Lettre de Jérôme au pape Damase

La Lettre de Jérôme au pape Damase (en latin Epistola Hieronymi ad Damasum papam), aussi appelée Lettre à Damase ou Épitre à Damase, est une lettre de Jérôme de Stridon donnée en réponse au pape Damase lorsque celui-ci le sollicite d’entreprendre une nouvelle traduction latine des quatre Évangiles. Étant donnée son importance, cette lettre écrite vers 383 se trouve en préface à certaines versions latines du Nouveau Testament postérieures au Ve siècle.

Le début de la lettre, dans le Codex Sangallensis

Contexte

De la centaine de lettres de Jérôme de Stridon qui sont conservées, quelques-unes sont adressées à Damase, qui consultait l’érudit homme d'Église sur des questions d’interprétation biblique. Le pape Damase, lui-même homme de grande culture, lui demande une traduction latine des Évangiles selon Matthieu, Marc, Luc et Jean plus fidèle aux documents grecs.

Cette lettre à Damase est la réponse de Jérôme au pape Damase, indiquant notamment accepter d’entreprendre ce travail. Elle daterait des environs de 383 AD. Peu après, Damase meurt et Jérôme se retire comme ermite dans les environs de Bethléem, en Terre sainte. C'est dans à Bethléem qu'il compose la Bible latine connue sous le nom de Vulgate.

Plusieurs manuscrits latins du Nouveau Testament de cette époque l’incluent comme « préface de Saint Jérôme aux quatre évangiles », c'est le cas dans le Codex Sangallensis 48 gréco-latin du IXe siècle, le livre de Durrow et les « évangiles de Lindau ».

Contenu

La lettre est écrite avant que le saint patron des biblistes ne commence son travail de traduction, sans doute effectué de 382 à 405. Dans sa « lettre à Damase », Jérôme admet que les versions latines en circulation montrent de grandes et graves différences. Elles sont presque toutes déficientes et aucune ne pourrait être approuvée. Aussi, le latin s’imposant de plus en plus comme la langue de l’Église d'Occident, un texte révisé et corrigé à partir de bonnes sources (les manuscrits grecs) est souhaitable.

Jérôme explique également pourquoi la séquence des quatre évangiles adoptée par les manuscrits latins anciens (Mathieu, Jean, Luc, Marc) devrait être modifiée et s’aligner sur celle des manuscrits grecs, c'est-à-dire : Matthieu, Marc, Luc, Jean.

Jérôme y souligne également l’importance à accorder aux canons de concordances, œuvre d’Eusèbe de Césarée, et comment les utiliser.

Dans cette lettre-préface à sa traduction des Évangiles adressée à Damase, Jérôme exprime ses doutes à propos de l'accueil que recevra sa révision des quatre Évangiles : « Tu me contrains à faire du travail nouveau sur de l'ancien : tu veux que, une fois les exemplaires des Écritures dispersés dans le monde entier, je siège comme arbitre et que, dans la mesure où ils varient entre eux, je décide quels sont ceux qui s'accordent avec la vérité grecque. […] Qui en effet, qu'il soit instruit ou non, quand il prendra le volume en mains et qu'il verra que ce qu'il y lit diverge du goût de la salive qu'il a senti la première fois, n'éclatera aussitôt en exclamations, s'écriant que je suis un faussaire, un sacrilège, moi qui ose ajouter, changer, corriger quelque chose aux livres anciens ? »[1].

Authenticité

La correspondance entre Jérôme et Damase est peut-être apocryphe[2] : selon Pierre Nautin, spécialiste de la littérature patristique, plusieurs des lettres entre Jérôme et Damase auraient en fait été écrites par Jérôme après la mort de Damase, Jérôme ayant « composé toute cette correspondance après la mort du pape dans une circonstance où il lui était utile de se prévaloir de ses relations avec le pontife défunt »[3]. Du vivant même de Jérôme des lettres faussement attribuées à ce dernier, à son grand dam, étaient en circulation — dont un pseudo-courrier à Damase[4] —, et moins d'un siècle après sa mort, des faussaires forgeaient des lettres apocryphes entre les deux hommes afin de créer une autorité pour leurs travaux, comme Jérôme l'avait lui-même déjà fait avec une certaine finesse[5]. De nombreuses fausses lettres, censées avoir été échangées entre Damase et Jérôme, circulent ensuite au cours à l'époque médiévale[6].

Références

  1. Aline Canellis (dir.) et al. (trad. du latin), Jérôme : Préfaces aux livres de la Bible, Abbevile, Éditions du Cerf, coll. « Sources Chrétiennes » (no 592), , 530 p. (ISBN 978-2-204-12618-2), « Préface du saint prêtre Jérôme sur l'Évangile », p. 471-473
  2. Régis Burnet, Le Nouveau Testament : « Que sais-je ? » n° 1231, Presses Universitaires de France, , 128 p. (ISBN 978-2-13-063444-7, lire en ligne), pt73
  3. Pierre Nautin, « Le premier échange épistolaire entre Jérôme et Damase : lettres réelles ou fictives ? », Revue philosophique et théologique de Fribourg, no 30, , p. 331
  4. Jean-Louis Maier, Le dossier du donatisme, Berlin, Akademie Verlag, , 462 p. (ISBN 978-3-05-000316-0, lire en ligne), p. 98
  5. (en) Andrew Cain, The Letters of Jerome : Asceticism, Biblical Exegesis, and the Construction of Christian Authority in Late Antiquity, Oxford University Press, , 304 p. (ISBN 978-0-19-156841-1, lire en ligne), p. 67
  6. voir par ex. P. Blanchard, « La correspondance apocryphe du pape S. Damase et de S. Jérôme », Ephemerides liturgicae, Città del Vaticano, vol. LXIII, , p. 376–883, cité par Andrew Cain, op. cit., 2009, p. 67

Liens externes

Éditions

  • Aline Canellis (dir.) et al. (trad. du latin), Jérôme : Préfaces aux livres de la Bible, Abbevile, Éditions du Cerf, coll. « Sources Chrétiennes » (no 592), , 530 p. (ISBN 978-2-204-12618-2), p. 470-81
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