Langues nilo-sahariennes

Les langues nilo-sahariennes sont une famille de langues parlées en Afrique subsaharienne, dans les régions du Haut-Nil et du Haut-Chari dont la Nubie. D'après les estimations du linguiste américain Lionel Bender (2004), les 200 langues nilo-sahariennes sont parlées par plus de 31 millions de personnes[1], dans 18 États.

Langues nilo-sahariennes
Région Chari, Nubie, Haut-Nil
Nombre de locuteurs 31 millions en 2004
Classification par famille
Codes de langue
IETF ssa
ISO 639-5 ssa
Carte

Répartition des langues nilo-sahariennes, en jaune sur la carte.

Cette famille est très hétérogène, beaucoup plus que l'autre grande famille pourtant voisine des langues nigéro-congolaises, et plutôt sujette à controverse. Peu de linguistes se sont essayés à travailler sur l'ensemble de la famille, et un certain nombre rejettent cette classification. Un sujet particulièrement problématique est le rattachement de la branche songhaï à cette famille. Bien que la majorité des spécialistes s'accorde sur la validité de l'existence de cette famille, son organisation interne est encore sujette à de nombreux débats[2].

Une classification encore mal établie

Classification de Greenberg

D'après Joseph Greenberg (1963), cette famille compte six branches. La branche Chari-Nil est, à son tour, subdivisée en quatre sous-branches[3]:

Classification d'Ehret

Christopher Ehret (2001) réorganise les différents groupes en dix-sept branches, les branches 11 à 17 formant un groupe qu'il nomme kir-abbaian[4] :

Classification de Bender

Bender (2000) organise le nilo-saharien d'une toute autre manière[5] :

La question des limites du nilo-saharien

Certains groupes de langues africaines, ainsi que des langues isolées, posent la question de la délimitation précise du nilo-saharien. D'autres groupes font l'objet de contestations quant à leur inclusion dans cet ensemble.

Groupes controversés

Schadeberg et Bender classent les langues kadougli, aussi nommées langues kadu ou tumtum, dans la famille nilo-saharienne[6]. Greenberg (1963) les classe dans les langues kordofaniennes, mais remarque qu'elles en diffèrent. Certains les classent toujours comme des langues nigéro-congolaises[7]. Les langues songhaï posent un autre problème. Nicolaï (1990) suggère qu'il s'agit d'un post-créole, dont la base lexicale est berbère. Creissels et Murakovsky, eux, reprennent la thèse ancienne de Delafosse les reliant aux langues mandé[8]. Murakovsky, avec Petraček, propose une origine couchitique, donc afrosiatique, pour le groupe saharien[8].

Liens avec des langues isolées

Le méroïtique du royaume de Kouch, aujourd'hui éteint, a souvent été proposé comme membre des langues nilo-sahariennes. Greenberg a vu une affinité avec le soudanique oriental, d'autres avec le groupe saharien. Pour Bender, on ne connaît que trop peu cette langue pour la classer. Le rapprochement avec les langues nilotiques est plutôt à mettre sur le compte d'une influence du méroïtique, langue d'un royaume puissant, sur les premières[9].

Deux autres langues isolées ont aussi été proposées à l'entrée dans le nilo-saharien, le shabo et l'ongota. Pour Tefara et Unseth le shabo est intégré dans les langues nilo-sahariennes[6]. Pour Bender ces deux langues ont un aspect hybride et si la première pourrait être nilo-saharienne, l'ongota s'apparenterait plutôt au couchitique[10]. Une autre langue, l'oropom (en) de l'Ouganda, récemment éteint, a été vue comme apparentée au groupe nilotique.

Propositions au-delà du nilo-saharien

Des essais de regroupement à un niveau supérieur de classification ont été faits, dirigés vers la famille nigéro-congolaise. Gregersen (1972) regroupe les deux pour former une super-famille Congo-saharienne, tandis que Blench (1995) classifie les langues nigéro-congolaises comme un simple sous-ensemble des langues nilo-sahariennes. Ces théories sont loin de faire l'unanimité.

Histoire

La diversité de la famille nilo-saharienne étant maximale aux environs de la frontière entre l'Éthiopie et le Soudan, il est vraisemblable que cette région soit son foyer d'origine[2]. Le proto-nilo-saharien contenait des mots pour "crocodile" et "hippopotame" : il s'ensuit que cette famille remonte à une époque où sa région d'origine était moins aride, le subpluvial néolithique[2].

Notes et références

  1. Bender, 2004, p. 64.
  2. Roger Blench (en), « Linguistique et archéologie, comment reconstruire l'histoire depuis 12000 ans ? », dans François-Xavier Fauvelle (dir.) et alii, L'Afrique ancienne : De l'Acacus au Zimbabwe, Belin, coll. « Mondes anciens », , 678 p. (ISBN 978-2-7011-9836-1).
  3. Classification cité dans Ehret, 2001, p. 65.
  4. Ehret, 2001, p. 68-69.
  5. Bender, 2000, pp. 56-59.
  6. Ehret, 2001, p. 68.
  7. Bender, 2004, p. 70.
  8. Bender, 2000, p. 69.
  9. Bender, 2000, pp. 70-71.
  10. Bender, 2000, P. 71.

Bibliographie

  • Lionel M.Bender, 2004, « Nilo-Saharien », in Les langues africaines, Bernd Heine et Derek Nurse (dir.), p. 55-120, Paris, Karthala (édition originale en anglais parue en 2000) (ISBN 2-84586-531-7)
  • (en) Christopher Ehret, 2001, A Historical-Comparative Reconstruction of Nilo-Saharian, Sprache und Geschichte in Afrika, SUGIA Beihefte, Beiheft 12, Cologne, Rüdiger Köppe Verlag (ISBN 3-89645-098-0)

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