Merce Cunningham

Mercier Cunningham, dit Merce Cunningham, né le à Centralia dans l'État de Washington aux États-Unis et mort le à New York, est un danseur et chorégraphe américain. Son œuvre a contribué au renouvellement de la pensée de la danse dans le monde. Il est considéré comme le chorégraphe qui a réalisé la transition conceptuelle entre danse moderne et danse contemporaine[1],[2],[3], notamment en découplant la danse de la musique, et en intégrant une part de hasard dans le déroulement de ses chorégraphies.

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Merce Cunningham
Cunningham dans les années 1960
Nom de naissance Mercier Philip Cunningham
Naissance
Centralia, État de Washington
États-Unis
Décès (90 ans)
New York
États-Unis
Activité principale Chorégraphe, danseur
Style Danse contemporaine
Lieux d'activité New York
Années d'activité 1939-2009
Collaborations John Cage, Robert Rauschenberg, Jasper Johns
Formation Cornish College of the Arts (en)
Enseignement Martha Graham
Conjoint John Cage
Récompenses American Dance Festival Award 1982
Prix Nijinski 2002
Praemium Imperiale 2005
Laurence Olivier Awards
Distinctions honorifiques National Medal of Arts
Officier de la Légion d'honneur
Site internet www.merce.org

Biographie

Mercier Philip Cunningham, dit Merce Cunningham, fait partie d'un courant artistique, l'art moderne, qui a affecté le monde des arts plastiques, de la musique et dans une moindre mesure celui de la danse.

Merce Cunningham commence sa carrière de danseur chez Martha Graham, l'une des grandes figures de ce qui s’appelait alors la « modern dance ». C’est donc dans ce contexte que Cunningham, poussé par son compagnon le compositeur John Cage, va composer ses premières pièces. Il quitte la compagnie de Graham en 1945 et crée ses premiers solos. En 1953, il fonde sa compagnie, la Merce Cunningham Dance Company (MVDC) au Black Mountain College. En 2002, Merce Cunningham reçoit à Monaco, pour l'ensemble de sa carrière, le Prix Nijinski remis par Robert Rauschenberg.

Utilisation du hasard

Cunningham en 1972

En 1951, sa pièce 16 danses pour soliste et compagnie de trois va marquer le premier pas dans une autre direction que celle du retour au moi profond. Cunningham utilise le hasard (ou aléatoire) pour composer cette danse : il jette des pièces pour déterminer l’ordre des sections de la danse. L’utilisation du hasard lui permet de prendre des décisions esthétiques de manière objective et impersonnelle. On peut dire que ce moyen d’arriver à la création, non par intuition, instinct ou goût personnel, a été une sorte de point de non-retour dans la conception chorégraphique de Cunningham.

Cette idée d’utiliser les procédés de hasard pour composer a été d’abord mise en œuvre par le compositeur John Cage, compagnon de Cunningham pendant plus de cinquante ans jusqu’à son décès en 1992[4]. Le cercle d’artistes gravitant autour de Cage et Cunningham se composait entre autres de plasticiens comme Robert Rauschenberg et Jasper Johns, de compositeurs comme Earle Brown, Morton Feldman, David Tudor, pour ne citer qu’eux. Tous ces artistes étaient des gens profondément ancrés dans leur temps. On pourrait dire que ce sont des artistes « urbains » qui ne tournent pas le dos aux impressions sonores et visuelles émanant de la vie citadine, ni aux innovations technologiques de leur temps.

Ainsi, comme dans la vie, dans les chorégraphies de Cunningham coexistent la danse, la musique, l’œuvre plastique, qui, travaillées chacune de leur côté, sont superposées le jour du spectacle en une rencontre artistique ouverte. Cunningham veut qu'aucune forme ne prédomine sur l'autre en scène, mais qu'elles forment un tout[5].

Pourquoi cette utilisation du hasard dans ces œuvres ? C’est un moyen de se surprendre soi-même, d’aller au-delà de son propre ego, de sortir de ses habitudes.

Le but de la danse de Cunningham est de donner à voir le mouvement et son organisation dans l’espace et dans le temps. Il n’y a pas de sens caché dans les chorégraphies de Cunningham et c’est à chacun de trouver son chemin dans son œuvre. Le spectateur est appelé à être actif, puisqu’il n’y a pas de sens qui lui soit donné, il est libre de voir ou d’entendre ce qu’il veut, selon son propre désir. On pourrait dire que la danse de Cunningham serait une danse de l’intelligence par opposition à la danse de l’émotion de la modern dance. C’est une danse pudique qui tient l’émotion à distance. Libre à chacun d’éprouver du plaisir à ces jeux de collage que sont les chorégraphies de Cunningham et de son équipe.

En dehors du hasard, c’est le traitement du temps qui est spécifique chez Cunningham. Ce n’est plus le temps de la musique que l’on suit, mesure à mesure, mais c’est le temps du chronomètre. Les séquences de danse ont telle ou telle durée. Chaque cellule a sa propre musicalité dans ses rapports des mouvements entre eux et avec ceux des autres. La musicalité est interne au mouvement et à celui qui le danse, elle n’est pas imposée de l’extérieur.

Le rapport à l’espace est très spécifique également. Ce n’est plus celui de la perspective. Chaque danseur est son propre centre. L’espace se fait et se défait, se tisse sous les yeux des spectateurs, libre à eux de choisir ce qui les intéresse plutôt que de fixer le danseur étoile au centre de la scène.

Du point de vue de la technique du mouvement, Cunningham utilise les mouvements des jambes qui sont proches du classique dans leur forme, mais l’intention et l’énergie qui les animent se situent dans un autre registre, d’autant que s’y ajoutent des mouvements de dos choisis de manière aléatoire et qui l’utilisent dans toutes ses directions possibles : en avant, en arrière, sur les côtés, sur les diagonales avant et arrière…

Ainsi, danser chez Merce Cunningham demande une grande disponibilité mentale, une maîtrise de son corps non rigide, il faut avoir l’esprit toujours vigilant pour danser cette danse. C’est d’ailleurs en cela qu’il serait difficile de dire que la danse de Cunningham est abstraite, car c’est bien le corps qui est utilisé très loin dans ses possibilités, y compris dans ses rapports à l’intelligence.

Cunningham a été l’un des premiers chorégraphes à s’approprier l’usage de la caméra pour filmer la danse, non comme un témoin de travail, mais comme un objet visuel en soi.

Contribution à la réalisation d'un logiciel d’écriture du mouvement

En 1989, Merce Cunningham collabore avec des chercheurs en informatique de l'Université Simon Fraser aux États-Unis pour la création d'un logiciel, nommé « Life Forms », permettant d'écrire des mouvements chorégraphiques. Ce logiciel possède trois rôles. Le premier est de pouvoir enregistrer des exercices ou des enchaînements à partir de cellules chorégraphiques informatisées se substituant aux notations choréologiques. Le deuxième est de générer à partir de ces données une chorégraphie originale et aléatoire, ce qui constitue la base du travail historique de Cunningham. Enfin le troisième est de créer des images à partir de capteurs de mouvements posés sur les danseurs et traités par l'informatique.

Pour Merce Cunningham, ce logiciel est la rencontre entre la logique binaire des sciences informatiques, les théories scientifiques développées par la physique contemporaine et les théories développées par la pensée philosophique du Yi King[réf. nécessaire]. Le spectacle emblématique de l'utilisation de ce logiciel dans la démarche de création est Biped, créé en 1999.

Théorie

C'est avec Merce Cunningham que commencent à se poser les problèmes de la danse moderne. Il n'y a plus de fil conducteur, plus forcément d'histoire. Vite rejoint par John Cage, il va creuser le mouvement et bouleverser les codes de la scène : tous les points de l'espace ont la même valeur, pourquoi ce rapport binaire entre la danse et la musique, chaque danseur est un soliste, il n'y a plus un chœur et un seul soliste… Il est à la charnière entre la danse moderne et postmoderne et n'entre dans aucune des deux catégories. Son travail sera utilisé dans la danse postmoderne pour le mettre en branle ou pour le continuer, avec l'idée que tout mouvement a une valeur égale. Merce Cunningham essaye de se défaire des coordinations du corps et tire au hasard des éléments du corps et des directions. Il expérimente alors des mouvements inconnus. On est en 1948 avec Untitled Solo. C'est une danse assez verticale qui décompose le mouvement sur l'axe fort de la colonne. C'est plus de l'ordre de la figure que de l'énergie circulante dans le corps. L'intérêt créatif réside dans le chemin qui mène d'une figure à l'autre. Ce travail sur l'aléatoire le conduit à faire appel à des informaticiens et à créer Lifeform, un logiciel qui crée et modélise sous la forme d'un petit personnage virtuel, des mouvements aléatoires, dans un ordre aléatoire. Le problème de la chute suivie du saut résume bien la difficulté de la mise en œuvre, et même ces erreurs sont acceptées. De la même façon, il fait travailler séparément son équipe sur la musique, sur les costumes et l'éventuel décor lumineux, et réunit l'ensemble le jour de la représentation. Ainsi il casse l'association danse-musique et travaille sur les durées. Avec Biped en 1999, il met en scène pour la première fois le logiciel Lifeform.

Impact dans le monde de la danse contemporaine

Un grand nombre de danseurs passés par le studio Cunningham ont formé leur propre compagnie de danse, notamment Paul Taylor, Trisha Brown, Lucinda Childs, Steve Paxton, Karole Armitage, Dominique Bagouet, Angelin Preljocaj, Jean-Claude Gallotta, Philippe Decouflé, Flo Ankah, Foofwa d'Imobilité, Ann Papoulis, Kimberly Bartosik, et Jonah Bokaer.

Principales chorégraphies

Distinctions

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • John Cage, « Merce Cunningham » in Silence : Discours et écrits (trad. de l'américain par Monique Fong), Denoël, Paris, 1970, 179 p.
  • Merce Cunningham, Le danseur et la danse. Entretiens avec Jacqueline Lesschaeve (trad. de l'américain et annot. par Jacqueline Lesschaeve), Belfond, Paris, 1988, 245 p. (ISBN 2-7144-1914-3)
  • Raphaël de Gubernatis, Cunningham, Éditions Bernard Coutaz, Arles, 1990, 204 p. (ISBN 2-87712-005-8)
  • Lorrina Niclas, La Danse, naissance d'un mouvement de pensée ou le Complexe de Cunningham, Biennale nationale de danse du Val-de-Marne, Armand Colin, Paris, 1989, 263 p. (ISBN 2-200-37162-4)
  • David Vaughan, Merce Cunningham : un demi-siècle de danse (chronique et commentaires de David Vaughan, sous la direction de Melissa Harris, traduit de l'anglais par Denise Luccioni), éd. Plume, Paris, 1997, 315 p. (ISBN 2-84110-063-4)
  • (en) David Vaughan, Merce Cunningham : creative elements, Harwood Academic Publishers, Amsterdam, 1997, 109 p. (ISBN 3-7186-5834-8)
  • (en)(it) Germano Celant (dir.), Merce Cunningham, Edizioni Charta, Milano, 2000, 317 p. (ISBN 88-8158-258-9) (catalogue de l'exposition présentée à Barcelone, Porto, Vienne et Turin en 1999 et 2000)
  • (en) Roger Copeland, Merce Cunningham: The modernising of modern dance, Routledge, New York, Londres, 2004, 304 p. (ISBN 0-415-96575-6)
  • (en) Carolyn Brown, Chance and Circumstance: Twenty Years with Cage and Cunningham, Knopf Doubleday Publishing Group, 2009
  • Merce Cunningham, Chorégraphier pour la caméra. Conversation avec Annie Suquet et Jean Pomarès, L'Œil d'or, Paris, 2013, 80 p. (ISBN 978-2-913661-60-8)

Filmographie

  • (en) Changing steps, réalisé par Elliot Caplan et Merce Cunningham, musique de John Cage, Cunningham Dance Foundation, New York, 1989, 35 min (VHS)
  • (en) Three films by Merce Cunningham, réalisé par Elliot Caplan et Merce Cunningham, avec la collaboration de John Cage et Pat Richter (musique), et la voix de Robert Redford, Éditions à voir, 2003 (DVD)
  • (en) Merce Cunningham dance company, réalisé par Charles Atlas, MK2 éd., Paris, 2006, 98 min (DVD)
  • Merce Cunningham : une vie de danse, réalisé par Charles Atlas, CNDP, Paris, 2001, 90 min (VHS)
  • Merce Cunningham vu par…, réalisé par Jean-Michel Plouchard, France, 2009, 55 min
  • (en) Cunningham, réalisé par Alla Kovgan Allemagne, France, États-Unis, 2019, 92 min
  • « « Cunningham », un documentaire dansé sur un chorégraphe d’exception », sur KOMITID, (consulté le )

Liens externes

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