Crise haïtienne de 2019-2022
Des manifestations se déroulent dans les villes d'Haïti depuis le pour demander la démission du président d'Haïti Jovenel Moïse. Les manifestants déclarent que leur objectif est de former un gouvernement de transition chargé de fournir des programmes sociaux et de poursuivre en justice des responsables présumés corrompus[1],[2].
Date |
Depuis le (3 ans, 6 mois et 16 jours) |
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Partisans de Jovenel Moïse
| Partisans de Joseph Mécène Jean-Louis
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Le 7 février 2021, les partis de l'opposition et la société civile, déclarant l'expiration du mandat du président Moïse, désignent Joseph Mécène Jean-Louis, membre de la Cour de cassation, comme président provisoire afin d'assurer une période de transition pour remplacer le gouvernement et le président Moïse. La crise culmine avec l'assassinat de Jovenel Moïse le 7 juillet 2021, à Pétion-Ville[3]. L'état de siège est alors déclaré par le Premier ministre par intérim Claude Joseph, nouveau président intérimaire de facto[4].
Contexte
Situation politique
Après la fin du mandat de Michel Martelly, le , Jocelerme Privert est élu président provisoire de la République d'Haïti par le Sénat de la République et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale le suivant au deuxième tour du scrutin[5]. Son mandat est limité à cent vingt jours, selon les termes d’un accord signé quelques heures avant la fin du mandat du président Martelly[6]. Il démissionne dans la foulée de son siège de sénateur et de président du Sénat[6].
En avril, le second tour du scrutin présidentiel est reporté à une date inconnue[7], puis, le 31 mai, la commission électorale préconise d'organiser un nouveau premier tour[8], tandis que le mandat de Privert prendra fin le [8]. Le , la présidentielle est officiellement annulée par le président du Conseil électoral provisoire, provoquant un nouveau scrutin[9]. Le , le Parlement constate la fin du mandat présidentiel[10]. Trois jours plus tard, lors d'un entretien à l'AFP, il annonce qu'il resterait en poste jusqu'à ce que le Parlement prenne une décision[11]. Néanmoins, l'Entente démocratique, coalition d'opposition dirigée par l'ancien Premier ministre Evans Paul, appelle à son départ[12]. Une séance de l'Assemblée nationale est prévue pour le 21 juin pour décider de la prorogation ou non de son mandat[13]. Cette séance est reportée à une date indéterminée, après des manifestations pro-Privert[14]. Une nouvelle séance se tient le mais ne débouche sur aucun résultat[15].
Le , Jovenel Moïse est élu président de la République[16]. Le , Jocelerme Privert quitte ses fonctions et transmet le pouvoir au président élu[17].
Les élections législatives, normalement prévues pour 2018, ont constamment été repoussées. Cette situation permet au président de renforcer ses propres pouvoirs. Depuis janvier 2020, Jovenel Moïse décide de gouverner par décret[18].
Corruption et problèmes sociaux
Les manifestations ont commencé à la suite de rapports de tribunaux selon lesquels de hauts responsables du gouvernement haïtien auraient utilisé frauduleusement jusqu'à 3,8 milliards de dollars d'emprunts du programme vénézuélien Petrocaribe et que le président Jovenel Moïse serait impliqué dans des affaires de corruption (de même que quinze anciens ministres et hauts fonctionnaires, dont deux ex-chefs du gouvernement) [19],[20],[21]. Des entreprises de Jovenel Moïse sont épinglées comme étant « au cœur d’un stratagème de détournement de fonds[22] ».
Les problèmes économiques, notamment l'augmentation du coût de la vie, ont également alimenté les manifestations dans le pays[20]. Près d’un quart de la population est affectée par l'insécurité alimentaire et la situation sanitaire tend à se détériorer en raison de la pénurie d’essence, rendant les hôpitaux de moins en moins opérationnels[23].
D'autre part, inspirée par le Fonds monétaire international (FMI), une hausse allant jusqu’à 50 % des prix des carburants contribue à la colère de la population. La mesure est qualifiée d’« irresponsable et inopportune » et de « mépris total de la population » par l’économiste Camille Chalmers, secrétaire exécutif de la Plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif[24].
Déroulement
Appels à manifester
L’opposition est principalement dirigée par Jean-Charles Moïse[1], chef du parti Platfom Pitit Desalin. Le président Moïse a appelé l'opposition à participer à un dialogue pacifique[20]. La police nationale a déclaré qu'il y avait des « individus malveillants » qui avaient interrompu des manifestations pacifiques dans le pays[25]. L'opposition a décliné les offres de dialogue du président et exigé sa démission[20], puis a organisé une grève générale dans l'ensemble du pays pour le contraindre à démissionner de ses fonctions[26]. Jean-Charles Moïse et les députés de l'opposition ont appelé à un gouvernement de transition pour remplacer Jovenel Moïse. Le chef de l'opposition a déclaré: « Si Jovenel Moïse ne veut pas quitter le pouvoir, nous allons nommer un président par intérim dans les prochains jours »[1],[2]. Six militants du parti ont été assassinés[27].
Après les premiers mois de manifestations, les autres partis d'opposition se dressent contre la politique du président. L'ancien président du Sénat, Youri Latortue, président du parti Haïti en Action, accuse l'exécutif de corruption et tentative d'intimidation envers des membres de son parti et appel à rejoindre les manifestations. Le parti Inite demande quant à lui la tenue de nouvelles élections générales avant la fin d'année 2019.
Manifestations de 2019
La majorité des manifestants sont issus des quartiers les plus pauvres. Marc-Arthur Fils-Aimé, directeur général de l’Institut culturel Karl-Lévêque, déclare : « Les revendications se sont radicalisées à un point tel qu’elles ont pris l’allure d’une lutte de classe. Les luttes conjoncturelles se sont superposées à des luttes structurelles. Il est presque impossible de bien cerner le contour des actuelles perturbations si on les sépare de la charpente socio-économique et culturelle du pays où les élites exportatrices ont prospéré au point de réduire l’île à l’état de néo-colonie[28]. »
Le premier jour des manifestations, les manifestants ont pris pour cibles les véhicules de luxe de riches Haïtiens, les endommageant[20]. Le lendemain, le , les maires de certaines villes ont annoncé l'annulation des manifestations précédant le Carnaval d'Haïti[20]. Les manifestations du ont donné lieu à de nouveaux affrontements avec la police. Des manifestants ont jeté des pierres sur la maison du président Moïse après que des membres des forces de sécurité de l'un de ses alliés eurent frappé la voiture d'une femme et commencé à la battre[29].
Le , les manifestants ont incendié un marché populaire, pillé plusieurs magasins et participé à une évasion de prison entraînant la libération de tous ses prisonniers[19],[26]. Le bâtiment abritant les consulats généraux d'Italie et du Pérou a également été pillés par les manifestants[21],[30]
Le , le président Moïse s'est adressé au pays, affirmant qu'il ne se retirerait pas, déclarant : « Moi, Jovenel Moïse, chef de l’État, je ne donnerai pas le pays aux gangs armés et aux trafiquants de drogue »[31].
Le , les manifestations reprennent et font deux morts[32].
Du à début octobre, au moins 17 personnes sont tuées et près de 200 blessées par balles et armes blanches, d'après le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), qui indique : « Les autorités actuelles, depuis leur avènement au pouvoir, bafouent les acquis démocratiques du peuple haïtien et violent systématiquement ses droits. Elles n’ont jamais pris au sérieux les différents mouvements de protestation réalisés dans le pays depuis par une population en proie à tous les maux et qui réclame la jouissance de ses droits civils, économiques, politiques et sociaux[28]. »
Le 2019, après deux jours de discussions parfois houleuses dans un hôtel de la capitale, les opposants se sont accordés pour choisir son successeur parmi les juges de la Cour de cassation et le prochain Premier ministre au sein des partis de l'opposition[33].
Quelque deux millions de personnes, sur une population totale de onze millions d'habitants, auraient pris part aux manifestations[réf. nécessaire]>.
Année 2020
La pandémie de Covid-19 interrompt le mouvement de protestation pendant plusieurs mois[réf. souhaitée].
Année 2021 et assassinat de Jovenel Moïse
Il existe une ambiguïté sur la date de fin de mandat de Jovenel Moïse. Alors que ce dernier estime, qu'étant élu en 2016 et ayant pris ses fonctions le 7 février de l'année suivante, que son mandat se termine le 7 février 2022, l'opposition et des secteurs de la société civile estiment que son mandat prend fin le 7 février 2021[34]. Le 7 février 2021, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire déclare la fin du mandat présidentiel. Le jour même, le gouvernement annonce avoir déjoué une tentative de putsch[35]. Le lendemain, l'opposition annonce nommer le juge Joseph Mécène Jean-Louis comme président par intérim pour une période de transition de deux ans, et la rédaction durant la période d'une nouvelle Constitution consensuelle dans le cadre d'une conférence nationale[36].
Les institutions, paralysées faute d'élections, sont incapables d'ébaucher un plan de sortie de crise. Le Conseil constitutionnel n’existe qu’en théorie. Le Sénat, autorisé par la loi pour dénouer ce genre de situation, se trouve dans l’incapacité de réagir. Du fait de l'absence d’élections pour renouveler sa composition, seul un tiers des sénateurs y siège encore. De même, l'Assemblée nationale ne siège plus depuis janvier faute de législatives[37].
En réaction, Jovenel Moïse décide de mettre à la retraite les trois juges dissidents Yveckel Dieujuste Dabresil, Wendelle Coq Thelot, ainsi que Joseph Mécène Jean-Louis. Pourtant, en vertu de la Constitution, ceux-ci sont inamovibles[38].
Le 10 février, la police disperse une manifestation de l'opposition[39].
Jovenel Moïse renvoie en avril son Premier ministre Joseph Jouthe et le remplace par Claude Joseph, précédemment à la tête des Affaires étrangères. Ce dernier est le sixième Premier ministre nommé en quatre ans[40].
La crise culmine avec l'assassinat du président Jovenel Moïse le matin du 7 juillet 2021, à Pétion-Ville[3]. L'état de siège est alors déclaré par le Premier ministre intérimaire Claude Joseph[4].
La dissolution le 27 septembre 2021 du Conseil électoral provisoire par le Premier ministre Ariel Henry reporte de facto sine die les scrutins prévus en 2021[41].
Année 2022
Alors que l'opposition tente de le remplacer par un exécutif et un gouvernement provisoire d'ici le 7 février 2022, date prévue pour la fin du mandat du président Jovenel Moïse, les États-Unis estiment qu'Ariel Henry peut se maintenir au pouvoir jusqu'à la tenue de nouvelles élections[42]. En janvier 2022, l'ancien Premier ministre Fritz Jean présente sa candidature à la présidence de la République au Conseil de transition, institué par des partis d’opposition lors de la signature des accords de Montana. À la suite de cette consultation, Fritz Jean est élu président de la République et Steven Benoît au poste de Premier ministre[43]. Ariel Henry refuse de quitter le pouvoir, estimant que son mandat est d'organiser de nouvelles élections[44]. Le président du Sénat Joseph Lambert estime que le mandat du gouvernement prend fin le 7 février, et qu'au delà de cette date, il ne devrait qu'expédier les affaires courantes jusqu'à la tenue d'une concertation nationale[45]. Les journées du 7 et 8 février sont finalement calmes et se déroulent sans incident[46].
Médias
Selon le Comité pour la protection des journalistes, certains reporters ont été pris pour cibles par les manifestants[25]. Un journaliste de Reuters, Robenson Sanon, a été blessé lors des manifestations, mais pense que c'était une coïncidence, car il avait été pris entre deux affrontements[25]. Un journaliste est blessé le par des éclats de balle lorsqu'un sénateur du parti au pouvoir fait feu (vers le ciel) pour disperser des manifestants rassemblés devant le Sénat[47].
Réactions internationales
Les États-Unis appellent au retour au calme et félicitent les forces de police[24].
L'Union européenne semble maintenir son soutien au président Jovenel Moïse, bien que moins ouvertement que les États-Unis. Le 2019, Jovenel Moïse accueille la nomination de la nouvelle ambassadrice de l’UE en Haïti comme « un acte de raffermissement des relations déjà excellentes entre Haïti et l’Union européenne »[23].
En 2021, alors que les manifestations reprennent contre le pouvoir, les États-Unis réaffirment leur soutien à Jovenel Moïse tandis que l'Union européenne reste silencieuse sur la crise haïtienne[48].
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 2019 Haitian protests » (voir la liste des auteurs).
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