Meurtres de la gare de Perpignan
L'affaire des meurtres de la gare de Perpignan concerne un ensemble de meurtres commis tous dans une même période et de la même façon en France près de la gare de Perpignan. Entre 1995 et 2001, une jeune fille disparaît, et trois sont retrouvées mortes, dans des conditions similaires, ce qui fait croire aux agissements d'un tueur en série avant que la police ne s'oriente vers la piste de tueurs séparés. À ce jour, les trois meurtres sont élucidés et impliquent deux meurtriers différents.
Historique
Quatre jeunes filles au physique similaire disparaissent dans le quartier de la gare à Perpignan, vraisemblablement abordées ou emmenées de force par un automobiliste dans les rues Courteline et Henri Ribère, probablement au niveau du café Figuères, situé à environ 600 mètres au sud de la gare, à l'angle de la rue Henri Ribère et de l'avenue Julien Panchot (42° 41′ 30″ N, 2° 52′ 57″ E) :
- Tatiana Andújar (17 ans), le [1] ;
- Mokhtaria Chaïb (19 ans), le [1] ;
- Marie-Hélène Gonzalez (22 ans), le [1] ;
- Fatima Idrahou (23 ans), le [2].
Mis à part Tatiana Andújar, dont le corps ne fut jamais retrouvé, les trois autres victimes furent découvertes mortes et dénudées. Les organes génitaux de Mokhtaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez avaient été mutilés (en outre, la tête et les mains de la seconde avaient été sectionnées et ne furent retrouvées dans des sacs-poubelles que six mois plus tard). Les effets personnels de toutes les victimes sont restés introuvables.
Premier meurtre élucidé : Fatima Idrahou
À la suite de la quatrième disparition (celle de Fatima Idrahou) en février 2001, la ville de Perpignan est sous le feu des médias qui spéculent sur la présence d'un tueur en série. Grâce aux indications d'un témoin qui avait noté le type, la couleur du véhicule dans lequel Fatima avait été emmenée de force[2] et une partie de l'immatriculation, Marc Delpech, un tenancier de bar perpignanais, marié et père d’un enfant, est interpellé chez ses beaux-parents en Meurthe-et-Moselle le , soit quatorze jours après le crime[2]. Lors de sa garde à vue, il finit par avouer le meurtre de Fatima Idrahou, qu’il connaissait pour avoir fréquenté le magasin Darty où la victime était caissière, et explique son geste par le fait que cette dernière n'avait pas cédé à ses avances[2]. Alors qu'il avait affirmé aux enquêteurs avoir fait disparaître le corps au cap Béar, à Port-Vendres, on retrouve finalement le cadavre dénudé d'Idrahou sur les bords de l’Étang de Canet, à cinq cents mètres du domicile du tueur présumé[3],[4].
Le , Delpech est condamné à trente ans de réclusion criminelle dont vingt ans de peine de sûreté, par la cour d'assises des Pyrénées-Orientales pour l'enlèvement, le viol et le meurtre de Fatima Idrahou, peine confirmée au procès en appel le .
Même si des soupçons pèsent sur lui (on a découvert à son domicile des coupures de presse relatant les quatre meurtres, ainsi que la troublante ébauche d’un roman policier intitulé Tatiana, retrouvée sur son ordinateur et contenant très précisément les circonstances de l’enlèvement de Tatiana Andújar), il n'est pas poursuivi pour les trois précédentes disparitions[5].
Autres meurtres élucidés
À la mi-octobre 2014, l'ADN de l'agresseur de Mokhtaria Chaïb a été identifié comme étant celui de Jacques Rançon, cinquante-quatre ans, père de quatre enfants (issus de deux liaisons différentes), habitant à Perpignan depuis 1997, année même du meurtre de Mokhtaria[6],[7],[8].
Ce cariste-magasinier originaire de Hailles, dans la Somme, déjà fiché et plusieurs fois condamné pour agressions sexuelles et violences dont huit ans ferme par une cour d'assises de Picardie pour le viol d'une femme, est placé en garde à vue le et avoue deux jours plus tard le viol et le meurtre de Mokhtaria Chaïb[6],[9],[10]. Mis en examen et écroué pour « viol avec arme en récidive et assassinat », le tueur présumé, qui venait d'être libéré d'une condamnation à un an de prison pour menace de mort à l'encontre de la mère de ses deux derniers enfants[6], est mis hors de cause dans la disparition de Tatiana Andújar, car il était incarcéré en Picardie au moment des faits, même si l'on ignore s'il avait alors bénéficié d'une permission de sortie[9],[10].
Il reste cependant suspect dans la mort de Marie-Hélène Gonzalez[9],[10],[11]. La police avait décelé deux autres traces ADN sur les lieux où le corps a été retrouvé[11].
Le , confondu grâce aux progrès de la génétique, Jacques Rançon avoue tout d'abord une tentative d'assassinat datant de sur une jeune fille âgée de dix-neuf ans à l'époque, une tentative de meurtre désormais prescrite. La victime s'était manifestée dès , ayant reconnu le visage du suspect sur des photos parues dans la presse[12]. Puis le , il avoue spontanément le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez[13],[14].
Le , après trois semaines de procès[15], la cour d'assises des Pyrénées-Orientales condamne Jacques Rançon à la peine maximale, la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans[16].
En , Jacques Rançon avoue lors de sa garde à vue avoir enlevé, frappé, violé et étranglé, en Isabelle Mesnage, 20 ans, informaticienne au CHU d'Amiens, alors qu'elle faisait du stop. Le corps d'Isabelle Mesnage avait été découvert le aux abords d'un chemin de randonnée à Cachy, ses vêtements en partie déchirés et des objets lui appartenant disséminés près d'elle. Rançon est mis en examen pour assassinat et viol[17],[18],[19].
Autres éléments d'enquête
Seule la disparition de Tatiana Andújar reste à ce jour non élucidée.
Pistes étudiées
En 2003, l'Office central pour la répression des violences aux personnes entame un travail de rapprochement des données de plusieurs affaires criminelles, assistés par un nouveau logiciel d'analyse criminelle, « SALVAC ». Les éléments d'enquête concernant ces quatre jeunes filles sont comparés avec ceux de l'affaire Benitez, qui concerne la disparition de deux autres femmes à Perpignan. Aucun lien probant ne peut être établi car d'une part, le suspect de l'affaire Benitez n'était pas domicilié à Perpignan au moment des faits et d'autre part, le profil du légionnaire et celui du meurtrier de la gare de Perpignan ne présentent pas des similitudes évidentes[20].
À la suite de la diffusion de plusieurs reportages télévisés, plusieurs appels à témoins ont été lancés dans les médias, avec un numéro vert permanent, notamment en janvier 2012[21].
En avril 2013, le juge chargé de l'affaire diligente de nouvelles analyses ADN avec une technique récente, applicable sur des pièces à conviction pauvres en cellules[22]. Le , des empreintes génétiques sont mises en évidence sur plusieurs des objets saisis à l'endroit où Marie-Hélène Gonzalez avait été retrouvée morte à Perpignan le . Elles ne correspondent pas à celles d'Andrés Palomino Barrios[23] longtemps suspecté du meurtre de la jeune fille[24].
Autres suspects
Il est à relever que, durant l'enquête, deux autres personnes furent également suspectées.
Andrés Avelino Palomino Barrios
À la suite de la disparition de Mokhtaria Chaïb, un suspect de nationalité péruvienne, Andrés Avelino Palomino Barrios[23], dont le diplôme de chirurgie apparaît douteux, est interpellé : c'est notamment un habitué du café Figuères.
De nombreux faits sont en sa défaveur (ses connaissances en anatomie, des vols de matériels médicaux effectués dans les hôpitaux où il travaillait, ainsi que des condamnations pour escroqueries). Lorsqu'on retrouve le corps de Mokhtaria Chaïb, il devient le suspect principal, car l'un de ses cheveux est retrouvé près de la scène de crime, sur un passe-montagne abandonné. Il est pourtant relâché faute de preuves, son ADN n'ayant pas été retrouvé sur les lieux du crime[24], mais également parce que c'est durant sa détention provisoire que Marie-Hélène Gonzalez a été assassinée.
Cependant il sera interpellé en 2009 en Espagne à Adra, pratiquant toujours la médecine sans diplôme avéré.
Le , Andrés Palomino Barrios est retrouvé mort étranglé à son domicile à Valence (Espagne), alors qu'il devait passer en jugement dans ce pays pour exercice illégal de la médecine[25],[26],[27].
Esteban Reig
Des soupçons se portent également depuis 2010 sur un ressortissant espagnol, Esteban Reig, tueur psychopathe qui s’est pendu en 2002, à l’âge de 47 ans, alors qu'il se trouvait en détention dans la prison de Villefranche-sur-Saône.
Adonné aux drogues dures, cet homme marié et père de quatre enfants était un individu extrêmement violent. Toujours armé d’un couteau, il menaçait régulièrement son épouse ainsi que plusieurs autres personnes de les « découper en morceaux ».
Il fut condamné par les assises du Rhône pour le meurtre de son colocataire, Jean-Marie Guest, commis alors qu’il vivait à Lyon : après avoir poignardé la victime à la suite d’une dispute, il avait soigneusement découpé le cadavre, qu’il avait placé dans des sacs en plastique.
Faits troublants : il vivait à Perpignan en 1997-1998, époque où les meurtres de Mokhtaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez ont été commis, et fréquentait le quartier de la gare, particulièrement le café Figuères.
Selon des confidences faites à ses compagnons de cellule, ainsi qu’à sa fille, il aurait reconnu avoir tué et dépecé deux femmes à Perpignan (dont l'une aurait été séquestrée), et précisé : « Je préfère les brunes, cheveux longs, assez typées, pas trop grandes, réservées. J'ai quand même eu tout type de femmes mais je préfère les filles du Sud » (détails correspondant aux signalements de toutes les victimes de Perpignan). Des expertises supplémentaires (tests ADN) furent diligentées en juin 2010 par le parquet[28],[29], les techniques d'analyse et de recherche des traces ADN ayant évolué.
Notes et références
- « Tatiana, 17 ans, Mokhtaria, 19 ans, Marie-Hélène, 22 ans, trois innocences volées (chronologie animée) », sur L'Indépendant, (consulté le )
- « Fatima Idrahou a sans doute été violée », sur Le Nouvel observateur, (consulté le )
- « Le meurtrier présumé de Fatima avait menti » Article de Marc Tamon du 15 mars 2001 publié dans La Dépêche du Midi
- « L'enquête rebondit après la découverte du corps de Fatima » Article de Marc Tamon publié le 15 mars 2001 dans Le Parisien
- « Perpignan dans l'ombre d'un tueur » Article de Dominique Rizet du 24 mars 2006 publié dans Le Figaro
- « Disparues de la gare de Perpignan : qui est Jacques Rançon ? », sur L'Indépendant, (consulté le )
- « Disparues de la gare de Perpignan : un suspect en garde à vue », sur Midi libre,
- « Disparues de la gare de Perpignan : un suspect en garde à vue » Article publié le 14 octobre 2014 dans Le Point
- « Disparues de Perpignan : le suspect avoue le meurtre de Mokhtaria Chaïb », sur Le Nouvel observateur, (consulté le )
- « Disparues de Perpignan : qui est Jacques R., mis en examen ? », sur L'Express, (consulté le )
- « Les disparues de Perpignan : qu’en est-il des deux autres victimes ? », sur France TV Info, (consulté le )
- « La victime oubliée de Perpignan », sur Le Parisien, (consulté le )
- Laure Moysset, « Jacques Rançon avoue le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez: "Une grande satisfaction" pour l'avocat des familles », sur L'Indépendant, (consulté le )
- « Disparues de Perpignan: Jacques Rançon avoue un deuxième meurtre », sur fr.news.yahoo.com, le 9 juin 2015 (consulté le 9 juin 2015)
- « Ouverture du procès hors-normes de Jacques Rançon à Perpignan », sur France 3 Régions
- « Perpétuité dont 22 ans incompressibles pour le «Tueur de la gare de Perpignan » », sur liberation.fr, .
- « Derrière le meurtre d’Isabelle, 20 ans, l’ombre du "tueur de Perpignan" » Article de Vincent Gautronneau, Jérémie Pham-Lê et Pascale Egré publié le 19 juin 2019 dans Le Parisien
- « Le "tueur de Perpignan" soupçonné d'un autre meurtre vieux de 33 ans » Article publié le 19 juin 2019 dans L'Express
- « Jacques Rançon, le "tueur de la gare", avoue un nouveau meurtre » Article publié le 20 juin 2019 dans Le Point
- « Les experts : Perpignan », Article de Patricia Tourancheau publié le 22 septembre 2013 dans Libération
- « Nouvelles investigations dans l'affaire des "disparues de la gare" » Article de Laure Moysset du 16 janvier 2012 publié dans Midi libre
- « Disparues de la gare de Perpignan : nouvel espoir avec l'ADN » Site "la-clau.net", 28 avril 2013
- Dans les pays hispaniques, ni les prénoms ni les noms de famille composés ne portent par défaut un trait d'union. Les noms de famille sont constitués du nom de famille du père puis du nom de famille de la mère. Dans le cas de ce suspect péruvien, le prénom est « Andrés Avelino » et le nom de famille « Palomino Barrios » (« Palomino » correspondant au nom du père et « Barrios » à celui de la mère).
- « Rebondissement dans l'affaire des "disparues de la gare de Perpignan" » Article du 2 octobre 2013 publié dans La Dépêche du Midi
- « Disparues de Perpignan : Mort mystérieuse du principal suspect » publié le 28 juin 2012 dans Direct Matin
- « Le suspect n° 1 des meurtres de la gare de Perpignan assassiné » Article publié le 27 juin 2012 dans Le Parisien
- « Disparues de Perpignan : Un ancien suspect retrouvé étranglé en Espagne » Article publié le 28 juin 2012 dans France-Soir
- Actualité criminologie Article sur Esteban Reig, site web "Au troisieme oeil.com"
- « Nouvelle piste pour les meurtres de la gare de Perpignan », Article de Christian Goutorbe publié le 9 juin 2010 dans La Dépêche du Midi
Voir aussi
Bibliographie
- Thibaut Solano, Les disparues: enquête, Paris, Les Arènes, 2016 (ISBN 978-2-35204-525-0)
Articles de presse
- « Puzzle sanglant à la gare de Perpignan. Une femme disparue, deux tuées et découpées, une enquête à reprendre à zéro » Article de Marc Pivois publié le dans Libération.
- « Sur la piste du serial killer » Article de Jérôme Dupuis publié le dans L'Express.
- « Sur la piste du "tueur de la gare" de Perpignan » Article de Jérôme Sage et Brendan Kemmet publié le dans France-Soir.
- « Disparitions : la "malédiction" de Perpignan » Article de Ugo Bocchi publié le dans La Dépêche du Midi.
- « Disparues de la gare de Perpignan : découverte d'ADN inconnus » Article publié le dans Le Parisien.
- « Disparues de la gare de Perpignan : le miracle scientifique n'a pas eu lieu » Article publié le dans La Dépêche du Midi.
- « Crimes de la gare de Perpignan : nouvel échec dans l’enquête » Article de Laure Moysset publié le dans Midi libre.
Documentaires télévisés
- « Les meurtres de la gare de Perpignan » en et décembre 2008 dans Faites entrer l'accusé présenté par Christophe Hondelatte sur France 2.
- « Les disparues de Perpignan » le dans Les faits Karl Zéro sur 13e rue
- « Les meurtres mystérieux de Perpignan » le dans Non élucidé sur France 2.
- « Les disparues de la gare » (troisième reportage) dans «... en Languedoc-Roussillon » le 4, 11 et et 15, 22 et dans Crimes sur NRJ 12.
- « Perpignan, le tueur aux deux visages », un documentaire de Sarah Oultaf, Guillaume Salasca, Christophe Barreyre et Florence Helleux, diffusé le dans 13h15, le dimanche sur France 2.
- « Jacques Rançon - La gare de Perpignan » en dans Faites entrer l'accusé présenté par Rachid M'Barki sur RMC Story.
- « Affaire Jacques Rançon, le tueur de la gare de Perpignan » le dans Au bout de l'enquête, la fin du crime parfait ? sur France 2.
Émissions de radio
- « Les disparues de Perpignan » dans Hondelatte raconte le sur Europe 1.
Article connexe
Liens externes
- Les meurtres de la gare de Perpignan sur pipiou.over-blog.com
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