Lee Lozano

Lee Lozano, née le à Newark (New Jersey) et morte le à Dallas (Texas), est une artiste, peintre et dessinatrice américaine. Elle est considérée comme l'une des figures importantes de l'art conceptuel américain[1].

Lee Lozano
Naissance
Décès
Nom de naissance
Lenore Knaster
Nationalité
Activité
Formation
Représentée par
Mouvement

Premières années

Née Lenore Knaster le , 16:25 à Newark, New Jersey, elle souhaite être appelée « Lee » à partir de fin 1944, alors âgée de 14 ans. Par ce changement identitaire, elle opère – ainsi qu'elle le décrira en 1970 dans une note biographique – ce qu'elle considère être un « rejet de la destinée traditionnelle d’une femme américaine issue de la classe moyenne[2] ».

De 1948 à 1951, Lee poursuit des études à l'Université de Chicago. Elle y étudie les sciences naturelles et la philosophie, et obtient un BA. En 1956, elle épouse Adrian Lozano, architecte d'origine mexicaine, rencontré les années précédentes lorsque tous deux travaillaient dans le département design de la Container Corporation of America (CCA). Cette firme, qui joua un rôle prépondérant dans la « propagation du design graphique moderniste au sein de la publicité et du marketing d'entreprise[3] » aux États-Unis, collabora notamment avec des artistes, architectes et designers liés ou influencés par le Bauhaus, tels Herbert Bayer, Walter Gropius. Le couple divorce en 1960, après quatre ans de mariage. Pendant cette période, Lee Lozano reprend ses études à l’Art Institute of Chicago, y valide un BFA.

Période new-yorkaise

Après un séjour de plusieurs mois en Europe, effectué grâce à une bourse de voyage reçue de l’Institut d'art de Chicago, Lee Lozano part vivre à New York – elle s'installe à partir de 1961 au 53 West 24th Street[4], se lie d'amitié avec Richard « Dick » Bellamy, directeur de la Green Gallery. Celle-ci, ouverte l'année précédente, est reconnue pour les expositions qu'elle dédie à la jeune scène artistique d'avant-garde de l'époque (dont Claes Oldenburg, Tom Wesselman, etc.[5]).

Par l'intermédiaire de Bellamy, Lozano rencontre le photographe Hollis Frampton et l'artiste Carl Andre qui feront partie de son cercle d'amis proches tout au long des années 1960. Elle fréquente également les artistes Robert Morris, Sol LeWitt, Vito Acconci, Stephen Kaltenbach, puis à partir de 1967, l'artiste Dan Graham 5. Interlocuteurs réguliers, Kaltenbach et Graham influenceront le développement de son travail artistique[4].

En 1964[5] ou 1965[4] (les sources à ce propos divergent), Lozano emménage dans son studio loft au 60 Grand Street, c'est cette adresse qui figure sur plusieurs de ses notes personnelles et œuvres conceptuelles. Ce sera également le lieu, le « laboratoire[4] », où elle expérimentera, éprouvera la plupart d'entre elles. Le s'ouvre la première exposition personnelle de Lee Lozano à la Bianchini Gallery, New York. Fin 1970, Lozano présente ses peintures dans le cadre d'une exposition personnelle au Whitney Museum of American Art à New York[5].

Œuvre artistique

Au début des années 1960, la production de Lozano, oscillant entre une figuration cartoonesque (plusieurs fois rapprochée des travaux de Philip Guston[6],[7]) et d’œuvres plus expressionnistes, se constitue de dessins et peintures où prolifèrent des fragments de corps, mains, bouches, seins, verges, vulves, mêlés à des objets dont « le potentiel sexuel[2] » est exacerbé, tels des cigares, ciseaux, prises électriques, ampoules, flingues... Crucifix, étoiles, aéroplanes sont d'autres éléments récurrents de son iconographie – ils sont reconfigurés d'un dessin au suivant. Des hybridations sont opérées entre les parties corporelles et les ustensiles dans des mouvements d'interpénétrations réciproques, de confusions, de conversions de l'inanimé en organes agissants. Dans une logique associant texte et image – la critique d'art Sarah-Lehrer Graiwer suppose qu'il s'agit d'une influence des comic books dont Lozano raffole[4] – des légendes, souvent crues, ainsi que des jeux de mots accompagnent nombre de ses dessins. La gestuelle est généralement agressive, les couleurs criardes.

Au cours des années 1963-1964, l'attention de Lozano se porte vers les outils de travail : tournevis, perceuse, scie, vis, etc., qui s'entassent alors sur sa table d'atelier. Dynamisant tantôt les courbes, tantôt les cassures et les angles, les formes qu'elle représente, et qui tendent progressivement vers une abstraction géométrique aux tons métallisés, restent sexuellement connotées. À partir de 1965 environ, les plans sont serrés, la palette chromatique est réduite à des couleurs argentées, dorées, cuivrées. Les traces, irisées, laissées par les passages du pinceaux (ou ceux du crayon) génèrent de nouveaux mouvements dans ses compositions.

Entre 1967 et 1970, Lozano produit sa série des Wawe Paintings, un ensemble de 11 peintures monochromatiques abstraites de 243,8 x 106,7 cm inspirées par les phénomènes ondulatoires physiques et électro-magnétiques[2], particulièrement la lumière. À la différence de ses précédentes œuvres, les courbes sont douces et harmonieuses. Elle effectue chacune de ses peintures dans des sessions de travail, d'une durée de quelques heures à plusieurs jours, en évitant les interruptions[8] – comme une conversion d'énergie : une fatigue physique qui résulte de sa méthode de travail impacte ses peintures.

Parallèlement à la préparation de cette série, elle rédige ses premières pièces conceptuelles, communément regroupées sous le terme de Language Pieces[9]. Ainsi que le décrit la théoricienne Lucy Lippard dans son célèbre essai Six Years: The Dematerialization of the Art Object, les œuvres conceptuelles de Lozano sont des instructions, le plus souvent adressées à elle-même, par lesquelles Lozano « transforme sa vie, et par implication, la vie des autres et de la planète elle-même[1] ». Dialogue Piece (commencée le ), est ainsi un projet dans lequel Lee Lozano invite des interlocuteurs dans son studio loft, « non dans l'attention de faire une pièce[10] », mais seulement « pour dialoguer », échanger des informations.

Boycott, arrêt de l'art

À la fin des années 1960, alors qu'elle accède à une certaine notoriété artistique, Lozano prend progressivement ses distances d'avec le milieu de l'art. Elle met « intentionnellement fin à sa carrière[9] » aux environs des années 1971, 1972.

Pour certains exégètes, tels le théoricien Alexander Koch, les Language Pieces furent un support, sinon un moyen qu'utilisa Lozano pour « progressivement [dire] adieu aux règles économiques, topographiques, institutionnelles et émotionnelles de sa vie en tant qu’artiste[9] ». L’œuvre General Strike Piece (commencée le ) commence en effet par ces mots : « éviter progressivement mais avec détermination les cérémonies ou rassemblements officiels ou publics dans les “quartiers chics” liés au “monde de l'art” de façon à poursuivre la recherche sur une révolution personnelle & publique totale[11] ».

En , Lee Lozano commence son retentissant et « tristement célèbre[2] » boycott. Jusqu'à son décès, Lozano refusera d'adresser la parole aux femmes. La violence de ce refus (qui ne devait durer qu'un mois initialement, puis fut prolongé de façon indéterminée), ainsi que son « abandon » du champ artistique seront commentés par de nombreux acteurs du milieu de l'art, historiens, artistes, et critiques. L'important regain d'intérêt que connaît Lee Lozano depuis la fin des années 1990 tient probablement autant à ses œuvres, picturales puis conceptuelles, qu'à la singularité de sa trajectoire artistique[12].

Dernières années

Entre 1971 et 1974 (les sources divergent[4]), Lozano est expulsée de son loft studio du 60 Grand Street. À partir de cette période, les informations la concernant deviennent contradictoires. Au milieu des années 1970, Lozano – qui souhaite dorénavant être appelée « E »[2] – loge un temps à New York (notamment avec le peintre Gerry Morehead au 179 Stanton Street[4]). Bien qu'elle reste « très visible dans le centre-ville de New-York[4] », elle a vraisemblablement rompu tout contact d'avec son ancien entourage.

En 1982, E s'installe à Dallas, ville où résident alors ses parents. Sa vie là-bas est en grande partie méconnue. Son père décède en 1988, suivi par sa mère en 1990[5]. Sans revenu important, hormis les éventuelles ventes de ses peintures[5], E semble traverser les années 1990 entre difficultés financières et problèmes de santé.

En 1999, un cancer du col de l'utérus lui est diagnostiqué, tardivement. E s'éteint le de la même année, au Centre de réadaptation de Oak Cliff[13], arrondissement du sud de Dallas. À sa demande, elle est enterrée dans une tombe anonyme, à Grand Prairie, Texas.

Expositions personnelles (sélection)

Expositions collectives (sélection)

Notes et références

  1. (en) Lucy R. Lippard, Six years : The dematerialization of the art object from 1966 to 1972 : a cross-reference book of information on some esthetic boundaries, Berkeley, Los Angeles, Londres, University of California Press, (1re éd. 1973), 272 p. (ISBN 978-0-520-21013-4, lire en ligne)
  2. (en) Bruce Hainley, « On “E” », Frieze, no 102, , pp. 242-247
  3. (en) Jan Logemann, « Container Corporation of America : Introducing European modernism in graphic and corporate design », sur transatlanticperspectives.org, (consulté le )
  4. (en) Sarah Lehrer-Graiwer, Lee Lozano : Dropout Piece, Londres, Afterall Books (éd.), collec. « One Work », , 112 p. (ISBN 978-1-84638-132-4 et 978-1-84638-131-7, lire en ligne)
  5. (en) Moderna Museet, Lee Lozano (Catalogue d'exposition), Ostfildern, Hatje Cantz Verlag, , 272 p. (ISBN 978-3-7757-2567-5 et 978-3-7757-2566-8)
  6. (en) David Reed et Katy Siegel (Entretien), « Making Waves: on the Legacy of Lee Lozano », Artforum, vol. 40, no 2, , pp. 120-127
  7. (en) Peter Eleey, « Lee Lozano », Frieze, no 85, (lire en ligne)
  8. (en) James Rondeau, Lee Lozano/Matrix : 135, Hartford, Wadsworth Atheneum, , 16 p.
    Texte de présentation du catalogue d'exposition
  9. Alexander Koch, « Archiver la disparition », Les archives de la Biennale de Paris, (lire en ligne)
  10. (en) Jennie Waldow, « Constructed Situations : Communicating the Influence of John Cage », sur moma.org,
  11. Gauthier Hermann, Fabrice Reymond et Fabien Vallos (dir.), Art conceptuel : une entologie, Paris, MIX,
  12. (en) Katy Siegel, « Market Index : Lee Lozano », Artforum, vol. 46, no 8, , pp. 330-331 et 392
  13. (en) Robert Wilonsky, « The Dropout Piece », Dallas Observer, (lire en ligne)

Liens externes

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