Lemme de Thue
En arithmétique modulaire, le lemme de Thue établit que tout entier modulo m peut être représenté par une « fraction modulaire » dont le numérateur et le dénominateur sont, en valeur absolue, majorés par la racine carrée de m. La première démonstration, attribuée à Axel Thue[1], utilise le principe des tiroirs[2]. Appliqué à un entier m modulo lequel –1 est un carré (en particulier à un nombre premier m congru à 1 modulo 4) et à un entier a tel que a2 + 1 ≡ 0 mod m, ce lemme fournit une expression de m comme somme de deux carrés premiers entre eux[3].
Énoncé
Soient m > 1 et a deux entiers.
Pour tous réels X et Y tels que,il existe des entiers x et y tels que
Shoup démontre cet énoncé dans le cas particulier où X et Y sont entiers[4], puis l'applique à X = Y = 1 + ⌊√m⌋, pour m non carré[5].
LeVeque préfère appliquer la variante suivante à X = √m[3] : pour tout réel X tel que , il existe des entiers x et y tels que [6]. Cette variante se déduit de l'énoncé ci-dessus, appliqué à un réel suffisamment proche de .
- Remarque
- En général, la solution (x, y) dont ce lemme garantit l'existence n'est pas unique et le rationnel x⁄y lui-même ne l'est pas : par exemple, si m = a2 + 1 et X = Y = a + 1 ≥ 2, on a deux solutions (x, y) = (1, a), (a, –1).
- Sous d'autres hypothèses[7] — incompatibles cependant avec celles du lemme de Thue — l'éventuelle solution est unique.
Théorème de Brauer et Reynolds
Le lemme de Thue se généralise[8] en remplaçant les deux inconnues par s inconnues et la congruence linéaire par le système homogène de r congruences associé à une matrice à coefficients entiers à r lignes et s colonnes :
Si alors, pour tous réels positifs tels que , il existe des entiers tels que [9].
Application aux sommes de deux carrés
Le lemme de Thue permet par exemple de démontrer la proposition suivante, utile dans le théorème des deux carrés[3] :
Si alors il existe des entiers premiers entre eux tels que et .
Réciproquement, si avec et premiers entre eux (donc premiers avec m) alors –1 est le carré modulo m de l'entier défini modulo m par .
Références
- En 1917 ou 1902 :
- (no) A. Thue, « Et bevis for at lignigen A3 + B3 = С3 er remulig i hele fra nul forsk jellige tal A, B og С », Archiv. for Math. og Naturvid, vol. 34, no 15, 1917, selon (en) Alfred Brauer et R. L. Reynolds, « On a theorem of Aubry-Thue », Canad. J. Math., vol. 3, , p. 367-374 (DOI 10.4153/CJM-1951-042-6) et (en) William J. LeVeque (en), Fundamentals of Number Theory, Dover, (1re éd. 1977) (lire en ligne), p. 180 ;
- (no) A. Thue, « Et par antydninger til en taltheoretisk metode », Kra. Vidensk. Selsk. Forh., vol. 7, , p. 57-75, selon (en) Pete L. Clark, « Thue's Lemma and Binary Forms », (DOI 10.1.1.151.636).
- (en) Carl Löndahl, « Lecture on sums of squares », .
- LeVeque 2014, p. 182, aperçu sur Google Livres.
- (en) Victor Shoup, A Computational Introduction to Number Theory and Algebra, CUP, (lire en ligne), p. 43, theorem 2.33.
- Shoup 2005, p. 43, theorem 2.34.
- Dans la version de LeVeque 2014, p. 180 de ce lemme, l'hypothèse pourtant indispensable est remplacée par , et l'hypothèse additionnelle de LeVeque ne suffit pas à garantir la condition supplémentaire qu'il énonce dans sa conclusion.
- Shoup 2005, p. 90.
- Brauer et Reynolds 1951, transcrit dans LeVeque 2014, p. 179, aperçu sur Google Livres.
- Si l'on suppose de plus , on a donc même