Langage formel

En mathématiques, en informatique et en linguistique, un langage formel est un ensemble de mots[1]. L'alphabet d'un langage formel est l'ensemble des symboles, lettres ou lexèmes qui servent à construire les mots du langage ; souvent, on suppose que cet alphabet est fini. La théorie des langages formels a pour objectif de décrire les langages formels.

Cet article concerne les langages formels en informatique. Pour d'autres usages, voir Formalisation (mathématiques).

Structure de la phrase Colorless green ideas sleep furiously qui est syntaxiquement bien formée, mais n'a pas de sens (exemple historique de Noam Chomsky, 1957).

Les mots sont des suites d'éléments de cet alphabet ; les mots qui appartiennent à un langage formel particulier sont parfois appelés mots bien formés ou formules bien formées. Un langage formel est souvent défini par une grammaire formelle, telle que les grammaires algébriques et analysé par des automates.

Objectifs

La théorie des langages formels étudie les aspects purement syntaxiques de tels langages, c'est-à-dire leur structure interne formelle. La théorie des langues est issue de la linguistique, comme moyen de comprendre les régularités syntaxiques de langues naturelles :

L'étude des langages formels comporte l'ensemble des moyens de description et d'analyse de ces langages, comme les grammaires formelles pour la génération et les automates pour la reconnaissance, mais elle s'intéresse aussi à l'apprentissage automatique et la traduction automatique des langages. Dans le domaine de la traduction, la théorie des langages s'applique aux compilateurs de langages de programmation.

Mots et langages

Définitions

On se donne un ensemble , appelé alphabet dont les éléments sont appelés des lettres.

  • Un mot de longueur k est une suite de k lettres. En pratique, on utilise la notation condensée .
  • L'ensemble des mots sur l'alphabet est noté .
  • Le mot vide, de longueur 0, est noté , ou parfois (ou encore pour le distinguer des -transitions dans les automates finis).
  • On définit sur , une loi de composition interne appelée concaténation. Elle associe à deux mots et le mot (de longueur ).

Cette loi de composition interne est associative et admet le mot vide pour élément neutre (ce qui justifie la notation ). Par conséquent l'ensemble , muni de cette loi, est un monoïde. C'est un monoïde libre au sens de l'algèbre.

Un langage formel est un ensemble de mots sur un alphabet fini, c'est-à-dire une partie du monoïde libre sur cet alphabet.

Exemples

Quelques exemples de langages formels :

  • l'ensemble de tous les mots sur ,
  • l'ensemble des mots de la forme , où est un nombre premier,
  • l'ensemble des programmes syntaxiquement corrects dans un langage de programmation donné,
  • l'ensemble des mots d'entrée sur lesquels une machine de Turing donnée s'arrête,
  • l'ensemble des 1000 mots les plus fréquents dans une langue donnée.

Construction d'un langage formel

Un langage formel peut être spécifié par différents moyens. Ce qui est recherché, c'est une méthode ou un mécanisme fini, et explicite, qui permet de produire ou d'analyser un langage en général infini. Parmi ces méthodes, il y a :

Appartenance, calculabilité et complexité

Des questions typiques que l'on se pose à propos d'un langage formel sont les suivantes :

  • Peut-on décider par algorithme si un mot donné appartient à ce langage ?
  • Si oui, quelle est la complexité algorithmique d'une telle réponse ?

Ces questions ont des liens avec la calculabilité et de la théorie de la complexité.

Familles de langages

Les langages sont regroupés en familles de langages. La Hiérarchie de Chomsky nous donne quatre types de grammaire, chaque type de grammaire générant une famille de langage.

Ces ensembles de langages sont tous inclus les uns dans les autres et sont ici donnés de l'ensemble le plus grand au plus petit. Donc, tout langage rationnel est algébrique, qui est lui-même contextuel, qui est lui-même récursivement énumérable.

Entre ces 4 familles de langages, on peut noter des familles qui ne font pas partie de la hiérarchie de Chomsky, mais qui restent remarquables par leurs définitions et leur propriétés.

Les langages algébriques déterministes sont les langages reconnaissables par les automates à pile déterministes, et sont donc strictement inclus dans la famille des langages algébriques.

Les langages récursifs sont les langages reconnus par une machine de Turing, et dont le complémentaire est aussi reconnu par une machine de Turing. Ils sont donc strictement inclus dans les langages récursivement énumérables.

Opérations sur les langages formels

Plusieurs opérations peuvent être utilisées pour fabriquer de nouveaux langages à partir de langages donnés. Supposons que L et M soient des langages sur un certain alphabet commun.

Opérations ensemblistes

Les opérations ensemblistes intersection, union et complémentation sont définies comme pour tout ensemble.

Concaténation ou produit

La concaténation de L et de M, notée simplement est l'ensemble des mots de la forme xyx est un mot de L et y est un mot de M.

Quotients ou résiduels

Le quotient à gauche de par un mot est l'ensemble des mots tels que appartient à . Le quotient à gauche est aussi appelé résiduel.

Le quotient à droite de par un mot est défini symétriquement comme l'ensemble des mots tels que appartient à .

Le quotient à gauche et le quotient à droite s'étendent aux langages. Ainsi, le quotient à gauche de par un langage , noté , est la réunion des langages pour dans .

Étoile de Kleene

L'étoile de Kleene de L est l'ensemble noté composé des mots de la forme avec et . Cet ensemble contient le mot vide.

Retourné ou image miroir

Le renversé de L, noté ou contient les mots miroirs des mots de L, c'est-à-dire les mots de L lus de droite à gauche.

Mélange ou « shuffle »

Le mélange de L et M, noté L Ш M, est l'ensemble des mots pouvant s'écrire et sont des mots (éventuellement vides) tels que soit un mot de L et soit un mot de M. Par exemple[2] Ш .

Morphisme et morphisme inverse

Une application est un morphisme ou homomorphisme si pour tous mots de . L'image homomorphe d'un langage sur est l'ensemble

.

Par abus de langage, on appelle morphisme inverse l'inverse d'un morphisme. Le morphisme inverse de est la fonction notée de dans l'ensemble des parties de définie par

.

Ce n'est en général pas un morphisme. L'image par un morphisme inverse d'un langage sur est le langage

.

Un morphisme est non effaçant ou croissant ou, par imitation de l'anglais, ε-free si l'image d'une lettre n'est jamais le mot vide. Dans ce cas, la longueur de l'image d'un mot est supérieure ou égale à celle du mot.

Propriétés de clôture

Une question commune sur ces opérations est de connaitre les propriétés de clôture de chaque famille de langage pour chacune de ces opérations, c'est-à-dire si le langage issu d'une opération reste dans la même famille de langages que les langages dont il est issu.

Tableau des propriétés de clôture[3] des familles de langages issus de la hiérarchie de Chomsky
Langages
rationnels
Langages algébriques
déterministes
Langages
algébriques
Langages
contextuels
Langages
récursifs
Langages récursivement
énumérables
Union Clos Pas de clôture Clos Clos Clos Clos
Intersection Clos Pas de clôture Pas de clôture Clos Clos Clos
Complémentaire Clos Clos Pas de clôture Clos Clos Pas de clôture
Concaténation Clos Pas de clôture Clos Clos Clos Clos
Etoile de Kleene Clos Pas de clôture Clos Clos Clos Clos
Miroir Clos Pas de clôture Clos Clos Clos Clos
Mélange[4] Clos Pas de clôture Pas de clôture Pas de clôture Pas de clôture Pas de clôture
Morphisme Clos Pas de clôture Clos Pas de clôture Pas de clôture Clos
Morphisme croissant Clos Pas de clôture Clos Clos Clos Clos
Morphisme inverse Clos Clos Clos Clos Clos Clos

Notes et références

  1. Un « mot » au sens mathématique du terme est une suite de symboles pris dans un ensemble dit « alphabet ».
  2. Pour bien comprendre cet exemple, on écrit les lettres du deuxième mot en majuscules. Alors on obtient :
    Ш
    et quand on remplace les majuscules par les minuscules, on a bien les mots indiqués.
  3. Preuves dans Olivier Carton, Langages formels, calculabilité et complexité, [détail de l’édition] (lire en ligne)
  4. Preuves dans (en) Zoltán Ésik et Imre Simon, « Modeling literal morphisms by shuffle », Semigroup Forum, vol. 56, , p. 225-227

Voir aussi

Bibliographie

  • Olivier Carton, Langages formels, calculabilité et complexité, Paris, Vuibert, coll. « Capes-agrég », , 1re éd., 240 p., 17 x 24 (ISBN 978-2-7117-2077-4 et 2-7117-2077-2, présentation en ligne, lire en ligne)

Articles connexes

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