Renaturation

Le mot renaturation ou renaturalisation est associé à celui de réparation. Il désigne notamment les processus par lesquels les espèces vivantes recolonisent spontanément un milieu ayant subi des perturbations écologiques. Il désigne aussi les opérations d'aménagements et de gestion restauratoire puis conservatoire consistant à restaurer le « bon » état écologique et paysager de sites que l'on estime dégradés par les activités humaines, les événements naturels (glissements de terrains, inondations) ou par l'absence de certains animaux (grands ou petits herbivores, fouisseurs, etc.).

Ce néologisme évoque son équivalent allemand de Renaturierung. Les Anglais parlent aussi de mitigation.Le terme faisait partie du vocabulaire des biochimistes ; il fut repris par l'AFNAV association française de renaturation courant des années 2000, étendu pour être introduit et répandu dans le vocabulaire courant.

Renaturation des pistes de l'aéroport désaffecté de Francfort-Bonames. Elles ont simplement été disloquées pour permettre aux graines et racines d'espèces pionnières et facilitatrices de croître.
Début des travaux de renaturation (2006/2007) de la Weschnitz à Einhausen (Allemagne), en 2007

La renaturation est une des bases de la restauration écologique, complément essentiel à la conservation[1].

Typologie selon les contextes et enjeux

Selon les cas une opération de renaturation s'appuie sur :

  • une éventuelle dépollution ou décontamination préalable des sites concernés,
  • une éventuelle destruction d'éléments artificiels (bâtiments, infrastructures bétonnées, chenaux et endiguements, gravières[2], etc) et/ou
  • la reconstitution d'une végétation et d'une hydrographie plus « naturelles » (par exemple se rapprochant de la « végétation naturelle potentielle » ou visant à renaturaliser des cours d'eau urbains fortement artificialisés (à Québec par exemple avec la rivière Saint-Charles[3] ou à Lyon par exemple avec le « projet du ruisseau des Planches »[4],[5]).
  • la restauration des conditions d'une meilleure résilience écologique, notamment en reconnectant le site à son environnement naturel quand cela est possible, via par exemple les corridors biologiques d'une trame verte, et en favorisant les cycles de colonisation par des espèces pionnières, secondaires, etc. et en tenant compte de besoins et capacités de dispersion[6] des espèces (végétales, animales, fongiques...).
  • la réintroduction ou l'utilisation d'une espèce ingénieur et/ou facilitatrice (le castor par exemple pour restaurer des zones humides au profit des plantes, insectes ou poissons qui y vivaient ou qui y sont inféodées tout ou partie de leur vie (amphibiens, salmonidés[7]...)).


Exemples d'application

  • De très nombreux projets de reforestation ont été mis en œuvre dans le monde, notamment pour lutter contre l'érosion et la désertification des sols. Le japonais Akira Miyawaki a développé des méthodes originales de reforestation, fondées en grande partie sur la naturalité. Selon la FAO (2010), les forêts plantées ne représentent que jusqu’à 7 pour cent de la superficie forestière mondiale, mais fournissent plus de 40 pour cent de l'approvisionnement en bois[8]. En forêt méditerranéenne, la réintroduction de feuillus sous couvert de pinède à pins d'Alep permet de rétablir une forêt mixte, plus résiliente aux aléas (températures extrêmes, attaques de rongeurs, maladies, incendies...)[9].
  • En France, le Rhône a fait l'objet d'une renaturation dans le cadre du programme Plan Rhône lancé en 1998. D’une ampleur exceptionnelle à l’échelle internationale, ce programme a été couplé de 1998 à 2015 à un suivi scientifique piloté par Irstea en partenariat avec l'université de Lyon et de l'université Genève, et nommé RhônEco[10]. En 2015 ce sont près du quart de la longueur du fleuve (120 km) et 38 lônes, annexes fluviales plus ou moins connectées au chenal, qui ont été restaurés. Les effets sur la biodiversité aquatique ont été très positifs. Ainsi par exemple, le suivi écologique de la restauration des lônes, a permis de constater que « la proportion de poissons dits d'eau courante a doublé, voire triplé (notamment l'ablette, le barbeau, la vandoise et le hotu). De même, l'aire de répartition des espèces d'invertébrés aquatiques du Rhône inféodées au courant s'est accrue. Enfin, une plus grande diversité de ces communautés a été observée à l'échelle de la plaine alluviale »[11].
  • En Allemagne, des bords de rivière ou de fleuve (ex : Le Rhin) autrefois artificialisés ou canalisés ont ainsi été reconstitués par destruction des berges artificielles ou enrochements, et reconstitution des courbures et végétalisation naturelles. Les anciens sites d'extraction à ciel ouvert du lignite en Lusace (Saxe) et en Thuringe ont également fait l'objet d'une politique de reconstitution du paysage et des écosystèmes détruits par l'industrie minière. Sur le même principe, les emprises bétonnées de l'aéroport de Francfort-Bonames, désaffecté depuis 1985, ont été rouvertes à la végétation et à une utilisation ludique.
  • Le projet le plus ambitieux est le « défi de Bonn [12]». Son objectif mondial est la restauration de 150 millions d'hectares de forêts ayant été déboisées ou dégradées d'ici 2020 (avec possibilité d'inclure le sylvopastoralisme et l'agroforesterie dans ces projets).
    Cette campagne a été lancée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le Ministère de l’environnement allemand, à Bonn en , à l'occasion d'une "table ronde ministérielle sur les forêts, les changements climatiques et la biodiversité", au nom du Partenariat mondial sur la restauration des paysages forestiers, et dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, de la Convention sur la diversité biologique, et de la déclaration sur la forêt[13]. Selon une évaluation cartographiée encore à affiner, « plus de 2 milliards d’hectares dans le monde offrent des opportunités de restauration forestière. La plupart se trouvent dans les zones tropicales et tempérées. Un milliard et demi d’hectares sont davantage adaptés à une restauration par mosaïques, et 500 autres millions à une restauration à grande échelle de forêts fermées » ; L. Laestadius & al. rappellent avec la FAO qu' « il ne s’agit pas d’un retour à une vision passée de l’utilisation des terres mais de s’assurer que les générations présentes et futures pourront bénéficier des principaux biens et services écosystémiques, et seront effectivement en mesure d’affronter les incertitudes liées aux changements climatiques, économiques et sociaux ».
    Ce projet pourra aussi s'appuyer sur les cartes d'évolution récentes des paysages forestiers intacts pour les conforter ou restaurer.
  • Dans le bassin de la Durance, en France, la revégétalisation des sols surpâturés, très sensibles à l'érosion sédimentaires permet de recréer des paysages verdoyants et de lutter contre les inondations. En effet, sans couverture végétale, les matériaux érodés comblent les retenues d'eau et les lits des rivières, entraînant d'importantes inondations[14].

Financements spécifiques

Ils proviennent souvent des mesures compensatoires demandées par les études d'impact. En France, à la suite du Grenelle de l'environnement (2007), un décret de établit un fonds d'investissement pour la biodiversité et la restauration écologique[15]. Les aides financières sont attribuées sur décision du ministre chargé de la protection de la nature, après avis d'un comité consultatif[16] composé de représentants de l'État et de ses établissements publics et de représentants issus du Comité national « trames verte et bleue », qui peut émettre des recommandations quant à l'utilisation du fonds et établir un bilan chaque année.

Indicateurs

Il est utile de pouvoir évaluer, mesurer et suivre le chemin à parcourir pour arriver, par la renaturation à un certain niveau de "naturalité" qu'on souhaite restaurer. Cet état "cible" peut être associé ou comparé à un indicateur de biodiversité potentielle (par exemple testé à Sevran sur le parc de la Poudrerie et le long des deux ILTe[17] : canal de l’Ourcq et voie ferrée (qui a fait l'objet d'un article paru dans Cybergeo [18].

Un autre indicateur dit RENATU est aussi (en 2018) en phase de construction et de test dans la Métropole du Grand Paris, dans le cadre du « projet RENATU »[19].

Dissensus

La renaturation vise parfois à limiter certains risques naturels (inondations, glissements de terrain, invasion marine...)[20] et/ou à se rapprocher du bon état écologique, qui peut faire l'objet d'interprétations différentes, voire conflictuelles (dans le degré de naturalité à retrouver par exemple), ou poser des problèmes de conflit d'intérêts entre utilisateurs du milieu et/ou de ses ressources[21]. En renaturant des milieux pollués et présentant de nombreux risques pour la faune et les écosystèmes, le risque existe de créer des situations de piège écologique.

Notes et références

  1. Cristofoli S., Mahy G. ; 2010 ; « Restauration écologique : contexte, contraintes et indicateurs de suivi »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?). Biotechnol. Agron. Soc. Environ., 14 : 203-211
  2. VERAN, C. (2007). Espaces naturels (2) Renaturation douce d'anciennes gravières. Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, (5387), 50-51 (résumé)
  3. Brun, A. (2011). Politique de l'eau et aménagement urbain La «Renaturation» de la rivière Saint-Charles à Québec. Norois, (2), 89-107.
  4. Brun, A., & Casetou, É. Renaturer les rivières urbaines Le projet du ruisseau des Planches à Lyon.
  5. Brun, A., Coursière, S., & Casetou, É. (2014). Eau et urbanisme à Lyon: le projet de renaturation du Ruisseau des Planches. Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement. Territory in movement Journal of geography and planning, (22), 112-126.
  6. Woodland creation for wildlife, Chapitre d'un document anglais sur l'intérêt du reboisement et de la renaturation tenant compte du potentiel de dispersion des espèces
  7. OPB Beaver Assisted Restoration (« Renaturation assistée par castors ») « Copie archivée » (version du 12 février 2014 sur l'Internet Archive) OPB 2010-10-28 ; (Les castors ont longtemps été pourchassés par les agriculteurs à cause de leurs barrages et modification du paysage, Maintenant des biologistes tentent de mettre ces mêmes compétences sur des terres publiques au service des saumons) (2010), Documentaire court, produit par Ed Jahn
  8. FAO, 210, Évaluation des ressources forestières mondiales 2010, FAO: Forêts n° 163. Rome.
  9. Article vulgarisé présentant les résultats de recherches en ingénierie écologique.
  10. RhônEco - Le suivi scientifique de la restauration hydraulique et écologique du Rhône - Évaluer et comprendre pour mieux agir, (lire en ligne)
  11. http://www.irstea.fr/nos-editions/dossiers/ingenierie-ecologique/biodiversite
  12. http://www.bonnchallenge.org/content/challenge
  13. L. Laestadius, S. Maginnis, S. Minnemeyer, P. Potapov, C. Saint-Laurent et N. Sizer, Carte des opportunités de restauration du paysage forestier, Revue Unasylva, n° 238 ; Vol62, FAO (voir notamment encart page 2)
  14. Se protéger grâce à la nature : article vulgarisé sur les recherches en ingénierie écologique
  15. Décret n° 2012-228 du 16 février 2012 relatif au fonds d'investissement pour la biodiversité et la restauration écologique ; JORF n°0042 du 18 février 2012 page 2828 ; texte n° 9
  16. commissions administratives à caractère consultatif, soumise au décret n° 2006-672 du 8 juin 2006
  17. ILTe : « Infrastructures Linéaires de transport et leurs emprises »
  18. Hypergeo Encyclopedie en lignehttp://www.hypergeo.eu/spip.php?article641 ; voir aussi . Cybergeo (2017) European Journal of Geography, online, Environnement, Nature, Landscape, document 803, URL : http://cybergeo.revues.org/27895
  19. FIche du projet RENATU et résumé du rapport final
  20. Bawedin V (2014) Les politiques de retour programmé de la mer : renaturation ou gestion des risques ?. Dynamiques environnementales, 2012(30), 105-115.
  21. Germaine, M. A., & Barraud, R. (2011, September). L'analyse des conflits liés aux opérations de restauration écologique dans les petites vallées de l'ouest de la France Contribution à la compréhension de la mise en patrimoine de la nature. In Patrimonialiser la nature.

Voir aussi

Bibliographie

Colloques

  • colloque : gérer la nature ? ; Tome 1 : séances plénières ; DGRNE ; Ministère de la Région wallonne ; direction générale des ressources naturelles et de l'environnement ; conservation de la nature, Namur, Conservation de la nature, 1990.- 344 P., T.1. 3,0-30 - Tome 2 : ateliers  ; DGRNE ; Ministère de la Région wallonne ; direction générale des ressources naturelles et de l'environnement ; conservation de la nature Namur, Conservation de la nature, 1990.- 828 P., T.2. 3,0-31
  • Colloque : Le concept de Naturalité : quelles place dans la gestion des espaces naturels ?, vendredi , Université des Sciences et Techniques du Languedoc - Amphithéâtre Dumontet, Montpellier (Programme et informations)
  • Guide des espaces naturels sensibles, Ministère de l'environnement ; Caisse des dépôts et consignations ; Ideal ; Fondation de France, Ideal (Paris, Kremlin-bicêtre), 1992. 147 p

Livres/Documents, études

Articles connexes

Liens externes

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