Loi du retour
La loi du retour (חוֹק השְבוּת, Khoq Ha-Shvout), votée le [1] par la Knesset, garantit à tout Juif (ainsi qu'à son éventuelle famille non juive) le droit d'immigrer en Israël.
Un visa d’immigrant sera délivré à tout Juif qui aura exprimé le désir de s’établir en Israël, à moins que le ministre de l’Intérieur soit convaincu que le candidat mène des activités dirigées contre le peuple juif, risque de porter atteinte à la salubrité publique ou à la sécurité de l’État ou encore a un passé criminel susceptible de mettre en danger le bien-être public.
Un Juif qui vient en Israël et manifeste ensuite le désir de s’établir peut, alors qu’il se trouve encore en Israël, recevoir un certificat d’immigrant, sauf si les exceptions déjà énumérées s'appliquent en l'espèce.
Tout Juif qui a immigré dans ce pays avant l’entrée en vigueur de cette loi, et tout Juif né dans ce pays que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur de cette loi, est dans la même situation que celui qui a immigré aux termes de cette loi.
Les droits d’un Juif aux termes de cette loi, les droits d’un immigrant selon la loi sur la nationalité de 1952, et les droits d’un immigrant aux termes de toute autre loi sont aussi accordés aux enfants et petits-enfants d’un Juif, à son conjoint et au conjoint d’un enfant ou d’un petit-enfant d’un Juif — à l’exception d’une personne qui était juive et a, de sa propre volonté, changé de religion. La loi s'applique, que le Juif par l’intermédiaire duquel un droit est invoqué soit toujours en vie ou non, qu’il ait immigré en Israël ou non.
Enfin, pour les besoins de cette loi, un Juif désigne une personne née d’une mère juive ou convertie au judaïsme et qui ne pratique pas une autre religion. Le ministre de l’Intérieur est chargé de l’application de cette loi et pourra prendre toute ordonnance pour son application et pour l’octroi de visas et de certificats d’immigration aux mineurs jusqu’à l’âge de 18 ans.
Contenu de la loi
La loi du retour autorise (sauf exception, cf. art. 2.b.1 et 2) tout juif, ou membre de sa famille, à immigrer en Israël.
La loi exprime ainsi juridiquement l'objectif sioniste du « (en) rassemblement des exilés » (hébreu : קיבוץ גלויות, Kibbutz Galuyot ; biblique : Qibbuṣ Galuyoth ), litt. « Rassemblement des exilés » ou « de la diaspora juive ») au sein de l'État juif, objectif issu la promesse biblique de Deutéronome 30:1-5 donnée notamment par Moïse aux enfants d'Israël[2] avant leur entrée en Terre d'Israël et rappelé dans la déclaration d'indépendance de l'État d'Israël : « L'État d'Israël sera ouvert à l'immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés ».
Cette loi a été complétée par la loi sur la nationalité de 1952.
Texte de la loi
Première version
Voici le texte de la loi adopté en 1950 (traduction non officielle) :
« 1. Tout Juif a le droit d’immigrer en Israël.
2. a) L’immigration se fera avec un visa d’immigrant.
2. b) Un visa d’immigrant sera délivré à tout Juif qui aura exprimé le désir de s’établir en Israël, à moins que le ministre de l'immigration soit convaincu que le candidat :
- 1) mène des activités dirigées contre le peuple juif ; ou
- 2) risque de porter atteinte à la salubrité publique ou à la sécurité de l’État.
3. a) Un Juif qui vient en Israël et manifeste ensuite le désir de s’établir peut, alors qu’il se trouve encore en Israël, recevoir un certificat d’immigrant.
3. b) Les exceptions précisées au paragraphe 2. b) s’appliqueront également à la délivrance d’un certificat d’immigrant, mais une personne ne sera pas considérée comme mettant en danger la santé publique du fait d’une maladie contractée après son arrivée en Israël.4. Tout Juif qui a immigré dans ce pays avant l’entrée en vigueur de cette loi, et tout Juif né dans ce pays que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur de cette loi, sera considérée être une personne venue dans ce pays au terme de cette loi.
5. Le ministre de l’Intérieur est chargé de l’application de cette loi et pourra prendre toute ordonnance pour son application et pour l’octroi de visas et de certificats d’immigration aux mineurs jusqu’à l’âge de 18 ans[3]. »
Amendements
- En 1954, le terme « ministre de l'Immigration » a été remplacé par « ministre de l'Intérieur[4] ».
Surtout, une nouvelle exception au droit d'immigrer en Israël a été posée : ne pourra immigrer un juif qui « a un passé criminel susceptible de mettre en danger le bien-être public[4] ». L'objectif était en particulier d'éviter de voir Israël servir de refuge à des criminels d'autres pays tentant d'échapper à la justice.
- En 1970, la loi du retour est étendue « aux enfants et petits-enfants d’un Juif, à son conjoint et au conjoint d’un enfant ou d’un petit-enfant d’un Juif ».
Surtout une définition de qui est Juif est donnée dans le texte : Un « Juif » doit avoir une mère juive ou être Juif par la voie de la conversion. Pour limiter le nombre de conflits entre le ministère et les nouveaux immigrants sur la question de savoir qui est Juif, il a été expressément prévu dans l'amendement de 1970 : « les règlements pour l'application des sections 4A et 4B [ceux qui définissent les bénéficiaires de la loi du retour] exigent l'approbation du comité sur la constitution, la législation et les affaires juridiques de la Knesset ».
Version actuellement en vigueur
Le texte de la loi est celui en vigueur en 2006 (traduction non officielle) :
« 1. Tout Juif a le droit d’immigrer en Israël.
2. a) L’immigration se fera avec un visa d’immigrant.
2. b) Un visa d’immigrant sera délivré à tout Juif qui aura exprimé le désir de s’établir en Israël, à moins que le ministre de l'Intérieur soit convaincu que le candidat :
- 1) mène des activités dirigées contre le peuple juif ; ou
- 2) risque de porter atteinte à la salubrité publique ou à la sécurité de l’État ; ou
- 3) a un passé criminel susceptible de mettre en danger le bien-être public.
3. a) Un Juif qui vient en Israël et manifeste ensuite le désir de s’établir peut, alors qu’il se trouve encore en Israël, recevoir un certificat d’immigrant.
3. b) Les exceptions précisées au paragraphe 2. b) s’appliqueront également à la délivrance d’un certificat d’immigrant, mais une personne ne sera pas considérée comme mettant en danger la santé publique du fait d’une maladie contractée après son arrivée en Israël.4.A Tout Juif qui a immigré dans ce pays avant l’entrée en vigueur de cette loi, et tout Juif né dans ce pays que ce soit avant ou après l’entrée en vigueur de cette loi, sera considérée être une personne venue dans ce pays au terme de cette loi.
4.A
- a) Les droits d’un Juif aux termes de cette loi, les droits d’un immigrant selon la loi sur la nationalité de 1952, et les droits d’un immigrant aux termes de toute autre loi sont aussi accordés aux enfants et petits-enfants d’un Juif, à son conjoint et au conjoint d’un enfant ou d’un petit-enfant d’un Juif — à l’exception d’une personne qui était juive et a, de sa propre volonté, changé de religion.
- b) Il sera sans importance que le Juif par l’intermédiaire duquel un droit est invoqué aux termes du sous-paragraphe a) soit toujours ou ne soit plus en vie, ou qu’il ait ou non immigré en Israël.
- c) Les exceptions et les conditions appliquées à un Juif ou à un immigrant aux termes ou en vertu de cette loi ou de la législation mentionnée dans le sous-paragraphe a) s’appliqueront également à une personne demandant à bénéficier de l’un des droits mentionnés au sous-paragraphe a).
4.B Pour les besoins de cette loi, « un Juif » désigne une personne née d’une mère juive ou convertie au judaïsme et qui n'est pas membre d'une autre religion.
5. Le ministre de l’Intérieur est chargé de l’application de cette loi et pourra prendre toute ordonnance pour son application et pour l’octroi de visas et de certificats d’immigration aux mineurs jusqu’à l’âge de 18 ans. Les règlements pour l'application des sections 4A et 4B exigent l'approbation du comité sur la constitution, la législation et les affaires juridiques de la Knesset. »
Problèmes d'application
Les conversions
La loi ne précise pas qui a autorité pour effectuer des conversions. À ce titre, les conversions effectuées par les rabbins relevant du judaïsme réformé sont acceptées. Les Juifs orthodoxes, et plus encore les ultra-orthodoxes ont constamment demandé sans succès que leur soient réservées les conversions. Des personnes reconnues comme juives par la loi du retour (les personnes converties par les rabbins réformés) sont donc reconnues comme juives par l'État, mais pas par le rabbinat orthodoxe.
La « mère juive »
La loi ne précise pas non plus clairement ce qu'est une « mère juive ». L'État juif accepte ainsi comme Juifs les membres de certaines communautés religieuses que les rabbins orthodoxes n'acceptent pas à la majorité (comme les karaïtes et les Samaritains). En 1992, il a même été envisagé de retirer aux Samaritains le bénéfice de la loi du retour, sous la pression du Shass, un parti religieux ultra-orthodoxe. Mais la Cour suprême israélienne a confirmé en 1994 leur statut officiel de Juifs. Certains groupes de haredim (ultra-orthodoxes) rejettent même la judaïté des falashas d'Éthiopie, alors même que l'État et la majorité des orthodoxes les acceptent tels quels .
Ces débats ne sont pas que théoriques : la loi donne au ministre de l'intérieur le pouvoir de mettre en œuvre la loi du retour. Or, certains ministres ont été membres de partis religieux orthodoxes, et ont donc refusé certains immigrants, entraînant des recours devant les tribunaux. La jurisprudence de la Cour suprême est restée en permanence favorable à une interprétation souple de la loi, refusant l'interprétation religieuse qu'en font les orthodoxes. L'amendement de 1970 prévoit que « les règlements pour l'application des sections 4A et 4B exigent l'approbation du comité sur la constitution, la législation et les affaires juridiques de la Knesset », ce qui vise à limiter les conflits.
Les couples LGBT
Auparavant exclusivement réservée aux couples hétérosexuels, la législation israélienne est en évolution, permettant l'inclusion progressive des couples de même sexe. C'est en ce sens que le , entre en vigueur l'évolution de la loi du retour israélienne, précisant : « Le conjoint du même sexe d’une personne éligible à la loi du retour et qui ne vit pas en Israël pourra aussi devenir israélien »[5]. Ainsi, le conjoint non juif des homosexuels juifs israéliens peut disposer lui aussi du droit au retour.
Autres lois du retour
L'Allemagne a une loi, édictée en 1943, permettant l'immigration et l'attribution de la nationalité aux membres des minorités allemandes d'Europe orientale.
L'Arménie a aussi une telle loi, au bénéfice des membres de la diaspora arménienne.
La Grèce possède aussi une telle législation pour les Grecs Micrasiates.
La France d'Ancien Régime permettait aux ressortissants des provinces perdues de venir habiter en France et d'y être assimilé à des naturels français, par opposition aux étrangers ou aubains, sur simple reconnaissance. Cette clause jouait pour les ressortissants du comté de Flandre ainsi que pour ceux du duché de Milan. Les Acadiens puis les Canadiens, bénéficièrent du même traitement dans les décennies qui suivirent les traités d'Utrecht de 1713 et de Paris de 1763.
En France, sous la Ve République, la constitution d'une loi du retour a été envisagée pour les Canadiens français du fait de la rémanence de la nationalité française dont ils sont réputés être porteurs[6],[7]. Une première loi, du , les distinguait des étrangers et leur offrait une dispense de stage pour demander la nationalité française s'ils s'installaient en France. Cet article a disparu du fait de la loi immigration-intégration de 2006.
Un projet, constitué en 1967 dans le contexte de la crise franco-canadienne relative au statut du Québec, affirmait les bases de l'intervention française dans les affaires canadiennes en faveur du Québec au nom de la solidarité nationale. Le texte fut rédigé par Bernard Dorin, alors conseiller diplomatique d'Alain Peyrefitte, et posa la question de son extension à d'autres descendants de Français arrachés à la France par les vicissitudes de l'histoire, ex. : Maurice, Seychelles, Louisiane. Le projet, laissé inachevé par le départ du général de Gaulle après le référendum d', est ressorti en 1976 avant que Valéry Giscard d'Estaing et son homologue québécois René Lévesque renoncent à ce projet assimilant en puissance les Canadiens français à des nationaux français.
En Espagne, une loi adoptée en permet sous certaines conditions l'attribution de la nationalité espagnole aux descendants des Juifs expulsés d'Espagne en 1492[8].
Dans les territoires palestiniens, le Droit au retour des réfugiés palestiniens adopté dans la résolution 194 de l'Assemblée générale des Nations unies concernant les réfugiés palestiniens (estimés à 700 000[9]) à la suite de l'Exode palestinien de 1948 qui se produisit pendant la guerre israélo-arabe de 1948, ainsi que de leurs descendants (estimés à 6 millions en 2017[10]) dans les territoires palestiniens et les pays voisins (Jordanie, Liban et Syrie). Cette résolution 194 adoptée le par l'Assemblée générale des Nations-Unies « décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible ».
Notes et références
- (en)Text of Law return
- 1. Et ce sera, lorsque toutes ces choses arriveront sur vous, la bénédiction et la malédiction que je vous ai présentées que vous considérerez dans votre cœur, parmi toutes les nations où le Seigneur votre Dieu vous a bannis, 2. et vous reviendra au Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre âme, et vous écouterez sa voix selon tout ce que je vous commande aujourd'hui à vous et vos enfants, 3. alors, le Seigneur, votre Dieu, ramènera vos exilés, et Il aura pitié de vous. Il vous rassemblera à nouveau de toutes les nations, là où le Seigneur, votre Dieu, vous avait dispersés. 4. Même si vos exilés sont à la fin des cieux, le Seigneur, votre Dieu, vous rassemblera de là, et Il vous y prendra. 5. Et le Seigneur, votre Dieu, vous amènera au pays que possédaient vos ancêtres, et vous en prendrez possession, et Il vous fera du bien, et Il vous rendra plus nombreux que vos ancêtres.
- D'après la version anglaise sur le site de la Knesset [lire en ligne].
- Voir la page en anglais sur le site de la Knesset [lire en ligne].
- « Les conjoints non juifs d'homos juifs israéliens pourront obtenir la nationalité », Libération.
- André Peyrefittes, De Gaulle et le Québec.
- Édouard Baraton, De Gaulle ou l'hypothèque française sur le Canada, Paris, Harmattan, , 220p. (ISBN 978-2-343-01884-3, lire en ligne).
- « Cinq siècles après l’Inquisition : la loi du retour en Espagne », sur Tribune juive,
- Exode palestinien de 1948
- Bénéficiaires de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA)
Bibliographie
- Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Paris, Fayard, 2008 (Flammarion, Champs essais, 2010, 606 p.)
manque de sources (et de neutralité)