINOT, CHARLES-LAVAUZELLE et Cie, éditeurs, 1939.
  • Biographie du Maréchal Lyautey
  • Journal des marches et opérations de la 2e batterie du 1er Régiment d'Artillerie de Montagne pour la période du 6 septembre 1912 au 16 octobre 1913, Charles Mangin.
  • Souvenir de l’épopée Marocaine- Général Théveney Quelques épisodes de la Pacification des Zaians- drame d'El Herri le 13 novembre 1914.
  • Georges Bernie, La bataille d'El Hri publié en 1945 (Éditions Gauthey.
  • Georges Bernie, MohaOu Hammou, guerrier berbère paru en 1945.
  • Rapport du Capitaine Ract Brancaz du Service de Renseignements sur le combat d'EL HRI.
  • Encyclopédie berbère
  • Gabriel Camps, Berbères. Aux marges de l'Histoire

Liens externes

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