María Manuela Kirkpatrick
María Manuela Kirkpatrick de Closeburn et de Grévignée, comtesse consorte de Montijo, née le à Málaga et morte le à Carabanchel (Espagne) est une aristocrate espagnole, Camarera mayor de Palacio de la reine Isabelle II. Entre autres titres nobiliaires, elle possède la dignité de grande d'Espagne, par son mariage avec Cipriano Portocarrero. Elle est la mère d'Eugénie de Montijo, impératrice des français. La comtesse de Montijo a occupé une position exceptionnelle dans le grand monde de son époque, non seulement à Madrid, mais aussi à Paris, à Londres et partout où elle a vécu.
Camarera mayor de palacio Isabelle II d'Espagne | |
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- |
Count of Montijo (en) |
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Naissance | |
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Décès |
(à 85 ans) Carabanchel |
Sépulture | |
Nom de naissance |
María Manuela Enriqueta Kirkpatrick y de Grévignée |
Nationalité | |
Activité |
Courtisane |
Père |
William Kirkpatrick (d) |
Mère |
Dona Marie Françoise de Grevigné-Gallegos (d) |
Conjoint | |
Enfants |
Eugénie de Montijo María Francisca Palafox Portocarrero y KirkPatrick Francisco Portocarrero-Palafox y Kirkpatrick de Closeburn (d) |
Don |
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Origines familiales
María Manuela Kirkpatrick naît à Malaga le 24 février 1794. Elle est la fille de Guillermo Kirkpatrick y Wilson (1764-1837)[1],[2], un noble écossais qui s'est exilé en Espagne dans sa jeunesse à cause de sa foi catholique et de son allégeance jacobite, ainsi que de la malaguène María Francisca de Grévignée y Gallegos, appelée familièrement Fanny, d'origine wallone et également noble. Son père s'est installé à Jerez de la Frontera, où il connait le succès dans le commerce du vin ; il s'installe ensuite à Malaga, où en plus de ses activités commerciales il obtient un poste de consul des États-Unis. C'est dans cette ville qu'il épouse la fille de son partenaire, le baron Henri de Grévignée (ou Grivegnée de Housse), un marchand liégeois établi à Malaga[3].
María Manuela Kirkpatrick reçoit une éducation très francophile. Pendant son adolescence et sa jeunesse, elle se rend souvent à Paris, où elle séjourne chez sa tante Catherine, la sœur de sa mère, qui est mariée au diplomate français Mathieu de Lesseps. Il s'agit des parents de son cousin germain Ferdinand (1805-1894 ; frère aîné de Jules), de onze ans son cadet et futur vicomte de Lesseps, qui, dans les années 1830 (sous la Monarchie de Juillet) et surtout vers 1849 (sous la Seconde République), est chargé de l'introduire dans les plus hautes sphères de la société parisienne.
Mariage et filles
Pendant un séjour à Paris en 1816, dans la maison des Lesseps, María Manuela Kirkpatrick rencontre l'espagnol Cipriano de Palafox y Portocarrero, comte de Teba, qu'elle épouse l'année suivante[3]. Il est le fils de l'illustre María Francisca de Sales Portocarrero de Guzmán y Zúñiga (es), 6e comtesse de Montijo et 16e comtesse de Teba, et du lieutenant général Felipe Antonio de Palafox y Croy, son premier mari, fils à son tour des marquis d'Ariza.
Cipriano (1785-1839) est un militaire de plus de trente ans - dix ans de plus qu'elle - borgne et boiteux. Libéral exalté (es), francophile et franc-maçon, il a combattu du côté français pendant la guerre d'indépendance espagnole, recevant des blessures qui lui ont laissé ces séquelles. En 1812, il accompagne le détrôné Joseph Bonaparte en exil en France, puis continue à servir Napoléon dans ses campagnes.
Le 15 décembre 1817, María Manuela Kirkpatrick et Cipriano de Guzmán se marient à Malaga, après que ce dernier ait obtenu du roi Ferdinand VII une grâce qui lui permet de rentrer en Espagne[3],[4].
À cette époque, Cipriano porte le nom de Guzmán et le titre de comte de Teba car il n'est que le deuxième fils de la maison de Montijo. Mais en 1834, à la mort de son frère Eugenio, il reçoit le titre de comte de Montijo et Miranda, duc de Peñaranda de Duero, marquis de La Algaba, et prend le nom patronymique de Portocarrero[3],[4].
Le couple s'installe dans un premier temps à Málaga, puis à Grenade, où naissent ses deux filles[5]:
- María Francisca de Sales Portocarrero, comtesse de Montijo, (dite Paca Alba, 1825-1860) qui a épousé Jacobo Fitz-James Stuart et Ventimiglia (es), duc d'Albe.
- María Eugenia de Guzmán, comtesse de Teba, (Eugenie de Montijo, 1826-1920), impératrice des français par son mariage avec Napoléon III.
Paris
Au début des années 1830, le comte de Teba est impliqué dans une conspiration contre Fernando VII : il est incarcéré brièvement puis assigné à résidence à Grenade, sous surveillance policière. À la suite de cela, Manuela part à Paris avec ses filles « pour compléter l'éducation des enfants »[3]. Prosper Mérimée, rencontré en Espagne en 1830, les introduit dans la bonne société[6]. Mérimée est en effet un bon ami de María Manuela Kirkpatrick et ses filles, et s'intéresse à leur éducation. D'après ses propres déclarations, l'intrigue de son roman Carmen lui a été suggérée par la comtesse. Cette anecdote a conduit certaines sources à supposer, à tort, que la personnalité de Carmen était inspirée de celle de la comtesse[7]. María Manuela Kirkpatrick a également fourni à Mérimée de la documentation sur Don Pèdre Ier[6],[7]. Leur amitié amène certains à soupçonner une liaison entre eux[6], ce que Mérimée dément : « Je vous mènerai un jour chez une excellente femme de ce pays qui vous plaira par son esprit et son naturel. C'est une admirable amie, mais il n'a jamais été question de chair entre nous. Elle est un type très complet et très beau de la femme d’Andalousie, autrefois comtesse de Téba don je vous ai souvent parlé. » (Lettre à Léonce de Lavergne, 23 janvier 1835)[8].
La mort du roi en 1833 et la régence de Marie-Christine de Bourbon-Siciles soulage considérablement la situation du comte, qui est réhabilité devant la cour. En 1834, Eugenio Portocarrero, son frère aîné, meurt sans enfant, et le comte hérite de ses titres et de sa fortune. Une nouvelle vie commence pour lui avec un nouveau nom : Cipriano Portocarrero, comte de Montijo. Il part vivre à Madrid où il est nommé Prócer del Reino (es). Cependant, sa femme n'est pas avec lui. La comtesse de Teba, devenue comtesse de Montijo, reste à Paris[4].
Elle y fréquente des hommes de lettres tels que Henri Beyle (Stendhal) et Prosper Mérimée. Au cours de ces années, elle cultive également l'amitié du jeune diplomate anglais George Villiers, ambassadeur en Espagne depuis 1833, et plus tard secrétaire du Foreign Office. María Manuela Kirkpatrick et ses filles lui rendent visite à Londres pendant la saison 1837. Cette amitié a suscité des rumeurs de relation adultère entre la comtesse et Villiers, un célibataire de six ans son cadet[9].
Madrid
La santé de son époux la rappelle à Madrid en . Ses premières lettres à Mérimée datent de cette période[6]. Après le décès de son mari, la comtesse veuve de Montijo retourne à Paris. Mais la correspondance entre « ces deux solitaires mondains » se ritualise et perdurera jusqu'au décès de Mérimée[6].
Vers , alors que ses filles ont environ 18 et 17 ans, elle revient à Madrid, se consacrant à une vie sociale intense et brillante, ne lésinant sur aucune dépense, dans le but évident de les « bien marier[10]. La Comtesse de Montijo devient une figure importante de la vie mondaine de la cour d'Isabelle II, réunissant la crème de l'aristocratie et de la gentry lors de bals, concerts et réunions qu'elle organise souvent dans son palais de la Plaza del Ángel à Madrid et dans sa maison de campagne de Carabanchel, où elle fait même construire un théâtre[3],[11]. Le journal El Imparcial, au lendemain de sa mort, a souligné ce que son salon représentait pour Madrid à l'époque[10] :
« Son nom illustre est lié à celui de toute une génération qui disparaît aujourd'hui, laissant derrière elle des souvenirs glorieux et ineffaçables. Ventura de la Vega, le Duc de Rivas, Alcalá Galiano, Martínez de la Rosa, Joaquín María López, Juan Nicasio Gallego, le duc de Frías, tout cet éclat de poètes, d'orateurs et d'artistes qui trouvèrent un foyer d'intelligence et de bon goût dans le salon de la comtesse de Montijo, sont depuis longtemps partis dans la tombe. Elle seule est restée comme un rappel de cette époque où l'esprit brillait si fort. Les portes de sa maison étaient toujours ouvertes aux mérites et aux talents ; son aide charitable aux malheureux ne manquait jamais. Les hommes les plus distingués de la politique, de la littérature, des arts et des armes d'Espagne sont passés par ses salons, qui ont eu une telle influence sur la vie sociale de notre pays, répandant parmi les classes supérieures le culte des beaux-arts. »
Service palatial
María Manuela Kirkpatrick entre tardivement, en 1847, au service de la Reine en tant que Dama de la Reina (es). Mais ses qualités de sympathie lui valent rapidement les faveurs d'Isabelle II, qui la nomme Camarera mayor de Palacio, le poste le plus élevé pour une femme à la cour[3],[12].
C'est la fonction qu'elle occupe en février 1848 lorsque est célébré le mariage de sa fille María Francisca de Sales Portocarrero avec le duc d'Albe.
Cependant elle demande peu de temps après à quitter la cour, après seulement un an de service, en raison de son inimitié envers le marquis de Miraflores, président du Sénat et gouverneur du palais[3]. La reine lui accorde alors un privilège rare : à partir de ce moment et jusqu'à la fin du règne de la souveraine, la comtesse douairière de Montijo conserve les « honneurs et considérations de Camarera Mayor » dans la maison royale[13].
Mariage imperial
À la suite de son départ du palais, la comtesse de Montijo retourne s'installer à Paris en compagnie de sa fille Eugénie. Ce nouveau séjour dans la capitale française dure cinq ans. Le 30 janvier 1853, Eugénie épouse le désormais empereur Napoléon III dans la cathédrale Notre-Dame, lors d'une cérémonie qui fait revivre les fastes de l'Ancien Régime[14].
Dernières années
Après le mariage de sa fille cadette, Napoléon III fait comprendre à Mme de Montijo que sa personnalité n'est pas bienvenue à la cour[7] et la comtesse de Montijo retourne à Madrid, où elle vit pendant un quart de siècle dans une grande estime sociale. Elle tient des salons dans son palais d'Ariza et organise des réceptions et bals, notamment pour les anniversaires de Paca de Alba[10]. Cette période est assombrie, en 1860, par la mort prématurée de sa fille Paca de Alba, qui lui laisse trois jeunes petits-enfants auxquels elle consacre tous ses efforts[3].
Le 9 février 1876 meurt sa petite-fille María Luisa Eugenia, duchesse de Montoro, qui avait épousé le duc de Medinaceli en octobre 1875[10]. Le , c'est son petit-fils, le prince Louis Napoléon, fils unique d'Eugénie et héritier de la famille Bonaparte, qui meurt tragiquement en Afrique du Sud[3]. Elle se retire alors définitivement dans sa maison de campagne de Carabanchel, qu'elle ne quitte qu'en apprenant les malheurs qui se sont abattus sur Murcie, afin de réunir le conseil des dames d'honneur à Madrid pour envoyer des secours aux victimes de l'inondation[10].
Elle meurt dans sa maison de Carabanchel le 22 novembre 1879. Le journal La Época qui fait alors son portrait la définit comme « une femme d'une grande fermeté de caractère, d'une activité infatigable et d'une mémoire prodigieuse, dont elle se servait admirablement pour donner plus de charme à sa conversation toujours agréable. Elle parlait cinq langues, chantait et peignait avec talent. »[10]
Distinctions
- Pour les titres nobiliaires obtenus par son mariage, se référer à la page de son mari.
- Ordre de la Reine Marie-Louise (depuis le 3 février 1845)[12].
- Dame grande croix de l'Ordre impérial de Saint Charles (Deuxième Empire Mexicain).
Bibliographie
- Baguley, David. Napoleon III and his regime: an extravaganza (Baton Rouge: LSU, 2000, (ISBN 0807126241).
- Bierman, John. Napoleon III and his carnival empire (New York: St. Martin's, 1988, (ISBN 0-312-01827-4).
- Llanos et Torriglia. María Manuela Kirkpatrick, Condesa de Montijo: la gran dama (Madrid: Espasa Calpe, 1932, en des Vies espagnoles et hispanoamericanas du siècle XIX).
- (es) Cristina del Prado Higuera, « Los salones de la Condesa de Montijo: el prado con techo », Cuadernos de Investigación Histórica, no 37, , p. 227–256 (ISSN 2660-5880, DOI 10.51743/cih.95, lire en ligne, consulté le ).
Notes et références
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « María Manuela Kirkpatrick » (voir la liste des auteurs).
- « Les Kirkpatrick, p. 490 », sur Revue britannique, p. 475-490, t. XV, dir. Amédée Pichot, à Paris, 1853
- « Les Kirkpatrick, p. 542 (corrigeant la p. 482) », sur Les Ecossais en France, les Français en Ecosse, 2e vol., par Francisque Michel, chez Albert Franck et Albert-Louis Hérold, à Paris, 1862
- (es) María del Pilar Queralt del Hierro. «María Manuela Kirkpatrick de Closeburn y Grevigné», in Diccionario biográfico español (Real Academia de la Historia). Consulté le 30 novembre 2009.
- (es) María Luisa Herce Mora, « Cipriano Palafox y Portocarrero », in Diccionario biográfico español (Real Academia de la Historia), sur dbe.rah.es (consulté le )
- Ces deux filles sont les seules à avoir atteint l'âge adulte, mais elles ont eu au moins un frère nommé Paco (Francisco de Sales), qui est mort alors qu'il était enfant ou adolescent. Mentionné par la Malagapedia, s.v. «María Manuela Kirkpatrick». Consulté le 30 novembre 2019.
- Charlez Dantzig, Lettres de Prosper Mérimée à Madame de Montijo, Paris, Mercure de France, , 600 p. (ISBN 2-7152-1823-0), « Le malheur d'avoir des amis », p. 12
- « Comtesse Maria-Manuela de MONTIJO », sur www.merimee.culture.fr (sur WaybackMachine), (consulté le )
- Chaude Schopp, Lettres de Prosper Mérimée à madame de Montijo, Paris, Mercure de France, , 600 p. (ISBN 2-7152-1823-0), « Introduction », p. 26
- Ces rumeurs trouvent même un écho dans le Diccionario biográfico español, publié par la Real Academia de la Historia : non pas dans l'entrée consacrée à Maria Manuela Kirkpatrickmais dans celle consacrée à son mari sous le nom erroné de Cipriano Palafox y Portocarrero», écrite par María Luisa Herce Mora. Consulté le 30 novembre 2019.
- (es) Cristina del Prado Higuera, « Los salones de la condesa de Montijo: el prado con techo », Cuadernos de Investigación Histórica, no 37, , p. 227–256 (ISSN 2660-5880, DOI 10.51743/cih.95, lire en ligne, consulté le )
- (es)José Montero Alonso. Ventura de la Vega: su vida y su tiempo (Madrid: Editora Nacional, 1951).
- (es)Guía de forasteros en Madrid para el año de 1848 (Madrid, 1848), pp. 93 y 336.
- (es)Guía de forasteros para el año de 1868 (Madrid, 1868), p. 912.
- Jaime de Salazar y Acha. «Eugenia María Guzmán y Portocarrero», en el Diccionario biográfico español (Real Academia de la Historia). Consultada el 3 de diciembre de 2019.
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